Corpus Christi

Aperçu critique

Pasteur Vincent BRU

 

Par la présente, permettez-moi de vous faire part de quelques réflexions au sujet de la série d’émissions Corpus Christi diffusée récemment à la télévision. Vous dîtes avoir été choqués par certains propos tenus par l’un ou l’autre de ces " théologiens " sensés détenir " toute la vérité " concernant le Jésus de l’histoire. Et bien sachez que vous n’êtes pas les seuls, et c’est tant mieux !

Tout d’abord, on nous dit - on entend dire parfois - que l’émission Corpus Christi représente une approche enrichissante, voire même incontournable pour une juste compréhension de la Foi. On nous dit qu’il n’est plus possible de lire les Evangiles comme on le faisait autrefois, il n’y a pas même cent ans, et que par conséquent il faut désormais se mettre à l’écoute de ceux qui savent, ceux qui ont le savoir, la véritable connaissance des véritables paroles de Jésus, de ce qui s’est réellement passé, là bas, en Palestine, il y a deux milles ans. Cependant, de telles affirmations me paraissent hautement contestables d’un point de vue évangélique - ou " orthodoxe " - , dans la ligne du christianisme biblique et historique - " catholique ", dans le sens de " selon le tout " de la Parole de Dieu, en opposition avec l’hérésie qui opère un tri dans la Révélation divine, qui choisit arbitrairement tel aspect de la Doctrine chrétienne tout en occultant certains autres, pourtant non moins importants.

A cet égard, certains théologiens catholiques ont fait preuve de plus de lucidité que bon nombre d’entre nous. C’est ainsi que l’Association des Amis de l’Abbé Jean Carmignac a récemment adressé deux motions à Monseigneur Louis-Marie Billé, Président de l’assemblée des Evêques de France, ainsi qu’à Monsieur le Cardinal Jean-Marie Lustiger, Archevêque de Paris, à Monsieur le Cardinal Pierre Eyt, Archevêque de Bordeaux et Président de la Commission doctrinale de l’Episcopat apostolique à Paris, l’une concernant " Corpus christi ", l’autre la nouvelle édition de la Bible de Jérusalem. En voici le contenu : " L’Assemblée générale de l’AAC, réunie le 28 mars 1998 en l’abbaye Sainte-Marie ... demande avec insistance que nos évêques mettent en garde les fidèles contre les émissions de la série Corpus Christi qui seront rediffusées et poursuivies sur la chaîne Arte durant la Semaine Sainte, et dont la partialité antichrétienne est évidente. " - On aurait souhaité au moins autant de clarté dans les propos de nos autorités protestantes !

Il faut savoir de même que, contrairement à ce que l’on a pu entendre dans l’émission Corpus Christi, la méthode dite " historico-critique " qu’ont prônée et prônent encore aujourd’hui il est vrai bon nombre d’exégètes protestants - à commencer par Bultmann et ses disciples -, et - hélas !-, de plus en plus de théologiens catholiques - surtout depuis Vatican II -, fait loin de faire l’unanimité, et est même largement contestée dans bien des milieux. En effet, il apparaît qu’une telle méthode ne rend pas justice au caractère sacré et révélationnel de l’Ecriture Sainte, à son statut unique comme Parole inspirée de Dieu, revêtue d’une autorité canonique pour tous les temps, car procédant de Dieu même - doctrine de l’inspiration et de l’inerrance de la Bible. Les motifs de bases rationalistes et anthropocentriques, issus du criticisme cartésien et kantien, de la dite Méthode sont, de toute évidence, étrangers à la Foi chrétienne historique. Il ne faut pas s’étonner dès lors, avec de tels principes, d’aboutir à certaines conclusions hasardeuses de Corpus Christi, ô combien préjudiciables et en contradiction flagrante avec la vraie Foi : Et si Jésus n’était que le disciple mutin de Jean-Baptiste ? Et si Barabas et Jésus n’était qu’une seule et même personne ? Et si Jésus-Christ n’était pas réellement ressuscité ? Et si ... On croit rêver !

Et si ces " conclusions " n’étaient en réalité que des aveux d’incrédulité devant le Mystère de l’Incarnation dont dépend celui de la divinité du Christ, de sa mort et de sa résurrection ? Je crains fort que ce nouveau magistère de savants - eux seuls, à les en croire, étant à même d’avoir accès au Jésus de l’histoire, par delà les textes bibliques, " derrière la toile " ... - ne prenne bientôt la place, si ce n’est pas déjà fait, du Magistère de l’Eglise Catholique Romaine ! Pour ma part, je préfère suivre humblement le seul Magistère posé par Dieu, à savoir l’Ecriture Sainte, le fondement inébranlable de la Foi " transmise aux saints une fois pour toutes " (Judes 3), sans méconnaître pour autant les questions herméneutiques liés à l’interprétation de cette dernière.

J’aime assez la manière dont Charles Péguy, ce grand écrivain français, considérait déjà en son temps ceux qui ne voulaient plus entendre parler de la Foi de leurs Pères, et qu’il appelait les nouveaux théologiens. Je cite : " Vous n’entrez chez nous, Messieurs les nouveaux théologiens, que pour nous trahir. Vous n’entrez dans notre maison que pour nous vendre. Je dis que les vérités de foi que vous reniez, vous les reniez parce que vous en avez honte. Et les vérités de foi que vous gardez encore, vous en avez honte (...) Messieurs les nouveaux théologiens, vous voulez nous faire un christianisme honteux, une chrétienté honteuse, qui aurait honte de soi, honte de Dieu (...) L’Eglise est une, Messieurs les nouveaux théologiens, identique à soi, la même à soi-même, historiquement une, chronologiquement une, temporellement éternelle. La foi est une. Il faut que vous renonciez à cette idée qu’il y aurait eu un christianisme, une communion, une chrétienté, une foi, une Eglise d’imbéciles, et qu’ensuite, et qu’aujourd’hui, il n’y aurait plus qu’une chrétienté honteuse de gens extrêmement intelligents comme vous. Il faudra que Messieurs les nouveaux Théologiens se fassent à cette idée que nous sommes bêtes une fois pour toutes. Que nous sommes aussi bêtes que saint Jean Chrysostome. " Et je rajouterai : que nous sommes aussi bêtes que l’illustre apôtre Paul, lui qui n’a pas hésiter à affirmer : " Je n’ai pas honte de l’Evangile : c’est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit " !

A bon entendeur, salut !

 

Vincent BRU, pasteur