LA FAMILLE

Jean-Marc BERTHOUD

 

I. La famille dans la Bible et aujourd'hui1

Prologue

La prédication de la Parole de Dieu souffre aujourd'hui, dans bien des domaines, de l'abandon de la perspective biblique sur les institutions nécessaires à la vie des hommes en société. Nous parvenons tant bien que mal à restaurer dans notre pensée et dans l'enseignement donné dans nos Églises ce que la Bible nous dit sur le salut, sur Dieu, sur le culte, peut-être même sur la création, etc... Mais nous avons plus de peine à comprendre le fait que les enseignements bibliques sur la vie sociale, économique et politique des hommes sont autant imprégnés de la sagesse de Dieu que les doctrines de la justification, de la sanctification et de la régénération. Il nous faut cependant reconnaître que si la Bible est véritablement la Parole infaillible de Dieu, comme nous le croyons, ce que son Auteur y a écrit concernant l'économie, la politique et le droit n'en est pas moins normatif et n'a pas moins d'autorité que ce que nous y lisons sur les moyens de grâce, sur l'Église et sur la vie future. L'affirmation biblique suivante que toute l'Écriture est

(…) utile pour enseigner, pour convaincre, pour redresser, pour éduquer dans la justice.

2 Timothée 3 : l6

implique que nous devons nous pencher avec bien plus d'attention que nous ne l'avons fait par le passé sur ce que cette Écriture divinement inspirée nous dit sur de telles questions si longtemps négligées, afin de pouvoir bien comprendre quelle est toute la pensée de Dieu pour nous aujourd'hui.

Entrons sans autre dans le sujet qui nous occupe ici, celui de la famille. De nos jours, lorsque la pensée chrétienne se penche sur cette question, elle se cantonne en général aux seuls aspects, certes essentiels, de la vie morale, spirituelle et psychologique de l'institution familiale. Les aspects économiques, l'ordonnance politique et juridique de la famille, sa constitution interne, son rôle capital dans la société ne viennent guère en ligne de compte. Moins encore sera-t-il question des implications de son bon fonctionnement, du respect par ses membres des enseignements divins relatifs à l'institution centrale de la vie humaine, pour l'ordre du cosmos lui-même. Tous ces aspects de l'enseignement biblique sur la famille ne sont que rarement traités par la prédication d'aujourd'hui. Pourtant la Bible nous parle de toutes ces questions et, comme nous le verrons plus loin, elle nous en parle avec abondance d'une manière remarquablement précise. Mais l'Église n'a pas toujours connu un pareil appauvrissement de la prédication chrétienne sur la famille2.

En examinant le caractère fondamental complexe de l'institution familiale telle que la Bible la décrit, nous verrons à quel point la famille d'aujourd'hui, même chrétienne, s'est éloignée de son modèle divin.

 

1. La famille, institution divine

C'est pourquoi, je fléchis les genoux devant le Père, de qui toute famille dans les cieux et sur la terre tire son nom.

Éphésiens 3 : l4-l5

En tout premier lieu, il nous faut parler de l'origine divine des familles humaines. La création tout entière reflète la sagesse et la puissance de Dieu. La diversité dans l'unité, qui caractérise toutes les créatures de Dieu et tous les aspects de sa création, est également propre à la pensée humaine elle-même. Car cette pensée, et les langues dans lesquelles elle l'exprime, est constituée d'un équilibre à retrouver constamment entre des concepts – qui ont un caractère universel – liés à des réalités toutes particulières et concrètes. Ces réalités, à la fois une et diverses, reflètent explicitement la nature du Dieu Créateur. Car le Dieu de la Bible, le Dieu Trinitaire est Un tout en étant Trois Personnes divines ; cela sans confusion, ni transformation, ni séparation, ni division, pour reprendre les termes mêmes des définitions du Concile de Chalcédoine (451). Si la nature même de l'homme, qui est une image vivante de Dieu, nous fait comprendre pourquoi les anthropomorphismes bibliques (par lesquels Dieu est comparé à l'homme) font partie intégrante de la Révélation, il nous faut aussi prendre garde à la portée du sens du texte de l'épître aux Éphésiens que nous venons de citer et qui atteste le caractère, à proprement parler, familial, des rapports éternels entre les trois personnes de la divinité.

Précisons d'emblée les limites d'une telle analogie biblique, analogie qui ne saurait être poussée trop loin, surtout en ce qui concernerait la projection sur la Trinité, du caractère corporel de l'homme. Par ailleurs l'abîme séparant le Créateur de ses créatures exclut de manière absolue l'introduction d'un quelconque élément féminin au sein de la Trinité elle-même, que ce soit à la manière des gnostiques où le Saint-Esprit est assimilé au principe féminin, la Sophia, ou par l'introduction d'une quatrième personne à l'intérieur de la divinité en la personne d'une Vierge Marie hypostasiée, ou encore à la façon du mouvement féministe moderne qui cherche à transformer la Paternité de Dieu en une pseudo-maternité divine. Il faut rappeler que la priorité accordée à l'homme, tant dans la famille que dans l'Église et la société, provient du caractère même de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, et du fait attesté par l'histoire biblique que l'humanité tire son origine, non d'un hypothétique éternel féminin, comme le prétendraient aujourd'hui certains biologistes, mais de notre ancêtre à tous, le premier homme, Adam3.

Comme vous le savez, nous trouvons un jeu de mots dans ce texte de Paul. En grec le mot "famille", patria, tire son origine sémantique du mot pater, "père". Dieu est le père du premier homme, Adam. Certes Il est également, dans un certain sens, notre père à tous en Adam. Mais d'abord et avant tout, Il est de toute éternité le Père de notre Seigneur Jésus-Christ. Dès avant tous les temps, Il a engendré un Fils. Également de toute éternité, le Saint-Esprit, la troisième Personne de la famille divine, procède du Père et du Fils. Voici le modèle divin sur lequel fut constituée la famille humaine. Notre texte nous le dit bien. C'est de cette famille céleste que toute famille terrestre tire son origine. L'institution familiale, en tant que telle, qu'elle soit chrétienne ou non, peu importe, tire son origine et tient son modèle directement de la Trinité. Voici comment le théologien sud-africain Francis Nigel Lee exprime cette réalité fondamentale :

La vision chrétienne de la famille, comme l'ont fort bien compris un Marx ou un Engels, est fermement enracinée dans la famille divine Trinitaire, Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit. Comme le dit très correctement Dooyeweerd : "Dans la pureté de sa structure conforme à la volonté de Dieu, la famille n'est que l'expression temporelle du sens religieux de la communion humaine en Jésus-Christ, de Sa relation de Fils avec le Père divin4." Car comme le Père divin et le Fils s'aiment dans la puissance de l'Esprit, et comme le Père céleste aime Ses enfants terrestres, de même les pères terrestres doivent aimer leurs enfants dans l'esprit de l'amour familial. Car, ainsi que l'indique si bien Dooyeweerd, la famille terrestre "est le reflet du lien d'amour entre le Père céleste et Ses enfants terrestres5."

La famille terrestre a, en conséquence, ses racines dans la Sainte Famille au Ciel et, bien que Marx ait interverti la véritable primauté de la Sainte Famille en l'accordant à la famille terrestre dont la céleste ne serait que la projection mythologique, il se rendait bien compte du rapport entre les deux.

C'est pour cela que Marx affirme dans ses fameuses Thèses à Feuerbach "qu'une fois qu'on a découvert que la famille terrestre est le secret de la sainte famille, il faut la détruire et en théorie et dans les faits."

Et Lee de conclure :

Cependant, précisément parce que le rapport entre les deux familles est exactement l'inverse de ce que s'imaginait Marx, (la Sainte Famille étant, elle, le secret de la famille terrestre), et en conséquence du caractère éternellement indestructible de la Sainte Famille elle-même, tous les efforts des marxistes pour détruire la famille humaine sont immanquablement voués à l'échec6.

L'acharnement à l'avortement, et maintenant aussi à l'euthanasie, qui caractérisent l'esprit eugénique de notre époque, ne sont pas seulement des signes flagrants de la haine de nos contemporains contre la vie humaine, (particulièrement quand elle se trouve sans défense), mais aussi, et surtout, un témoignage éloquent de la haine implacable des hommes pécheurs contre Dieu, car tout être humain, quelque infime ou minable qu'il soit, est de par sa nature, une image même du Créateur. D'une manière toute semblable, la rage insatiable du monde moderne contre la famille biblique témoigne de sa répulsion à l'égard de la Sainte Famille, de la Trinité. Voici l'enjeu de la guerre contre l'institution foncièrement Trinitaire de la famille humaine. Si l'on veut entreprendre une défense efficace de la famille biblique, il nous faut regarder au-delà des horizons de la création vers le Dieu Trinitaire qui est la source, le fondement et le modèle de toute véritable famille terrestre.

 

2. Mari et femme, reflet du rapport entre Dieu et sa création, entre Jésus-Christ et la nouvelle création, l'Église

Femmes, soyez soumises chacune à votre mari, comme au Seigneur ; car le mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l'Église, qui est son corps et dont il est le Sauveur ; comme l'Église se soumet au Christ, que les femmes se soumettent chacune à son mari.

Maris, aimez chacun votre femme, comme le Christ a aimé l'Église et s'est livré lui-même pour elle afin de la sanctifier après l'avoir purifiée par l'eau et la Parole, pour faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et sans défaut.

Éphésiens 5 : 22-27

Si la famille, parents et enfants, sont ensemble une image vivante de la Famille Trinitaire, le couple conjugal est, lui, une image du lien qui unit le Christ à Son Église, le Créateur à cette nouvelle création dont l'Église, corps de son Seigneur, constitue les prémices, le premier fruit. Nous pouvons ainsi comprendre le rapport conjugal homme-femme comme étant une représentation vivante du rapport entre le Créateur et sa création. Comme la création doit obéir à son Créateur, comme l'Église doit être soumise à son Seigneur, de même sur les tréteaux de ce petit théâtre qu'est la famille, l'épouse doit avoir une attitude de soumission à l'égard de son mari. D'une manière toute semblable, de même que le Créateur aime et soutient l'univers qu'il a fait, que Jésus-Christ aime et prend soin de son Église, la nouvelle création, le mari doit aimer et soutenir tendrement son épouse. Le rapport conjugal terrestre est ainsi établi par Dieu Lui-même comme l'image privilégiée de Sa relation d'alliance avec Son Église. Église qu'Il s'est rachetée au prix d'un si grand amour en vue du rétablissement final de la création qui se manifestera au retour en gloire de Jésus-Christ lorsque le dernier élu sera entré dans la maison de Dieu .

L'Ancien Testament nous entretient souvent de cette sainte relation entre la vierge qu'est Israël fidèle et son divin époux. Par contre, l'épouse infidèle, l'Israël rebelle à son Roi divin, et dans le Nouveau Testament, l'Église apostate, sont comparées à une femme infidèle à son mari, à une prostituée enfin répudiée par son époux céleste. Ainsi dans la Bible entière, l'homme et la femme jouent dans le mariage, comme sur les planches d'un théâtre, une liturgie de portée cosmique où se voit manifestée, tant leur fidélité que leur infidélité au dessein éternel de Dieu pour eux, pour la création et pour l'Église. Ainsi Dieu honore le mariage au point d'en faire le signe par excellence du rapport rédempteur qu'Il a établi entre Son Fils et le peuple de Ses élus. L'on comprend mieux pourquoi en hébreu le mot yada, qui est celui utilisé pour la connaissance de Dieu, l'est également de manière analogique pour décrire l'acte par lequel l'homme connaît son épouse charnellement. Dans cette perspective, il n'est guère étonnant de lire dans l'épître aux Hébreux l'exhortation suivante, qui est une admonestation au caractère non seulement moral, mais également spirituel :

Que le mariage soit honoré de tous et le lit conjugal exempt de souillure. Car Dieu jugera les débauchés et les adultères.

Hébreux 13 : 4

Nous pouvons ainsi mieux comprendre le sens spirituel de cet esprit de débauche et d'adultère qui envahit de plus en plus notre monde parce qu'il rejette le vrai Dieu et ses desseins miséricordieux de salut. L'adultère et la débauche (conjugale et extra-conjugale) sont les signes du rejet par ceux qui s'y souillent, non seulement du mariage et de la famille, mais plus encore de Dieu et de l'oeuvre expiatoire de Son Fils, notre Seigneur Jésus-Christ. De la même manière, il nous faut comprendre le manque d'amour de tant d'hommes pour leurs épouses et l'insoumission de tant d'épouses à leur mari comme constituant, eux aussi, des indications des plus claires du rejet de Dieu par toute une civilisation. Dans ce processus de détérioration des relations entre hommes et femmes il faut remarquer la croissante féminisation des hommes, la masculinisation des femmes et l'indifférenciation sexuelle progressive de leurs relations qui en résulte. Nous comprenons mieux pourquoi l'introduction du ministère pastoral des femmes dans les Églises constitue le signe visible, le témoignage d'un véritable renversement, tant de l'ordre créationnel que de celui de la rédemption. Un tel acte ecclésiastique est un indice des progrès accomplis par l'apostasie dans les milieux qui l'adoptent ou l'institutionnalisent. Que le diable s'y prenne avec tant d'énergie pour détruire l'union conjugale et faire disparaître l'ordre qui doit régner dans l'Église n'est guère surprenant vu l'importance capitale de ces deux institutions dans les desseins de Dieu. Il comprend qu'à cet endroit précis se trouve un point particulièrement névralgique dans la bataille qu'il livre pour détruire l'oeuvre de rédemption et de recréation de Jésus-Christ. L'attaque dirigée par Satan contre l'ordre créationnel symbolisé par le rapport hiérarchique entre l'homme et la femme dans le couple et dans l'Église est bel et bien la même que celle par laquelle il provoqua jadis la chute du premier couple. La restauration de cet ordre, dans la famille comme dans l'Église est, en conséquence, et avant tout, une oeuvre spirituelle. C'est en Jésus-Christ seul que nous avons la possibilité de réintégrer cet ordre originel.

 

3. La famille, institution créationnelle permanente

Dieu créa l'homme à son image :
Il le créa à l'image de Dieu.
Homme et femme il les 7 créa.
Dieu les bénit et Dieu leur dit :
Soyez féconds, multipliez-vous,
Remplissez la terre et soumettez-la.
Genèse 1 : 27-28

La pensée sociologique et historique moderne accorde une certaine importance à la famille comme constituant une des étapes dans la pérégrination de l'homme à travers l'histoire. Presque toute la pensée universitaire sur ces questions est encore aujourd'hui infectée par des principes d'analyse marxistes. Ainsi dans le domaine sociologique c'est ce qu'il faut appeler l'évolutionnisme social qui domine partout. Selon cette théorie, la première communauté humaine, la horde primitive où tout était tenu en commun (même les femmes), fut remplacée, avec l'apparition de la propriété privée, par le couple et la famille. Selon ces historiens sociologues, l'évolution ultérieure de la famille conduit inévitablement à l'apparition d'une nouvelle forme de communauté collective familiale où les biens et les personnes sont placés sous l'autorité totale de l'État Providentiel8.

D'autres points de vue considèrent le mariage sous son aspect purement spirituel, christologique. Ils en viennent à oublier que la famille est une institution naturelle, créationnelle. Voici comment André Biéler, qui partage ce point de vue, interprète la pensée de Jean Calvin sur cette question :

Il faut insister sur le fait que, détachés de Jésus-Christ (par lequel le couple renouvelé dans la foi est incorporé à la vie spirituelle de son Seigneur), les rapports fondamentaux entre l'homme et la femme sont rompus, leur unité est dissoute. En dehors de la foi, l'ordre du couple est aboli9.

Plus loin Biéler précise sa position :

De tout temps, l'enseignement biblique sur les rapports naturels de l'homme et de la femme a été déformé, parce qu'on l'a interprété de façon profane. On a séparé l'ordre conjugal de l'ordre de l'Église, et tenté d'établir un cadre moral et une hiérarchie conjugale en dehors de l'union du couple avec le Christ10.

Comme si le seul mariage légitime devant Dieu était le mariage chrétien ! Biéler oublie que le Christ fait aussi pleuvoir et briller le soleil de Sa Providence sur les couples non chrétiens, cela entre autres en maintenant dans Sa bonté et en dépit de la chute, l'ordre créationnel originel du mariage humain. Le mariage est une institution au caractère universel n'étant pas d'origine spécifiquement chrétienne. Il est particulièrement regrettable que l'enseignement de l'Écriture sur cet ordre premièrement créationnel du mariage, ordre établi par Dieu dès le commencement comme institution fondatrice de la société des hommes, ait été oublié et que l'interprétation christomoniste d'André Biéler ait commencé à affecter bien d'autres milieux chrétiens qui s'inspirent eux aussi du barthisme. La spiritualité, souvent piétiste, qui anime trop de milieux évangéliques les a empêchés de rappeler aux nations dans lesquelles ils vivent et aux magistrats qui les gouvernent, que l'ordre familial créationnel tel que le révèle l'Écriture est le seul qui permette aux hommes, et aux sociétés qu'ils constituent, de vivre et de prospérer durablement.

Tout autre est la pensée biblique. Non seulement la famille humaine, par son essence même, est une image de la Famille Trinitaire, une figure vivante des rapports internes des trois Personnes de la divinité, mais elle exprime symboliquement le lien entre Dieu et sa création. Plus encore, la Bible nous enseigne que la famille tire son origine, non de l'histoire imaginaire d'une prétendue évolution culturelle de l'humanité, mais de l'acte créateur originel de Dieu. La famille tire ainsi son existence de ce que Pierre Viret et Jean Calvin appelaient l'ordre de nature11. Dans la nature qui lui est propre (son essence), elle a le caractère d'une institution à la fois originelle, permanente, indispensable à la vie des hommes et, dans sa structure fondamentale, immuable. La famille créationnelle, établie par Dieu avant la chute, est en conséquence l'institution de base de toute société humaine. Elle précède dans le temps et fonde les deux autres grandes institutions sociales établies par Dieu : l'Église et l'État. Ainsi, dès son origine, la famille a en elle-même constitué un petit État, une petite Église. Et ce caractère est toujours le sien aujourd'hui. Le culte rendu à Dieu par la famille et l'exercice de la justice en son sein sont au coeur d'une famille qui se veut pleinement biblique. Elle demeure la cellule de base, tant de la société "profane" que de la communauté chrétienne elle-même. Elle est non seulement l'école des vertus (et en particulier des vertus civiques), mais aussi la première école de foi et le lieu privilégié de l'évangélisation. Elle a en conséquence un caractère juridique et constitutionnel, économique et politique, caractère qui est inhérent à sa nature, mais exerce également une fonction religieuse primordiale.

Cette primauté institutionnelle de la famille sur l'État et sur l'Église peut déjà se remarquer dans l'énoncé des Dix Commandements. Pas moins de trois des dix commandements font référence explicitement à la famille. Le cinquième, Honore ton père et ta mère, le septième, Tu ne commettras pas d'adultère, et le dixième, Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain. Il est intéressant de remarquer en contraste qu'aucun des Dix Commandements ne fait la moindre référence explicite à nos devoirs envers l'État. Il est cependant vrai que le cinquième : honore ton père et ta mère, fonde indirectement, chez bien des commentateurs, le respect que nous devons à tout ce qui est constitué en autorité au-dessus de nous.

La loi pénale mosaïque confirme elle aussi cette priorité de l'institution famille sur l'État. Nous n'y voyons aucune peine sanctionner des actes de trahison envers l'État. Les lâches sont, par exemple, dispensés sans autre forme de procès, de toute obligation au service militaire12. Les crimes et les atteintes graves contre l'institution familiale sont par contre très durement réprimés par la loi. Voici, résumé par Roland de Vaux, les diverses circonstances où la peine de mort était applicable dans l'Israël de l'Ancien Testament :

La peine de mort est prévue pour les crimes suivants :

— l'homicide volontaire (Ex. 21 : 12 ; Lév. 24 : 17 ; Nb 35 : 16-21) pour lesquels une compensation n'est jamais admise (Nb. 35 : 31 ; Dt. 19 : 11-12) le rapt de l'homme pour le réduire en esclavage (Ex. 21 : 16 ; Dt. 24 : 7).

— les fautes graves contre Dieu, idolâtrie, Ex. 22 : 19 ; Lév. 20 : 1-5 ; Dt. 13 : 1-9 ; 17 : 2-7 ; cf. Nb. 25 : 1-5 ; blasphème : Lév. 24 : 15-16 ; profanation du sabbat : Ex. 31 : 14-15 ; cf. Nb. 15 : 32-36 ; sorcellerie : Ex. 22 : 17 ; Lév. 20 : 27 ; cf. 1 Sam. 28 : 3-9 ; prostitution d'une fille de prêtre : Lv. 21 : 9.

— des graves fautes contre la famille, insultes contre les parents : Ex. 21 : 15-17 ; Lév. 20 : 8 ; Dt. 21 : 18-21 ; l'abus des rapports sexuels, adultère : Lév. 20 : 10 ; Dt. 22 : 22 ; différentes formes d'inceste : Lév. 20 : 11,12,14,17; sodomie : Lv. 20 : 13 ; bestialité : Lv. 20 : 15-16.

Et Roland de Vaux de commenter :

Ainsi la peine capitale est limitée, à la différence des autres lois orientales, aux atteintes à la pureté du culte et à la sainteté de la vie et des sources de la vie13.

Il faut ajouter que la peine de mort est exigée par la loi mosaïque pour toute atteinte dirigée contre Dieu lui-même ; pour toute atteinte homicide à l'égard de la vie de l'homme car il est créé à l'image de Dieu ; et pour toute atteinte grave contre l'institution familiale, car la famille est l'expression terrestre visible de la vie Trinitaire. En réalité ce ne sont que les atteintes directes ou indirectes dirigées contre Dieu lui-même que le code pénal mosaïque sanctionne par la peine de mort. Il n'est guère utile d'entrer ici dans le débat sur l'applicabilité ou la non-applicabilité actuelle de telles sanctions ni sur le caractère exclusivement judaïque ou non de ces lois. Il est pourtant difficile pour un chrétien de douter de la sagesse d'une législation civile et pénale qui tient son inspiration de Dieu Lui-même. Il est également utile de se rappeler l'appréciation des peuples païens pour la législation donnée par Dieu à Moïse :

Et quelle est la grande nation qui ait des prescriptions et des ordonnances justes, comme toute cette loi que je vous présente aujourd'hui ?

Deutéronome 4 : 8

Mais quel que soit notre avis sur ces questions, il nous faut cependant prêter attention à la hiérarchie des valeurs qu'exprime cet ordre divinement institué de sanctions pénales. Dans la pensée de Dieu, trois choses doivent absolument être protégées par les lois : l'honneur de Son nom ; la vie humaine innocente ; la famille. Aujourd'hui, nous voyons tout le contraire. Les moeurs, et les lois qui s'en inspirent, bafouent et méprisent le nom de Dieu ; livrent la vie innocente à qui veut la prendre ; oeuvrent sans relâche à l'anéantissement de la famille telle que Dieu l'a instituée.

 

4. Le mariage n'est pas un contrat, mais l'alliance de l'homme et de la femme devant Dieu

L'Alliance

Une question capitale se pose maintenant à nous. Le mariage ne serait-il rien d'autre qu'un contrat entre deux parties relevant uniquement du droit civil et révocable à souhait, comme c'est effectivement aujourd'hui le cas dans la plupart de nos pays entièrement sécularisés d'Occident ? Pour les Réformateurs du XVIe siècle, le mariage entrait dans une toute autre catégorie, celle de l'Alliance que le Suzerain suprême, Dieu, établit avec ses vassaux, les hommes. Cette Alliance faite par Dieu avec la famille tire son origine, non de l'histoire du salut14 mais du récit historique de la création de l'homme et de la femme que l'on trouve dans le deuxième chapitre de la Genèse. Et dans ce sens, comme nous l'avons déjà vu, le mariage est en lui-même un signe vivant et visible du caractère de Dieu et des rapports qu'Il entretient avec Sa création. Le chanoine Georges Bavaud, dans sa belle exposition de la théologie du réformateur vaudois Pierre Viret, définit comme suit la doctrine réformée du mariage :

Le mariage implique un engagement mutuel de Dieu et des époux. En effet, le Seigneur promet d'unir lui-même les conjoints et de les sanctifier et, d'autre part, les fiancés se jurent devant Dieu une totale fidélité à l'image de l'Alliance entre le Christ et Son Église15.

Et voici de quelle manière Viret lui-même s'exprimait :

On dira que le mariage a été ordonné de Dieu et que Dieu l'a orné et honoré de fort belles promesses et enrichi de fort grandes et très excellentes bénédictions. Non seulement je confesse cela, mais j'y ajoute ceci davantage, à savoir qu'entre tous les états lesquels Dieu a ordonnés pour la vie humaine entre les hommes, le mariage est le plus ancien, le plus noble, le plus excellent et le plus nécessaire16.

 

5. Le mariage devient un contrat civil

Dès le XIVe siècle, nous constatons l'offensive anticléricale et antinomienne des légistes, qui travaillaient au développement du pouvoir absolu des monarchies françaises et anglaises contre le pouvoir théonomique et théocratique de la Papauté et du Saint Empire Germanique. Cette offensive des partisans du droit romain était conjuguée avec celle de philosophes nominalistes, tels Marsile de Padoue et Guillaume d'Occam, qui cherchaient à libérer l'Empire de toute dépendance envers le pouvoir religieux, de toute limitation par une Loi supérieure à la législation impériale. Depuis cette époque, l'histoire du mariage en Occident a été caractérisée par une véritable lutte de juridiction qui, à la longue, modifia profondément le caractère même de cette institution si importante17. La question en litige était la suivante : le mariage appartient-il aux tribunaux ecclésiastiques et est-il, en conséquence, soumis au droit canon, ou est-il l'apanage des tribunaux royaux et dépend-il alors du droit civil ?

Il n'est pas utile ici d'entrer dans le détail de ce débat qui dura plusieurs siècles et qui a été si bien décrit par Jean Gaudemet. Nous voulons simplement relever le fait que le coin employé par les défenseurs de l'autorité juridique de l'État pour mieux faire sauter le monopole ecclésiastique sur le droit matrimonial fut la notion du mariage comme contrat, et cela au dépens des notions du mariage comme sacrement ou comme alliance18. Ce qui importe à notre propos actuel c'est l'apparition de cette nouvelle notion du mariage comme ne constituant rien d'autre qu'un simple contrat civil qui est le modèle juridique qui caractérise le droit matrimonial moderne tout entier. C'est ce rejet laïque (ou athée) du mariage comme institution publique sanctionnée par Dieu qu'exprime Voltaire avec sa verve mordante habituelle lorsqu'il écrit :

Le mariage est un contrat du droit des gens dont les catholiques ont fait un sacrement. Mais le sacrement et le contrat sont deux choses bien différentes: à l'un sont attachés les effets civils ; à l'autre les grâces de l'Église19.

Et Gaudemet qui cite ce texte d'ajouter :

C'est l'annonce du texte de la constitution de 1791 : "La loi ne considère le mariage que comme contrat civil" !20

Il nous faut bien comprendre les implications d'une telle notion du mariage comme contrat civil, située comme elle l'est dans le contexte d'une démocratie totalitaire telle que la nôtre où rien ne limite plus le pouvoir législatif du nouveau Prince absolu, la volonté générale du peuple. Le rejet de la notion que les législateurs sont redevables à leur Créateur pour leurs actes législatifs et la soumission du mariage au pouvoir sans bornes de l'État conduit immanquablement à une législation matrimoniale entièrement opposée aux exigences de la Parole de Dieu. C'est ainsi qu'a été préparée de longue date la destruction législative de l'institution du mariage en Occident. C'est aux conséquences ultimes de cette destruction que nous assistons, presque impuissants, depuis une trentaine d'années.

La notion du mariage comme pur contrat civil ne correspond aucunement à la nature particulière de cette institution. Voici comment Gaudemet résume quelques-unes des critiques qui peuvent être adressées à cette conception :

Heineccius, dans ses Elementa juris civilis (1788), sera plus net : "Le mariage n'est pas un contrat, car celui-ci porte sur les choses qui sont dans le commerce" (...) et rappelle, fort justement, que jamais les juristes romains n'ont rangé le mariage parmi les contrats. Cette insertion est l'oeuvre des romanistes médiévaux. Adoptée par les canonistes, les théologiens, les commentateurs de droit romain, elle est devenue doctrine commune. Mais elle ne résiste pas à l'analyse. Le mariage, à la différence des contrats, ne crée pas une "obligation". On ne saurait réduire les devoirs moraux qu'il engendre aux obligations juridiques du droit contractuel. Ces devoirs répondent à l'amour réciproque des conjoints ; ils sont l'expression d'une volonté libre. On peut en sanctionner l'inobservation mais non en obtenir l'exécution par contrainte judiciaire. Leur accomplissement se poursuit tout au long de l'union. A la différence d'une obligation, ils ne s'éteignent pas par leur "exécution". Le mariage transcende le droit, bien qu'il fasse appel à lui. Il est une institution "naturelle et éternelle"21.

Et plus loin Gaudemet conclut :

Par ailleurs, en mettant l'accent sur le contrat, on justifiait l'intervention de l'État. C'était préparer la sécularisation du mariage et du même coup les soutirer aux règles de la religion. (c'est-à-dire, de la loi de Dieu, réd.). Celles-ci sont présentées comme des contraintes qui mettent en échec les "droits naturels de l'homme"22.

Ce n'est pas le rôle de l'État par rapport aux défaillances publiques de l'institution familiale qui est ici remis en cause, et moins encore sa légitime autonomie par rapport à l'Église comme institution, mais la laïcisation, la déchristianisation du droit matrimonial sous la pression des théories juridiques contractualistes, égalitaires et eudémonienne (culte du bonheur individuel) du siècle des Lumières23. Il est frappant de voir cet historien du droit rejoindre ici le raisonnement développé par le théologien et philosophe calviniste Robert L. Dabney à la fin du siècle passé :

Dans une association où les partenaires sont liés pour la vie, le partenaire principal doit disposer du droit de décision dernière. Par contre, toute association de partenaires légaux doit, conformément aux normes de la justice reconnue, pouvoir être résiliée à la demande de l'un comme de l'autre partenaire. (...) En fait, la logique de la situation elle-même se développe de façon inéluctable : une association de partenaires entièrement égaux a une tendance fatale à ne pas durer. (...) Si le mariage vient à être considéré comme une association du même ordre d'où le devoir d'obéissance de l'épouse à son mari est supprimé, alors, par une logique inéluctable, le mariage ne deviendra rien d'autre qu'une cohabitation temporaire. (...) En conséquence, si le mariage doit devenir un simple contrat d'affaires entre partenaires entièrement égaux, la force contraignante d'une logique et d'une vérité inévitables produira les mêmes conséquences que celles que nous avons observées dans des associations d'affaires semblables24.

Mais bien plus que la question d'égalité des sexes – catastrophe en elle-même –, ce qui a causé le dérapage juridique fatal de l'institution matrimoniale, dont aujourd'hui nous voyons les conséquences dernières, est la substitution du mariage contrat, résiliable et modifiable à volonté, au mariage-sacrement, ou au mariage-alliance dont le caractère immuable vient de son fondement sacré. Le mariage-sacrement et le mariage-alliance avaient l'avantage de soustraire la famille aux fantaisies du législateur ; il soumettait ses membres à un ordre divinement instauré qui transcendait la famille et lui donnait tout son sens ainsi que sa structure bénéfique permanente.

Examinons maintenant de plus près la nature et le fonctionnement de cette famille biblique. Nous étudierons en premier lieu le caractère des bases matérielles sur lesquelles il se fonde. Puis nous décrirons la structure immuable qui l'ordonne.

 

6. La base économique de la famille selon la Bible

Tu ne commettras pas de vol.

Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne ; ni rien qui soit à ton prochain.

Exode 20 : 15-17

La famille, dont le modèle comme nous l'avons vu, se trouve dans les cieux, a son existence sur la terre. Il s'agit d'une institution au caractère à la fois matériel et spirituel. La Bible nous décrit de manière très précise les fondements économiques de toute famille saine ainsi que les ressources dont elle doit pouvoir disposer pour vivre et prospérer et pour accomplir les tâches et les fonctions multiples que Dieu lui a confiées. Trop souvent, les études chrétiennes sur la famille négligent complètement l'enseignement biblique, si riche et si différencié, sur cet aspect de notre institution. Le grand sociologue chrétien, Frédéric Le Play, mena à terme une immense enquête sociologique, économique et morale sur les familles de l'Europe de la seconde moitié du XIXe siècle. Ses vastes recherches empiriques démontrèrent le rapport statistique qu'il avait pu constater entre le respect des commandements de Dieu et la prospérité et le bonheur de ceux qui se soumettaient à cette Loi divine. Citons-le brièvement comme introduction à nos réflexions :

Chez les races simples, chaque famille conserve en elle-même les deux éléments indispensables au bonheur. Le père enseigne la loi morale à la nombreuse famille qu'il gouverne. Il assigne à chacun la part qui lui incombe dans le travail de la communauté, et assure ainsi à tous le pain quotidien. Il a le pouvoir de repousser toutes les influences perturbatrices qui pourraient venir du dehors. Enfin, le père consacre sa vie à former un digne successeur ; il possède l'ascendant nécessaire pour le faire accepter par la communauté ; c'est ainsi que les bonnes traditions de la race se perpétuent pendant une longue suite de siècles25.

Les familles souches inculquent de bonne heure dans les âmes la conviction que chaque homme doit être l'artisan de sa fortune, et qu'il n'y a point de situation à laquelle ne puisse prétendre celui qui, dès le début de la vie, se montre laborieux, tempérant et respectueux26.

Et après une analyse des divers maux produits par la législation révolutionnaire française sur la famille et, en particulier, sur le caractère destructeur du patrimoine du nouveau droit de succession qui obligeait le partage égal de l'héritage entre les enfants, Le Play conclut par ces paroles prophétiques :

Toute atteinte portée à l'ordre moral et à l'organisation de la famille entraîne, même du point de vue matériel, des dommages incalculables pour la société toute entière27.

Selon la Bible, la famille est bien davantage qu'une simple unité psychologique et spirituelle. Elle constitue d'abord une entité au caractère matériel fondée sur le droit de propriété et sur les incontournables réalités de la vie économique. Ignorer ces réalités matérielles dont est faite la vie dans ce monde et récuser les lois bibliques qui les ordonnent n'est rien d'autre que de céder à la tentation spiritualiste et gnostique du néoplatonisme qui a toujours menacé l'Église. En effet dans la vision biblique du monde, les réalités matérielles ne sont jamais opposées aux réalités spirituelles. C'est l'obéissance dans les petites choses qui conduit à se voir confier les grandes. Dans la Bible, la propriété est ainsi très étroitement liée à la famille. Toute atteinte collective ou individuelle à la propriété privée est de ce fait une atteinte à la famille. Si la propriété privée doit être ainsi considérée comme inaliénable elle doit également être envisagée par son détenteur, non pas comme constituant un droit absolu, mais comme étant une gérance à l'égard de Dieu, une gestion soumise à la discipline de Ses bonnes lois.

Pour Marx, par exemple, la propriété représentait le pouvoir – en ceci il n'avait pas tort – et il souhaitait l'anéantissement de toute propriété, sauf celle de l'État, car seul un pouvoir social collectif, incarné par l'État, était à ses yeux légitime. Mais si toute propriété appartient à l'État, le pouvoir social se trouve placé exclusivement entre ses mains. Dans de telles circonstances, la famille ne peut connaître aucune indépendance. Sa moindre activité est constamment menacée par les interventions, sur tous les plans, de l'État devenu totalitaire par le seul fait de son monopole de la propriété. La croissance de la puissance de l'État et de l'étendue de ses droits sur la propriété (par l'impôt, par les taxes diverses et par les lois de succession sur les héritages, par la sécurité sociale), est la mesure exacte, à la fois cause et effet, de l'affaiblissement de la propriété privée et, en conséquence, de la destruction des libertés des familles et de leur véritable indépendance. Le rétablissement des fonctions assignées par la Bible aux familles est étroitement lié au rétablissement du respect par l'État de la propriété familiale, des lois bibliques qui lui sont relatives et du droit à l'héritage, sans succession égalitaire forcée ni de droits de succession perçus par les pouvoirs publics. Je voudrais brièvement examiner trois éléments sur lesquels la Bible attire notre attention et qui sont fondamentaux pour la santé de la vie économique et morale des familles aujourd'hui : (a) la dot ; (b) le soutien familial ; (c) le droit à l'héritage.

(a) La dot

Contrairement à l'usage européen traditionnel où le père dotait ses filles – ce qui faisait d'elles bien souvent des objets de convoitise matérielle et de marchandage pécuniaire – dans la Bible, c'est le fiancé qui devait apporter la dot, ou ce qu'on appelait en hébreu le mohar, à son beau-père. Cette somme était la garantie de sa solvabilité et de sa maturité économique, psychologique, sociale et spirituelle, en d'autres mots, de sa capacité à "quitter son père et sa mère pour s'attacher à sa femme" et à former ainsi ce que Le Play appelle une "famille souche indépendante". Cela incitait également les parents à économiser et à consacrer leurs biens à la formation de leurs fils et à leur établissement dans une situation indépendante. Ce mohar, qui au moment du mariage devenait la propriété de l'épouse, constituait pour elle une protection certaine et était un capital qui fondait à son tour l'héritage de ses propres enfants. Ainsi l'autorité et le sens des responsabilités du mari se trouvait être doté d'un fondement matériel. Cette loi l'obligeait à fournir une garantie tangible de sa maturité à sa belle-famille et à sa future épouse. Pour se marier – chose éminemment sérieuse – il fallait avoir donné des preuves de caractère. Il ne s'agissait en aucun cas de l'achat par le fiancé de l'épouse à sa belle-famille puisque la somme versée au beau-père au moment des fiançailles revenait légalement à sa fille lors du mariage. Toute idée de se marier pour s'enrichir était également, par cette coutume de la dot biblique, éliminée. Voici comment Rousas J. Rushdoony explique le fonctionnement de cette institution biblique :

Il s'agissait du capital familial ; ce mohar représentait la sécurité de l'épouse en cas de divorce provoqué par la faute du mari. Si l'épouse était fautive, elle perdait ce capital, ne pouvant par sa propre faute priver ses enfants de leur part d'héritage. Certaines indications conduiraient à penser que le mohar normal représenterait l'équivalent d'environ trois années de salaire. La dot représentait ainsi les fonds qu'un père fournissait à son fils ou que l'époux accumulait par son travail pour l'avancement économique de la vie de la nouvelle famille (...) Il s'agissait comme d'une bénédiction paternelle prononcée sur le mariage du fils ou de la preuve fournie par le jeune homme, s'il avait lui-même gagné cette somme importante, du sérieux de son caractère. Dans sa forme biblique, la dot avait comme but d'établir le fondement économique de la famille28.

(b) Le soutien

Dans la vision biblique, la sécurité sociale familiale, le soutien des enfants, des membres de la famille en difficulté, malades ou au chômage, ou celui des parents âgés, n'est ni l'oeuvre de l'État, ni celle d'assurances sociales privées ou publiques, ni même (en temps normal) celle de l'Église, et encore moins celle d'organisations caritatives. C'est la responsabilité directe de la famille. Comme en tant d'autres endroits, le Nouveau Testament confirme explicitement l'Ancien.

Si quelqu'un n'a pas soin des siens, surtout ceux de sa famille, il a renié la foi et il est pire qu'un infidèle.

I Timothée 5 : 8

Pire qu'un infidèle nous dit Paul, parce que les païens eux-mêmes savaient fort bien qu'il était de leur devoir – un devoir presque sacré, ce que les Romains appelaient la pietas – de s'occuper de leur famille, des jeunes, des âgés, de ceux qui étaient dans la détresse. Le développement moderne des assurances sociales publiques et privées, qui ont pour but de remplacer le secours jadis si naturellement prodigué par la famille, est un des signes les plus frappants de l'apostasie du monde moderne. Écoutons encore Rushdoony nous expliquer le sens de ce devoir :

En premier lieu, les parents ont le devoir de pourvoir à leurs enfants et de les soutenir matériellement et spirituellement. L'instruction chrétienne de ses propres enfants est un aspect fondamental de ce soutien. Les parents ont l'obligation de nourrir et de vêtir l'enfant, ce devoir se rapportant autant à son âme qu'à son corps. Ils sont responsables devant Dieu de l'accomplissement de ce devoir. En second lieu, les enfants, en tant qu'adultes, ont ici l'obligation de pourvoir à leurs parents matériellement et spirituellement, s'ils se trouvent dans le besoin29.

Tant nos systèmes scolaires étatiques que l'organisation d'une sécurité sociale parfaitement anonyme sont autant de fruits empoisonnés de l'abandon par les familles de leur responsabilité spécifique de soutien et de secours envers leurs membres.

C'est le refus par les familles, tant chrétiennes que non chrétiennes, de leur fonction sacrée (divinement instituée) de secours envers enfants et parents, qui est une des causes importantes du caractère si impersonnel du monde moderne et en particulier de ses services sociaux bureaucratiques. La crise de l'enseignement d'État qui se manifeste dans tant de pays est un signe manifeste que l'État n'est pas créationellement qualifié pour s'occuper, ni de l'éducation des enfants, ni de leur instruction. On peut en dire autant de ce trou sans fond qu'est la sécurité sociale. Ayant abandonné le cadre créationnel si personnel de la famille, où la responsabilité sociale est dévolue aux personnes les plus proches, pour une aide sociale étatique, ces secours et ce soutien impersonnels et bureaucratiques ne peuvent que mener nos sociétés à la faillite morale et matérielle. Elles y sont sans doute déjà ! Seule la restauration de la vision biblique de la famille pourra conduire au rétablissement d'une manière saine et vraiment spirituelle de s'occuper des jeunes et des vieux, des enfants, des malades et de ceux qui sont tombés dans le malheur, ceux que la Bible appelle les veuves, les orphelins, les pauvres et les étrangers.

Les sociétés païennes, pré-chrétiennes, n'auraient jamais osé livrer leurs proches, comme nous le faisons si facilement et souvent sans le moindre remords, à des personnes qui leur étaient entièrement étrangères. Il est étrange qu'un tel comportement ne pose guère de problème à bien des chrétiens qui, par ailleurs, se disent bibliques, évangéliques, spirituels. Ceci ne veut pas dire qu'il soit illégitime de confier ses enfants ou ses parents âgés à des institutions spécialement formées pour en prendre soin. Car certains soins ne peuvent être donnés à domicile et les familles parfois ne parviennent pas à assumer seules la charge de leurs parents devenus entièrement dépendants. Mais de telles institutions ne doivent pas être considérées comme allant de soi. Au mieux, elles sont un pis aller. Certes, il ne faut pas de manière absolue refuser toute action d'ordre charitable de la part d'une autorité publique locale au caractère paternelle, Seigneur ou commune, et cela surtout en période de crise. Mais une pensée véritablement biblique considère toujours la responsabilité de la famille comme première. Celle des institutions sociales et éducatives, là où la méchanceté des temps et la dureté des coeurs les rendent nécessaires, ne saurait jamais fonctionner de manière autonome par rapport aux familles, car c'est de la famille qu'elles tirent leur raison d'être et c'est aux familles qu'elles doivent rendre compte de leur action auprès des personnes démunies.

Selon la Bible, la tâche de s'occuper de ses parents âgés incombe en premier lieu et principalement au fils aîné, qui pour cela recevait une double part de l'héritage (Deut. 21 : 12). Parfois, c'était un autre fils qui assumait ce devoir, et par là, il manifestait que c'était lui qui en fait était le véritable héritier, le digne successeur de son père.

(c) L'héritage

Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent sur la terre que l'Éternel ton Dieu te donne.

Exode 20 : 12

L'homme de bien transmet à des petits-fils un héritage,

Mais les ressources du pécheur sont réservées au juste.

Proverbes 13 : 22

La notion biblique d'héritage est étroitement liée à celle de la bénédiction divine, fruit de l'obéissance de foi aux conditions de l'Alliance. Honorer ses parents conduit à être béni d'eux. Cette bénédiction paternelle est intimement liée à l'accueil de l'héritage paternel, héritage à la fois matériel et spirituel. Le système de succession biblique est celui d'une primogéniture limitée, le droit d'aînesse étant conditionné, qualifié, par les capacités pratiques, et surtout par les qualités spirituelles des héritiers. Ceci se voit chez des héritiers bibliques exceptionnels qui n'étaient aucunement des fils aînés : Isaac, Jacob, Joseph, David, Salomon. Dans la perspective biblique, il serait inique que l'héritage par lequel la lignée familiale se perpétue puisse tomber en des mains indignes. La lignée véritable est celle qui passe par celui qui est le continuateur véritable de la foi de ses parents. Comme nous venons de le voir, c'était à l'héritier principal, qui pour cela recevait une double part d'héritage, qu'incombait la charge de défendre les intérêts de toute la famille, et en particulier celui de soutenir ses parents devenus âgés. Ce système maintenait solide et vivant le tronc familial et assurait aux membres de la famille tous les secours pour lesquels nous regardons aujourd'hui à l'État. Il est aisé de constater que ces lois bibliques, même si elles ne sont plus reconnues par la plupart des chrétiens, fonctionnent encore, dans une certaine mesure dans la vie des familles chrétiennes véritables. Plusieurs d'entre nous peuvent, en y réfléchissant un moment, constater dans leur propre généalogie spirituelle la pérennité de telles règles par lesquelles un cadet fidèle aurait supplanté un aîné indigne.

Ce système de succession avait de nombreux avantages. Il maintenait le tronc familial, assurait l'exercice de secours fournit par la famille souche auprès de ses membres dans la détresse et permettait que l'héritage puisse passer entre les mains de ceux qui en étaient les plus dignes. En l'Israël de l'Ancien Testament, l'héritage foncier d'une famille qui était membre d'une tribu spécifique ne devait pas être transmis à une autre tribu car il serait alors définitivement aliéné. Par les institutions du lévirat, du goël et du jubilé les terres devaient éventuellement revenir à la famille qui, à la suite de diverses circonstances malheureuses, avait été obligée de s'en défaire ou qui en avait été dépouillée par la force. C'est ainsi que la propriété foncière restait à la fois attachée aux souches familiales et répartie de manière assez égale parmi les familles dont la nation était composée. De cette façon, on évitait également l'accumulation malsaine de la richesse foncière entre les mains de quelques familles plus opulentes que les autres30. N'oublions pas non plus que le véritable propriétaire de la terre était Dieu Lui-même et que c'était Lui qui, en fin de compte, établissait les conditions sous lesquelles l'homme devait gérer cet héritage. Ces lois restent toujours en vigueur même si les hommes ne les reconnaissent plus (pour leur perte), oubliant leur condition de dépendance nécessaire envers leur Créateur.

Cette structure sociale biblique impliquait l'existence d'une réelle solidarité entre familles aisées et familles se trouvant en difficulté, entre riches et pauvres. Car l'héritage servait également comme base au support social comme cela se voit fort bien dans le livre de Ruth. Les solutions contemporaines au problème social, marquées du sceau de la solidarité étatique à caractère socialiste, ne pouvaient venir à l'existence que dans une civilisation où les familles aisées avaient très largement perdu le sens de leurs responsabilités sociales envers les membres les plus démunis de la société. Si, lors des bouleversements sociaux des derniers siècles de l'histoire de l'Occident, les familles aisées avaient été animées de l'esprit qui pénètre tout l'enseignement de la Loi de Dieu relatif à la famille, elles se seraient préoccupées, de manière à la fois charitable et pratique, de leurs voisins dans le dénuement. Bien plus, la structure même des lois auraient permis l'éventuel restitution des biens familiaux perdus par une génération frappée par le malheur. L'attaque opiniâtre contre la propriété privée et contre la famille que l'on constate depuis la Révolution française et qui fait rage partout aujourd'hui, n'aurait ainsi jamais pu voir le jour.

La guerre dirigée par l'étatisme moderne contre le droit à la propriété privée de la terre et surtout contre le droit à l'héritage familial (sources de privilèges familiaux inadmissibles pour l'idéologie égalitariste socialiste en vogue !) aboutit à la destruction des bases économiques de la famille. Citons ici encore Rushdoony :

Dieu interdit l'adultère parce qu'il a ordonné et institué la famille comme cellule sociale centrale essentielle à la vie de la société humaine. Pour la même raison Dieu ordonne le respect de la propriété privée ainsi que le contrôle privé (et non étatique) des lois gouvernant l'héritage, ceci afin d'établir et de maintenir la famille dans une position de prééminence, d'honneur et d'autorité sociale31.

Mais aujourd'hui l'État empiète de plus en plus sur le droit de propriété familial et sur la possibilité de transmettre cette propriété intacte à sa descendance et tout particulièrement à une descendance qui manifesterait à la fois une piété réelle et qui serait responsable économiquement. Nous constatons dans les pays où est appliqué le système communiste, l'aboutissement extrême de cette socialisation de la famille et de la propriété. Là, l'État détient le monopole absolu de toute propriété, confisque à son avantage l'héritage des familles et cherche à assurer lui-même la sécurité de tous les citoyens. Ces derniers, du berceau au tombeau, sont sans exception soumis à l'autorité totale de ce nouveau Léviathan. Comme le dit encore si justement Rushdoony :

Nous trouvons dans l'attitude de l'État moderne face à la famille une certaine logique de la justice, mais il s'agit d'une justice pervertie. Car l'État y assume tout à la fois le rôle du père et celui de l'enfant. Comme père universel magnanime il propose, non seulement d'instruire tous les enfants placés sous son autorité, mais également de venir au secours de toutes les familles tombées dans le besoin. Mais cet État paternel se présente en même temps comme fils car il s'affirme être l'unique véritable appui des personnes devenues âgées comme s'il était en réalité leur fils véritable. Comme tel, il se considère comme habilité à légitimement recueillir l'héritage des familles. Dans ces deux rôles ainsi usurpés aux familles, l'État ne peut éviter d'exercer un immense pouvoir de corruption. Car, en assumant ainsi un rôle qui n'est aucunement le sien, il a ouvertement déclaré la guerre à l'ordre social établi par Dieu, ordre qui est, comme nous l'avons vu, fondé sur la famille (...) Car la famille est, et demeure, la cellule de base de toute société humaine. Et un État qui cherchera à affaiblir la famille en lui enlevant ses compétences et ses responsabilités dans les domaines de l'éducation et de la bienfaisance, ou en limitant par usurpation son contrôle de la propriété, ne pourra jamais prospérer32.

Une question demeure. Quelle est donc la structure interne de cette famille telle qu'elle est définie et décrite par la Bible ?

 

7. La constitution biblique de la famille

(a) La vocation de l'homme

L'Éternel prit l'homme et le plaça dans le jardin pour le cultiver et le garder.

L'homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs.

Genèse 2 : 15 et 20

D'une manière assez générale, les études sur la famille provenant de milieux évangéliques méconnaissent le rôle fondamental et spécifique de la vocation de l'homme comme colonne indispensable de toute famille solide33. Dieu au commencement adressa une vocation précise à tous les hommes en la personne d'Adam. Elle comportait des aspects divers touchant tous les domaines de l'activité des hommes : le travail pratique, cultiver le jardin ; la vie intellectuelle, nommer les animaux ; le combat spirituel, protéger, garder la création dont Dieu l'avait constitué vice-roi (Genèse 2 : 15 et 20). Il est utile de remarquer que ces différentes vocations adressées à l'homme par Dieu – ce que nous appelons communément le mandat créationnel – précèdent dans le temps l'institution du mariage. Ainsi l'accomplissement de cette première vocation de l'homme qui est de se soumettre la création, de la dominer pour Dieu, (c'est-à-dire de la mettre pleinement en valeur et d'y étendre partout et dans tous les domaines le rayonnement du règne de Dieu), et de la protéger, constitue le fondement de sa vocation seconde, constituer une famille. Par cela nous voyons que Dieu créa ensuite d'Adam la femme, son épouse, pour être son vis-à-vis, pour être pour lui une compagne qui lui soit semblable afin qu'ensemble ils puissent constituer la famille originelle et par elle peupler et occuper et se soumettre toute la terre. Car, avant d'être la mère de leurs enfants, la femme fut constituée par Dieu pour être l'aide la plus intime de l'homme dans l'accomplissement de toute sa vocation.

Si l'homme reçoit l'ordre d'honorer son père et sa mère tous les jours de sa vie, et cela, comme nous l'avons vu, tout particulièrement lorsqu'ils deviennent vieux et dépendants de son soutien, il est cependant d'abord appelé à quitter son père et sa mère pour s'attacher à son épouse et de cette manière fonder un nouveau foyer indépendant. Le respect dû par les enfants aux parents permet d'assurer que les richesses (matérielles et spirituelles) acquises par les générations précédentes soient transmises aux nouvelles. L'indépendance du nouveau foyer par rapport à l'ancien permet que le changement si nécessaire à la croissance de toute société puisse se manifester dans la continuité, c'est-à-dire dans le cadre de traditions acquises. Le système biblique assure ainsi la continuité et le développement. Il empêche les innovations intempestives dangereuses qui bouleverseraient le cadre immuable de la famille, mais également il ne permet pas que la famille reste figée dans une routine inamovible, comme c'est trop souvent le cas des sociétés fondées sur le culte des ancêtres ou sur l'autorité absolue d'un patriarche.

Dans son immense étude sur la famille européenne, Le Play constatait chez des familles patriarcales qui retenaient tous les fils sous le toit paternel, que

Si elles suivent avec déférence l'impulsion qui leur est imprimée, par contre elles sont mal préparées à apprécier la valeur des innovations utiles : elles se prêtent difficilement à introduire dans leurs méthodes de travail des pratiques perfectionnées, lorsque les classes supérieures n'en prennent pas l'initiative34.

L'indépendance que Dieu accorde aux nouveaux foyers en obligeant l'homme à quitter son père et sa mère, donne aux familles nouvellement constituées la possibilité et l'obligation de développer leurs propres talents. Elle permet aux nouvelles générations d'introduire des innovations dans de nombreux domaines. C'est ainsi qu'est sauvegardée la dimension créative, toujours située dans le cadre immuable de la loi divine, de la vie humaine créée à l'image du Créateur.

Cela peut aussi devenir une tentation pour l'homme, en tant qu'individu mâle, de diviniser son propre travail, d'en faire un absolu, une idole, et de nuire ainsi gravement à l'équilibre et à la santé de sa famille. Par contre, il est certain qu'une famille dont le père aurait perdu le sens spécifique de la vocation qui lui est propre, devient une famille ayant perdu un de ses principaux axes. Beaucoup aujourd'hui sont assaillis par une autre tentation, celle de mépriser le travail du père, travail souvent devenu une tâche mécanique, abrutissante, étouffante sans autre légitimité que d'être une source de gain. C'est le prix que nous devons payer pour notre prospérité fondée sur la fragmentation du travail. De source d'épanouissement (malgré la peine qui l'accompagne depuis la Chute), le travail, ayant perdu son sens profond lié au mandat créationnel de l'homme, devient une source de désintégration psychologique. Le mari peut même en venir à haïr et à mépriser son propre travail. Une telle attitude de la part de l'époux et du père peut à son tour entraîner le mépris de son entourage. Citons ici encore Rushdoony :

D'autre part une femme ne peut commettre de plus grande erreur que de croire que, dans la vie de son mari, elle peut avoir la priorité sur son travail. Il aimera son épouse avec une tendresse et une chaleur personnelle qu'elle ne saura trouver nulle part ailleurs, mais pour un homme, c'est dans son travail qu'est sa vie, non dans son amour pour son épouse. Une épouse qui ne comprend pas ceci peut causer un tort incalculable à son mariage. (...) A une époque où les tendances culturelles apostates et étatiques dérobent au travail sa finalité constructive, le caractère futile du travail de l'homme peut devenir une source fondamentale, mais souvent méconnue, de tensions à l'intérieur du couple. Le domaine où l'homme est appelé à exercer sa vocation de régner sur la nature peut ainsi devenir celui de sa plus grande frustration35.

Pour l'épouse, le problème est souvent inversé. Le seul travail reconnu comme normal par une société ayant tourné le dos à la vision chrétienne du monde et de la famille étant le travail lucratif, les épouses (du moins l'immense majorité de celles qui deviennent mères) se sentent psychologiquement frustrées dans l'exercice de cette magnifique vocation (bien plus qu'un travail !) qui est la leur, celle de fonder un foyer, d'élever leurs enfants, d'aimer et d'assister leur mari dans l'exercice de sa propre vocation. Dans une époque aussi profondément détraquée que la nôtre, nous avons besoin de grâces extraordinaires pour assumer fidèlement la vocation qui nous est propre. Gustave Thibon ne disait-il pas que dans notre monde déchristianisé et dénaturé, il nous fallait des vertus héroïques pour être fidèles dans les plus petites choses de la vie ?

(b) La soumission nécessaire

Soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte de Christ.

Éphésiens 5 : 21

Sans soumission à la Parole de Dieu, il ne peut exister de véritable vie sociale, de culture, de vraie civilisation, de science. Mais plus encore, selon ce que nous enseigne la Bible, aucun progrès n'est possible hors du principe de la soumission mutuelle des hommes dans le Seigneur, c'est-à-dire que la paix et l'harmonie sociale dépendent d'une soumission préalable de chacun aux exigences de la Loi divine. Or, quoi qu'en puisse penser les égalitaristes modernes, toute société est par nécessité constituée d'hommes et de femmes vivants dans des attitudes hiérarchisées de soumission réciproque les uns aux autres. Toute société qui refuse cet ordre hiérarchique de la soumission mutuelle sombrera tôt ou tard dans l'anarchie ou elle se figera dans l'ordre rigide qui trouve son unique fondement dans des rapports de force. Le principe d'une soumission mutuelle des hommes les uns envers les autres, soumission dont les bornes sont fixées par les exigences de Loi de Dieu, se trouve partout dans la Parole de Dieu.

Mais ce système biblique de soumission universelle est animé d'un caractère hiérarchique, c'est-à-dire qu'il y existe des niveaux différents d'autorité et de soumission. Tous ne peuvent évidemment pas prétendre toujours et en toute circonstance exercer l'autorité. Parfois l'on exerce une autorité spécifique ; parfois nous devons assumer un devoir de soumission précis. Même le général en chef d'une armée est obligé de se soumettre, lorsqu'il prend le volant de sa voiture, à l'autorité du gendarme qui dirige la circulation. Mais pour que l'ensemble de ces rapports hiérarchiques d'autorité et de soumission puissent être vécus de manière harmonieuse, tous, chacun au niveau qui lui est propre, doivent savoir que leurs actes sont directement redevables aux bonnes et saines exigences de la Loi de Dieu. Car Dieu étant l'unique Absolu, aucune soumission totale ne peut être exigée par une autorité terrestre sans qu'elle ne devienne une idole par cette exigence même. Ainsi on ne peut s'attendre à aucune unité d'action entre les hommes là où ce principe de soumission réciproque est absent.

Ce principe n'épargne évidemment pas la famille. L'égalitarisme appliqué aux relations entre les hommes détruit toutes les institutions. En fin de compte, il les rend inaptes à toute action indépendante par rapport au seul pouvoir qui demeure : celui de l'État omnipotent. Ainsi l'exigence de soumission à son mari demandée à la femme par l'Écriture doit être placée dans un cadre de soumission bien plus général. Seul ce cadre général lui donne un sens. Et cette soumission mutuelle que la Parole demande de nous, quelle que puisse par ailleurs être notre condition sociale, est non seulement une garantie du bon fonctionnement de l'institution dont nous faisons partie, mais plus encore une condition indispensable à l'épanouissement véritable de celui qui assume cette dépendance nécessaire de bon coeur. Il faut ajouter que notre soumission dans un domaine particulier et à une période ponctuelle de notre vie constitue le fondement, la condition et le garant de notre propre autorité dans un autre domaine et à une autre époque de notre croissance. C'est l'obéissance dans les petites choses qui nous ouvre toute grande la porte des responsabilités, de l'autorité véritablement assumée. Par contre, l'insoumission d'un homme ou d'une femme à ses supérieurs sabotera immanquablement l'exercice de sa propre autorité. Pour prendre un seul exemple (malheureusement bien trop courant et cause du manque d'éducation de tant d'enfants), l'insoumission d'une épouse à l'égard de son mari lui rendra difficile, voire impossible, l'exercice d'une réelle autorité sur ceux qui devraient lui être naturellement soumis, ses propres enfants.

La soumission mutuelle dont il est ici question n'est aucunement la soumission égalitaire mutuelle des conjoints, de l'époux à son épouse et en contre-partie de l'épouse à son mari. Ceci abolirait le principe de la soumission nécessaire de la femme à son mari. Il s'agit bien plutôt de la soumission de chacun des conjoints dans le domaine où il doit personnellement assumer cette soumission bénéfique. Il est également évident que l'humilité et l'esprit de service devraient être proportionnés au degré d'autorité exercée. Comme l'écrivait fort judicieusement le marquis de la Tour du Pin dans ses Aphorismes de politique sociale,

L'homme ne naît pas avec un certain droit à gouverner les autres, mais avec un droit certain à être gouverné ; c'est en cela que consiste le droit à l'existence politique. Or, on n'a jamais vu que l'égalité assurât ce droit-là mieux, ni même aussi bien que le respect des inégalités, qui n'est en réalité qu'un respect égal de droits divers, ou qu'un égal sentiment de droits différents36.

(c) L'autorité du mari

Maris, aimez chacun votre femme et ne vous aigrissez pas contre elle.

Colossiens 3 : 19

Le mari est le chef de la femme.

Éphésiens 5 : 23

Dans la Bible, l'amour n'est pas d'abord un sentiment, mais bien plutôt une disposition de la volonté à se conformer aux exigences de la loi divine. L'amour de l'homme pour sa femme, comme l'amour du Christ pour l'Église, peut se résumer au fait d'accomplir toute la volonté de Dieu en sa faveur. L'amour qui fonde le mariage n'est pas en premier lieu un sentiment peu durable, nécessairement éphémère. Cet amour qui, nous dit le Cantique des Cantiques est plus fort que la mort, c'est notre obéissance en Christ et par la force de l'Esprit Saint à toutes les exigences de la Loi de Dieu par rapport à notre épouse. Ainsi l'amour du mari et du père est marqué par le gouvernement sage, ferme et plein de bonté de toute sa maisonnée. Ici une étude ancienne, mais encore combien pertinente aux préoccupations qui sont les nôtres aujourd'hui, nous servira de guide. Il s'agit de l'ouvrage que B. M. Palmer, qui fut longtemps pasteur dans l'Église Présbytérienne de la Nouvelle-Orléans, publia en 1876 sur le thème : La Famille dans ses Aspects civils et ecclésiastiques37.

Voici comment il résume l'enseignement biblique sur la nécessaire suprématie conjugale du mari dans le couple :

l/ Le mari est responsable de l'amour qui fonde la relation conjugale. Il en est l'initiateur.

L'initiateur de l'amour, tant au début de la relation du couple que tout au long du mariage, c'est l'homme. En cela il se doit de ressembler au Christ. L'amour qui doit le motiver est celui du berger consacré qui s'oublie lui-même pour se mettre à la recherche de sa brebis perdue. De même, dans les difficultés que connaît tout mariage, c'est le mari qui doit prendre l'initiative en vue de dissiper les malentendus et trouver une voie hors des impasses de la vie conjugale. Il doit prendre soin de travailler à rétablir l'unité spirituelle du couple là où il se disloque, à demander pardon, à pardonner et surtout à s'assurer que ni l'un ni l'autre des conjoints ne prenne ses distances d'avec la grâce de Dieu. Mais en même temps il faut ajouter que c'est la mère qui est au centre, qui absorbe les coups, qui renoue ce qui s'est défait. Si c'est l'homme qui assure l'unité face à l'extérieur, c'est surtout la femme qui l'assure à l'intérieur du foyer.

2/ La nature de l'homme étant plus rude que celle de la femme, la force de son amour doit être maîtrisée par sa volonté et les racines doivent en être soigneusement cultivées.

L'accomplissement de la promesse selon laquelle le mari doit aimer son épouse pour le meilleur et pour le pire ne peut être que le fruit d'une longue discipline par laquelle le caractère du mari sera rendu apte à exercer ses responsabilités de chef du couple. Un mariage se consolide dans la mesure où l'habitude disciplinée – la vertu – de s'aimer prend le dessus sur le simple sentiment affectif si souvent éphémère. Le devoir accompli librement est un degré de l'amour incontestablement supérieur à la passion débordante. Il ne s'agit nullement de quelque chose de mécanique ou d'artificiel comme le prétend ce romantisme sentimental qui a bien peu à voir avec le mariage chrétien et qui a tant fait pour le détruire.

3/ Les occupations de l'homme dans sa vie active sont plus variées que celles de la femme. Elles ont en conséquence tendance à occuper ses pensées de manière par trop exclusive.

L'homme, si souvent livré entièrement à sa vocation, est tenté de perdre de vue l'importance de son rôle déterminant dans le couple et dans le foyer. Il peut en résulter qu'il devienne dur et imperméable tant aux préoccupations qu'à la vie affective de sa famille. C'est un danger contre lequel tout mari et père doit veiller et soigneusement se prémunir.

4/ C'est ce commandement d'amour qui déterminera la nature de son autorité et la tempérera par la grâce.

Toute organisation sociale doit disposer d'une autorité suprême. Dans ce sens, le père ne constitue pas seulement l'autorité suprême de la famille mais il est également responsable devant Dieu de tout ce qui s'y fait. C'est Dieu qui l'a établi monarque de ce petit royaume. Quel respect lui est dû ! Mais avec quelle crainte et quel tremblement ne devra-t-il pas assumer cette lourde responsabilité !

Si le père de famille se tient à la place de Dieu en ce qui concerne le caractère absolu de son autorité, il se doit en conséquence d'assumer les normes de la justice, de la tendresse et de la patience du Législateur divin comme mesure de sa propre fidélité. Celui qui, dans ce premier royaume, règne comme représentant de Dieu, doit lui-même prendre la loi de l'amour divin comme tonalité de fond devant sous-tendre l'exercice de toute son autorité38.

La tentation à éviter pour le mari, nous dit encore Palmer, serait d'exercer son autorité sur celle qui lui est dépendante de manière amère et méprisante comme si elle n'était pas, autant que lui, créée à l'image de Dieu et tout autant l'objet de la grâce et de la miséricorde divines ; ceci en manifestant de manière indue son autorité par des exigences abusives ; en ne prenant aucun souci de ses peines ; en lui refusant sa société et, finalement, par un tel comportement devenant entièrement indigne de son respect.

Il nous faut insister sur deux points qui paraissent aujourd'hui d'une importance toute particulière.

Premièrement, dans l'ambiance égalisatrice qui est celle de toute notre civilisation, il faut déployer des efforts considérables et être au bénéfice d'une action spéciale de la grâce de Dieu pour que le mari soit en mesure d'assumer véritablement l'exercice de l'autorité que Dieu lui a donnée sur son épouse. Car rien n'est plus pénible ni plus difficile pour un époux qui aime de tout coeur sa femme que de lui répondre, sur un point ou sur un autre, de manière durablement négative. Car, là où se trouve un désaccord capital entre conjoints, là où, par fidélité à la Parole de Dieu, il faut trancher, le mari doit savoir dire non à sa femme. Le fait de lui résister en face (comme Adam ne sut, pour notre malheur, le faire avec Ève), est un des aspects importants par lequel le mari ressemble à Jésus-Christ. Car Jésus-Christ ne cède jamais devant les incartades et les infidélités de l'Église, qui est Son épouse, quand elle refuse de suivre les enseignements de la Parole de Dieu.

Le deuxième point capital est celui de la nécessité de mettre en pratique de façon rigoureuse l'enseignement constitutif du mariage lui-même, enseignement plus tard explicitement repris par notre Seigneur Jésus-Christ et confirmé par l'apôtre Paul :

C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair.

Genèse 2 : 24 ; Matthieu 19 : 5 ; Éphésiens 5 : 31

Pour le mari, il est capital de couper de manière réelle et durable les liens souvent inconscients qui le retiennent à sa propre famille afin de lui permettre de s'attacher de manière solide à l'épouse que Dieu lui a donnée et ainsi constituer ensemble une nouvelle famille. Car l'épouse doit savoir et sentir que son mari lui est attaché de manière absolument prioritaire et que le lien qui l'unit à sa femme est pour lui le lien le plus important de sa vie. Il s'agit de sa première loyauté ici-bas. Ceci conduit notre propos à examiner la question de l'unité du couple.

(d) Soumission de l'épouse, gage de l'unité du couple

Femmes, soyez soumises chacune à son mari, comme au Seigneur.

Éphésiens 5 : 22

En créant Ève, Dieu créa pour l'homme une aide qui lui était semblable, aide tirée de son propre corps. Adam, jetant les yeux sur Ève s'écria :

Cette fois c'est l'os de mes os,
La chair de ma chair.
C'est elle qu'on appellera femme,
Car elle a été prise de l'homme.
Genèse 2 : 23

Il existe entre mari et femme une unité plus profonde que dans toute autre relation humaine. Mari et femme, par leur union, font une seule chair et cette unité créatrice de nouvelle vie exige des attitudes diverses de la part de l'un et de l'autre : autorité aimante de la part de l'époux ; soumission responsable de la part de l'épouse. Cette soumission de l'épouse à son mari est la marque de son autorité car c'est d'elle que découle l'autorité qu'elle exerce sur leurs enfants et sur toute la maisonnée qu'elle dirige (1 Corinthiens 11 : 1-10). Remarquons ici que ce qui est demandé à l'épouse c'est la soumission, une attitude de la volonté libre et responsable, et non la pure obéissance exigée par la Bible des esclaves et des serviteurs envers leurs maîtres ainsi que des jeunes enfants à l'égard de leurs parents.

La doctrine biblique de la femme nous la montre comme couronnée d'autorité dans sa sujétion ou sa subordination. Elle est évidemment une aide particulièrement proche de l'homme dans sa tâche de régner pour Dieu sur sa création39.

C'est ce que nous voyons dans le dernier chapitre du livre des Proverbes où est fait l'éloge de la femme modèle, active et entreprenante. C'est une femme qui, contrairement à la perspective d'un certain modèle évangélique qui limite le rôle de l'épouse aux tâches domestiques, agit dans de nombreux domaines se situant en dehors de son foyer. Mais cette activité débordante de l'épouse n'a pas pour but l'exaltation, l'épanouissement de sa personnalité, de son moi féminin, comme c'est le cas dans le féminisme moderne où la femme se dresse comme rivale de l'homme, mais pour le bien de son mari et de toute leur maisonnée. Dans son beau livre, La femme au temps des cathédrales40, Régine Pernoud nous donne le portrait de nombreuses femmes de ce genre. La tradition chrétienne pourrait en fournir d'innombrables autres exemples.

Dans cette vision biblique des devoirs de l'épouse, son rôle d'aide pour son mari a priorité sur celui si important de procréatrice et de mère. L'égalitarisme juridique qui, depuis une vingtaine d'années, a été introduit dans le droit matrimonial moderne, en France comme ailleurs41, a pour effet de détruire l'unité du couple et l'indépendance de la société familiale. En cas de litige le juge, du moins en Suisse, devient le véritable chef d'une association faite de deux partenaires (c'est le mot utilisé) interchangeables, du moins selon le droit. Car, en cas de désaccord, aucune instance interne ne peut départager les partenaires qui, dans l'impasse, n'ont d'autre recours que de faire appel au juge. C'est l'étatisation de la famille. Autrefois la structure interne de la famille et son indépendance étaient assurées sur le plan juridique par la reconnaissance explicite du droit de l'autorité du mari sur sa femme. Les questions de B. M. Palmer sont bien actuelles :

Comment la femme peut-elle être subordonnée à l'homme mais néanmoins demeurer son égale ? Comment peut-elle abandonner son indépendance et rester libre ? Comment peut-elle se défaire de sa volonté propre et quand même préserver sa personnalité ?42

C'est dans la soumission volontaire de la femme à son mari que se trouve sa véritable égalité, sa liberté et son épanouissement, car cette attitude lui assigne la place voulue par Dieu pour elle, dans l'oeuvre créatrice de vie et de civilisation familiale qui est la sienne. L'amour différent, tant de l'homme que de la femme, trouve sa complémentarité et, en conséquence, sa plénitude et son unité, dans l'ordre du mariage biblique. Il ne s'agit pas de ce "mariage" abâtardi, sans tête ni coeur, des temps modernes. Et par son exemple de soumission volontaire et heureuse à son mari, l'épouse comme mère conduit ses propres enfants à, eux aussi, connaître les bienfaits d'une vraie obéissance.

(e) L'obéissance des enfants

Honore ton père et ta mère.

Exode 20 : 12

Enfants, obéissez en tout à vos parents, car cela est agréable dans le Seigneur.

Pères, n'irritez pas vos enfants, de peur qu'ils se découragent.

Colossiens 3 : 20

Enfants, obéissez à vos parents selon le Seigneur, car cela est juste.

Et vous pères, n'irritez pas vos enfants, mais élevez-les en les corrigeant et en les avertissant selon le Seigneur.

Éphésiens 6 : 1 et 4

Si l'homme est le chef de la femme et si l'unité du couple est établie et garantie par la soumission de l'épouse au mari, l'autorité sur les enfants est celle des parents, du père et de la mère ensemble. L'autorité finale de cette petite société qu'est la famille est celle du père qui joue ici un rôle monarchique. Mais à ses côtés se trouve une deuxième autorité, unie à la sienne, celle de son épouse. Ensemble ils dirigent la famille. Au principe monarchique est ajouté, ce qu'on pourrait appeler un principe bicaméral ou celui d'une distinction des pouvoirs, saine garantie contre les abus qui pourraient menacer l'exercice dans la famille d'un pouvoir paternel (ou maternel) sans partage.

L'autorité des parents provient en premier lieu du fait que c'est Dieu lui-même qui leur délègue ce pouvoir sur leurs enfants. Par ailleurs cette autorité est le reflet du fait qu'eux, les parents, constituent l'origine même de l'existence de leurs enfants. Cette autorité doit s'exercer dans tous les domaines de la vie des enfants. C'est une autorité qui en elle-même est juste, légitime. Ce qui veut dire que l'attitude de respect et d'obéissance qu'elle exige des enfants est obligatoire et cela en dépit des inévitables défauts de leurs parents. Ce respect des enfants envers leurs parents n'est pas une simple attitude de soumission. Il leur est demandé d'obéir à leurs parents, et cela en tout, et non simplement pour les choses qui leur plaisent. Les parents (et principalement les pères) doivent exercer cette autorité selon le Seigneur, c'est-à-dire en se conformant aux exigences de la loi de Dieu. Ils ne doivent pas exercer sur leurs enfants une autorité bornée et impitoyable qui les écraseraient, les étoufferaient, mais les éduquer et les élever jusqu'à ce qu'à leur tour, ils parviennent à une réelle maturité qui leur permettra de fonder eux-mêmes des foyers selon le modèle biblique. La nature des exigences de l'autorité paternelle ira en décroissant au fur et à mesure que grandit le sens des responsabilités des enfants. L'exigence d'obéissance cédera petit à petit le pas pour laisser la place à la seule attitude de respect filial qui devrait toujours les animer.

Ce respect s'adresse de manière égale à chacun des parents qui doivent constamment veiller à leur unité de couple afin d'éviter toute ambiguïté dans l'exercice de leur pouvoir. La soumission demandée à l'épouse, soumission au moyen de laquelle elle partage l'autorité de son mari, exige une unité d'esprit dans le couple qui va plus loin que ce qui est demandé aux enfants qui doivent, eux, simplement obéir aux exigences de leurs parents. L'épouse n'est pas une subalterne à commander ou un enfant à diriger, mais une compagne, une aide qui poursuit librement le dessein familial commun que dirige le père, et cela autant (et même davantage) en son absence que lorsqu'il est présent.

L'émancipation de la jeunesse et sa révolte contre l'autorité parentale n'est rien d'autre que la dilapidation de l'héritage matériel, intellectuel et spirituel de la famille créationnelle, du modèle divin de la famille tel que nous le présente la Bible. Le rétablissement de l'autorité juste des parents en son sein est indispensable tant au redressement de l'Église qu'à celui de la société. Il nous faut accorder aujourd'hui beaucoup plus d'attention à l'éducation familiale des couples et de leurs enfants que par le passé, car les principes bibliques dans ce domaine ont pour l'essentiel été perdus. La plupart des jeunes couples chrétiens n'ont jamais vraiment connu la mise en pratique de ces principes dans les foyers de leurs parents. Ils ont par contre subi de nombreuses déformations dans ce domaine. Il faut profiter de tous les écrits, récents ou anciens, à notre disposition, dans cette tâche difficile et indispensable. Palmer nous est ici encore d'un grand secours :

La grande erreur est de croire que l'enfant doit comprendre les raisons de son obéissance afin de pouvoir obéir et qu'en conséquence il faille attendre qu'il comprenne avant de l'obliger à obéir. Il faut d'abord que l'enfant obéisse sans connaître la raison de son obéissance. La volonté et les sentiments sont des facultés qui se manifestent avant le jugement43.

C'est en effet l'obéissance qui lui fournit les moyens de comprendre, et non l'inverse. Et Palmer ajoute :

L'influence des aînés sur les plus jeunes est un élément capital dans la formation d'une famille. La famille est un groupe social et il est merveilleux d'y constater de nombreuses influences complexes et si diverses. (...)

Si, dès le commencement, l'autorité des parents est établie avec fermeté et douceur, la contagion de l'exemple et le reflet de l'autorité des parents dans la soumission des aînés décidera sans grande peine du comportement des plus jeunes44.

Si l'enfant n'apprend pas à obéir à ceux qu'il aime, comment pourra-t-il obéir de bon gré à des étrangers ? Une telle incapacité de soumission volontaire le rendra socialement inutilisable et, sur le plan spirituel, il en deviendra particulièrement récalcitrant. Cette obéissance des enfants aux parents, quasi absolue dans leur jeune âge, doit graduellement se modifier en persuasion pour finalement se transformer en une simple influence morale et intellectuelle.

 

Conclusion

La famille, organisme spirituel, politique et social complexe et puissant.

Si elle est constituée selon les normes établies par l'Écriture la famille formera un organisme complexe d'une efficacité et d'une force de résistance exceptionnelles, apte à s'adapter à toutes les situations, à résister aux plus fortes pressions et à durer là où tout s'écroule. C'est l'instrument par excellence pour l'accomplissement par les chrétiens des oeuvres préparées d'avance par Dieu pour eux afin qu'ils les pratiquent (Éphésiens 2 : 10). La faiblesse spirituelle ainsi que l'insignifiance publique actuelle du Christianisme, particulièrement sur le plan social, est la conséquence inévitable de la disparition de la structure de la famille biblique et de ses fondements spirituels et matériels. A fortiori, que peut donc faire une Église (et il en va de même pour l'État) qui n'est pas constituée de familles solidement structurées selon le modèle créationnel ? Quelle utilité peut bien avoir un organisme sans tête ni coeur, sans direction ni principe d'organisation, fondé temporairement pour le meilleur et sans le pire, et qui n'est que trop souvent un simple dortoir social commode où les éléments foncièrement dissociés de la famille se retrouvent, non pour louer et adorer Dieu, mais pour se tourner d'un seul coeur et d'une seule pensée vers le poste de télévision ! En quoi une telle famille peut-elle servir aux desseins de Dieu (pour ne prendre qu'un exemple) comme instrument d'hospitalité et d'accueil ?

Il nous faut refuser l'immense courant anti-familial actuel, nous dresser de toute la force d'une foi vigoureuse et pratique contre la lame de fond d'ignorance, d'impiété et d'immoralité qui emporte notre monde à sa perdition temporelle et éternelle. Si les Églises locales parviennent à rétablir en leur sein de solides familles, elle auront retrouvé une des clefs pour leur propre rétablissement spirituel et pour la restauration sociale et politique de nos nations. Que Dieu nous vienne puissamment en aide !

Nos fils sont comme des plants
Qui grandissent dans leur jeunesse ;
Nos filles comme des figures d'angle
Sculptées dans la construction d'un palais
Nos greniers sont pleins,
Regorgeant de toute espèce de produits ;
Notre petit bétail se multiplie par milliers,
Par dix milliers dans nos campagnes ;
Nos boeufs sont chargés,
Point de brèche, point de captivité
Point de cris sur nos places !
Heureux le peuple pour lequel il en est ainsi !
Heureux le peuple dont l'Éternel est Dieu !
Psaume 144 : 12-15

__________________________

1 Conférence donnée lors de la Pastorale de Dijon à l'Abbaye de La Bussière en avril 1988.

2 Notre réflexion ne prétend à aucune originalité. La prédication de l'Église par le passé abordait très largement les thèmes qui nous préoccupent ici. Citons des textes d'auteurs aussi différents que Jean Chrysostome (347-407) et Pierre Viret (1511-1571). Dans ses sermons sur l'épître de Paul aux Éphésiens, Chrysostome écrit :

Prenez donc, mes frères, vous maris et maîtres, prenez un grand soin de vos femmes, de vos enfants et de vos serviteurs. C'est par une tendre vigilance que vous rendrez facile l'exercice de votre autorité, et que vous vous préparez un compte facile et un jugement plein de clémence, et vous pourrez dire: "Me voici avec les enfants que m'a donnés le Seigneur" (Esaïe 8:18). L'homme, ce chef de la famille, est-il vertueux et sage, le corps rendra sans aucune violence une obéissance aisée et toute volontaire. L'apôtre a tracé ici avec soin et précision les rapports qui doivent exister entre les époux en prescrivant à l'une le respect envers son mari comme son chef, à l'autre l'amour pour sa femme comme étant son propre corps. Mais ces devoirs réciproques sont-ils faciles ? Avouez d'abord qu'il y a toute l'obligation d'un devoir, l'Apôtre l'a ordonné, cela suffit. Quant à la manière de l'exécuter, je vous dirai en un mot: soyez plein de mépris pour l'argent. Mettez votre zèle à faire avant tout des progrès dans la vertu. Que la crainte de Dieu règle toutes vos démarches. La sentence que Saint Paul exprimait à l'égard des serviteurs: "Chacun recevra du Seigneur suivant le bien et le mal qu'il aura fait", aura pour vous son application. Qu'un mari se persuade donc qu'il doit avoir une affection vive et sincère pour sa femme, moins encore à cause d'elle qu'à cause de Jésus-Christ dont il doit imiter la tendresse pour son Église. C'est là d'ailleurs la pensée de Saint Paul: "selon l'exemple du Seigneur". Oui, que tout de sa part se fasse comme s'il obéissait directement au Seigneur et par motif de lui plaire. Cette considération suffira pour vous porter à l'harmonie, à la paix et à prévenir toutes les disputes. (Jean Chrysostome, Oeuvres complètes, Bordes Frères, Pont-à-Mousson, 1866, tome V, p. 38.)

Chrysostome concluait sa vingt-et-unième prédication sur les Éphésiens par ces mots :

Vous me direz: Mais si j'ai des enfants rebelles, une femme capricieuse et sans ordre, en suis-je donc cause et responsable ? Oui, vous l'êtes, si vous n'avez pas fait tout ce qui dépendait de vous pour les empêcher d'être insoumis, car pour être sauvé il ne suffit pas d'être vertueux pour son propre compte. Cet homme de l'Évangile qui ne fit point valoir le talent confié à ses mains, mais qui l'enfouit dans la terre, ne fut-il pas comme s'il l'avait dissipé ? Ainsi votre mérite personnel ne suffira pas ; Il faudra pouvoir dire : J'ai contribué au salut, à l'édification. Voyons mes frères, dépensons notre zèle à régler la conduite, chacun de son épouse, de ses enfants, commençons par nous bien régler nous-mêmes. Conjurons le Seigneur de venir à notre aide dans l'oeuvre de cette réforme salutaire. Si l'oeil si pénétrant de Dieu est témoin de nos efforts, comptez sur l'appui de sa grâce. Mais il vous refusera le concours de son bras pour peu qu'il remarque en nous l'indifférence sur ce point (...) Dieu n'est-il pas le coadjuteur et l'aide de l'homme laborieux à l'oeuvre de son salut ? Et ne délaisse-t-il pas celui qu'endort le sommeil de l'indifférence ? Dieu ne manque pas de puissance pour conduire lui-même nos efforts à une heureuse fin et nous rendre dignes de ses glorieuses promesses. (Ibidem, p. 395.)

Ainsi parlait Chrysostome.

Plus près de nous, Pierre Viret, lui aussi, exprimait des préoccupations que nous n'avons guère l'occasion d'entendre de nos jours sur le respect de la hiérarchie familiale :

L'homme de nature est de volonté fort contraire à toute sujétion. Par quoi il ne veut être sujet à personne et veut aussi assujettir tous les autres à lui-même. Dieu connaissant cette fierté de coeur et hauteur de courage a pris les noms et les titres de la supériorité la plus naturelle et la plus aimable et la moins fâcheuse et la plus aisée à supporter qui puisse exister entre les hommes afin de nous accoutumer aux autres par celle-ci qui nous enseignerait plus volontiers à nous soumettre. Car la loi de nature écrite dans nos coeurs nous admoneste d'elle-même de la sujétion et obéissance que nous devons à nos pères et mères, par lesquels, Dieu nous a mis au monde et nourris et enseignés.

Car nous voyons, par expérience, comment nature nous contraint de nous soumettre à ceux qui ont quelque charge et puissance sur nous et de juger dignes d'honneur ceux desquels nous recevons quelque grand bien et auxquels nous voyons que Dieu a donné des dons excellents pour notre aide et secours. Or il n'y a aucuns qui en telle matière nous touchent de plus près que nos pères et mères qui sont en nature les premiers gouverneurs qui nous sont donnés de Dieu. Partant, comme Dieu a, par sa grande sagesse, pris en cette loi le commencement de la société humaine et des personnes qui ont charge de son gouvernement, il a aussi voulu commencer à nous les recommander par les personnes qui, selon l'ordre de nature, sont les premières en ce gouvernement, à savoir nos pères et mères. Ainsi celui qui refuse de se soumettre à eux et de remplir son devoir à leur égard, à qui obéira-t-il volontiers ? Envers qui se montrera-t-il juste et équitable quand il se rend à tel point inique envers ceux desquels il est le plus obligé de toutes les créatures ?

Un tel personnage ne mérite pas mieux que d'être considéré plus comme un monstre en nature que comme un être humain. Car quelle nation a jamais existé, si barbare, si étrange, si éloignée de toute humanité, à laquelle la nature ait enseigné d'elle-même sans avoir besoin d'autres maîtres ? (...)

Car celui qui refuse l'obéissance et la sujétion à ceux auxquels elle est due par tout droit divin, humain et naturel, ôte et abolit toute supériorité ordonnée par Dieu et de même cherche à dissiper et rompre toute société humaine et à livrer le genre humain à une confusion plus que brutale, la transformer en brigandage et à renverser toute civilisation et tout ordre de nature. (Pierre Viret, Instruction chrétienne en la Loi et l'Évangile, Jean Rivery, Genève, 1564, p. 452-453.)

 

3 La Kabbale introduit un dualisme en l'homme en intreprétant : "Il (Dieu) le créa (l'homme) homme et femme" ; cf. une certaine philosophie grecque reprise par Jung avec l'anima et l'animus. Pour l'actualité théologique de ces considérations gnostiques et féministes voyez l'étude de Peter Jones, Spirit Wars. Pagan Revival in Christian America, Main Entry Editions, Escondido, CA 92205, 1997 et en particulier les chapitres, The God of Ancient Gnosticism (ch. 11) et Gnostic Sexuality (ch.13).

4 Herman Dooyeweerd, A New Critique of Theoretical Thought, Presbyterian and Reformed, Nutley, 1969, Vol. III, p. 358 ff.

5 Ibidem, p. 269.

6 Francis Nigel Lee, Communist Eschatology. A Christian Philosophical Analysis of the Post-Capitalist Views of Marx, Engels and Lenin, The Craig Press, Nutley, 1974, p. 687-688.

7 Pluriel contre l'androgynie.

8 Voyez par exemple l'ouvrage classique de Friedrich Engels, L'Origine de la Famille, de la Propriété privée et de l'État, Alfred Costes, Paris, 1948 (1884).

L'interprétation freudienne de l'origine de la famille bourgeoise avec les tabous qui lui sont propres (le parricide, le cannibalisme et l'inceste) est que, dans la famille primitive, les fils réclamant l'usage sexuel exclusif de leur mère, se sont ligués ensemble pour tuer le père qu'ils mangèrent. Ce serait de leur repentir que seraient nés les tabous qui structurent la famille. Comme le dit bien Rushdoony:

Pour Freud, dans le Christianisme le Fils fait propitiation sur la croix pour le meurtre du père, et le cannibalisme est transformé en sacrement, la sainte cène.

Rousas John Rushdoony, The Institutes of Biblical Law, Presbyterian and Reformed, Nutley, 1973, p. 160-161.

La famille n'est, dans cette perspective, qu'une étape historiquement et culturellement conditionnée dans l'évolution sociale de l'homme. Elle n'a, en conséquence, qu'une valeur toute relative, temporaire, qui serait aujourd'hui révolue. Telle est la pensée évolutionniste qui domine aujourd'hui, à l'Ouest comme à l'Est, les sciences sociales, la psychologie, le droit et, en conséquence, toute l'action politique qui s'inspire de ces disciplines.

9 André Biéler, L'Homme et la Femme dans la Morale calviniste, Labor et Fides, Genève, 1963, p. 51.

10 Ibidem.

11 Michael Cromartie (Ed.), A Preserving Grace. Protestants and Catholics and Natural Law, Eerdmans, Grand Rapids, 1997.

12 Voyez : Deutéronome 20 : 8 ; Juges 7 : 3.

13 Roland de Vaux, Les Institutions de l'Ancien Testament, Cerf, Paris, 1961, Tome l, p. 244, (voyez aussi, p. 230).

14 C'est ici la position christomoniste d'origine barthienne que défend André Biéler

15 Georges Bavaud, Le Réformateur Pierre Viret, Labor et Fides, Genève, 1986, p. 322.

16 Pierre Viret, Le Manuel ou Instruction des Curés et Vicaire de l'Église Romaine, Lyon, 1564. Cité par Bavaud, op. cit., p. 323.

17 Voyez l'ouvrage fondamental de Jean Gaudemet, Le Mariage en Occident, Cerf, Paris, 1987. Pour un autre point de vue voyez, Jean Claude Bologne, Histoire du Mariage en Occident, Jean-Claude Lattes, Paris, 1995.

18 Voyez, d'un point de vue catholique romain : Paul Toinet, Au Commencement la Famille. Le Sacrement du Mariage, Fac, Paris, 1984.

19 Voltaire, Dictionnaire Philosophique, Article : Mariage. Cité par Gaudemet, op. cit., p. 343.

20 Gaudemet, op. cit., p. 343.

21 Gaudemet, op. cit., p. 342-343.

22 Gaudemet, op. cit., p. 346.

23 Sur l'histoire de la déchristianisation du mariage en Occident nous recommandons les travaux remarquables d'Alfred Dufour, Mariage et Société moderne. Les idéologies du droit matrimonial moderne, Éditions Universitaires, Fribourg, 1997 et Le Mariage dans l'École romande de Droit naturel au XVIIIe siècle, Georg, Genève, 1976.

24 Robert L. Dabney, The Practical Philosophy, Sprinkle, Harrisonburg, 1984 (1887), p. 366-370. Texte reproduit par l'A.V.P.C. dans sa brochure, La Famille et ses Adversaires, Lausanne, 1985.

25 Frédéric Le Play, Oeuvres choisies, Librairie Plon, Paris, 1941, tome I, p. 78.

26 Ibidem, p. 81.

27 Ibidem, p. 107.

28 Pour toute cette section, je dois une dette de reconnaissance particulière aux ouvrages de R. J. Rushdoony, de Roland de Vaux et de Frédéric Le Play. R. J. Rushdoony, Institutes of Biblical Law, op. cit., p. 177. Voyez : Ex. 22 : 16 ; Ex. 21 : 7-11 ; Gen. 34 : 12 ; Dt. 22 : 28-29 ; I Sam. 18 : 25.

29 R.J. Rushdoony, Institutes of Biblical Law, op. cit., p. 177. Voyez p. 179.

30 Voyez sur ce thème l'excellent ouvrage de Louis Salleron, Diffuser la Propriété, Nouvelles Éditions Latines, Paris, 1964. Voyez également les textes bibliques suivants : És. 5 : 8 ; Mich. 2 : 1-2 ; 1 Rois, 21 : 1-24.

31 R. J. Rushdoony, Law and Liberty, Craig Press, Nutley, 1971, p. 76-77. Voyez : Dt. 21 : 15-17 ; Nb. 27 : 1-11 ; Nb. 36 :1-9.

32 R. J. Rushdoony, Institutes of Biblical Law, op. cit., p. 181.

33 Voyez une exception : Paul Helm, Vocation, The Banner of Truth, Edinburgh, 1987.

34 Le Play, Oeuvres choisies, op. cit., Tome I, p. 79.

35 Rushdoony, Institutes of Biblical Law, op. cit., p. 345-346.

36 Patrice de La Tour du Pin, Aphorismes de Politique sociale, Beauchesne, Paris, 1930, p. 23.

37 B. M. Palmer, The Family in its Civil and Churchly Aspects, Sprinkle Publications, Harrisonburg, 1981, (1876).

38 Palmer, op. cit., p. 33-34.

39 Rushdoony, Institutes of Biblical Law, op. cit., p. 348.

40 Régine Pernoud, La Femme au temps des Cathédrales, Stock, Paris, 1980. Voyez également l'ouvrage remarquable de Mary Pride, The Way Home. Beyond Feminism. Back to Reality, Crossway Books, Westchester, 1985.

41 Sur les nouveaux comportements face au mariage voyez, Évelyne Sullerot, Pour le Meilleur et sans le Pire, Fayard, Paris, 1984 ; Roger Nerson (ed.), Mariage et Famille en Question, C.N.R.S., Paris, 1978-1979, 2 vols. ; Jean-François Perrin, Comparaisons pour la Réforme du Droit matrimonial, Payot, Lausanne, 1985.

42 Palmer, op. cit., p. 52-53.

43 Palmer, op. cit., p. 86. Si l'enfant (comme le soldat ou l'ouvrier) ne doit pas s'attendre à ce qu'on lui explique les raisons de l'obéissance qui lui est demandée, il est cependant souhaitable, lorsque cela est possible, de répondre de façon véridique et exacte à ses questions. On accomplit mieux les tâches que l'on comprend.

44 Ibidem, p. 187.