La foi chrétienne et la franc-maçonnerie

Jean-Marc BERTHOUD

 

Lors du 12e Salon des Antiquaires tenu à Lausanne du 12 au 27 novembre 1981, une exposition fut consacrée à L'art dans la franc-maçonnerie. A l'occasion de cette exposition patronnée par un comité maçonnique, un texte, intitulé Pourquoi le symbolisme ?, a été diffusé afin d'expliquer aux profanes les buts éminemment spirituels poursuivis par cette organisation beaucoup moins discrète aujourd'hui que par le passé. Ces buts ainsi ouvertement affichés sont-ils compatibles avec la foi chrétienne ? Examinons-les point par point avec l'attention qu'ils méritent.

 

1. Héritiers spirituels des bâtisseurs de cathédrales au moyen âge, les francs-maçons entendent élever, par leur participation active, ce qu'ils nomment le temple idéal de l'humanité.

Réfutation

Héritiers spirituels des bâtisseurs de cathédrales du moyen âge, comme ils l'affirment, les francs-maçons ne devraient-ils pas oeuvrer, comme le firent ces bâtisseurs, à l'édification du temple de Dieu qu'est l'Église de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ ?

 

2. Une telle entreprise – à jamais inachevée – suppose à la base un effort constant de la part de chaque franc-maçon dans la quête de la Vérité qu'il est appelé à chercher d'abord en lui-même.

Réfutation

La Foi chrétienne n'enseigne-t-elle pas que la Vérité – notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, vrai Dieu et vrai homme, venu auprès des hommes pour le salut d'une humanité perdue – n'a pas à être recherchée en nous-mêmes, créatures limitées et pécheresses, mais en Dieu et dans sa Révélation ? C'est par le témoignage inerrant des Écritures à l'oeuvre parfaite et achevée d'Incarnation et d'Expiation du Fils de Dieu, que nous pouvons avoir accès, par l'Esprit Saint, au Père et ainsi participer à l'édification du Royaume de Dieu.

 

3. Chacun des membres de cette société discrète – trop souvent qualifiée à tort de secrète – entreprend cette démarche spirituelle en toute liberté, à l'écart des dogmes politiques, religieux et philosophiques.

Réfutation

La Foi chrétienne ne peut s'écarter des dogmes politiques, religieux et philosophiques révélés par Dieu dans les Saintes Écritures. En effet, le chrétien accepte la Vérité, son Seigneur Jésus-Christ et tous les dogmes politiques, religieux, philosophiques, économiques et même scientifiques, enseignés par Lui, tant dans l'Ancien que dans le Nouveau Testament. Ceci, afin de pratiquer la Vérité. Remarquons que l'affirmation de se tenir à l'écart de tout dogme proclame déjà un dogme.

 

4. Voilà pourquoi les francs-maçons grossissent les rangs des défenseurs les plus acharnés de la liberté individuelle et de la tolérance. Chaque franc-maçon se considère comme une pierre de l'édifice qu'il contribue à élever.

Réfutation

Comment peut-on se prétendre le défenseur acharné d'un dogme – la liberté individuelle – et être en même temps tolérant à l'égard de ceux qui refusent ce dogme ? Pour le chrétien, l'absolutisation de la liberté humaine n'est rien d'autre que le culte idolâtre rendu par l'homme à lui-même. Par ailleurs, le chrétien, sachant que la foi est un don de Dieu et l'accès à la Vérité une grâce, ne peut que répondre de manière douce et pacifique des raisons de sa foi.

 

5. L'institution maçonnique lui donne les moyens de concrétiser cet idéal, entre autres par les outils et les symboles qui lui sont présentés : maillet, ciseau, équerre, compas, etc.

Réfutation

Si le maçon peut, lui, parvenir à concrétiser son idéal par l'initiation et par les outils et les symboles qui l'accompagnent, le chrétien a lui accès auprès du Père et participe au Royaume de Dieu par le seul Médiateur, Jésus-Christ, et par les moyens de grâce que lui communique l'Esprit de Dieu. Ce ne sont pas le maillet, le ciseau, l'équerre et le compas qui sont les instruments de notre salut, mais la Croix du calvaire.

 

6. La franc-maçonnerie est une société initiatique dont le symbolisme est essentiellement emprunté à l'art de bâtir. Le Franc-maçon est "franc" parce que libre et "maçon" parce que constructeur.

Réfutation

L'Église de Jésus-Christ n'est pas une société initiatique, mais l'oeuvre même de Dieu, prévue par Lui dès avant la création du monde, et dans laquelle nous entrons par la repentance, la foi et le baptême. Le chrétien est libre parce qu'il a été libéré de l'esclavage de ses péchés par le sang du Christ. En Christ, il est ouvrier avec Dieu pour l'édification de Son règne afin que ce règne vienne sur la terre comme il est au ciel.

 

7. "La franc-maçonnerie". écrit Richard Dupuy, "n'est ni une armée, ni une Église, ni un culte, ni un parti. Elle n'est qu'une méthode au service de l'homme, méthode d'accès par la Connaissance à la liberté, méthode d'accès à la Connaissance par le travail."

Réfutation

L'Église de notre Seigneur Jésus-Christ n'est aucunement une méthode au service de l'homme – les marxistes diraient une praxis – mais bien plutôt la manifestation ici-bas du salut de Dieu. L'Église est le corps du Christ qui en est la tête et le fondement ; elle est la colonne et l'appui de la vérité, la lumière du monde, le sel de la terre. Le but de l'Église n'est pas d'abord le service de l'homme mais la gloire de Dieu. L'amour du prochain, sans la manifestation duquel il ne peut y avoir de foi chrétienne véritable, ne vient qu'en second lieu. Est-il nécessaire de rappeler que la finalité de l'homme ne saurait être l'homme lui-même, sans que l'on ne tombe dans l'idolâtrie ? Seul le Créateur, Dieu en trois Personnes, Père, Fils et Saint-Esprit doit recevoir notre adoration. Accéder à la liberté par la Connaissance initiatique n'est rien d'autre que l'ancienne hérésie gnostique ; accéder à la Connaissance par le travail n'est autre chose que la vieille hérésie du salut par les oeuvres de la chair.

 

Quel accord pourrait-il y avoir entre la foi

chrétienne et la franc-maçonnerie ?

Lausanne, le 14 novembre 1981

 

Bibliographie sommaire sur franc-maçonnerie et christianisme

— Jean Marquès-Rivière, La trahison spirituelle de la franc-maçonnerie, Les Éditions des Portiques, Paris, 1931. (Catholique romain)

— Léon de Poncins, Christianisme et franc-maçonnerie, Éditions de Chiré, Vouillé, 1980. (Catholique romain)

— Jacques Ploncard d'Assac, Le secret des francs-maçons, Éditions de Chiré, Vouillé, 1979. (Catholique romain)

— Penney Hunt, The Menace of Freemasonry to the Christian Faith, The Freedom Press, Breaston, 1930. (Méthodiste)

— Walton Hannah, Christian by Degrees, Britons Publishing Company, Londres, 1964. (Anglican)

— Walton Hannah, Darkness Visible, Britons Publishing Company, Londres, 1963.

— Reformed Synod, Christ or the Lodge ? A Report on Masonry, Great Commission Publications, Philadelphia. (Calviniste)

— L. J. Rongstad, How to Respond to the Lodge, Concordia Publishing House, Saint Louis, 1977. (Luthérien)

A. J. McClain, Freemasonry and Christianity, N. M. H. Books, Winona Lake, 1951. (Évangélique)