La pédagogie, ruine de l'enseignement ?1

Jean-Marc BERTHOUD

Introduction

La Réformation du XVIe siècle a restauré la Bible comme source et comme modèle de toute véritable pédagogie chrétienne. Cette influence réformée sur la pédagogie s'est maintenue dans les pays protestants, en Europe, en Amérique, en Afrique du Sud et ailleurs, pendant plus de trois siècles. Mais en plus, et cela ne laisse pas de surprendre, nous devons remarquer que cette tradition pédagogique protestante a également fortement marqué l'enseignement donné dans les pays de la Contre-Réforme. De nombreuses écoles jésuites ont ainsi adopté bien des éléments propres à l'enseignement de tradition calviniste. Mais par ailleurs, l'oeuvre pédagogique des Réformateurs, dont pour la plupart la formation intellectuelle date d'avant la Réforme, ne s'est évidemment pas faite dans ce vide scolaire médiéval que trop souvent les historiens protestants de ces événements nous laissent supposer2. Plutôt, la tradition pédagogique chrétienne de la fin du Moyen Âge fut revigorée et purifiée par le retour des Réformateurs aux bases scripturaires de la foi. Cette tradition biblique cherchait en même temps à assimiler tout ce qui était sain, dans l'immense effort intellectuel et pédagogique que constitua le renouvellement des lettres et des arts appelé Renaissance. Les Réformateurs opérèrent un choix. Ce que le penseur catholique, Henri Charlier, écrit de l'influence délétère de certains éléments de la culture antique sur le christianisme du IVe siècle, s'applique fort bien à ce qui se passa au XVIe :

 

(…) l'éducation romaine avait si bien informé l'esprit des chrétiens eux-mêmes qu'ils avaient complètement perdu le goût de la simplicité, condition de toute vraie pensée et de tout grand art. Les meilleurs contemporains de saint Augustin eurent les mêmes difficultés que lui à se dépouiller de la fausse recherche dans le style. Saint Paulin de Nole est né à Bordeaux un an seulement avant saint Augustin. Saint Jérôme est de sept ou huit ans leur aîné. Ce dernier écrit à saint Paulin: "Ne sois pas rebuté par la simplicité des Écritures et la quasi vulgarité3 de leur vocabulaire"4.

Face à l'esthétisme de la Renaissance, les Réformateurs eurent, eux aussi, à retrouver cette simplicité biblique.

La déchristianisation de l'école publique – et aussi celle des écoles confessionnelles qui, trop souvent, n'ont fait que suivre avec un peu de retard les aberrations de l'enseignement donné dans les écoles de l'État – a eu, parmi bien d'autres conséquences, celle de nous faire tous souffrir d'une véritable perte de mémoire historique.

C'est cette amnésie par rapport à notre héritage protestant qui rend l'apport d'historiens tels que Gabriel Mutzenberg si précieux5. Car de telles études historiques nous restituent un élément capital de notre passé chrétien si riche en ses oeuvres éducatives et sociales, fruit nécessaire de toute foi véritable.

Quel ne fut pas l'effort pédagogique de la Réforme6 ! Effort présidé par la figure paisible et pieuse du prince des enseignants du XVIe siècle, Mathurin Cordier (1479-1564). Il fut à la fois un des précurseurs et le maître par excellence des écoles réformées7. L'oeuvre des Réformateurs fut, certes, d'abord spirituelle et morale, exégétique et dogmatique. Mais elle donna des fruits variés dans tous les domaines de la vie, dans les sciences et dans les arts, dans la politique et dans la vie économique. Rappelons simplement, en passant, la floraison magnifique de poètes et de dramaturges calvinistes, dans ce que Pierre Courthial appelle si justement le siècle d'or du protestantisme français, siècle qui enjambe largement les XVIe et XVIIe siècles. Il serait de notre devoir de restituer cette poésie et cet art dramatique calvinistes à une littérature française qui se dissout dans l'insignifiance et la laideur, faute de ce sens de la vérité et de la vraie forme créatrice, que seul peut donner le retour à Dieu, source du vrai et du beau. C'est de cette simplicité, de cette vérité et beauté bibliques que parlait Henri Charlier8.

Les effets bénéfiques de la réforme pédagogique calviniste du XVIe siècle furent d'une longévité exceptionnelle. Ils ont largement survécu à l'orthodoxie calviniste qui les avait fait naître et sur laquelle ils étaient fondés. Ce qui demeure encore sain dans notre école n'est plus qu'un faible écho de ce que nos ancêtres réformés avaient jadis construit. Malgré l'épuisement graduel de la sève spirituelle qui animait nos écoles – cette foi fervente en Dieu qui était celle de nos pères les Réformateurs –, et malgré l'affaissement de l'orthodoxie protestante, l'école d'inspiration chrétienne persista dans notre pays jusque, bien en avant, dans le XIXe siècle. Les forces qui sapèrent et détruisirent les bases chrétiennes de nos écoles sont essentiellement le subjectivisme cartésien au XVIIe, puis le rationalisme critique des lumières du XVIIIe siècle, et finalement l'idéalisme kantien du XIXe, qui relégua le christianisme dans l'au-delà du noumène, au Dieu si transcendant qu'il en devient inaccessible (et insignifiant) aux hommes.

Sur le plan local, le coup de grâce fut donné à l'école chrétienne par la révolution de 1847-1848, et par l'idéologie franc-maçonne qui la sous-tendait, et qui bien vite remplaça, par son idéologie frelatée, l'influence spirituelle du christianisme. Sa destruction fut l'oeuvre d'un franc-maçon notoire, hégélien en politique, et mystique en religion (à la mode de Mme Guyon9), le révolutionnaire radical Henri Druey (1799-1855)10. À partir du milieu du XIXe siècle, la perspective chrétienne en éducation fut graduellement remplacée, du moins pour la Suisse protestante, par une perspective de type humaniste-libérale, à forte tendance laïcisante, nourrie par les idées des Lumières et celles de la Révolution française. Ce Kulturkampf romand visait à détacher la vie de la société – et en particulier celle de l'école – de toute influence chrétienne.

En arrachant à la société les marques que lui avaient laissées plus de 1500 ans de vie de foi vécue sous l'autorité roborative de la Loi de Dieu, et en tournant le dos à cet ordre établi par le Créateur pour le bien des hommes et des nations, on ouvrait notre pays à l'invasion à long terme de toutes les influences spirituelles néfastes que la domination séculaire du christianisme avait si longtemps réduites à l'impuissance11. La désagrégation morale et sociale que nous constatons aujourd'hui et la floraison de sectes panthéistes, gnostiques et occultes, sont les fruits empoisonnés de cette dissolution du Christianisme. L'implantation dans toutes les nations autrefois chrétiennes de l'Occident de ce qu'on est venu à appeler l'école laïque fut d'abord l'oeuvre longuement méditée et soigneusement appliquée de forces anti-chrétiennes, qui avaient pris pour logis les diverses branches de la franc-maçonnerie, et qui agissaient sous la bannière du radicalisme politique. Le prolongement de cette oeuvre de désintégration culturelle fut assuré par leurs successeurs, les partisans de l'utopie collectiviste, tant socialistes que communistes. Cette utopie fut relayée par les adhérents d'un christianisme libéral antinomien et apostat12.

Aujourd'hui cette laïcisation – c'est-à-dire cette déchristianisation –, tant de l'école que de la société, et d'abord de la société par l'école, est une chose largement accomplie, et nous en sommes tous, chrétiens et non-chrétiens, dans la situation où il nous faut en récolter les fruits amers. Mais nous n'avons pas ici affaire à quelque chose de nouveau. Car, c'est de cette même révolte contre Dieu et contre ses bonnes lois dont nous parle le psalmiste dans le psaume 2 :

 

Pourquoi les nations s'agitent-elles,

Et les peuples ont-ils de vaines pensées ?

Les rois de la terre se dressent

Et les princes se liguent ensemble

Contre l'Éternel et contre son Messie:

Brisons leurs liens,

Et rejetons loin de nous leurs chaînes !

Psaume 2 : 1-3

 

A. La dérive de la pédagogie romande : de Vinet à Piaget

Les deux dernières figures représentant une vision véritablement chrétienne de l'éducation dans le pays de Vaud furent (et ceci n'est guère un hasard), deux des chefs les plus influents du réveil évangélique de la première partie du XIXe siècle en Suisse romande, Louis Burnier (1795-1873) et Alexandre Vinet (1797-1847). Le recueil d'études de Vinet, Famille, Éducation, Instruction13 ainsi que l'ouvrage classique de Burnier, Histoire littéraire de l'éducation morale et religieuse14 mériteraient d'être aujourd'hui réédités tant leurs propos sont propres à éclairer d'une lumière chrétienne nos déboires pédagogiques actuels. Nous citerons plus loin quelques extraits de ces oeuvres qui nous donneront envie d'y regarder de plus près, par leur réalisme et par la saine spiritualité qu'elles manifestent. La pédagogie dite moderne, par contraste, ressemble à une citerne sans eau, tant elle s'éloigne du bon sens et de la conscience des réalités surnaturelles. Dans le désert des mirages subjectifs dans lesquels se complaît la pédagogie moderne, le retour à une doctrine éducative plus biblique, plus vraie, plus proche des réalités humaines et sociales, paraît comme une oasis rafraîchissante. Jugez-en par vous-mêmes :

 

Ici nous voulons seulement rappeler que, même pour le chrétien, il y a un art de l'éducation, art qui tient compte de la nature humaine, s'appuie sur elle, en accepte le secours aussi bien qu'il en reconnaît les obstacles. Si l'éducation chrétienne diffère considérablement de toute autre, ce n'est point en prenant pour point de départ un état surnaturel, auquel en thèse générale elle prélude, elle prépare. Elle reconnaît, elle accepte, elle exploite la nature ; elle s'adresse à la volonté, à la raison ; elle parle du bien et du mal moral ; elle agit par l'exemple et par l'habitude ; elle établit les droits et les éléments de la loi, ou de la morale, afin que l'enfant, ne versant pas tout d'abord précipitamment sa vie morale dans l'abîme de la grâce, s'accoutume à la réalité de la loi, se pénètre de ce qu'elle a de valeur propre, et passe par Jean-Baptiste avant d'arriver à Jésus-Christ15.

Ainsi s'exprimait Alexandre Vinet, qui met ici le doigt sur une des faiblesses majeures d'un certain christianisme, souvent super-spirituel et inconscient des réalités de la vie de ce monde. Voyons ce à quoi nous invitait Louis Burnier :

 

Si donc un homme parvenait à formuler un plan d'éducation d'où l'idée de Dieu et celle de l'éternité fussent bannies le plus possible ; s'il avait le bon esprit d'en baser les principes sur la seule raison et sur la nature, bien ou mal interprétée, sans en appeler jamais au livre des chrétiens ; s'il ne manquait pas de dénigrer tout ce qui avait pu se dire ou se faire avant lui par les personnes les plus respectables, travers fort à la mode ; s'il savait se dépouiller de tout pédantisme et donner au contraire dans l'ironie et l'épigramme ; glisser à propos quelqu'un de ces mots douteux dont les coeurs impurs sont friands ; ne pas ménager les sarcasmes aux dogmes chrétiens, que nobles et prêtres commençaient à appeler des préjugés ; écrire d'un style animé, entraînant et en tout digne du siècle ; enfin, et surtout, si cet homme se donnait hardiment pour novateur, là même où il ne serait que copiste, il devrait se tenir assuré du succès. Ainsi fit Rousseau à l'âge de cinquante-cinq ans, c'est-à-dire à l'âge qui n'est plus celui des entraînements, mais du calcul. Son Émile eut un immense retentissement. Ce fut comme l'éclat d'un premier tonnerre dans un ciel orageux16.

L'écho de ce tonnerre roule jusqu'à nous et c'est de la progéniture de ce Rousseau dont nous aurons maintenant à nous occuper.

 

 

1. Sources théologiques des erreurs pédagogiques modernes

Ce qui caractérise la réflexion pédagogique de Vinet et de Burnier, c'est qu'elle se fonde sur le contenu spécifique d'une foi orthodoxe. Cette orthodoxie se fondait sur la Bible considérée comme la Parole même de Dieu, Parole conceptuellement compréhensible (avec l'aide du Saint-Esprit), Parole ayant en elle-même autorité sur toutes choses. Chez Vinet et Burnier on retrouve, d'un côté, la résistance vigoureuse aux prétentions mensongères d'une raison émancipée des pensées du Créateur, résistance associée au respect de l'ordre permanent que Dieu a donné à sa création, et, de l'autre, une opposition résolue à tout piétisme frileux, faisant de l'Église un ghetto spirituel se défendant tant bien que mal (et plutôt mal) contre les assauts d'un monde de plus en plus impie et incrédule. Ils refusaient à la fois le piétisme méthodiste et le positivisme scientiste.

Pour notre malheur, ce sont ces deux courants malsains du piétisme sans prise sur le réel, et du rationalisme, se dressant contre le Créateur et contre l'ordre créationnel de sa Loi, qui ont dominé la scène théologique et ecclésiastique de notre pays depuis la disparition de Burnier et de Vinet. La conséquence en a été la marginalisation sociale, culturelle et politique du christianisme, dès la fin du XIXe siècle, cela du moins dans les cantons protestants de la Suisse. Ce processus fut graduel ; aujourd'hui il est complet. Il fallut attendre environ un siècle pour que l'Église catholique de notre pays subisse le même sort. Vu cette double faiblesse, l'Église dans le canton de Vaud (à l'époque il était presque entièrement protestant) ne put, par conséquent, guère offrir de résistance durable à l'offensive à la fois spirituelle, politique, culturelle et pédagogique des milieux oeuvrant à la déchristianisation progressive de la société.

Cette déchristianisation a passé, en premier lieu, par les institutions éducatives: Université, École Normale, Gymnases, Collèges et Écoles Primaires. Les Facultés de Théologie, avec l'invasion irrésistible de la théologie allemande à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, et l'infiltration sournoise de faux docteurs à l'intérieur des institutions théologiques vouées à la formation des pasteurs, n'ont évidemment pas échappé à ce mouvement général. Dans ce domaine vital, l'Église libre ne fit que suivre le chemin d'apostasie emprunté par l'Église nationale, cependant avec un certain retard. Ce retard fut rattrapé au cours de la première moitié de ce siècle. Car lors de la réunification des deux Églises en 1966, il se trouvait paradoxalement davantage de pasteurs aux convictions orthodoxes dans l'Église nationale (grâce en particulier à la vigueur du mouvement Église et Liturgie), que dans les rangs de l'Église libre, dont la raison d'être avait cessé d'exister avec sa fidélité à la foi de ses pères du Réveil.

Nous comprenons ainsi mieux pourquoi – à l'exception de personnalités telles Charles-Ferdinand Ramuz, Ernest Ansermet, Marcel Regamey, François Guisan, Eugène Burnand ou Louis Rivier (malgré le caractère peu orthodoxe des croyances de certains, comme Ramuz ou Ansermet) – la plupart des grandes figures littéraires et intellectuelles de notre canton – : les Edmond Gilliard, André Bonnard, C. F. Landry, Jacques Chessex et Étienne Barilier, pour en nommer quelques-unes – n'aient eu guère de compréhension ni de sympathie profonde pour la foi chrétienne17. Comme le faisait remarquer le professeur Dominique Rivier, déjà cité, dans une conférence consacrée à l'urgent besoin de donner une formation éthique aux futurs cadres scientifiques, les écoles protestantes elles-mêmes (l'École Vinet et l'École Viret, par exemple) n'ont guère su résister à la pression des parents d'élèves qui, comme des moutons de Panurge, se précipitaient dans le sens de la pente, et poussaient les enseignants de ces écoles protestantes à conformer leurs programmes à ceux de l'école publique qui, elle, affichait un esprit de plus en plus laïc.

Mais un tel abandon par notre école publique de son passé chrétien ne se fit pas d'un seul coup. Pour y parvenir, il a fallu une lente évolution caractérisée par la transformation du contenu de la foi professée par les grandes Églises et par une mutation radicale de la fonction pédagogique elle-même. Il a fallu du temps pour en arriver au matérialisme évolutionniste, à l'immanentisme exclusif de toute transcendance et à l'athéisme implicite d'un Jean Piaget, dont l'influence aujourd'hui est certes aussi grande dans le monde que le fut, à la veille de la Révolution française, celle de son illustre ancêtre idéologique, Jean-Jacques Rousseau. Burnier et Vinet, dans leur combat pour une Église libre de l'ingérence de l'État, avaient en premier lieu cherché à maintenir l'orthodoxie de la foi. Rappelons que Vinet ne quitta pas l'Église nationale au moment où éclata le conflit violent d'une grande partie du clergé avec Henri Druey, (auteur du coup d'état radical et franc-maçon), en 1846-1847, mais bien avant, en 1840, lorsque fut rejetée par votation populaire l'autorité de la Confession Helvétique Postérieure sur l'Église18. En plus, l'orthodoxie de Burnier et de Vinet les obligeait, à l'encontre de la conception messianique de l'enseignement qui allait bientôt se manifester, à récuser avec la plus grande vigueur l'idée que l'enseignement ou l'éducation pouvaient se substituer, comme puissance transformatrice de la personne et de la société, à la souveraine grâce de Dieu. Si pour eux l'enseignement devait être d'inspiration chrétienne, ce n'est pas un tel enseignement qui détiendrait la capacité de changer les coeurs et les caractères des enfants. Seule, l'action de la Parole de Dieu appliquant par le Saint-Esprit aux pécheurs repentants et croyants, les mérites et l'oeuvre de Jésus-Christ – Dieu de toute éternité, incarné, crucifié et ressuscité – pouvait accomplir une telle oeuvre véritablement recréatrice. Pour ces deux grands pédagogues chrétiens, la foi devait demeurer orthodoxe, et l'éducation ne devait pas être envisagée, par elle-même et hors de l'action du Saint-Esprit, comme moyen de transformation individuelle ou sociale.

Ils n'ont guère été suivis sur ces deux points. Tant l'Église nationale que, plus tard, l'Église libre, ont renoncé à l'orthodoxie doctrinale et spirituelle d'une foi fondée sur la Bible, et définie par des Confessions de Foi détaillées et soigneusement adaptées, dans leurs définitions, aux erreurs du temps. Toutes deux ont versé dans un pluralisme constitué par différentes formes de piétisme mystique, par un rationalisme scientiste libéral et par une théologie dialectique irrationnelle néo-orthodoxe, tous aussi peu fidèles au dépôt de la foi apostolique. Une telle apostasie doctrinale et spirituelle eut pour conséquence inévitable le tarissement pour ces Églises des sources de la grâce. Car l'action de l'Évangile transformant les coeurs, les intelligences et les vies, faisait défaut. En effet, l'action vivifiante de Dieu ne saurait se manifester là où il n'y a plus de prédication fidèle de la vérité. Des contrefaçons frelatées de l'action du Saint-Esprit durent être trouvées pour suppléer au vide spirituel, et pour fournir des semblants de réponses aux problèmes psychologiques et sociaux auxquels toute société est inévitablement confrontée. C'est de ce manque de vie spirituelle dans les Églises que sont nées les utopies messianiques des divers pseudo-évangiles politiques, sociaux, pédagogiques et psychologiques qui empoisonnent notre civilisation.

 

2. Un ersatz de spiritualité : la pédagogie messianique, fourrier du totalitarisme

C'est ainsi qu'à la fin du siècle passé et au début de ce siècle, on a vu l'action sociale et l'action pédagogique se substituer, comme forces transformatrices de l'individu et de la société, à la proclamation de l'Évangile. La transformation de l'Évangile de la grâce de Dieu en un salut par l'action sociale, est bien connu dans notre pays sous le nom de protestantisme social. Ce mouvement, très dynamique dans la première partie du XXe siècle, cherchait à instaurer une société plus juste par une action politique et sociale, mettant ainsi une pression directe sur les institutions. Cette action restait vaguement inspirée de l'Évangile, mais manifestait, en réalité, un esprit beaucoup plus socialiste que biblique. Le pseudo-évangile pédagogique, qui en fut la contre-partie sur le plan scolaire, est par contre beaucoup moins connu. Tous deux se rapprochent du rêve socialiste, au caractère nettement utopique, qui vise à instituer sur cette terre une société libre, fraternelle et égalitaire. C'est ce courant éducatif, que l'on peut appeler le pseudo-évangile pédagogique, qui fit le pont entre l'école chrétienne de la première partie du XIXe siècle et l'école vaudoise de cette fin du XXe siècle. Ce courant utopique fit graduellement disparaître de l'école vaudoise toute trace, dans ses programmes, d'un contenu intellectuel chrétien, et dans sa discipline, de la morale et de l'esprit évangélique propres au christianisme.

Les animateurs de ces nouvelles méthodes étaient des hommes pleins de zèle pour le bien de leur prochain. Ils étaient même souvent d'une piété sincère. Mais cette piété avait peu de racines bibliques. La perte du sens de la vérité chrétienne dans les Églises de notre pays, était si profonde que ces animateurs, ont parfois sans même s'en rendre compte, substitué à l'Évangile du salut par la seule grâce de Dieu, l'erreur pélagienne d'un salut par des oeuvres humaines, oeuvres au caractère non pas religieuses, mais profanes. Plus précisément, ce fut l'action psychologique et pédagogique de l'enseignant qui en est venue à remplacer l'Évangile comme moyen de transformation de la vie des élèves. Ainsi rêvait-on d'établir une justice humaine dans ce monde, mais cela à l'exclusion du Dieu de la Bible, de son Fils Jésus-Christ et de la Loi de Dieu, norme éternelle de toute authentique justice. Ces chrétiens, théologiquement et spirituellement peu orthodoxes, mais remplis de la meilleure volonté du monde, cherchèrent de cette façon la transformation de la société par une action sociale et pédagogique. En attribuant à l'école une finalité proprement messianique, ils l'ont vidée de sa substance et détournée de son but naturel : l'instruction des élèves et leur formation professionnelle. A cette tâche modeste mais bien difficile, ils ont substitué une nouvelle vocation impossible, au but à la fois utopique et révolutionnaire : transformer les enfants afin de changer la société. Cette perversion pédagogique s'exprimait souvent, surtout avant la Deuxième Guerre mondiale, dans un langage d'apparence évangélique. C'est ainsi que des loups pédagogiques, destructeurs de toute vraie éducation, se sont déguisés en brebis innocentes afin de mieux parvenir à leurs fins.

Tel fut le caractère de la séduction scolaire organisée chez nous, comme d'ailleurs dans la plus grande partie du monde occidental. Elle fut l'oeuvre d'esprits faussés, mais énergiques, généreux, idéalistes et originaux. Ce furent des hommes remarquables comme Édouard Claparède (1873-1940), promoteur de l'éducation fonctionnelle19 ; Adolphe Ferrière (1879-1960), défenseur inlassable de l'école active20 ; Louis Meylan (1888-1969), apôtre de l'humanisme personnaliste où la personne humaine se substitue à Dieu comme finalité de l'éducation21 ; et Georges Panchaud (1908-1987), prophète dans le Pays de Vaud des vertus de l'école suédoise, devenue pour lui le modèle d'une transformation de notre société en paradis socialiste, cela au moyen d'une pédagogie à but explicitement révolutionnaire22.

Déjà en 1846, Alexandre Vinet, dans un livre qui fut son véritable testament, ouvrage remarquable par son caractère prémonitoire, Du socialisme considéré dans son principe23, pressentait clairement les dangers que représenterait bientôt pour la liberté de son pays, une société utopique qui, en s'établissant comme sa propre finalité, deviendrait immanquablement totalitaire. Car, dans une telle société où le seul but de toute activité humaine serait exclusivement immanent, sans référence aucune à un Dieu qui, par son caractère créateur, se situe au-delà de sa propre création, il nous serait demandé,

 

(…) de ne tenir aucun compte de votre persuasion, d'agir comme si vous en aviez une autre, de faire, sans examen, tout ce que la société vous impose, et de vous abstenir, également sans examen, de tout ce qu'il lui plaît de vous interdire24.

C'est cette menace d'un totalitarisme doux au style des plus démocratiques, que dénonçait le journaliste anglais, Roland Huntford, dans son analyse si perspicace du socialisme suédois intitulé, Le nouveau totalitarisme25. L'historien israélien J. L. Talmon, décrit de son côté le même danger dans l'étude sur la Révolution française qu'il intitule, Origines de la démocratie totalitaire26. Plus récemment, et plus près de nous, le politologue neuchâtelois Jean-Pierre Graber, n'intitulait-il pas son ouvrage sur les menaces qui pèsent sur nos sociétés démocratiques, Les périls totalitaires de l'Occident27 ? L'orientation purement immanente d'une civilisation qui aurait résolument tourné le dos à Dieu et à sa sainte Loi transcendant les normes d'une justice uniquement terrestre, ne conduit-elle pas immanquablement au totalitarisme, que ce soit sous une forme douce ou violente ? Le meilleur des mondes 28 qu'on nous prépare, et dans lequel nous sommes déjà très largement engagés29, est-il vraiment si préférable au 1984 30 du pays des goulags ?

Cependant, malgré le fait que l'école publique vaudoise se vidait depuis si longtemps de tous ses fondements chrétiens, elle a pu cependant maintenir, jusque dans les années soixante, une certaine qualité d'enseignement remarquable et une saine discipline, cela grâce aux restes d'une civilisation chrétienne. Le renouvellement spirituel et moral qui aurait seul pu enrayer un tel déclin ne s'est pas produit. La conséquence d'un tel dessèchement spirituel fut l'ébranlement de la société tout entière. L'école publique, comme d'ailleurs toutes les institutions sociales, ne fut pas épargnée. La révolte de mai soixante-huit fut le révélateur d'une cassure beaucoup plus profonde. Car, la révolte de la jeunesse contre toute forme d'autorité n'était que la contrepartie nécessaire de cet effritement de l'autorité de leurs aînés, dont la source lointaine était l'abandon par le pays de ses racines chrétiennes.

Bien des enseignants ne voyant eux-mêmes aucun sens à la vie – sens qui, en fin de compte ne peut se trouver que dans une pratique courageuse du Christianisme – n'avaient pour leur part rien à répondre aux questions angoissées et à la révolte de leurs élèves, face à un monde absurde et apparemment sans signification. Les maîtres se trouvaient souvent dépourvus de toute justification, autre que matérielle, de leur fonction d'enseignants. Cette affaissement moral ouvrit la porte à ceux qui, pour des motivations idéologiques, voulaient utiliser l'école pour transformer la société. Cette idéologie était forcément de gauche, et souvent explicitement marxiste. L'indifférence, que dire, la complaisance au mensonge de cette intelligentsia marxisante tenait chez nous le haut du pavé, et cela malgré les horreurs largement connues du totalitarisme soviétique et chinois.

Avec les spécialistes, techniciens en pédagogie, nous sommes entrés dans une nouvelle époque de l'histoire de l'école vaudoise. Ce sont eux qui, depuis plus d'un quart de siècle, mènent le bal dans la politique scolaire de notre canton. L'autorité politique du Département de l'Instruction Publique s'est surtout contentée, pendant cette période, de se manifester par une soumission docile aux diktats idéologiques infaillibles des mandarins pédagogiques en place. En effet, la politique des chefs successifs de ce département s'est caractérisée par un manque étonnant de clairvoyance, et une totale absence de véritable volonté politique. C'est un tel état de choses qui persiste aujourd'hui encore. Dans la gabegie scolaire qui en fut le résultat, ce sont les élèves qui en premier lieu durent payer les frais. Et les parents furent eux les laissés pour compte. Il s'ensuivit des débats interminables sur la réforme des structures de l'école, puis celle, encore plus navrante, des programmes. L'histoire, la géographie, les mathématiques, le français passèrent ainsi dans le moulinet pédagogique. C'est ainsi que fut mis en place le projet de transformation de la société par la pédagogie dont, en 1922 déjà, Édouard Claparède s'était fait le porte-parole. C'est ce projet utopique que nous allons voir maintenant.

 

3. Édouard Claparède, une pédagogie révolutionnaire aux visées mondiales

En 1922, devant le Congrès d'Hygiène Mentale de Paris, Édouard Claparède, le psychologue et pédagogue genevois alors bien connu, fit une série de propositions qui donne un vif éclairage à l'histoire de la pédagogie expérimentale qui a si durablement façonné notre école. Citons pour mémoire quelques extraits des quinze thèses dont est composée cette déclaration. Ils nous permettront de mieux situer une des sources intellectuelles de ces maux scolaires dont l'école souffre aujourd'hui.

 

1. Tout d'abord, c'est l'enfant lui-même et non la matière même de l'enseignement donné – en fin de compte, la vérité –, qui doit se trouver au coeur du projet d'école nouvelle. Le souci de communiquer une vérité extérieure à l'homme cède ici le pas à l'empirisme. Il s'agit d'un puéro-centrisme à caractère idolâtre, effet pédagogique obligé d'une vision du monde résolument humaniste, c'est-à-dire centrée uniquement sur l'homme.

 

La conception fonctionnelle de l'éducation et de l'enseignement (…) consiste à prendre l'enfant pour centre des programmes et des méthodes scolaires. (Art. 2)

Dieu et ses lois normatives sont exclus a priori du processus éducatif. Il en résulte qu'un aspect spécifique de l'enseignement, l'enfant, est pris comme centre exclusif de toute l'entreprise pédagogique. Le refus de mettre Dieu et sa Parole au coeur de nos préoccupations éducatives conduit à l'idolâtrie d'un seul aspect de la réalité, en lui-même pourtant légitime. Ici l'enfant devient l'unique mesure de toute pédagogie.

 

2. Les désirs (nécessairement bons) des enfants deviennent en conséquence le moteur de l'éducation :

 

L'enfant ne doit pas travailler, se bien comporter, pour obéir à autrui, mais parce que cette manière de faire est sentie par lui comme désirable. (Art. 3)

L'enfant, centre de la réalité pédagogique, doit être soustrait à toute autorité extérieure. Ce qui est par lui considéré désirable devient le critère absolu du vrai.

 

3. La formation intellectuelle et morale doit primer sur l'acquisition des connaissances ; la logique prime sur la mémoire. D'éducateur, l'enseignant se métamorphose en créateur psychologique. On préconise des têtes bien faites mais aux dépens de la mémorisation.

 

L'éducation doit viser à développer les fonctions intellectuelles et morales, plus qu'à bourrer le crâne d'une masse de connaissances. (Art. 5)

C'est ainsi que l'on fabrique des intelligences qui, faute de mémoires bien meublées, tournent à vide car elles ne disposent guère de matériaux sur lesquels exercer leur capacités logiques hypertrophiées.

 

4. Cependant, la dialectique de l'action pédagogique doit avoir priorité sur l'apprentissage conceptuel proprement dit :

 

L'école doit être active, c'est-à-dire mobiliser l'activité de l'enfant. Elle doit être un laboratoire plus qu'un auditoire. Dans ce but, elle pourra tirer un utile parti du jeu, qui stimule au maximum l'activité de l'enfant. ( Art. 6)

 

5. Ceci livre les enfants, devenus des cobayes pédagogiques dans des classes-laboratoires, aux expérimentations des savants-pédagogues. La fonction du maître doit évidemment elle aussi changer :

 

Dans cette nouvelle conception de l'éducation, la fonction du maître est complètement transformée. Celui-ci ne doit plus être un omniscient chargé de pétrir l'intelligence et de remplir l'esprit de connaissances. Il doit être un stimulateur d'intérêts. Il doit être pour ses élèves bien plus un collaborateur qu'un enseignant ex cathedra. (Art. 9)

 

6. La formation des maîtres doit également subir une profonde réforme :

 

Cette nouvelle conception de l'école et de l'éducateur implique une transformation complète de la formation des maîtres de l'enseignement à tous les degrés. Cette préparation doit être avant tout psychologique. (Art. 10)

 

7. L'aspect social de l'éducation doit devenir prédominant. Il faut :

 

(…) présenter le travail et les branches d'étude (…) sous leur aspect social, comme des instruments d'action sociale (ce qu'ils sont en réalité). (Art. 8)

 

8. Une telle perspective doit aboutir à la disparition des examens :

 

Les réformes ci-dessus préconisées ne seront possibles que si le système d'examens est profondément transformé. (…) Sauf peut-être pour le minimum de connaissances indispensables, les examens doivent être supprimés et remplacés par une appréciation. (…) (Art. l3)

 

9. Et quelle sera cette nouvelle norme infaillible qui remplacera si bénéfiquement la sagesse acquise par d'innombrables générations d'éducateurs ? Bien sûr, cette nouvelle reine des sciences pédagogiques, c'est la psychologie :

 

La psychologie expérimentale est en mesure de fournir à la pédagogie pratique les méthodes propres au contrôle des procédés didactiques et du rendement scolaire. (Art. 14)

 

10. Et, pour finir, il faut mettre sur pied une véritable conjuration mondiale en faveur de cette utopie pédagogique, dont la valeur est reconnue uniquement par une petite coterie élitaire d'initiés :

 

L'inertie et la routine des administrations étant tacitement soutenue par l'indifférence du grand public, ou son incompréhension pour la réforme à accomplir, les Ligues d'Hygiène Mentale doivent entreprendre, dans tous les pays, une propagande intense en faveur des idées nouvelles. (Art. 15)31

Après la Deuxième Guerre mondiale, cette conspiration pédagogique devint la politique officielle, à l'échelle mondiale, du bras culturel de l'Organisation des Nations Unies, l'UNESCO.

Les travaux récents de chercheurs américains tels Rousas J. Rushdoony32, Samuel Blumenfeld33, Paolo Lionni et Lance J. Klass34 ont décrit le développement aux États-Unis de ce messianisme pédagogique. L'unitarisme libéral protestant de la première moitié du XIXe siècle sur la côte Est des États-Unis ouvrit la voie à une vision de l'éducation excluant toute transcendance, et fondée sur la psychologie des réflexes conditionnés développée par le psychologue allemand Wilhelm Wundt à Leipzig. Cette dernière fut imposée par la N.E.A. (National Education Association) à l'ensemble du système d'instruction publique aux États-Unis au cours du XXe siècle. C'est dans ce cadre que John Dewey35, le célèbre pédagogue marxiste, exerça une immense influence sur les destinées de l'éducation américaine.

Car, comme le montre fort clairement R. J. Rushdoony dans son ouvrage pionnier intitulé Le caractère messianique de l'éducation américaine, il s'agit bel et bien d'une sécularisation utopique et messianique du christianisme. Ce projet aboutira à une vision totalement immanente de la société. Comme c'est le cas avec le communisme lui-même36, cette pédagogie nouvelle nous présente un substitut sécularisé (c'est-à-dire purement terrestre) du Royaume de Dieu. Il s'agit d'un messianisme social sans Dieu, sans Médiateur divin, sans Loi transcendante, normative de toute réalité terrestre. La tâche de l'école, dans la perspective développée par le maître incontesté de la nouvelle pédagogie messianique américaine, John Dewey (tâche reprise en Suisse romande par ceux qui ont adopté une optique semblable), est de transformer la société imparfaite actuelle en une société idéale, en une utopie sociale par la transformation psychologique des élèves. Ceci, non à l'image du Dieu Créateur et Sauveur, mais à celle de son substitut ici-bas, l'expert pédagogique. À la place de sa modeste fonction, déjà combien ardue, de formation et d'information des élèves, l'enseignant s'engage dans une tâche, à vrai dire impossible et parfaitement utopique, de régénération scolaire et sociale par la pédagogie.

Nous nous trouvons devant une entreprise au caractère éminemment religieux. Elle s'apparente au rêve de transmutation des métaux de l'alchimie ésotérique ; ou à la transformation imaginaire des espèces (macro-évolution) si chère à la mythologie évolutionniste37 ; ou encore au perfectionement automatique de la société par la dialectique pratique de la lutte des classes propre au marxisme38. Ici la dialectique hégélienne n'est pas appliquée à la biologie mais à la pédagogie39. Elle vise à la régénération psychologique de l'élève et, par lui, de la société tout entière40. La pédagogie (comme d'ailleurs la biologie) cherche à faire ce que seule la grâce souveraine d'un Dieu à la fois Créateur et Rédempteur peut accomplir.

 

4. Jean Piaget et l'athéisme scolaire

Ce mouvement pédagogique enfin dépouillé de ses oripeaux pseudo-chrétiens, aboutit nécessairement à l'athéisme, au matérialisme évolutionniste et à l'immanentisme épistémologiquement et culturellement totalitaire de Jean Piaget (1896-1980). Piaget prit la direction de l'Institut Jean-Jacques Rousseau fondé en 1912 par Claparède à Genève. Il faut cependant constater un saut qualitatif, une véritable mutation culturelle, entre le règne de Claparède et celui de Piaget à la tête de l'Institut, même si le second n'a fait que développer les implications des travaux de son prédécesseur. C'est en effet Piaget qui a mis en oeuvre la révolution pédagogique mondiale préconisée dans les années vingt par les Ligues d'Hygiène Mentale.

Le monde communiste, plus prudent ici que les héritiers occidentaux de l'idéologie des Lumières, a longtemps refusé cette révolution pédagogique, du moins pour ce qui concerne son propre système d'éducation, s'en tenant habituellement aux méthodes pédagogiques les plus traditionnelles. A l'extérieur cependant, les stratèges du K.G.B. ont encouragé de telles méthodes chez leurs adversaires comme faisant partie de cet arsenal de guerre culturelle apte à saper les résistances de l'ennemi. Il est frappant de remarquer à quel point les théories et la pratique de nos pédagogues romands sont entrées dans ce mouvement de déstabilisation de l'Occident. Aujourd'hui, l'influence de Piaget est universelle, même si, ici et là, s'élèvent des voix discordantes osant parfois aller jusqu'à poser la question sacrilège : Faut-il brûler Piaget ?41 La pensée de Piaget doit être située dans un vaste courant idéaliste et subjectiviste moderne, dont l'initiateur fut Descartes, courant que la pensée d'Emmanuel Kant confirma comme constituant le cadre indiscutable de tout discours philosophique digne d'être pris au sérieux. Selon le philosophe et théologien australien Stuart Fowler, Piaget a

 

(…) cherché à soustraire l'épistémologie de la philosophie pour en faire une discipline purement scientifique42.

Se fondant sur cette pseudo-science qu'est la biologie évolutionniste, Piaget considère qu'il existe un rapport univoque entre la manière dont les espèces se seraient modifiées en s'adaptant aux pressions du milieu, et le travail de l'intelligence humaine qui, elle aussi, se modifie constamment sous l'influence culturelle ambiante. Il refuse ici, dans son évolutionnisme universel, de distinguer entre les divers ordres de la pensée ; une forme de pensée étant applicable au domaine biologique, une autre à la pensée humaine, selon le principe que notre réflexion doit s'adapter aux objets variés qu'elle considère. Son univocité logique place ainsi toutes les pensées sur le même plan. Citons-le :

 

En effet, la vie est une création continue de formes de plus en plus complexes et une mise en équilibre progressive entre ces formes et le milieu. Dire que l'intelligence est un cas particulier de l'adaptation biologique, c'est donc supposer qu'elle est essentiellement une organisation et que sa fonction est de structurer l'univers comme l'organisme structure le milieu immédiat43.

Le malheur pour la théorie de Piaget est que la stabilité relative des espèces – une micro-adaptation génétique existe bel et bien, mais il n'y a aucune preuve scientifique de l'existence d'une quelconque macro-évolution – rend son modèle caduc. L'évolution créatrice de Henri Bergson (l859-1941), un des penseurs qui marqua durablement la pensée de Piaget, n'a tout simplement jamais été constatée scientifiquement. Mais, plus encore, en plus de son univocité abusive, cette conception foncièrement dialectique de l'intelligence ignore toute notion de vérité absolue, et en particulier, toute révélation conceptuelle vraie.

A la suite du biologiste allemand Ernst Haeckel (1834-1919), condamné par l'Université allemande pour sa falsification flagrante des preuves de sa fameuse théorie de la récapitulation embryonnaire de l'évolution des espèces, Piaget prolongea cet évolutionnisme embryonnaire par une théorie de l'évolution des stades de la pensée dans la croissance de l'intelligence chez l'enfant hors du sein maternel. Cette philosophie pseudo-scientifique le conduisit à ordonner les différents domaines de la réalité humaine, qu'il soumit à une investigation psychologique expérimentale systématique, en une hiérarchie monolithique se construisant elle-même par interaction avec le milieu social et culturel. La dialectique évolutionniste rejoignait ici celle de la société vue sous un angle marxiste. Pour Piaget, aucune différence foncière n'existe entre l'organisation de la vie biologique et la nature spécifiquement spirituelle de l'intelligence humaine. Un tel système ne peut être que relativiste, matérialiste et réductionniste. Il est axé en particulier sur une logique pseudo-mathématique envahissante usurpant abusivement l'analyse de tous les domaines de la réalité. C'est l'univocité absolue d'une pensée foncièrement totalitaire. Ce pseudo-mathématisme engloutit tant l'esprit de finesse que l'esprit de géométrie, et fait totalement disparaître tant la dimension spirituelle de l'homme que la réalité objective des phénomènes physiques. Il serait en conséquence foncièrement aberrant de fonder même une pédagogie du domaine des mathématiques sur les principes piagétiens. C'est ce que l'on a malheureusement fait avec l'introduction quasi-universelle par certains de ses disciples de la mathématique des ensembles dans les classes primaires des écoles du monde entier, sous la forme rabougrie des maths prétendument modernes.

Son constructivisme activiste dialectique – l'action précède la vérité, la vérité découle de l'action – conduit en pédagogie aux leçons de choses, à l'importance de la manipulation d'objets chez l'enfant, à la priorité de l'oral sur l'écrit, etc. Le : Au commencement était l'action, de l'épistémologie dialectique et techniciste du marxisme (dont l'expression exacte se trouve déjà dans le Faust de Goethe) remplace bien ici le : Au commencement était la Parole, de l'épistémologie biblique. L'application de telles méthodes à l'enseignement qui refuse le caractère foncièrement intelligent des enfants, créés à l'image de Dieu, assure le retardement inutile du développement de leur intelligence. Par l'intermédiaire de l'UNESCO, dont Piaget a longtemps présidé le Bureau International de l'Éducation, ces idées néfastes issues de l'Institut Jean-Jacques Rousseau de Genève se sont largement répandues dans le monde entier.

Dans une telle perspective, la notion d'une vérité connaissable en soi par les méthodes appropriées à l'objet étudié disparaît complètement. Bien plus, la possibilité même de connaître de manière certaine une vérité absolue révélée par le Dieu Créateur dont l'Être transcende et notre intelligence et l'univers lui-même, devient tout simplement impensable. Seul existe le processus évolutif cosmique qui se manifeste tant sur le plan biologique que sur celui de l'épistémologie. En plus, dans cette pensée totalement univoque, les différentiations observables entre matière, vie biologique et pensée humaine sont complètement occultées. Comme le montre fort bien le philosophe zurichois Antonio Suarez, il n'est guère étonnant que dans

 

(…) le système constructiviste de Piaget où la connaissance est conçue comme un processus d'assimilation biologique, il est impossible de distinguer, en réalité, les personnes des objets. (…) Deux cents ans après Rousseau, il n'est plus d'inégalité. Désormais nous pouvons écrire le "Discours sur l'origine de l'égalité entre les personnes et les objets"44.

 

Conclusion

Un des aspects marquants de tout totalitarisme est de prendre des personnes pleinement humaines (embryons, enfants handicapés, adultes dans le coma portant un testament biologique ou vieux dont on veut se débarrasser) pour des objets ou des animaux45. Pour les nazis, les juifs, les noirs, les tsiganes, les slaves, etc., étaient des non-personnes et comme telles pouvaient être traités de n'importe quelle façon. Il en est de même pour le communisme. Les bourgeois, ainsi que tous ceux qui quittent la ligne définie par le Parti, sont exclus de l'ordre social, ce sont des parasites, des insectes nuisibles qu'il faut, à la rigueur, exterminer. Les théories nazies relatives aux races supérieures manifestaient des caractéristiques semblables. Pour exterminer les embryons, les enfants handicapés ou les personnes âgées, comme cela se fait de manière hygiénique et de plus en plus fréquemment dans nos hôpitaux, il faut évidemment faire passer préalablement dans la pensée des bourreaux qui s'ignorent, les catégories à exterminer hors du domaine de l'humain. Ainsi en modifiant simplement le vocabulaire les concernant46, on exclut verbalement (c'est-à dire réellement) des hommes et des femmes, préférablement sans capacité de défense, de la catégorie du genre humain. Ils deviennent, eux aussi, des non-personnes et leur extermination ne pose alors plus de problème éthique à ceux qui les détruisent et à la société qui tacitement approuve cette action exterminatrice.

Une méconnaissance des ordres de la création – matière, vie, homme – telle qu'en témoigne explicitement la philosophie pédagogique de Piaget ne peut aboutir qu'au mépris de la vie humaine et au totalitarisme. C'est ce que l'on commence à apercevoir dans l'application de ces théories dangereuses pour les élèves de nos écoles. Nos administrateurs scolaires et les politiciens qui ont la charge de l'éducation de nos enfants semblent incapables de percevoir le danger. Ainsi, le navire de l'école publique privé de capitaine est livré, sans boussole ni gouvernail, aux techniciens pédagogiques qui abandonnent les enfants, et par eux, la société tout entière aux vents déchaînés de cette tempête idéologique et spirituelle qui, en cette fin de millénaire, emporte notre monde perdu.

 

 

B. Retrouver le nord : une confession de foi pédagogique

C'est pour faire face à de tels dangers, dangers à la fois théologiques, philosophiques et pédagogiques, qu'a été fondée l'Association Vaudoise de Parents Chrétiens. Sur le plan proprement doctrinal et théologique, il est indispensable que l'Église chrétienne puisse disposer d'une Confession de Foi attachée au seul dépôt qu'est l'Écriture Sainte et soigneusement adaptée aux erreurs propres à l'époque où elle doit proclamer la foi. De même, toute entreprise pédagogique qui veut se maintenir dans la vérité et se prémunir contre les erreurs théologiques, philosophiques et pédagogiques du moment présent, se doit de formuler une Confession de foi éducative, qui exprimera les fondements doctrinaux de son action éducative et en constituera le garde-fou conceptuel. La formulation de principes pédagogiques fondés sur la Parole de Dieu et attentive à la réalité créée, tant humaine que sociale, est une arme irremplaçable dans le combat à mener pour rétablir un enseignement vraiment digne de ce nom.

C'est pour de tels motifs que la fondation de l'Association Vaudoise de Parents Chrétiens en 1979 fut accompagnée de la formulation d'une Charte fondamentale de l'Enseignement. Cette Charte composée de huit thèses cherche à définir l'orientation que devrait avoir toute oeuvre éducative saine, ainsi que les principales erreurs à éviter si l'on souhaite travailler dans la vérité, pour le bien de ceux que l'on cherche à instruire et en vue de la gloire du Créateur de toutes choses, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, un seul Dieu en trois Personnes divines. Une brève explication des huit points de cette Charte permettra de mieux comprendre la nocivité de la tradition pédagogique moderne que nous venons de survoler.

 

Article I : Dieu premier servi

Le premier point de notre Charte traite du but que devrait poursuivre toute activité humaine : rendre gloire au Créateur des cieux et de la terre, Créateur de tous les hommes, de la société, de l'intelligence humaine et, bien sûr, de l'école elle-même. Le seul moyen sûr d'éviter le flot d'erreurs que nous venons d'évoquer est de mettre Dieu et sa sagesse révélée au coeur de toutes nos pensées. Il faut que Dieu, dans sa sagesse incomparable, devienne le maître de tous ceux qui se targuent d'enseigner les hommes et les enfants. Qu'Il soit Lui au coeur de toute entreprise pédagogique. L'adoration du vrai Dieu nous permettra d'accorder sa juste place à tous les domaines si variés de la création et ainsi d'éviter l'adoration des idoles, ici sous la forme d'une pensée univoque qui soumet toute la réalité à la domination unilatérale et tyrannique d'un seul de ses aspects. La crainte de l'Éternel est le fondement de toute sagesse ; la haine et le mépris de Dieu, nous ne le voyons que trop, est signe de folie et source de mort.

Cette affirmation pour totalisante qu'elle soit – car la sagesse et la puissance de Dieu englobent toutes choses – n'est d'aucune manière totalitaire, car la Parole de Dieu en tant qu'ordonnatrice de tout ce qui existe constitue la structure véritable de l'univers, de l'homme, de toutes les institutions sociales, de toutes les formes de la pensée. Cette Parole divine exprimée dans la révélation biblique donne tout son sens à la réalité car elle ne provient pas de l'homme, mais de Dieu. Elle existe de toute éternité. Elle a créé toutes choses. Aujourd'hui encore Elle maintient tout ce qui existe dans l'ordre qui lui est propre. C'est Elle qui fonde l'homme et le dépasse, donnant sens à ses propres pensées. Car, croyants ou incroyants, nous sommes tous créés à l'image du Dieu trinitaire. Tout l'univers et toutes nos pensées portent de manière indélébile la marque de l'Un et du Multiple, reflétant ainsi de manière très précise le caractère trinitaire du seul vrai Dieu. Ceci demeure vrai, que nous le sachions ou non, que nous le croyions ou non, que nous l'acceptions ou que nous le rejetions. Notre seule fin humaine légitime est de glorifier le vrai Dieu par toutes nos pensées et par nos vies tout entières. La gloire de Dieu, la lumière de sa Parole, doit orienter le but spécifique de l'école qui est d'apprendre à devenir adulte par l'acquisition des connaissances, lire, écrire, calculer, déchiffrent l'histoire, etc. et des disciplines que ces acquisitions impliquent. Qui considérerait comme sage le mécanicien qui délibérément mettrait de côté le plan de la machine qu'il s'apprêterait à réparer ? Et nous souhaiterions ignorer les plans de Celui qui est l'Ordonnateur divin de nos personnes, de nos sociétés, de nos écoles, de l'univers tout entier ? Ce plan a été établi par la Parole divine, faite homme en Jésus-Christ. Il a été révélé aux hommes par la Parole divine inscrite dans la Bible. C'est pour de telles raisons que notre premier article traite du but unique de tout enseignement vrai :

 

Nous considérons que le but véritable de tout enseignement est d'apprendre aux enfants à connaître Dieu, à le glorifier et à lui rendre le culte et l'honneur qui lui sont dûs.

Article II : La Révélation de Dieu, fondement de toute connaissance

Notre deuxième article répond au subjectivisme moderne, au courant idéaliste universellement répandu qui nie la possibilité de connaître une quelconque vérité de manière réelle, véritable. L'agnosticisme et le scepticisme d'une pensée qui prétend que tout est relatif – l'évolution dialectique gouverne toutes choses, le monde est en devenir permanent – pénètre partout. Ce relativisme intellectuel au caractère nominaliste – les mots ne correspondent pas aux choses qu'ils nomment – rompt les rapports étroits qui relient Dieu et sa création, le naturel au surnaturel, le monde visible à l'invisible, la Parole divine à la parole humaine. Le subjectivisme de Descartes et, plus encore, l'idéalisme de Kant (véritable consensus de civilisation) relativisent les phénomènes et les concepts qui en parlent. Dans cette perspective kantienne, le noumène, c'est-à-dire tout ce qui concerne Dieu, est abandonné à l'expérience mystique qui elle, est impossible à conceptualiser. Dans ce système dualiste qui est devenu le tombeau de l'intelligence, il n'existe plus de rapport intelligible entre Dieu et sa révélation dans la création, entre Dieu et sa révélation particulière dans la Bible. Avec Hegel, et avec la dialectique marxiste et évolutionniste, un pas de plus fut franchi : la méthode dialectique a détruit, pour ceux qui s'y adonnent, la capacité logique de la pensée humaine de définir des concepts vrais ou faux et de les distinguer. On entre ainsi dans l'irrationalisme caractéristique de tout ésotérisme gnostique ou occulte. Ceux qui se soumettent de façon conséquente à une telle manière de penser deviennent peu à peu incapables d'une quelconque connaissance vraie, autant de la nature que de la Parole de Dieu. C'est pour nous opposer à de tels courants d'erreurs que nous affirmons :

 

Vu que l'univers et tout ce qu'il contient est l'oeuvre du Créateur, il s'ensuit que toute connaissance vraie doit se fonder sur la révélation de Dieu, dans le respect de l'ordre stable de la réalité créée.

Cet ordre stable, tant de la Parole divine que de la création qu'elle soutient à tout instant, est en effet attaqué de toutes parts et en particulier par l'exégèse irrationnelle de la critique biblique, le relativisme moral et le subjectivisme épistémologique qui fait fi de toute vérité, des formes substantielles créées et de toute réalité stable.

 

Article III : Science sans conscience, ruine de l'âme

La coupure produite par le consensus idéaliste entre les mots et les choses, entre vérité et réalité, entre la vie spirituelle et le monde matériel, conduit à une intellectualisation malsaine de l'enseignement. Ceci mène à une séparation funeste entre la formation de l'intelligence des hommes, jeunes ou moins jeunes, et l'éducation et la discipline des facultés morales. Cette gnose pédagogique ouvre toute grande la porte à une science dépourvue de conscience qui commence à nouveau à nous menacer d'atrocités, maintenant pires encore que celles perpétrées naguère par la médecine nazie. Euthanasie, commerce d'organes, expérimentation sur des foetus humains vivants (en français on appelle de tels êtres des bébés), avortements contraceptifs, pilule abortive, génie génétique, clônage humain, etc., montrent ce que peut produire une science livrée à elle-même, abandonnée à la conscience infiniment variable de savants pires que des barbares. Il nous faut rejeter le subjectivisme moral de l'impératif catégorique kantien d'une morale autonome pour revenir au réalisme biblique et créationnel.Ainsi nous affirmons:

 

En conséquence, on ne peut pas séparer l'acquisition des connaissances de la formation morale et spirituelle de la jeunesse. L'ignorer est dangereux.

 

Article IV : L'éducation affaire des parents, non de l'État

L'État moderne déborde de plus en plus les fonctions de justice, de police et de guerre que Dieu lui confie, pour se substituer toujours davantage aux responsabilités des individus exercées dans le cadre d'institutions naturelles ou créationnelles telles l'Église, la famille, l'école, l'entreprise, les hôpitaux, et toutes sortes d'associations dont la libre initiative de l'homme le dote. Tant sur le plan des obligations naturelles que sur celui défini par la loi de Dieu, le devoir d'éducation et d'instruction des enfants incombe à la famille. Les parents, certes, peuvent déléguer cette responsabilité à des personnes de leur choix. Mais contrairement à ce que l'on croit couramment, l'État ne dispose d'aucun droit légitime sur les enfants ni sur leur éducation. L'éducation publique étatique n'est qu'une usurpation de l'État dans un domaine qui n'est pas le sien, usurpation favorisée par la démission des familles de leurs responsabilités les plus élémentaires. L'État, en se saisissant de ce droit, et en plus, en favorisant une action éducative anti-familiale, affaiblit le rôle des cellules de base irremplaçables de toute société saine pour favoriser la multiplication des cellules cancéreuses de type individualiste ou administrative. Ce sont les tentations symétriques nuisibles du libéralisme individuel anarchique et du socialisme collectiviste. Nous affirmons :

 

La responsabilité de l'éducation des enfants incombe en premier lieu aux parents et seulement par délégation aux institutions scolaires. Les droits et les obligations des parents à l'égard de leurs enfants ont priorité sur ceux de l'État.

Article V : Pas d'enseignement possible sans hiérarchie ni juste autorité

De nombreux mythes pédagogiques, tels ceux de la non-directivité, de l'égalitarisme, du dialogue, du puéro-centrisme, de l'autocréativité spontanée et de l'innocence native de l'enfant (innocence qui aurait été corrompue par les institutions sociales et par-dessus tout par la famille !) et bien d'autres conceptions erronées, entravent gravement le processus normal d'enseignement. C'est pour nous opposer à ces différentes hérésies pédagogiques égalitaristes que nous affirmons :

 

Tout véritable enseignement ne peut que se fonder sur une hiérarchie, le maître dispensant les connaissances aux élèves qui les reçoivent. En conséquence, le maître doit disposer d'une autorité sur les élèves. Ainsi pourra-t-il communiquer à ceux placés sous son autorité des connaissances qui leur étaient jusqu'alors inconnues. Une discipline précise est indispensable à l'enseignement.

Une des raisons pour lesquelles les enfants apprennent de moins en moins à l'école provient de l'ignorance ou du refus de tels principes éducatifs élémentaires, principes qui relèvent autant du bon sens millénaire des hommes que de l'enseignement de la Bible elle-même.

 

Article VI : Sans respect du passé, aucun progrès possible

Combien de fois dans l'histoire des civilisations, des intellectuels imbus d'eux-mêmes n'en sont-ils pas venus à prétendre avoir tout découvert par l'originalité de leurs seuls efforts. Le mépris courant pour l'histoire et pour toute tradition vivante témoigne de la présence actuelle d'une telle attitude foncièrement anti-éducative.

Nous avons déjà parlé de la Pléiade qui prétendaient qu'avant leur apparition les muses avaient délaissé la France. Pourtant nous commençons à reconnaître la prodigieuse richesse de la poésie médiévale, poésie qui a le défaut impardonnable d'être bien souvent d'inspiration explicitement chrétienne. Il est remarquable de découvrir, par exemple, que la plupart des formes poétiques utilisées par Ronsard, formes qu'il prétendait si modestement avoir, ou inventées lui-même, ou reprises de la poésie antique, se trouvent dans les poésies de son prédécesseur immédiat (et presque son contemporain), Clément Marot. Mais Marot situait son art dans la continuité de la véritable tradition poétique française et récusait toute prétention à une quelconque originalité absolue. Marot sut transmettre en son temps la tradition vivante de la poésie médiévale aux poètes si nombreux que suscita la Réforme protestante. Cette dernière recueillit, non seulement le véritable héritage chrétien du Moyen Âge, mais également une part importante de ses richesses artistiques.

Ce phénomène de rupture avec le passé est devenu de plus en plus courant. Dans les sciences, par exemple, Galilée au XVIIe siècle rejeta dans les ténèbres extérieures de l'ignorance l'héritage scientifique de l'aristotélisme ; Darwin, pour sa part, extirpa de son initiative novatrice la biologie de ses prédécesseurs fondée sur les formes substantielles stables de la création. Dans les arts plastiques, l'originalité absolue est quasiment devenue le critère du succès. En musique, que de désastres n'ont pas été provoqués par le refus de la tonalité ! Les diverses réformes des programmes scolaires usent de stratagèmes de dénigrement du passé semblables pour imposer abusivement leurs nouveautés aux générations nouvelles. On impose aux écoliers des maths nouvelles ; l'enseignement du français doit être renouvelé ; on caricature l'enseignement des aînés pour imposer des idées que l'on prétend nouvelles mais qui, en réalité, sont aussi vieilles que la bêtise humaine. S'il faut toujours laisser une place à l'innovation, à la création de nouvelles formes, à la découverte et à la recherche, il est cependant incontestable que les vrais innovateurs sont ceux qui, en s'appuyant sur les réussites, sur les formes achevées de leurs prédécesseurs, parviennent à les dépasser. Pour lutter contre une présomption qui ne peut que conduire à la pire des misères culturelles, nous affirmons que :

 

Toute pratique éducative cherchant à innover en faisant table rase du passé – que ce soit dans l'enseignement des sciences exactes, de l'histoire ou des langues, notamment – est nuisible à l'instruction véritable de la jeunesse. La transmission des connaissances, héritage précieux de nos aînés, doit sans doute être constamment rectifiée selon la vérité et le respect du réel. Vouloir abolir l'acquis spirituel, moral et intellectuel de nos prédécesseurs aboutit à une méconnaissance du réel et un déracinement de la personne. Il n'y a pas d'avenir sans tradition.

Nos ancêtres du Moyen Âge étaient plus modestes et plus sages que nos réformateurs de la table rase quand ils disaient que, s'ils voyaient plus loin que leurs pères, c'est simplement qu'ils étaient assis sur leurs épaules !

 

Article VII : Nécessité d'un enseignement différencié

Dans notre Charte, nous avons également réagi contre une mode malsaine inspirée de l'idéologie abstraite des Droits de l'Homme. Cette idéologie considère les hommes comme des unités purement individuelles, des monades sans liens sociaux, historiques ou religieux entre eux, de véritables atomes ordonnés par des lois abstraites de type mathématique. L'attitude pédagogique qui s'inspire de cette idéologie humanitaire et scientiste ne tient aucunement compte des particularités familiales, sexuelles, héréditaires, religieuses ou même des aptitudes précises des enfants qui sont tous voués à une formation intellectuelle unique de type abstrait. Les enfants sont ainsi souvent considérés comme des entités permutables et interchangeables, de véritables numéros. C'est sans doute à ce genre de personnalités que doit faire appel le travail fragmenté, cassé, comme on le nomme, à la chaîne. Mais est-ce là le but véritable d'une éducation digne de ce nom ? En traitant les enfants de cette manière, on aboutit nécessairement à cette société exclusivement industrielle et commerciale sans âme que nous connaissons tous. Pourquoi donc la bêtise et les idées trop simples des hommes doivent-elles réduire à des numéros une réalité humaine si diverse et si riche, si belle et si variée ? C'est la raison de notre septième article :

 

L'enseignement doit se donner dans le respect de la nature propre et du développement moral et intellectuel spécifique de ceux qui le reçoivent. Les garçons et les filles doivent recevoir un enseignement partiellement différencié, de manière à respecter la nature de chacun. L'enseignement doit être donné de manières diversement adaptées à l'âge, aux capacités, aux rythmes d'assimilation des enfants. Il est, par exemple, aberrant de vouloir initier des petits enfants à des formes de raisonnement abstraits propres uniquement aux intelligences formées, ou de vouloir imposer, sans discrimination, une formation purement intellectuelle. L'enseignement doit être conçu de manière à conduire à l'insertion pratique ultérieure des jeunes dans la vie.

Article VIII : Des programmes scolaires qui reflètent dans toutes les branches la pensée du Créateur

Pour terminer, une école véritablement utile aux enfants et à la société ne peut que chercher en tout à glorifier le Dieu trois fois saint, Père, Fils et Saint-Esprit. On ne peut se contenter d'une école se revêtant d'une forme de piété purement extérieure et dont les programmes excluraient le contenu conceptuel révélé par Dieu pour notre instruction dans sa Parole, la Bible. La schizophrénie d'une piété chrétienne dans une intelligence païenne est la marque d'un christianisme impuissant. Les modes de penser qui se veulent indépendants de la pensée de Dieu exprimée dans la Bible ne sont que des idoles intellectuelles. Nous avons autre chose à faire que de construire des écoles pour abriter de telles idoles. Certes, toute école ne peut avoir d'autre but que de glorifier Dieu dans tout ce qu'elle entreprend. Cependant, en attendant le jour où les écoles de l'État sauront soumettre toutes leurs activités à la seule finalité digne d'une éducation véritablement humaine, les écoles chrétiennes doivent mettre les enseignements explicites et implicites de la Parole de Dieu dans l'esprit de leur pédagogie, dans leurs méthodes et dans tous leurs programmes47. C'est pourquoi nous affirmons :

 

Il est indispensable d'établir dans toutes les matières de l'enseignement une conception d'ensemble des programmes scolaires répondant à une véritable finalité chrétienne respectueuse du réel et de faire en sorte que la vision chrétienne de l'enseignement, ici définie, puisse à nouveau inspirer l'éducation publique de notre canton.

Conclusion. Que devons-nous faire ?

Dans le contexte spirituel, ecclésiastique, politique et pédagogique que nous connaissons, il nous faut agir à la fois avec audace et avec prudence. Nous ne faisons en fait que commencer à prendre conscience des problèmes que suscite pour nos enfants l'état actuel des écoles tant privées que publiques. Une chose cependant est certaine, si nous ne réagissons pas à cette situation, notre jeunesse chrétienne continuera à abandonner les Églises et le christianisme lui-même.

Premièrement, nous devons résolument prendre conscience de la situation actuelle. Le temps des autruches cachant leurs têtes sous le sable pour ne pas voir le danger est décidément passé. Ou nous réagissons face au mal, ou nos Églises disparaîtront. Aujourd'hui les moyens d'information existent et ceux qui ne veulent pas s'en servir sont sans excuse.

Une fois que l'on a saisi la nature et la gravité du problème, il faut résolument passer à l'action. Les Églises locales, dans un premier temps, devraient mettre à la disposition des parents chrétiens un service de formation aux problèmes scolaires leur permettant de mieux répondre aux difficultés de leurs enfants. La plupart des parents ne sont pas aptes à comprendre la nature et l'ampleur des problèmes que l'école pose à notre jeunesse. Les Églises devraient mettre sur pied des moyens précis pour les aider. L'existence de l'Association Vaudoise de Parents Chrétiens48 et de l'Association Création, Bible et Science49 sont des instruments précieux allant dans ce sens. Il faudrait d'autres associations similaires pour promouvoir une vision biblique de l'histoire, de la littérature, de la psychologie, de la politique, de l'économie50, etc.

Finalement, les chrétiens doivent faire résolument face au défi qui leur est lancé d'établir un peu partout des écoles chrétiennes aptes à leur permettre d'élever leurs enfants d'une manière intégralement chrétienne. Ici et là apparaissent de telles écoles. Il faudrait aussi prendre l'initiative de développer l'enseignement à la maison avec l'aide de programmes bien préparés comme cela se fait très largement aujourd'hui aux États-Unis. Il nous faudrait également disposer de moyens adéquats pour agir sur le plan public, afin de pouvoir freiner et renverser le courant pédagogique néfaste qui domine actuellement dans l'instruction patronnée par l'État et promouvoir des mesures de justice fiscale à l'égard des parents qui mettent leurs enfants dans des écoles privées, tout en payant par leurs impôts pour une éducation publique qu'ils refusent. L'introduction du bon scolaire ou la possibilité d'une soustraction des frais d'éducation du gain imposable ne sont que des mesures élémentaires de justice à l'égard des familles qui refusent le système étatique.

Mon voeu et ma prière sont que de nombreux chrétiens puissent prendre conscience de la gravité de ces questions, qu'ils puissent se regrouper et agir avec foi, prudence, persévérance et énergie, afin d'assurer une formation véritablement chrétienne de leurs enfants qui constituent à la fois leur plus grand trésor et le gage de l'avenir, tant de l'Église de Dieu que de la société tout entière. Il nous faut résolument résister aux erreurs de notre temps et construire avec détermination cette partie de la Cité de Dieu que le Seigneur nous a confiée.

 

Bibliographie sommaire sur christianisme et éducation

Henri Charlier, Culture, École, Métier, Nouvelles Éditions Latines, Paris, 1959.

Didier Maupas, L'École en accusation, Éditions Albin Michel, Paris, 1984.

Jacqueline de Romilly, L'Enseignement en détresse, Julliard, Paris, 1984.

Michel Creuzet, Enseignement éducation, Montalza, Paris, 1973.

Michel de Saint-Pierre, Lettre ouverte aux assassins de l'école libre, Albin Michel, Paris, 1982.

Édith Delamarre, Mainmise sur l'École libre, Dominique Martin Morin, Bouère, 1985.

Isabelle Stahl et Françoise Thom, L'école des barbares, Julliard, Paris, 1985.

Bernard Bonilauri, La Désinformation scolaire. Essai sur les manuels d'enseignement, P.U.F., Paris, 1983.

Marie-Claude Monchaux, Écrits pour nuire. Littérature enfantine et Subversion, U.N.I. (8, rue de Musset, 75016 Paris), 1985.

Stella Baruk, Échec et maths, Seuil, Paris, 1973.

Jean-Blaise Rochat, Les Linguistes sont-ils un groupe permutable?, Cahiers de la Renaissance vaudoise, Lausanne, 1988.

AEBS, Schule auf biblischer basis. Grundlagen ind Ziele Evanglischer Bekenntnisschulen, Hänssler Verlag, Neuhausen-Stuttgart, 1985.

D. B. Cummings (Ed.), The Purpose of a Christ-Centered Education, Presbyterian and Reformed, Phillipsburg (New Jersey), 1975.

J. Gresham Machen, Education, Christianity and the State, Trinity Foundation, Jefferson (Maryland), 1987.

Tim Lahaye, The Battle for the Public Schools. Humanism's Threat to our Children, Fleming Revell, Old Tappan (New Jersey), 1983.

Paul Vitz, Censorship. Evidence of Bias in our Children's Textbooks, Servant Books, Ann Arbor, 1986.

E.G. West, Education and the State. A Study in Political Economy, Institute of Economic Affairs, London, 1970.

Antony Flew, Power to the Parents. Reversing Educational Decline, Sherwood Press, London, 1987.

Arthur Seldon, The Riddle of the Voucher. An Inquiry into the Obstacles to Introducing Choice and Competition in State Schools Institute of Economic Affairs, London, 1986.

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1 Conférence donnée lors de l'ultime Convention Missionnaire et Évangélique de Morges, le samedi 29 août 1987 pour la journée consacrée au thème : Des chrétiens dans les écoles ou des écoles pour les chrétiens .

2 Sur l'histoire de l'éducation au Moyen Âge en Suisse romande voyez : A. Paravicini Bagliani (éd.), Écoles et Vie intellectuelle à Lausanne au Moyen Âge, Publications de l'Université de Lausanne, Lausanne, 1987 ; Charles Magnin, La Naissance de l'École dans la Genève médiévale, 1179-1429 Cahiers de la Recherche Sociologique, 1207 Genève, 1983.

3 C'est-à-dire le caractère populaire, peu conforme aux normes esthétiques courantes, de leur style.

4 Henri Charlier, Création de la France, Dominique Martin Morin, Paris, 1982 (1971), p. 22.

5 Gabriel Mutzenberg, La Réforme, vous connaissez ?, Farel, Fontenay-sous-Bois, 1985. Gabriel Mutzenberg, La Montée des Enseignants., dans : L'Aventure de la Réforme, (direction Pierre Chaunu), Desclée de Brouwer, Paris, 1986 ; Gabriel Mutzenberg, Ils ont aussi réformé la Famille, Ligue pour la Lecture de la Bible, Lausanne, 1992.

6 Jean Boisset (direction), La Réforme et l'Éducation, Privat, Toulouse, 1974 ; Dominique Viaux, La Réforme et les Écoles élémentaires en France, Études Théologiques et Religieuses, Vol. 62, 1987, p. 503-514.

7 Sur Mathurin Cordier voyez les ouvrages suivants : Jules le Coultre, Mathurin Cordier et les Origines de la Pédagogie Protestante dans les pays de Langue française (1530-1564), Secrétariat de l'Université, Neuchâtel, 1926 ; C. E. Delumeau, Un maître de Calvin, Mathurin Cordier, l'un des créateurs de l'enseignement secondaire moderne, Meisseiller, Neuchâtel, 1976 ; Émile Puech, Un Professeur du XVIe siècle. Mathurin Cordier, sa vie et son oeuvre, Slatkine, Genève, 1970 (1886) ; E. A. Berthault, Mathurin Cordier et l'Enseignement chez les premiers Calvinistes, Slatkine, Genève, 1970 (1876).

8 Sur cette tradition poétique protestante voyez la thèse de Jacques Pineaux, La Poésie des Protestants de Langue française (1559-1598), Klincksieck, Paris, 1971. Les deux figures les plus importantes de cette tradition méconnue sont Guillaume de Salluste Du Bartas et Théodore Agrippa d'Aubigné. Sur la grande époque de la poésie réformée, il faut absolument lire Albert-Marie Schmidt dont de nombreux articles ont été rassemblés dans son livre Etudes sur le XVIe Siècle, Albin Michel, Paris, 1967. Voyez aussi son étude consacrée à Jean de Sponde, Poète de la Sainte-Cène, La Revue Réformée, Nº 20, 1954, p. 39-46 ainsi que le recueil intitulé Protestantisme et Littérature, Je Sers, Paris, 1948. Le même auteur a réédité de Laurrent Drelincourt, les Sonnets chrétiens Paris, Les Éditions du Chêne, 1948. Voyez encore de Henri Dubief, La Réforme et la Littérature française, La Cause, Carrières-sous-Poissy, 1972 ; Michael A. Screech, Marot évangélique, Droz, Genève, 1967 ; P. Leblanc, La Poésie religieuse de Clément Marot, Nizet, Paris, 1955.

9 Sur l'importance capitale de l'influence de Mme Guyon voyez, Fronçois Ribadeau Dumas, Extraits de Fénelon et les saintes folies de Madame Guyon, Éditions du Mont Blanc, Genève, 1968.

10 André Lasserre, Henri Druey. Fondateur du Radicalisme vaudois et homme d'État suisse 1799-1855, Imprimerie centrale, Lausanne, 1960, Vol. XXIV, Bibliothèque historique vaudoise.

11 Voyez ici l'oeuvre magistrale de Wouter J. Hanegraaff, New Age Religion and Western Culture. Esotericism in the Mirror of Secular Thought, Brill, Leiden, 1996.

12 Sur l'histoire de cette école vaudoise depuis le XVIe siècle, voyez notre étude Quel avenir pour nos enfants ?, Deuxième Partie, Chapitre II de ce livre.

13 Alexandre Vinet, Famille, Éducation, Instruction, Payot, Lausanne, 1925. Voyez les études suivantes : G.-G. Baardman, L'Oeuvre pédagogique d'Alexandre Vinet, Wolters, Groningue, 1939 ; C. Bezemer, Het Christelijk geweten bij Alexandre Vinet, J. H. Kok, Kampen, 1966.

14 Louis Burnier, Histoire littéraire de l'Éducation morale et religieuse en France et dans la Suisse romande, Bridel, Lausanne, 1864, 2 vol.

15 A. Vinet, op. cit., p. 9.

16 L. Burnier, op. cit., Tome I, p. 367.

17 Une telle constatation n'implique aucunement l'absence de valeur de l'oeuvre de ces auteurs si fortement opposés au christianisme. Rappelons que, par sa grâce générale (qui n'est pas à confondre avec sa grâce particulière qui seule conduit au salut), Dieu englobe dans sa bienveillance tous les hommes.

18 La Confession Helvétique Postérieure a été rééditée par Olivier Fatio, Les Confessions et Catéchismes de la foi réformée, Labor et Fides, Genève, 1986. Voyez au sujet de ce conflit écclésiastique les études suivantes : R. Centlivres et J.-J. Fleury, De l'Église d'état à l'Église nationale (1839-1863), Église Nationale Vaudoise, Lausanne, 1963 ; J. Cart, Histoire du Mouvement religieux et ecclésiastique dans le Canton de Vaud pendant la première partie du XIXe siècle, Bridel, Lausanne, 1870-1880, 6 vol. ; Agénor de Gasparin, Paganisme et Christianisme, Calmann Lévy, Paris, 1887, 2 vol.

19 Édouard Claparède, L'Éducation fonctionnelle, Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 1931.

20 Adolphe Ferrière, L'École active, Éditions Forum, Neuchâtel et Genève, 1922, 2 vol. ; Ad. Ferrière, La Pratique de l'École active, Éditions Forum, Neuchâtel et Genève, 1924 ; Ad. Ferrière, Nos Enfants et l'Avenir du pays, Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 1942. Sur son Christianisme utopique voyez : Libération de l'Homme. Rappels d'énergétique spirituelle. De la Matière à l'Esprit. De la Personne à Dieu, Éditions du Mont Blanc, Genève, 1944 et La Source de toute Vie. Le Christ et la Jeunesse actuelle, Éditions du Mont-Blanc, Genève, 1949. Nous retrouvons une semblable origine chrétienne dans la première mouture de la pensée de Jean Piaget. Voyez, Jean Piaget et J. de la Harpe, Deux Types d'Attitudes religieuses : immanence et transcendance, Éditions de l'Association Chrétienne de la Suisse Romande, Lausanne, 1928. Une étude détaillée de l'aspect chrétien des origines de la pédagogie moderne en Suisse romande serait fort utile.

21 Louis Meylan, Les Humanités et la Personne, Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 1939 ; L'École et la Personne, Delachaux et Niestlé, 1968.

22 Georges Panchaud, Impossible Réforme scolaire, Lausanne, 1983. Sur l'histoire de l'école vaudoise, voyez : Georges Panchaud, Les Écoles vaudoises à la fin du Régime bernois, Rouge, Lausanne, 1952. Bibliothèque Historique Vaudoise, Tome XII ; Armand Veillon, Les Origines des Classes primaires supérieures vaudoises, Bibliothèque Historique Vaudoise, No. 61, Lausanne, 1978.

23 Alexandre Vinet, Du Socialisme considéré dans son Principe. In : Philosophie morale et sociale, Bridel, Lausanne, 1916. Tome II, p. 114-203.

24 A. Vinet, op. cit., p. 129.

25 Roland Huntford, Le Nouveau Totalitarisme. Le Paradis suédois, Fayard, Paris, 1975.

26 J. L. Talmon, Origines de la Démocratie totalitaire, Calmann Lévy, Paris, 1966.

27 Jean-Pierre Graber, Les Périls totalitaires de l'Occident, La Pensée Universelle, Paris 1983.

28 Aldous Huxley, Le Meilleur des Mondes, La Guilde du Livre, Lausanne 1965.

29 Voyez l'ouvrage effrayant de Marc Dem, Les Enfants artificiels, Dismas, Paris, 1987.

30 George Orwell, 1984, Paris, Gallimard, 1950.

31 Édouard Claparède, L'Éducation fonctionnelle, op. cit., p. 232-235.

32 Rousas J. Rushdoony, The Messianic Character of American Education, Ross House Books, Vallecito, 1990 (1963).

33 Samuel L. Blumenfeld, N.E.A. Trojan Horse in American Éducation, Paradigm, Boise Idaho, 1984 ; Is Public Éducation Necessary ?, Paradigm, 1985 ; The Whole Language / OBE Fraud, Paradigm, 1996.

34 Paolo Lionni et Lance J. Klass, The Leipzig Connection. The Systematic Destruction of American Education, Heron Books, Portland, 1980.

35 Gordon H. Clark, Dewey, Presbyterian and Reformed, Philadelphia, 1971.

36 Francis N. Lee, Communist Eschatology, Craig Press, Nutley, 1974.

37 Michael Denton, L'Évolution : une Théorie en crise, Champs, Paris, 1992 (1987) ; P.E. Johnson, Le Darwinisme en question, Pierre d'Angle, Paris, 1996.

38 Gary North, Marx's Religion of Revolution, Craig Press, Nutley, 1968 ; Francis Nigel Lee, Communist Eschatology, Craig Press, 1974.

39 Sur la contamination des disciplines diverses par la dialectique hégélienne, voyez les ouvrages de Jean Brun, Vérité et Christianisme, Librairie Bleue, Troyes, 1995 (1988) et L'Europe philosophe, 25 siècles de pensée occidentale, Stock, Paris, 1988, pp. 268-276.

40 Dans l'oeuvre de Teilhard de Chardin, saint patron du prétendu Nouvel Âge, se rejoignent ces deux courants évolutionnistes et sociologiques dans une synthèse gnostique complète. Voyez à ce sujet, Wolfgang Smith, Teilhardism and the New Religion, Tan Books, Rockford, Illinois, 1988.

41 David Cohen, Faut-il brûler Piaget ?, Retz, Paris, 1981.

42 Stuart Fowler, The Role of Logic in the Epistemology of Jean Piaget, Thèse, Potchefstroom, Afrique du Sud, 1982.

43 Jean-Marie Dolle, Pour comprendre Jean Piaget, Privat, Paris, 1974, p. 51-52.

44 Antonio Suarez, Connaissance et Action, Revue suisse de psychologie pure et appliquée, 1980, pages 177 et 196.

45 Hannah Arendt, Le Système totalitaire, Seuil, Paris, 1972.

46 Par exemple en parlant de thérapeutique embryonnaire au lieu d'avortement. Voyez Annexe VIII, A.V.P.C., Prise de position sur la solution des délais, Lausanne, 1997.

47 Sur ce sujet si important, voyez les deux ouvrages fondamentaux : R. J. Rushdoony, The Philosophy of the Christian Curriculum, Ross House Books, Box 67, Vallecito, Ca. 95251, USA, 1981 ; Gary North (Editor), Foundations of Christian Scholarship, Ross House Books, Vallecito, 1976.

48 Association Vaudoise de Parents Chrétiens, Case postale 34, CH 1001 Lausanne, Suisse.

49 Association Création, Bible et Science, Case postale 4, CH 1001 Lausanne, Suisse.

50 Foi et Économie, Case postale 6351, CH 3001 Berne, Suisse.