REFORME ET REVEIL DE L’EGLISE

2° exposé REFORME ET REVEIL DEPASSER LES BLOCAGES

Pasteur Charles NICOLAS

 

"Humiliez-vous sous la puissante main de Dieu, et il vous élèvera." Jacques 4.5b-10 Jacques 4.5b-10

Dans l’esprit de beaucoup, il n’existe pas de mots plus éloignés l’un de l’autre que Réforme et Réveil... Menaçants l’un pour l’autre, viscéralement opposés ! Deux écoles inconciliables, comme sont inconciliables la sagesse et la folie, la sécurité et le risque, l’eau et le feu...

Cependant, à y regarder de près, AVONS-NOUS LE CHOIX ?

LA FOI est-elle sagesse ou folie ? Est-elle sécurité ou risque ?

Avons-nous le droit de choisir entre la foi du petit enfant (à qui Dieu révèle ses secrets) et la foi de l’homme fait dont parle l’apôtre Paul ?

Avons-nous le droit de choisir entre le fondement et les implications, entre les docteurs et les prophètes ?

Nous avons vu (1° exposé) que les doctrines majeures étaient universelles. Mais cela dispense-t-il d’exercer un discernement pour déterminer ce qui est à annoncer ici et maintenant ?

Avons-nous le droit de choisir entre la foi qui s’appuie et la foi qui s’élance ?

 

1. REFORME ET REVEIL

a. Retour à la vie normale de l’Eglise.

"Réforme et réveil sont un retour à la vie normale de l’Eglise" (cf proposition n° 6, en annexe). C’est un des brigadiers de la Drôme, Victor BORDIGONI, qui le dit. Si on doute de cela, on ne vit ni réformes ni réveil.

Il en est d’ailleurs ainsi pour la vie des individus comme pour la vie des églises une personne ne change-t-elle pas dès lors que sa vie lui apparaît comme a-normale ? Et cela ne passe-t-il par une sorte d’illumination, une prise de conscience qui sont en même temps l’oeuvre de Dieu et un acquiessement ou même un engagement de la volonté ?

"Nous voulons que l’homme ne marche plus la tête basse, sans espérance, mais qu’il comprenne que réconcilié avec Dieu par Christ, il est appelé à une vie glorieuse, éternelle.
Nous voulons qu’une place - la place d’honneur - soit faite à Dieu dans la vie familiale et individuelle.
Nous voulons que la Bible, Parole de Dieu, lue, méditée, et mise en pratique, redevienne la base de la famille chrétienne.
Nous voulons que le repos du dimanche soit observé et ce jour sanctifié.
Nous voulons que les chrétiens prennent conscience de leurs privilèges et de leur force, qu’ils manifestent aux yeux du monde étonné la possibilité et la réalité du Corps de Christ.
Nous voulons des cultes vivants où l’on respire une athmosphère de prière, où le chant des cantiques soit l’expression des sentiments et des louanges de chacun (...)
Nous voulons que le protestantisme français reprenne l’oeuvre de la Réforme interrompue par trois siècles de persécutions et cent ans de funeste concordat, et parte à la conquête du peuple tout entier pour Christ...
Nous voulons toutes ces choses parceque nous avons la certitude que Dieu les veut.
Et seul un Réveil les accomplira." Edouard Champendal -Le Matin Vient 1° février 1926.

 

Ce qui s’oppose à cela, ce sont les caricatures d’une part, et les excuses d’autre part. Il faut laisser les unes et les autres.

"...Ainsi, l’Eglise ne peut se contenter d’être un refuge pour les âmes meurtries, pas même une école de sanctification. Elle doit être aussi un foyer d’où jaillissent les étincelles de vie". Jean Cadier. Le M.V. févr.1926.

L’esprit de la Réforme est caricaturé par ceux qui n’en veulent pas il devient alors un simple style, une école, un mouvement, un parti...

Il en est de même pour l’esprit des réveils.

En fait, il y a main-mise de l’homme, récupération, choix de convenance, aménagement de confort sur quelque chose qui devrait porter la marque de Dieu. N’est-ce pas en partie à cela que servent nos dénominations des forteresses pour nous protéger de ce que nous ne voulons pas entendre ? Comprenons-nous, par exemple que nos travers expliquent et justifient en partie ceux que nous dénonçons chez les autres ?

"La combinaison d’une réforme et d’un réveil serait révolutionnaire à notre époque. Révolutionnaire pour nos vies personnelles de chrétiens, révolutionnaire pour l’Eglise libérale, révolutionnaire encore, et d’une manière très constructive pour l’Eglise évangélique elle- même." Francis Schaeffer - La mort dans la cité, 1979.

 

Une grande vigilance est donc nécessaire on s’habitue à tout, même au pire. On abaisse à notre portée la vision, le service, le combat. On trouve même des doctrines pour se justifier...

"L’hérétique, c’est celui-là qui, dans la Parole, choisit, si peu que ce soit, la vérité conforme à ses circonstances et à celles de son époque, à son esprit, à son tempérament." Jean Cadier.

 

C’est un principe commun à la Réforme et aux réveils on ne choisit pas !

(Voir la proposition 7, en annexe).

 

b. La repentance et la foi

De portée universelle, la repentance et la foi concernent cependant en tout premier lieu l’ Eglise. Jésus lui-même, tout comme Jean Baptiste, est venu pour son peuple et "c’est par lui que commencera le jugement" (Luc 17.7 ; 1 Pierre 4.17).

Il faut cesser de voir l’Evangile comme un idéal inaccessible, les préceptes de la Parole de Dieu comme une théorie.

Voyons-nous le péché - nos péchés - comme inévitables, comme peu de chose ? Est-ce à Dieu de changer, de se repentir, de se réveiller ?

Réforme et réveil ont en commun qu’ils prennent au sérieux les "tout" de l’Ecriture et l’absolu de ses affirmations.

(voir proposition n° 8).

C’est aux chrétiens d’ouvrir les chemins de la repentance (cf Jonas et Ninive). Nous devons vivre, dans la foi, des gestes significatifs de repentance, de pardon entre nous...

Après, et après seulement, nous pourrons adresser appel.

 

2. L’ECRITURE ET L’ESPRIT

Réforme et Réveil ont en commun l’attachement au double témoignage de l’Ecriture normative et de l’Esprit qui donne la vie et conduit dans la vérité.

"Rendons à l’Ecriture la place qu’elle avait à l’origine qu’elle inspire notre conduite, notre prédication, toute notre oeuvre.
Soyons remplis de l’Esprit. C’est la même règle sous une autre forme.
C’est le St Esprit
- qui rend efficace la prédication et le témoignage individuel
- qui créé l’unité de l’Eglise
- qui affranchit du péché et crée des personnalités nouvelles
- qui communique les dons variés pour l’édification de l’Eglise, conduit dans la vérité et communique la pensée de Dieu." - M. Antonin "L’avenir de nos églises et les conditions spirituelles de leur réveil" (EEL.1919).

 

a. On connaît ce que l’on vit.

L’esprit du Réveil oblige le théologien à changer d’attitude. Les Réformateurs, on l’a vu, ont bénéficié de cet environnement et ont eu cette disposition ne pas perdre de vue l’expérience chrétienne.

Regardons comment leur enseignement demeure toujours lié à la piété d’une part, aux implications pastorales d’autre part.

Regardons comment ils ont eu le souci de répondre aux besoins concrêts qu’ils rencontraient.

"Si je prêche l’Evangile sans parler du temps présent et de ce qui m’entoure, je ne prêche pas l’Evangile". M. Luther

 

Regardons comment ils ont discipliné leur réflexion et leur discours théologique, s’interdisant toute dispersion, toute considération non fondée.

"Souvent ces pensées sur la prédestination m’ont tourmenté et martyrisé. Je me demandais surtout qu’est-ce que Dieu veut faire de moi, et comment ? Mais à la fin, je les ai - Dieu merci - complètement délaissées et méprisées, j’ai repris le dessus et m’en suis tenu aux volontés que Dieu a manifestées et à sa Parole. Il nous est impossible de nous élever plus haut, car il est à jamais impossible à l’homme d’approfondir les volontés secrètes de Dieu.

Nous sommes des fous quand nous ne tenons pas compte de ce que le Père a révélé en Christ, son Verbe, quand nous nous cassons la tête à creuser des secrets qui resteront ca- chés et que Dieu n’a pas donné mission de connaître." Luther (Propos de table).

 

Regardons l’énorme souci pédagogique qu’ils ont eu et transmis (cf. le catéchisme des jeunes enfants, dans les textes de Westminster). "Les sermons de Calvin étaient de véritables cours de théologie exégétique, dit un historien, ajustés à un public varié et peu instruit. Les choses de Dieu amenées à la cuisine...".

 

Retrouvons la part importante que Calvin donne au témoignage intérieur du Saint-Esprit.

Il y a un lien entre ce que nous croyons de Dieu et de son salut et notre appropriation de ces réalités par l’Esprit. Les deux ensemble constituent notre "contrat" de vie chrétienne... C’est pour cela qu’un redressement de la théologie ou une refonte des structures sont insuffisantes pour réveiller le peuple de Dieu ou pour réformer la vie de ses membres." - Paul Wells-Le renouveau possible de l’Eglise (Kérygma).

 

Rappelons-nous que l’on a appelé Calvin le théologien du Saint Esprit. Belle référence pour notre sujet ! Calvin, en effet, a repris chez St Augustin les doctrines de la grâce, du péché, de la prédestination ; son originalité l’oeuvre du St Esprit. ( Dans son Institution, le livre 1 traite du témoignage intérieur du St Esprit ; le livre 2 de la régénération ; le livre 3 de l’union du Christ et du croyant par le St Esprit).

"La Parole nue ne profite de rien sans l’illumination du St Esprit. D’où il apparaît que la foi est au dessus de toute intelligence humaine. Et encore ne suffit-il pas que l’entendement soit illuminé par l’Esprit de Dieu, mais aussi que le coeur soit confirmé par sa puissance". - Calvin - Institution Chrétienne III,II ,33 .

Calvin appelle l’Ecriture l’école du Saint-Esprit. Il est frappant encore d’observer que chez lui, comme chez St Paul d’ailleurs, l’oeuvre de la grâce et l’oeuvre de l’Esprit semblent être une seule et même chose au point ou les termes grâce et Esprit paraissent interchangeables !

"Il y a un lien entre doctrine et spiritualité. La doctrine est première, mais sans utilité si elle n’est pas mise en pratique grâce à une spiritualité vivante. Il n’est pas exagéré de dire qu’on ne connaît bien une chose que si on la pratique". - P. Wells.

"Ce que nous sommes ne doit pas être seulement vérité de catéchisme." J.Cadier

"Nous avons besoin d’un christianisme doctrinal, expérimenté, vécu". S. Olyott

Remarquons ici que le fameux SOLA SCRIPTURA a peut-être été retenu trop souvent dans un sens plus restrictif que ce qui devrait, faisant de l’Ecriture la seule oeuvre de Dieu à laquelle nous devions nous attendre aujourd’hui (une sorte de dispensationnalisme réformé, ou de cessationnisme strict...), au lieu de le comprendre à la lumière de l’article 5 de la Confession de foi de La Rochelle l’Ecriture seule norme, et non pas seule manifestation de la grâce ; non pas l’absence du Saint Esprit, mais son controle par l’Ecriture, ce qui n’est pas la même chose.

(Proposition n°9)

Note : Il y a aujourd’hui, dans les milieux pentecôtiste et charismatiques une soif des doctrines mises en lumière par la Réforme, en un sens beaucoup plus que dans les milieux traditionnels ou modernistes. Nous avons rencontré, dans ces milieux, des chrétiens trés accessibles à ces doctrines, les ayant presque saisies déjà, par intuition...

 

b. Docteurs et prophètes.

A Dieu seul la gloire ! Est-ce là un enseignement, une proclamation ou un appel ?

Dans le Nouveau-Testament, les termes enseigner et prêcher sont distincts, même s’ils sont souvent employés ensemble. Il manque aujourd’hui une bonne coordination entre ces deux ministères.

Que peuvent les docteurs sans les prophètes ? Que peuvent les prophètes sans les docteurs ?

Il semble aujourd’hui que la Réforme ne puisse fournir que des docteurs, les prophètes étant portés par d’autres mouvements. Est-ce normal ?

"On a confondu critique savante et critique spirituelle, et obligé le fidèle à passer par le savant pour saisir l’Evangile... Sous prétexte de cultiver la religion en esprit et en vérité, on a édifié ce libéralisme et cet individualisme... qui est à proprement parler la cause de la détresse de notre Eglise". Paul Tournier, cité par J.Cadier dans son livre Le Matin Vient

"L’homme spirituel juge de tout. Il n’existe pas de description plus succinte de la vie chrétienne - et je vous invite à lire le commentaire que Luther en a fait dans son "Traité de la librerté chrétienne". L’heure est venue d’exhorter les chrétiens de nos églises à pratiquer le don du discernement des esprits, dont l’exercice me paraît capital à l’époque où nous sommes". Albert Greiner - "La Parole de Dieu éclairée par le St Esprit". Colloque tenu en mai 1968 à Paris-Annonciation. Bull. de l’A.E.F. et Revue Réformée.

Il y a réforme et réveil quand les docteurs et les prophètes travaillent en harmonie. (cf Les citations de Spurgeon, de Schaeffer, la notion biblique de "doctrine", incluant la mani- ère de vivre. Les expressions bibliques "la loi et le témoignage", "la loi et les prophètes").

 

Nous avons vu dans le 1° exposé combien chaque doctrine majeure est faite pour introduire un appel, une implication adaptée, circonstanciée, présente. Aujourd’hui, de toute évidence, il manque un maillon entre l’enseignement et la pratique.

"Trop de théologie", disent certains ; "pas assez", disent d’autres. Les deux ont sans doute raison

Trop, dans certaines églises, car on a cherché à initier les églises à la théologie, quand les pasteurs eux-mêmes n’étaient pas au clair devant des questions difficiles. Il en a résulté beaucoup de frustration chez les fidèles. Trop de théologie tue la théologie.

Placées sur le terrain intellectuel, les doctrines deviennent lourdes, peu convaincantes. Les hyper calvinistes rendent par exemple la souveraineté de Dieu tellement écrasante que les arminiens doivent se réveiller pour venir la corriger et rétablir l’équilibre. Mais est-ce la manière d’édifier l’Eglise ?

 

Pas assez, par ailleurs, car la plupart des messages et des activités se sont développés indépendament des bases théologiques fondamentales et sûres, au grés des influences, des fantaisies, des modes...

Dans les deux cas, on a sapé l’autorité des docteurs et celle de la Parole de Dieu elle-même.

"L’étude des saintes Ecritures n’a jamais été un but, une fin en soi. L’étude des saintes Ecritures est un moyen, l’un des plus bénis, des plus sûrs, des plus merveilleux de nous mettre à l’école de Dieu, à l’unisson de ses pensées, sous l’influence de son Esprit". - Antomarchi - Le Matin Vient, janv. 1926.

 

Neuf fois sur dix, dans notre exposition de l’enseignement biblique, nous en restons aux prolégomènes, aux introductions. Le prédicateur s’arrête juste avant d’aborder les implications pratiques de son enseignement. Le courage lui manque, ou bien lui-même a arrêté là sa réflexion. On aborde les sujets, comme en philosophie. On évoque les points de vue divergents, on soulève les questions, on débat, on échange, on anime...

"Il faut, dans la vigne du Seigneur des pousses audacieuses, il faut des rénovateurs, des réformateurs, des hommes de réveil, des prophètes ; seulement voilà, il faut qu’ils agissent dans le cadre de l’Eglise, afin qu’ils ne tombent pas . Il faut être dans les faits ce que nous prétendons être dans les principes. C’est à cette condition que nous pourrons offrir quelque chose aux autres, aux autres qui ont aussi quelque chose à nous donner". - Pierre Guelfucci - Synode EREI 1968

 

Ainsi se réduit, se dilue la portée des ministères. On a recours aux sondages. Ou bien on intellectualise, ce qui est une autre manière de se mettre à l’abri.

Absence des docteurs, ou diktat des docteurs ?

Les Brigadiers de la Drôme, comme tous les hommes de réveil, ont eu une prédication audacieuse. Ils ont osé.( cf par exemple leur enseignement et leurs appels sur les interdits. Qui pourrait se le permettre aujourd’hui ?).

"La prédication est confisquée par l’Eglise où elle est réduite au sermon... Il ne faudrait pas croire que la dimension prophétique de la prédication concernait seulement l’annonce sur la place publique. C’est aussi, disons-même c’est d’abord dans l’Eglise, capable d’affermir, de relever, de reprendre, d’interpeler...
Les siècles ont fait de nous des répétiteurs, et non des prophètes".
Michel Bouttier "L’Eglise disséminée".

 

Il faut adresser un appel aux docteurs fournissez des éléments sûrs et accessibles, des bases confirmées, des doctrines claires, que les prophètes mais aussi les pasteurs et les évangélistes, et après eux les fdèles, les parents,... pourront saisir et appliquer dans toutes leurs situations !! On tremble dans une maison où il n’y a pas de fondement !

On se gèle dans une maison où il n’y a que des fondements !

"S’il y a peu de conversion, c’est peut-être à cause de notre incrédulité. Souvent, j’exhorte à se repentir aujourd’hui !". Adolphe Monod.

(Proposition n°11)

 

3. L’EGLISE DE JESUS-CHRIST

a. son unité.

Pourquoi en parler ? Parceque l’unité fait partie de l’être de l’Eglise. Ainsi, c’est dans cette perspective que doit se situer toute réforme, tout réveil. L’unité de Dieu (Deut.6.4) implique celle de sa révélation et celle de son Eglise. C’est dans ce sens que le professeur P.Courthial revendique pour l’Eglise de Jésus-Christ l’adjectif "catholique", c’est à dire "selon la totalité".

L’unité est porteuse de rigueur et d’ampleur. Ces caractéristiques conviennent parfaitement au travail de réforme, à l’appel du réveil. Dans les deux cas, il y a la double exigence d’une fidélité et d’une totalité, contre les choix de convenance, les préférences personnelles, les aménagements de confort, les réactions d’opposition...

La Réforme du 16° siècle ne doit-elle pas une partie de son essort à cette double ambition qui fut la sienne ramener la totalité de l’Eglise de Jésus-Christ sur le fondement de l’Ecriture sainte ? Quand est-il de cette vision aujourd’hui ?

Le mouvement de la Brigade de la Drôme a vécu cela, à sa manière et à une autre échelle. Au début des années 1930, c’est de là qu’est partie l’impulsion qui devait conduire à la tentative d’unité de l’Eglise Réformée en 1938. Au même moment, le refus de maintenir les relations avec le mouvement pentecôtiste naissant (entr’autre pour une question de style) devait coûter en un mois 1000 abonnés au mensuel Le Matin Vient. Mais quelques années plus tard, 1000 autres abonnés devaient à leur tour se détacher, après l’annonce des négociations avec l’Eglise libérale. Quelle unité ?

 

La Réforme avait énoncé une règle ample et rigoureuse l’Eglise naît de la prédication fidèle.

On observe aujourd’hui dans beaucoup d’églises historiques une situation de multitu-dinisme, qui tente de se justifier en s’appuyant sur la notion vétéro-testamentaire de l’Alliance de grâce ; paradoxalement une forme de caste sociale et culturelle ; seul le discours y est ouvert... La véritable ambition est de subsister, et de démontrer par quelques déclarations officielles qu’on n’est pas trop en décalage avec le temps présent. Comment en est-on arrivé là ?

"L’homme est naturellement multitudiniste... parceque toute lutte spirituelle lui est naturelle- ment antipathique. Aussi, nos divers mouvements religieux, quelque soit leur type d’organisa- tion, ont-ils une tendance générale à retomber dans le flou, à se contenter d’adhésions taci- tes, après avoir connu des périodes de vie, de témoignage, d’adhésions explicites. Ceci expli- que pourquoi les réveils furent toujours des retours à un christianisme de professants, pourquoi ils ont tous été l’occasion de triages." Maurice Lador. Convention de Dieulefit - 1929.

(Le même mot "triage" fut employé par le pasteur Teulon, président des EREI, lors de leur constitution en 1938 . Ce même pasteur écrivait, en 1963 "Nous ne sommes pas contre l’unité, nous sommes contre cette espèce de confusion qu’on décrète à coup de majorité et qu’on décore du nom d’unité". L’Entente Evangélique).

 

Il y a eu beaucoup de concessions ou de glissements. Nous en évoquons rapidement quelques uns

- le doute sur le principe de l’autorité des Ecritures.

On peut signaler ici le choix qui fut celui des brigadiers de la Drôme de dialoguer, et même de négocier avec les libéraux, à partir de 1932. Voir citation du pasteur de Richemond au Synode de Chomérac en 1934, en annexe).

- l’oubli de la loi spirituelle du commun accord.

"Si ces gens (les Brigadiers de la Drôme) attirent les foules, en 1929, c’est que leur groupe sait ce qu’il veut, et qu’ils veulent tous la même chose, exactement." Paul Tournier, à Genève.

"Un groupe de prédicants, fils de la Réforme, qui sont d’accord entre eux, qui ne mettent pas la liberté d’examen avant la loi ; voilà ce qui a fait l’autorité de la Brigade." Jean Cadier.

- le recours aux structures dénominationnelles. Certes, celles-ci ne sont pas nécessairement illégitimes. Mais les dénominations permettent aussi de se protéger des injonctions que l’on ne veut pas entendre... Réformes et réveils ne peuvent s’accommoder facilement des structures dénominationnelles.

"Selon le Nouveau-Testament, l’Eglise - Corps de Christ se manifeste temporellement, en tant qu’Eglise instituée, d’abord en chacune des églises locales l’Eglise de Dieu qui est ici ; l’Egli- se de Dieu qui est là ... Trop souvent, l’Eglise locale est considérée comme une partie du corps mystique du Christ... comme un membre de ce corps. Or, selon le Nouveau-Testament, l’Eglise instituée qui est ici ou qui est là est une manifestation temporelle du Corps de Christ entier. Là où est la Tête, là est le Corps." Pierre Courthial. Fondements pour l’avenir, p. 193.

"Le redressement nécessaire est de 2 ordres il faut d’une part repenser la vie de l’Eglise à la lumière de la doctrine biblique du Corps de Christ, de l’union avec lui ; et d’autre part, réformer tous les comportements individuels et communautaires à la lumière de cette vérité centrale." Paul Wells. Le renouveau possible de l’Eglise, p. 31.

Enfin, il faut bien noter que les principaux clivages (théologiques, éthiques, pédagogiques,...) sont avant tout idéologiques ils reposent sur des présupposés et intouchables, ni par l’enseignement, ni par la prédication.

Ici pourrait être abordé le problème de l’enseignement laïc prodigué à nos enfants, enseignement sur lequel les préceptes évangéliques tentent de se rattacher...

Ici peut être mentionné le besoin urgent des doctrines fondamentales, sûres, accessibles, qui tiennent lieu de présupposés.

 

b. Sa diversité.

L’unité ne doit aucunement réduire la diversité.

"L’Eglise visible et ses membres, selon la riche diversité de leurs vocations et de leurs dons, sont appelés à manifester temporellement, tout au long de l’histoire et hic et nunc, l’Eglise- Corps de Christ, l’humanité nouvelle du nouvel Adam, dans l’ensemble et dans chacun des aspects de l’existence" P. Courthial. Fondements pour l’avenir, p.189.

Ici s’établit la distinction entre les différences qui enrichissent et les divergences qui épuisent ; entre pluralité et pluralisme. Il y a un pluralisme de confort et un unilatéralisme de confort l’un et l’autres s’opposent aux réformes et aux réveils. Le choix se bornerait-il à l’un ou à l’autres ?

Ici doit s’affirmer le sacerdoce universel et l’équipement spirituel de chaque croyant né de nouveau, - ce qui est autre chose que l’esprit associatif de libre participation ou de simple bénévolat.

"L’Eglise instituée n’est pas une libre association de croyants...Elle manifeste nécessairement l’Eglise-Corps de Christ ou n’est plus l’Eglise". P.Courthial. Fondements pour l’avenir.

 

Ici se reconnaissent les ministères d’autorité, ce qui est autre chose que le cléricalisme et déresponsabilisant.

Ici devrait se définir un enseignement qui prenne en compte les affirmations de l’Ecriture sur l’unité et sur la diversité, sur la diversité en vue de l’unité. Diversité des dons, des vocations, des ministères, selon Romains 12, 1 Corinthiens 12, Ephésiens 4...

Ici pourrait figurer un appel à restaurer le ministère collégial confié à des anciens bibliquement reconnus et établis, parmi les quels le pasteur trouverait sa position spécifique...

Pourquoi telle église locale (ou telle dénomination) est-elle seulement enseignée pendant des années, tandis que l’église voisine est seulement évangélisée ou encore secouée par la parole vigoureuse d’un ministère de type prophétique ? Où sont les ministères complémentaires né- cessaires à l’équipement des saints et à l’édification de l’Eglise vers la maturité en Christ ?

(Proposition n° 12).

Si la pleine mesure de Christ est accueillie - elle n’est pas accueillie sans réformes et sans réveil, mais c’est aussi en l’accueillant que réformes et réveil sont possibles ! - alors l’Eglise s’édifie et devient porteuse du Royaume de Dieu dans le monde. Alors elle pratique une évangélisation naturelle - ce qui ne veut pas dire facile - une évangélisation que l’on pourrait appeler "de débordement". C’est ainsi qu’elle retrouve sa véritable vocation.

"Après s’être un soir de réunion joyeusement offrte à Dieu pour le Réveil, une chrétienne s’écriait "Enfin, on va pouvoir travailler !". Elle avait compris. Non, ce n’est pas seulement pour nous, pour nos délivrances et nos victoires personnells que Dieu donne une vie nouvelle ; c’est avant tout pour lui. Le but suprême est la gloire de Dieu et la venue du Royaume". Jean Cadier. Le Matin Vient, 1° février 1926.

Charles NICOLAS - Vauvert, avril 1997