Les Dix points du Calvinisme !

Pasteur Vincent BRU

Leonard COPPES, Are Five Points Enough ? Ten Points of Calvinism, Reformation Educational Foundation, 1980.

" Le présent ouvrage entend montrer clairement que la sotériologie (entendez les fameux cinq points du calvinisme résumés dans l’acrostiche " TULIP " : Total depravity, Unconditional Election, Limited Atonement, Irresistible Grace, Perseverance of Saints) ne saurait en aucune façon, être considérée comme le seul trait distinctif du calvinisme. La TULIP(e) est l’une des fleurs, mais non la seule, dans le merveilleux jardin de la vérité biblique. " (p. xi) ! 

Dix points relevant du caractère bien spécifique du calvinisme (ou foi réformée confessante).

1er point : l’utilisation de l’Ecriture – la Bible comme révélation verbale ou propositionnelle de Dieu à l’homme, accommodée à nos capacités humaines, et conçue comme le Traité d’Alliance entre Dieu et son peuple, revêtue du caractère d’infaillibilité, ou inerrance, règle de foi et de vie (Sola et Tota Scriptura) ;

2ème point : la souveraineté de Dieu – c’est la belle et grande doctrine de la Providence de Dieu, et de la prédestination. Cf. Jean-Daniel Benoît, Calvin, directeur d’âmes : " Le principe générateur du calvinisme, la clef de tout le système théologique comme de toute la piété, c’est la souveraineté absolue de Dieu … si bien que cette souveraineté divine constitue l’axe même du calvinisme, l’affirmation centrale à laquelle tout le reste s’articule. "1 Et encore, Auguste Lecerf : " Le luthéranisme mit au premier plan la préoccupation du salut ; les réformateurs suisses et Calvin subordonnèrent le légitime souci du salut à la restauration du sentiment de l’indépendance souveraine et de l’autorité exclusive de Dieu. De là, une conception plus rigoureuse de l’autorité formelle de l’Ecriture, le rôle attribué à la prédestination dans la piété … une réforme plus radicale dans le culte " et Lecerf de conclure : " La dogmatique réformée est celle qui s’inspire de ce point de vue théocentrique en distinction des autres formes du protestantisme orthodoxe. "2

3ème point du calvinisme authentique : la structure alliancielle de l’Ecriture, qui implique la reconnaissance de l’unité fondamentale entre les deux dispositions de l’Alliance de Grâce3, et ce, contre toute forme d’antinomisme – qui oppose l’Evangile et la Loi – ; l’Ecriture est toute ensemble Evangile + Loi, commandements + promesses ; la Loi et l’Evangile sont comme l’avers et le revers d’une médaille : ils sont indissociables.4

4ème point : le plan du salut – il s’agit là de la sotériologie réformée, les fameux cinq points des Canons de Dordrecht, que sont la dépravation totale de l’homme suite au péché originel, l’élection inconditionnelle, l’expiation définie ou limitée, la grâce irrésistible de Dieu et la persévérance finale des saints.

5ème point de la théologie réformée : une vision englobante de la réalité, tout entière concernée par l’Evangile et la Loi de Dieu – Abraham Kuyper dira à cet égard : " Il n’est pas de domaine de la vie des hommes dont le Christ ne puisse dire : c’est à moi ! " La foi chrétienne embrasse toute la réalité, de sorte qu’aucun domaine de la vie des hommes ne peut prétendre à une autonomie quelconque. Voir l’ouvrage fondamental du théologien néerlandais Abraham Kuyper, Lectures on Calvinism. Il s’agit là d’une série de conférences que Kuyper a données en 1898 à l’Université de Princeton, aux Etats-Unis, et où il expose de façon magistrale, les implications de la Foi réformée-calviniste dans tous les domaines de la vie (sciences, politique, économie, arts, etc.).

6ème point : le concept de sainteté – ou la spécificité de la piété réformée : la spiritualité réformée est une spiritualité trinitaire, alliancielle et scripturaire (centrée sur l’Ecriture sainte, Parole de Dieu) ; Parole et Esprit vont de paire – contre l’illuminisme, le piétisme, etc.

7ème point : le concept du gouvernement de l’Eglise – structure alliancielle de l’Eglise, théologie de la famille, contre l’individualisme de certains, et le " pluralisme " de certains autres…

8ème point : une compréhension particulière des sacrements – le Baptême et la Cène conçus dans le cadre de l'Alliance entre Dieu et l'homme, qui implique la priorité de Dieu en tout : le Baptême (et la Cène) comme signe et sceau de l’Alliance de Grâce, signe de la promesse, et non pas de la réponse de l’homme à cette promesse.5

9ème point : une compréhension particulière de l’évangélisation, et par voie de conséquence, de l’apologétique – la défense de la foi –, à la fois présuppositionnaliste et biblique – voir à ce sujet l’excellent livre de James Packer, L’évangélisation et la souveraineté de Dieu, ou encore les ouvrages insurpassables du théologien américain Cornelius Van TIL, qui a su si brillamment dessiner les arêtes de l’apologétique réformée.

10ème et dernier point de la théologie réformée – mais il y en a d’autres, sans doute ! – : une compréhension particulière du service, du culte rendu à Dieu – centralité de la Parole de Dieu, prêchée dans son intégralité (Tota Scriptura !), de façon suivie ; centralité de l’Alliance, avec ses commandements et ses promesses ; importance de l’ordre dans le culte, d’une saine discipline ecclésiastique, etc.

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1 Jean-Daniel Benoit, Calvin, directeur d’âmes, Strasbourg, Ed. Oberlin, 1947, p. 68.

2 Auguste Lecerf, De la nature de la connaissance religieuse, Vol. I de Introduction à la Dogmatique Réformée, Paris, Je Sers, 1931, p. 7.

3 Voir de Pierre Marcel, " Le Baptême, Sacrement de l’Alliance de Grâce ", La Revue Réformée, N°2-3 (octobre 1950) : " La doctrine de l'alliance est le germe, la racine, la sève de toute la révélation, par conséquent de toute la théologie, le fil conducteur de toute l'histoire du salut. Toute autre doctrine, quelle qu'elle soit, s'y articule en quelque manière, surtout et en premier lieu ... celle des sacrements " (p. 52). De même : " Parmi les constructions théologiques qui, à partir des données de la Bible, mettent en jeu les facultés de l'homme croyant, et qui par conséquent n'atteignent jamais le dernier degré de perfection et sont toujours révisables, la doctrine réformée est la seule qui fasse droit à l'ensemble des éléments révélés dans l'Ecriture et les intègre harmonieusement en un tout coordonné. Toute autre doctrine rejette explicitement ou implicitement, consciemment ou inconsciemment, des éléments importants de la Révélation, et ne rend que partiellement compte de l'ensemble des Ecritures. " (p.198).

4 Voir de même à ce sujet le livre de C. van der Waal, The Covenantal Gospel, Inheritance Publications, 1990 ; M. G. Kline, The Structure of Biblical Authority, Grand Rapids, Eerdmans, 1972 ; Pierre COURTHIAL, Le jour des petits recommencements, Lausane, L’Age d’Homme, 1996, en particulier le chap. III de la troisième partie : " L’humanisme défait par la Loi de Dieu ", pp. 213ss.

5 Cf. Pierre Marcel, op. cit., p. 198 : la doctrine des sacrement a toujours été " le schibboleth, la pierre de touche, de tout système dogmatique. C’est là que les principes dont on est parti dans l’Eglise et la théologie, dans les question de foi et de vie, trouvent leur aboutissement pratique et concret. " Et encore : " La doctrine des sacrements, dont fait partie le baptême des enfants, est le point d’aboutissement de toute la théologie. " (p. 195)