LA TRINITE

Pasteur Vincent BRU

Conférence donnée dans le cadre du Groupe Biblique Universitaire

de la Cité Universitaire Internationale de Paris

Le mardi 19 juin 2001

 

Chers amis, un mot tout d’abord pour vous dire que je me réjouis d’être parmi vous ce soir pour cette conférence organisée par les Groupes Bibliques Universitaires, que je connais bien, pour avoir été moi-même responsable de l’un d’eux tandis que j’étais étudiant à Montpellier il y a de cela une bonne dizaine d’années !

Il m’a semblé particulièrement intéressant que le sujet proposé soit celui de mon exposé ce soir : « La Trinité : fondements bibliques, difficultés conceptuelles et implications d’une doctrine spécifique au christianisme ».

J’ai trouvé cela particulièrement courageux de votre part de vous pencher sur cette question délicate, mais il me semble en même temps que vous avez raison de vous intéresser à un tl sujet.

Le tord de beaucoup aujourd’hui est de considérer la doctrine en général comme desséchante et inutile pour la vie de la foi, pour l’expression de la piété.

C’est oublier la mise en garde de l’Apôtre Pierre qui dit au sujet des Epîtres de Paul qu’il y a des choses difficiles à comprendre dont « les Personnes ignorantes et mal affermies tordent le sens, comme celui des autres Ecritures, pour leur propre ruine. » (2 P 3.16) !

Tout dans la Bible n’est pas d’une limpidité et d’une transparence semblable, et l’apport de XX siècles d’histoire de la théologie ne nous paraît pas de trop pour nous aider dans notre compréhension de la Foi, dans notre connaissance de Dieu et dans notre piété.

Je considère donc le sujet de ce soir d’une importance primordiale, et ce, pour au moins deux raisons, que je vous expose maintenant.

La première, c’est que beaucoup de chrétiens aujourd’hui considèrent à tord la doctrine de la Trinité comme une spéculation aride et abstraite, qui entraîne les fidèles loin de la simplicité de l’Evangile, et qui n’est par conséquent que de peu d’intérêt pour la vie de la foi.

La doctrine de la Trinité semble, pour certains, conduire à des complications intellectuelles impropres à nourrir la piété, et qui plus est incapable d’interpeller l’homme moderne, tout imprégné qu’il est du rationalisme cartésien et du matérialisme ambiant.

Nous verrons au contraire que cette doctrine, lorsqu’elle est droitement comprise, a des implications très pratiques pour notre vie chrétienne, et ne saurait en aucun cas être réduite à une vaine spéculation, sans rapport avec la vie.

La deuxième raison, c’est qu’il existe aujourd’hui en occident, parmi les théologiens, un fort courant qui tend à remettre radicalement en question la doctrine chrétienne classique de la Trinité.

Le protestantisme libéral considère que cette doctrine n’est rien moins que le produit malheureux de la rencontre de l’Evangile avec la philosophie grecque, que les Réformateurs ont hérité du catholicisme romain sans grand discernement.

Il conviendrait donc aujourd’hui, selon les tenants de cette théologie, de revenir à la simplicité de l’Evangile en le débarrassant de ses enveloppes artificielles et étrangères dans lesquelles il a été emmailloté et obscurci au cours des siècles.

C’est ainsi que de nombreuses Eglises, notamment aux Etats-Unis, mais aussi certains théologiens en Europe se réclament ouvertement de l’Unitarisme, qui nie la doctrine de la Trinité, et pour lequel Jésus-Christ n’était qu’un simple homme, et le Saint-Esprit une puissance impersonnelle, une simple énergie divine.

Lorsque nous étions aux Etats-Unis avec ma femme il y a deux ans, nous avons visité l’Université d’Harvard à Boston, et j’avais été très frappé de constater qu’en face de l’entrée principale de l’Université se trouvait une Eglise Unitarienne.

J’avais été profondément attristé à l’idée que chaque étudiant, en sortant de l’enceinte de cette prestigieuse Université autrefois chrétienne, voyait ainsi la divinité du Christ niée en lisant sur la façade de cette Eglise : « Eglise Unitarienne » !

 

Je voudrais donc ce matin vous rappeler les grandes lignes de la doctrine chrétienne de la Trinité, dont le fondement biblique est indéniable, en montrant en particulier en quoi il est important d’y ajouter foi et de la confesser, et quelles en sont les implications pratiques pour notre vie chrétienne.

L’important ici, vous l’aurez compris, n’est pas tant de rechercher les fondements logiques et rationnels de la doctrine de la Trinité, mais bien plutôt, de s’en tenir à ce que l’Ecriture Sainte nous enseigne à ce sujet, la Bible étant pour les chrétiens l’autorité souveraine en matière de foi et de vie, le critère normatif de la théologie.

La vraie question est de savoir si oui ou non la doctrine de la Trinité se trouve dans la Bible, ou dit autrement, si oui ou non le Dieu de la Bible, le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu trinitaire.

Comme le disait le philosophe français Blaise Pascal : « Dieu seul parle bien de Dieu » !

Il nous faut donc partir de la révélation de Dieu dans la Bible, telle qu’elle se présente à nous, pour voir si nous sommes invinciblement conduits à confesser le Dieu Trinitaire, Père, Fils et Saint-Esprit. Ce que je crois être effectivement le cas.

 

I. Remarques préalables

Deux remarques préalables tout d’abord.

La première chose que l’on peut dire au sujet de la Trinité, c’est que le mot « Trinité » ne se trouve pas dans la Bible.

Il s’agit d’un terme extra-biblique, qui entend rendre compte d’une réalité qui, elle, se trouve bel et bien présente dans la Bible, celle du Dieu trinitaire, Père, Fils et Saint-Esprit.

Le mot « Trinité » est un mot qui, pour n’être pas biblique, entend rendre compte le mieux possible de l’enseignement de l’Ecriture concernant Dieu et la relation qui existe entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Nous touchons là un point important, à savoir qu’il vaut mieux garder la vérité de l’Ecriture que les mots de l’Ecriture.

Comme l’a dit un théologien connu : « Si le mot Trinité ne se trouve pas dans l’Ecriture, mais que le mot Trinité, finalement, nous permette de mieux tenir la vérité de l’Ecriture, alors nous pouvons –et même, en un certain sens, nous devons- employer ce mot de Trinité, user de ce mot Trinité. » (Pierre Courthial, Commentaire sur La Confession de La Rochelle, Ed. Kerygma)

La deuxième remarque que je ferai au sujet de la Trinité, c’est qu’il va de soi que Dieu, la réalité de Dieu, l’Etre de Dieu est forcément plus grand que tout ce que nous pouvons concevoir, et que nos formulations humaines au sujet de Dieu et de la Trinité, ne sauraient, en aucune façon, enclore l’essence de Dieu, qui échappe à notre pleine saisie, à notre compréhension.

Comme le dit Calvin : « Retenons bien que si en tous les hauts secrets de l’Ecriture, il nous convient d’êtres sobres et modestes, celui-ci [la doctrine de la Trinité] n’est pas le dernier, et qu’il nous faut bien être sur nos gardes que nos pensées ou nos langues ne s’avancent point plus loin que les limites de la Parole de Dieu ne s’étend (…) et ne mettons point en notre cerveau de chercher Dieu, sinon en sa Parole, de penser de lui sinon étant guidés par elle, et n’en rien dire qui n’en soit tiré et puisé. »

Il nous faut admettre, par conséquent, les limites de notre langage humain pour parler de choses si hautes, qui échappent à notre pleine saisie, à notre compréhension.

Pas plus que l’infini qui nous échappe, nous ne pouvons représenter la Trinité.

Nous ne pouvons que l’appréhender, nous en faire une certaine idée, tout en sachant que la réalité de Dieu dépasse de très loin ce que nous pouvons en dire.

« Dieu est au ciel, et nous sommes sur la terre », dit le psalmiste !

Si nous en parlons néanmoins, c’est parce que Dieu a parlé !

Dieu s’est révélé dans la Bible comme le Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, un seul Dieu en trois Personnes distinctes.

Et voilà pourquoi nous en parlons, nous osons en parler ce soir.

 

Quel est donc maintenant l’enseignement de la Bible au sujet de la Trinité ?

 

II. Un seul Dieu

La première chose que l’Ecriture nous révèle au sujet de la Trinité, au sujet de Dieu, c’est que Dieu est unique, qu’il n’y a qu’un seul Dieu.

C’est d’ailleurs là le sens premier du mot « trinité » qui signifie l’unité de trois.

Il n’y a qu’un seul Dieu, qu’un seul vrai Dieu, qu’une seule et simple essence divine : telle est la première grande affirmation de la Bible.

Les peuples voisins d’Israël croyaient en de multiples divinités, qui étaient de ce fait limitées, et qui partageaient avec les hommes les faiblesses et l’imperfection.

En contraste avec ceux-ci, c’est en tant que Dieu unique que le Dieu d’Israël s’est révélé à Abraham et à ses descendants, Lui, le seul vrai Dieu, auquel seul sont dues la gloire et l’adoration.

Cette affirmation de l’unicité de Dieu se retrouve dans la confession de foi par excellence de tout juif pieux, le shema Israël : « Ecoute, Israël ! L’Eternel, notre Dieu, l’Eternel est un. Tu aimeras l’Eternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » (Dt 6.4s)

Ainsi donc, il faut dire que la doctrine de la Trinité n’entend absolument pas remettre en question cette vérité centrale de la foi d’Israël, mais bien au contraire, elle l’atteste, tout en mettant en évidence le fait que ce Dieu unique s’est révélé, s’est fait connaître à nous dans sa révélation comme étant trois Personnes distinctes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, tout en étant un seul Dieu.

 

III. Trois Personnes distinctes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit

Le chapitre 16 de l’Evangile selon Jean est significatif à cet égard.

Je lis au verset 12 :

12  J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant.

13  Quand le consolateur sera venu, l'Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu'il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir.

Ainsi le Christ annonce aux disciples la venue d’un autre Consolateur, l’Esprit de Vérité, qui les conduira dans toute la vérité.

Notez qu’il en parle comme d’une personne, et non pas simplement comme s’il s’agissait d’une puissance, d’une énergie divine impersonnelle.

Il dit : « Quand le Consolateur sera venu, l’Esprit de vérité ».

Ailleurs dans l’Ecriture, d’autres traits distinctifs d’une personne, intelligence, volonté, sentiment sont aussi attribués au Saint Esprit.

En Ephésien 4.30 il est même dit que le Saint-Esprit peut être attristé !

« N’attristez pas le Saint-Esprit de Dieu, par lequel vous avez été scellés pour le jour de votre rédemption. »

Il faut noter de même que le mot esprit, en grec, est du neutre, mais que souvent le pronom correspondant est au masculin, tant l’auteur est convaincu que l’Esprit-Saint est une personne (Jn 14.26 ; 15.26 ; 16.13s ; 1 Jn 5.7).

Dans notre texte, le fait qu’il soit nommé le « Consolateur » implique une activité personnelle.

Au verset 16 Jésus l’appelle « un autre Consolateur », ce qui implique que le Saint-Esprit est un être semblable à Jésus-Christ, dont la personnalité ne peut être niée.

Qui plus est ce Consolateur, cet Esprit de Vérité est distinct du Père, puisque celui-ci est mentionné au verset suivant que je vous lis :

15  Tout ce que le Père a est à moi ; c'est pourquoi j'ai dit qu'il prend de ce qui est à moi, et qu'il vous l'annoncera.

Notre texte mentionne donc conjointement la présence et l’œuvre du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Du Fils il est dit : « Tout ce que le Père a est à moi » : Jésus atteste ainsi son égalité avec le Père.

L’Evangile selon Jean témoigne avec force et évidence de la divinité du Christ, et ce, dès le chapitre un qui commence ainsi :

1  Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.

2  Elle était au commencement avec Dieu.

3  Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle.

4  En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.

Et au verset 14 il est dit, au sujet de cette Parole par qui tout a été créé et qui était au commencement avec Dieu, et qui était Dieu :

14  Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père.

Au verset 18 nous lisons de même :

18  Personne n'a jamais vu Dieu ; Dieu, le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l'a fait connaître

Un autre texte significatif de l’Evangile selon Jean, c’est :

Jean 8:58  Jésus leur dit: En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham fût, je suis.

Remarquez que Jésus ne dit pas : « Avant qu’Abraham fut, j’étais », mais bien « Je suis » !

Jésus reprend à son compte le nom de Dieu, le tétragramme divin révélé à Moïse au moment de l’Exode, sur la montagne du Sinaï.

Il affirme ainsi son éternité, sa préexistence, et son égalité avec le Père, avec Dieu.

Pour ne mentionner qu’un dernier exemple, mais il y en a beaucoup d’autres, il faut ici mesurer le poids, la portée de la confession de foi de l’apôtre Thomas, à qui le Ressuscité est apparu ainsi qu’aux autres disciples, et qui, après avoir douté un moment, s’est écrié en s’adressant au Christ ressuscité :

Jean 20:28  Mon Seigneur et mon Dieu !

Thomas reconnaît ici explicitement, et sans retenue aucune, la pleine divinité de son Seigneur, attestée par sa résurrection d’entre les morts.

« Mon Seigneur et mon Dieu » !

Et remarquez que Jésus ne lui fait aucun reproche.

Jésus accepte son adoration, parce qu’il est Dieu, et parce qu’il sait bien que Dieu seul peut être l’objet de notre adoration.

Ainsi donc, nous voyons que l’Evangile de Jean atteste sans aucune ambiguïté, la coexistence éternelle du Père, du Fils et du Saint-Esprit, un seul Dieu en trois Personnes distinctes.

D’autres textes du Nouveau Testament nous parlent de la relation étroite qui existe entre les trois Personnes de la Trinité.

En 2 Co 13, v. 4, nous lisons sous la plume de l’apôtre Paul : « Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous » !

De même, lors du baptême de Jésus, nous lisons que le Saint-Esprit descendit sur lui sous la forme d’une colombe, et qu’une voix fit entendre du ciel ses paroles : « celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection. » (Mt 3.13ss)

Dans les toutes dernières paroles de Jésus à ses disciples, juste avant son Ascension, nous voyons que Jésus envoie ses disciples en mission en leur disant : « Aller, faites de toutes les nations des disciples, et baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » (Mt 28.19)

Le nom unique de Dieu est ainsi partagé également par le Père, le Fils et le Saint-Esprit, parce que les trois sont un, en réalité, un seul et même Dieu, une seule et même essence, tout en étant trois Personnes distinctes.

 

Un mot maintenant concernant la Trinité dans l’Ancien Testament.

Les théologiens ont vu plusieurs allusions trinitaires dans l’Ancien Testament, et notamment aux premiers versets de la Genèse où il est dit : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide, et l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux » (Gn 1.1-3).

Le mot utilisé ici pour dire « Dieu » est Elohim, qui est un pluriel, tandis que le verbe qui suit est, lui, au singulier.

C’est comme si en français nous avions : « Au commencement les dieux créa les cieux et la terre » !

Dès la première apparition du mot Dieu nous avons un pluriel singulier ou un singulier pluriel !

Au verset 3, il est question de même de l’Esprit qui plane au-dessus des eaux, et nous voyons dans les versets qui suivent que Dieu crée par la Parole : « Dieu dit : que la lumière soit ! et la lumière fut » (v. 4) !

Nous ne pouvons certes pas tirer de cela une doctrine de la Trinité, mais nous constatons que l’idée d’un Dieu qui s’exprime dans une pluralité, dans laquelle sont inclus l’Esprit et la Parole, n’est pas étrangère à l’Ancien Testament.

 

IV. La doctrine de la Trinité dans l’histoire de l’Eglise

Venons-en maintenant à la façon dont l’Eglise ancienne s’est efforcée de définir, de systématiser, de conceptualiser l’enseignement de la Bible concernant la réalité du Dieu Père, Fils et Saint-Esprit.

Selon la formulation classique de la doctrine de la Trinité : Dieu est un selon son essence, une seule nature divine avec tous ses attributs, bien qu’en trois Personnes distinctes.

Dieu est une essence unique, un seul Etre divin, mais dans cette essence unique, il y a trois Personnes distinctes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

C’est là la doctrine chrétienne de Dieu.

Le Symbole d’Athanase, dont les Conciles œcuméniques de Nicée et de Constantinople se sont directement inspirés pour dire la Foi une et indivisible de l’Eglise au sujet de la Trinité, dit ceci : « Nous adorons un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’Unité, sans confondre les Personnes ni diviser la substance ; car il y a une personne qui est le Père, une autre qui est le Fils et une troisième qui est le Saint-Esprit. Mais la divinité du Père est la même que celle du Fils et que celle du Saint-Esprit ; leur gloire est égale et leur majesté coéternelle. Comme le Père est, ainsi est le Fils et aussi le Saint-Esprit… Comme le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont tout-puissants. Comme le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont Dieu ; il n’y a pourtant pas trois Dieux, mais un seul Dieu… Et dans cette Trinité, aucune des Personnes ne précède ni ne suit les autres ; aucune n’est supérieure ou inférieure aux autres ; mais les trois Personnes sont égales et coéternelles de telle sorte que dans toutes leurs œuvres il faut adorer l’Unité dans la Trinité et la Trinité dans l’Unité. »

La confession de foi des Eglises Réformées en France, dîtes « Confession de La Rochelle » (1572) reprend à son compte la formulation classique de la doctrine de la Trinité.

« Cette Ecriture sainte nous enseigne qu'en la seule et simple essence divine que nous avons confessée, il y a trois Personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit :

- Le Père, cause première, principe et origine de toutes choses.

- Le Fils, sa Parole et sa sagesse éternelle.

- Le Saint-Esprit, sa force sa puissance et son efficacité.

Le Fils est éternellement engendré du Père ; le Saint-Esprit procède éternellement du Père et du Fils.

Les trois Personnes de la Trinité ne sont pas confondues, mais distinctes ; elles ne sont pourtant pas séparés, car elles possèdent une essence, une éternité, une puissance identiques, et sont égales en gloire et en majesté.

Nous acceptons donc, sur ce point, les conclusions des Conciles anciens, et repoussons toutes les sectes et hérésies qui ont été rejetées par les saints docteurs, comme saint Hilaire, saint Athanase, saint Ambroise et saint Cyrille. »

Nous reviendrons tout à l’heure sur la formulation classique de la Trinité, mais avant cela, considérons maintenant de quelle façon celle-ci a été contesté tout au long de l’histoire de l’Eglise.

 

V. Les controverses au sujet de la doctrine de la Trinité

La doctrine chrétienne de la Trinité a été, dans l’histoire de l’Eglise, contestée de deux façons différentes : d’une part par ceux qui ont nié l’existence des trois Personnes (Monarchiens, Unitariens ou Antitrinitaires) ; d’autres part par ceux qui se sont opposés à l’affirmation d’une essence unique (Trithéistes).

Les uns contestent la distinction des Personnes : l’idée même qu’il y ait trois Personnes distinctes en Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Les autres contestent l’unité des trois Personnes de la Trinité : l’idée que le Père, le Fils et le Saint-Esprit aient en commun la même essence divine, sans division ni séparation.

Pour les premiers -qui nient l’existence des trois Personnes- ce que la Bible désigne par « Père », « Fils » et « Saint-Esprit » ne sont en réalité que les trois modes ou énergies d’une même Personne, d’un seul et même Dieu  : le Fils et le Saint-Esprit ne sont que des manifestations différentes du Père.

Ce courant porte, historiquement, le nom de « modalisme » : les trois Personnes sont conçues comme des « modes », trois manières différentes d’être ou de se révéler de Dieu dans l’histoire.

Le Père, le Fils et le Saint-Esprit désignent donc, en réalité, dans cette perspective, une seule et même Personne.

Il n’y a pas trois Personnes en Dieu, mais une seule Personne, qui tantôt se manifeste comme le Père –ce qui est plus particulièrement le cas dans l’AT-, tantôt comme le Fils –dans les Evangiles-, et tantôt comme le Saint-Esprit –en particulier depuis la première Pentecôte chrétienne.

De-même pour Adoptionistes, auxquels il faut rattacher notamment l’Arianisme combattu au 4ème siècle par Athanase et les Conciles de Nicée (325) et de Constantinople (381), le Fils n’est qu’un simple homme que Dieu a « adopté » au moment de son baptême, et le Saint-Esprit la divine énergie du Père à l’œuvre dans le monde.

Dans un cas comme dans l’autre, qu’ils soient modalistes ou adoptionistes, les monarchiens ou antitrinitaires nient l’existence de trois Personnes distinctes en Dieu.

Il s’agit, en fait, toujours de la même Personne.

Au fond nous n’avons plus ici l’équation 1+1+1=1, comme dans la doctrine chrétienne classique de la Trinité, mais bien 1=1.

Une Personne, un Dieu.

Une essence divine, une Personne.

Et non plus : trois Personnes,  un Dieu, une seule et même essence divine.

Voilà donc pour les antitrinitaires ou unitariens, auxquels se rattachent aujourd’hui l’Islam ou le judaïsme, ou encore les Témoins de Jéhova par exemple, ainsi que, il est vrai, une bonne partie du protestantisme libéral, qui nie la pleine divinité de Jésus-Christ, comme aussi les déistes, tels que Voltaire ou Victor Hugo par exemple.

 

Un autre courant contestataire concernant la doctrine classique de la Trinité, c’est donc celui que j’ai intitulé tout à l’heure le « trithéisme » -moins répandu il est vrai dans l’histoire de l’Eglise- qui conteste non plus la diversité des Personnes, mais leur unité, en enseignant l’existence de trois essences divines distinctes.

L’équation ici se réduit à 1+1+1=3, puisqu’il n’y a plus unité de l’essence, mais bien trois essences séparées, trois dieux.

Le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont en réalité trois Personnes divines distinctes, trois divinités, trois dieux.

Sont à ranger dans cette catégorie les subordinationistes, qui enseignent que le Fils et le Saint-Esprit sont « Dieu à un degré moindre » que le Père.

Le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont bien trois dieux, trois essences divines distinctes, mais seul le Père est pleinement Dieu, tandis que le Fils et le Saint-Esprit ne le sont qu’à un degré moindre et sont, de ce fait, « subordonnés » au Père.

Certaines sectes aujourd’hui se réclament plus ou moins directement du trithéisme, comme par exemple les Mormons.

 

VI. Défense et illustration

Alors que penser maintenant de tout cela, et quelles raisons pouvons-nous avoir de maintenir et de confesser la doctrine traditionnelle de l’Eglise concernant la Trinité ?

Rappelons que contre l’unitarisme d’un côté, qui nie la distinction des Personnes, et contre le trithéisme de l’autre, qui nie leur unité essentielle, la théologie chrétienne classique, celle de l’Eglise des premiers siècles, des Conciles et des divers symboles œcuméniques, enseigne, nous l’avons vu, qu’il y a trois Personnes en une seule essence.

Contre Arius qui enseignait que Jésus-Christ n’était qu’un simple homme, le Symbole de Nicée affirme que le Fils est « de même substance » que le Père (omoousios = consubstantiel ; et non pas omoiousios = d’une essence semblable au Père, comme le prétendait Arius).

La seule et même essence est à la fois celle du Père et celle du Fils, et celle du Saint-Esprit, de sorte que le Fils est « Dieu de Dieu » et « vrai Dieu de vrai Dieu ».

Pour reprendre les propres mots du Réformateur Martin Luther : « Chacune de ces trois Personnes est le Dieu tout entier, hors duquel il n’y a pas d’autres Dieu ».

Notez bien l’expression :  Chacune des Personnes de la Trinité est « Dieu tout entier » (totu Deus).

Chaque Personne possède toute l’essence divine sans division ni séparation.

La seule et même essence divine, avec tous ses attributs, appartient également au Père, au Fils et au Saint-Esprit.

Et c’est pourquoi la formule traditionnelle concernant les relations entra-trinitaires est : « Il faut unir sans confondre et distinguer sans séparer » !

Sur la base de l’enseignement de la Bible, le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont Un sans pour autant être confondus –unir sans confondre- ; de-même ils sont Trois, ils sont donc distincts, sans pour autant être séparés –distinguer sans séparer.

Comme le disait un Père de l’Eglise : « Je ne puis en concevoir un que trois ne reluisent alentours ! Et je n’en puis discerner trois qu’aussitôt je ne sois réduit à un seul ! » (Grégoire de Naziance)

« Unir sans confondre, distinguer sans séparer » !

Quatre remarques maintenant au sujet de cette définition de la Trinité par l’Eglise ancienne.

1.      La première, c’est que contrairement à ce que l’on pourrait penser, les théologiens de l’Eglise ancienne n’ont pas cherché à accommoder leur définition de la Trinité à la pensée grecque de l’époque. En réalité, c’est l’inverse qui s’est produit. En effet, le point de vue d’Arius, avec sa notion hellénistique de l’unité et de la transcendance divine,  était beaucoup plus conforme à la pensée des philosophes que celui des Pères.

Les Grecs, en effet, trouvaient inconcevable l’idée de l’Incarnation et de la passion du Fils de Dieu. Que Dieu devienne homme pour subir la condamnation de la Croix était à leur yeux une folie. En niant la pleine divinité du Christ, Arius abondait dans leur sens, tandis que les décisions doctrinales des conciles allaient précisément à rebours de la pensée grecque.

2.      Ma deuxième remarque c’est que si la formulation des Pères de l’Eglise concernant la doctrine de la Trinité ne saurait en aucun cas s’expliquer par la rencontre du christianisme avec la pensée grecque, comme l’ont prétendus les protestants libéraux, il s’ensuit que c’est pour une tout autre raison, à savoir : l’enseignement de la Bible elle-même. La formulation de la doctrine de la Trinité entend simplement rendre compte d’une réalité qui se trouve bel et bien dans l’Ecriture, réalité qui s’impose sinon à notre raison, à notre compréhension, du moins à notre foi.

Aucune autre explication n’a jamais mieux rendu compte de l’ensemble des données de l’Ecriture concernant Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, que la doctrine traditionnelle de la Trinité. Le grand Augustin ne disait pas les choses autrement en affirmant : « La nécessité a comme par force arrachée ce mot pour la pauvreté du langage humain en chose si haute : non pas pour exprimer tout ce qui est en Dieu, mais pour ne point taire comment le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont trois. »

3.      Ma troisième remarque, c’est que si la formulation classique de la Trinité ne nous permet effectivement pas de dire logiquement, rationnellement la nature de Dieu, et constitue une entorse à notre raison, elle ne s’inscrit pas moins pour autant dans la logique de la Foi, la logique de l’Ecriture Sainte, qui nous parle d’un Dieu qui est de toutes façons au-dessus de notre portée, un Dieu incompréhensible, mais non pas inconnaissable.

Le Dieu de la Bible est un Dieu transcendant. Il est le « Tout-Autre », comme le disait Karl Barth, celui qui nous transcende infiniment, qui est au-dessus de notre portée, de notre logique, de notre compréhension. De même Athanase a dit : « Un Dieu compréhensible ne serait pas un Dieu » ! Il ne serait pas, en tout cas, le Dieu de la Bible, qui est incompréhensible.

A ce titre, la doctrine de la Trinité n’a pas pour but de nous dire tout ce que Dieu est, mais bien plutôt, elle affirme ce que Dieu n’est pas : Dieu n’est pas solitaire, il n’est pas un Dieu impersonnel, ni un Dieu qui aurait besoin de ses créatures pour aimer. Dieu est un être de relation, qui existe en trois Personnes, et qui nous aime parce qu’il est amour de toute éternité, dans sa vie même de Dieu. Dieu se suffit à lui-même, puisqu’il est trine. Il est amour, parce qu’il est relation, parce qu’il est le Dieu trinitaire.

J’insiste sur ce point : Le Dieu de la Bible n’est pas le Dieu solitaire de l’Islam, mais il est un Dieu de communion, un Dieu de relation, un Dieu qui, parce qu’il est trinitaire, est éternellement amour, car éternellement le Père aime le Fils et le Fils aime le Père, dans la communion du Saint-Esprit. Dieu n’est pas amour parce qu’il nous aime, mais il nous aime parce qu’il est amour, parce qu’il est éternellement amour, en lui-même, parce qu’il est le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et non pas un Dieu solitaire, un Dieu limité qui aurait besoin de ses créatures pour aimer.

4.      Dans le prolongement de cette troisième remarque, ma quatrième remarque c’est que la doctrine de la Trinité, pour ne pas être pleinement accessible à notre raison, à notre intelligence, à notre compréhension n’en est pas pour autant irrationnelle. En fait, les théologiens et philosophes chrétiens ont montré que le problème philosophique fondamental de l’un et du multiple trouve son explication ultime et rationnelle dans la réalité du Dieu Trinitaire, qui est éternellement le Dieu UN et TRINE, le Un et le multiple, d’où la réalité tout entière tire son origine et sa signification. Je cite le philosophe et apologète américain Cornelius VAN TIL, Docteur en Philosophie de l’Université de Princeton, longtemps professeur d’apologétique à la Faculté de Théologie Réformée de Westminster, à Philadelphie :

« L‘unité et la diversité se trouvent également en Dieu et mutuellement dépendantes. L’importance de cette doctrine pour l’apologétique, c’est que tout le problème de la philosophie peut être résumé dans cette question de la relation entre l’unité et la diversité ; le problème de l’un et du multiple reçoit une réponse définitive dans la doctrine chrétienne de Dieu ». (Apologetics, New Jersey, P&R, 1976, p. 5).

Et ailleurs il dit ceci : « Le Dieu que les philosophes, à travers les âges, ont cherché, un Dieu en qui l’unité et la diversité sont également ultimes, « le Dieu inconnu », nous est connu par grâce. »(Common Grace and the Gospel, Phillipsburg, P&R, 1972, p. 9). C’est la Bible, en effet, qui nous le révèle. L’existence du Dieu trinitaire révélée dans la Bible apporte le fondement épistémologique nécessaire à toute la pensée philosophique, en dehors duquel aucune cohérence ultime de la réalité ne peut être trouvée.

 

En conclusion je relèverai quatre raisons pour maintenir et confesser aujourd’hui la doctrine chrétienne de la Trinité.

1.      La première raison, c’est que la Trinité implique une certaine façon de comprendre la personne de Jésus-Christ sans laquelle celui-ci ne saurait tarder à être ramené à un simple fondateur de religion, à un homme sage, certes, mais pas plus. Tandis que l’Ecriture Sainte, la Bible, et notamment l’Evangile selon Jean, atteste clairement la pleine divinité de Jésus-Christ. Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme. Il est Dieu manifesté en chair. Il n’est pas un simple sauveteur, un prophète, comme le prétend le Coran, un homme extrêmement religieux, mais il est Dieu Lui-même, manifesté en chair, Emmanuel, Dieu avec nous. Et c’est parce qu’il est Dieu qu’il nous sauve ! Tout au long de la Bible il est dit : il n’y a pas d’autre Sauveur que Dieu ! Dieu seul est Sauveur ! Jésus-Christ est le Dieu qui nous sauve, comme il est celui qui nous révèle le Père. « Nul n’a jamais vu Dieu –nous dit l’Evangile selon Jean-, Dieu, le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître » (Jn 1.18)

2.      La deuxième remarques c’est qu’il est essentiel de croire et de confesser la Trinité, notamment face aux religions non-chrétiennes. Le sous-titre de l’affiche le dit bien lorsque parlant de la Trinité elle dit « une doctrine spécifique au christianisme ». Et il est un fait que la Trinité est bel et bien spécifique au christianisme, et même, on peut le dire, elle est au centre, au cœur même de la religion chrétienne.

Ainsi le Symbole des Apôtres, qui entend dire la Foi universelle des chrétiens, possède une structure trinitaire, dans laquelle il est question tout d’abord du Père : « Je crois en Dieu, le Père tout Puissant, Créateur du ciel et de la terre », et puis du Fils : « Je crois en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur », et du Saint-Esprit : « Je crois en l’Esprit Saint ». C’est de-même le baptême au nom du Dieu Trinitaire qui marque l’entrée des fidèles dans l’Eglise, comme membre du peuple de l’Alliance. La doctrine de la Trinité fait l’unité de toutes les Eglises chrétiennes, alors même qu’elles sont divisées sur beaucoup d’autres points ; elle caractérise la définition proprement chrétienne de Dieu, et permet ainsi de différencier le christianisme de toutes les autres religions.

La doctrine de la Trinité nous permet ainsi de comprendre en quoi il est erroné de considérer que toutes les religions se valent, ou que toutes adorent et prient le même Dieu. Il ne suffit pas d’être monothéiste pour être disciple du Christ ! Il convient de croire en la divinité du Christ, et donc au Dieu Trinitaire, en dehors duquel il ne peut s’agir que de tout autre chose que du véritable christianisme, qui est fondamentalement et essentiellement trinitaire !

Comme l’a dit un théologien récent : « Historiquement et réflexivement, la doctrine trinitaire est le centre de perspective à partir duquel le théologien édifie la dogmatique et vers lequel il revient constamment au cours de ses diverses démarches. Le dogme trinitaire apparaît à la fois comme la pierre angulaire et la clef de voûte de l’édifice théologique, à l’intérieur duquel le théologien poursuit ses investigations relatives à la création, à la réconciliation et à la rédemption. Il est au départ et à l’arrivée au niveau de la réflexion théologique comme il l’est au niveau de l’existence chrétienne vécue. » (Gabriel-Ph. Widmer, « Gloire au Père, au Fils, au Saint-Esprit, Essai sur le dogme trinitaire », Cahier Théologique N° 50, Delachaux et Niestlé, 1963, 74).

3.      Troisième remarque : la spiritualité dans la Bible, la piété du chrétien est décrite comme devant être une spiritualité trinitaire, c’est-à-dire en relation avec le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Lorsque nous prions, nous nous adressons, selon le modèle du « Notre Père », au Père par l’Esprit, et ce, à cause du Fils, et au nom du Fils, de Jésus-Christ, qui est le seul médiateur entre Dieu et les hommes.

La Trinité exprime aussi que Dieu est un être de relation, un Dieu de dialogue et de communication, qui nous invite à entrer en relation avec lui, par la prière, de par sa nature trinitaire. 

4.      Quatrième et dernière remarques, le modèle trinitaire nous invite de même à vivre des relations justes et appropriées entre les hommes où la dépendance et l’égalité s’équilibrent. C’est ainsi, par exemple, que l’homme est la femme, tout comme les trois Personnes de la Trinité, sont parfaitement égaux au niveau de leur essence, tout en étant différents, distincts, au niveau du rôle qu’ils sont l’un et l’autre appelés à assumer dans le couple, la famille, l’Eglise ou la société en général. Il y a entre l’homme et la femme à la fois égalité et inter-dépendance, unité et diversité, ce qui fait toute la richesse et a beauté de la diversité sexuelle.

En conclusion, il nous semble que la doctrine chrétienne classique de la Trinité n’a absolument rien perdu de sa fraîcheur et de son actualité, et que rien ne saurait avantageusement la remplacer pour rendre compte du Dieu de la Bible.

Pour reprendre les propos d’un théologien contemporain : « Au point où nous en sommes de notre réflexion, nous garderons donc la formulation trinitaire aussi longtemps qu’il ne s’en trouvera pas une autre qui rende mieux compte de ce que nous avons compris du Dieu de l’Ecriture. » (Antoine Nouis, Un Catéchisme Protestant, Lyon : Réveil Publications, 1997, p. 185).

Merci pour votre attention.

 

Le Filioque

Le mot « filioque » ne figurait pas dans l’a rédaction originale du Symbole de Nicée-Constantinople. Celui-ci a été ajouté par la coutume dans les Eglises d’Occident, sans qu’aucune décision conciliaire ne vienne justifier cette modification.

On pense que l’influence de S. Augustin et de son Traité sur la Trinité (début du 5ème siècle) a été déterminante ici, puisque celui-ci insiste sur le rôle du Fils à côté du Père dans le don de l’Esprit Saint au niveau de l’économie du Salut, et donc, par déduction, dans les relations intra-trinitaires où le Saint-Esprit doit forcément procéder du Père et du Fils.

Mais peut-on opérer une telle déduction, de la Trinité économique à la Trinité immanente, des œuvres ad extra de la Trinité aux œuvres ad intra ?

En 1054, lors du Grand Schisme entre les Eglises d’Orient et celles d’Occident, la question du Filioque a été au cœur des accusations qui ont entraîné des excommunications réciproques.

La Réforme a adopté le Filioque, à cause de la Trinité économique. Jn 15.26 : l’Esprit procède du Père et du Fils.

Le danger de la formulation occidentale : accorder une importance moindre au Saint-Esprit en tant que personne ; tentation du rationalisme, du juridisme institutionnel.

Le danger de la formulation orientale : séparer l’action du Saint-Esprit de celle du Christ, l’Esprit de la Parole, retirer à la personne de Jésus-Christ sa place centrale dans la révélation chrétienne ; tentation du spiritualisme et de l’illuminisme : possibilité d’avoir accès à Dieu sans passer par le Fils, par la médiation nécessaire de la Parole (notion de divinisation de la créature, theosois) ; au niveau politique, danger de l’absolutisation du pouvoir, libre de toute soumission à la Parole.