Réflexions sur le ministère pastoral féminin (MPF)

Professeur Paul WELLS

  

Les réflexions suivantes sont utiles :

1 Le danger est grand d'arriver ou de vouloir arriver à une décision sur le MPF pour des raisons sentimentales ou à cause de la culture ambiante. La Bible nous dit partout de maintenir une distance critique par rapport au siècle présent mauvais et de résister à ses pressions.

2 Le débat pour-contre le MPF n'est pas entre deux positions égales, aussi légitime l'une que l'autre. Jusqu'à très récemment la pratique de toutes les Eglises a été le ministère masculin, consacré ou non. Ceci se justifiait par des arguments bibliques et par la situation sociale. Puisque la société évolue il est d'autant plus nécessaire d'être clair sur les raisons bibliques qui guident notre attitude vis-à-vis du MPF. Ceux qui veulent introduire une nouveauté sont obligés de nous démontrer non seulement que celle-ci est bibliquement permis, mais aussi que le MPF est une norme biblique que nous devons accepter. Le poids de la démonstration incombe à ceux qui sont "pour". Si par contre l'argument pour est simplement humain, n'ayant pas de légitimité biblique, il faut le refuser.

3 On dit que ceux qui sont "contre" fondent leur position sur quelques textes montés en épingle, par exemple 1 Corinthiens 14:33-40, 1 Timothée 2:8-3:6,1 Corinthiens 11:1-16 et 1 Pierre 5. Ce n'est pas exact. Ce point de vue est fondé sur le témoignage de toute la Bible et le rapport homme-femme qui y est décrit. Les textes spécifiques ne sont que des applications harmonieuses, faites par les écrivains bibliques, à la question du ministère pastoral d'un principe biblique général (familiale : Ephésiens 5:23-33 et 1 Pierre 3:1-7). En plus il y a les phénomènes de la Bible - la pratique de l'Eglise de toujours. Dans l'AT les chefs de famille sont anciens, les prêtres sont des hommes. Jésus est un homme qui n'a appelé aucune femme à être apôtre (conducteur de l'Eglise) quand il a fondé son peuple (Matthieu 20:16-20), alors que la vierge Marie était mieux qualifiée qu'aucun autre humain de toute l'histoire ! Les apôtres, eux, n'ont consacré aucune femme "ancienne" pour être successeur de leur ministère (Actes 14:23, 20:17-38 et Tite 1:5-16). La description de l'évêque dans 1 Timothée 3 ne s'applique psychologiquement qu'à un homme (voir les versets 2 et 5 et Tite 1:6).

4 Ceux qui veulent nous parler de Miriam, de Déborah, de Marie-Madeleine, des filles-prophétesses de Philippe pour louer leurs qualités et dons de femmes doivent nous expliquer pourquoi, ni Jésus ni les apôtres n'ont tiré la conclusion logique de cette observation et consacrer ces femmes comme conducteurs dans l'Eglise.

5 Des textes comme1 Corinthiens 14 et 1 Timothée 2-3 sont déterminants, car c'est ici que le modèle du ministère est établi pour l'Eglise. Quand nous parlons du ministère, c'est à ces textes que nous nous référons, comme nous le faisons à Jean 3:16 et non à Exode 20:1, si nous voulons parler de l'amour de Dieu.

6 L'utilisation de Galates 3:28 "ni homme ni femme" pour parler du MPF est illégitime. Ce texte est en parallèle avec Romains 10:12, 1 Corinthiens 12:13 et Colossiens 3:11 et ne concerne pas le ministère mais la régénération chrétienne, le "en Christ". Il n'est même pas question de l'Eglise ici ! Si on veut dire que Paul parlait implicitement du MPF en écrivant le "ni homme ni femme" on met Paul en contradiction avec lui-même. Paul n'a pas appliqué son propre principe au MPF quand il a parlé du ministère. Paul dit les deux choses "ni homme ni femme" et "je ne permets pas à la femme d'enseigner ni de prendre autorité sur l'homme" (1 Corinthiens 14:12) sans se contredire. Nous ne pouvons pas partir d'autre bases que les textes sur le ministère pour établir une doctrine du ministère sans inférer que l'apôtre était un idiot. Peut-être se trompe-t-il aussi en parlant de la justification?

7 Quand on dit que ceux qui sont contre le MPF pratiquent un littéralisme naïf et fondamentaliste, c'est de la poudre jetée aux yeux. Comment lire ces textes autrement que littéralement ? Comme des fables édifiantes ou des allégories? Quand l'apôtre dit qu'il faut que le pasteur soit "mari d'une seule femme" il veut dire littéralement cela pour la situation où le pasteur est marié. On ne peut exhorter une femme-pasteur d'être "femme d'un seul mari", car on n'a jamais vu une société où les femmes aient eu de multiples maris. Paul parle de la polygamie dans l'AT et dans le monde grec.

8 Par contre, ceux qui argumentent "ni homme ne femme" pour abolir des distinctions et établir le MPF dans l'Eglise succombent, eux, à un littéralisme illégitime. On ne peut pas comprendre les autres expressions du verset dans le sens si on propose cette interprétation de l'expression. C'est évident que être "en Christ" n'abolit pas notre situation sociale ou notre nationalité. Il y a dans l'Eglise des esclaves qui restent esclaves et des Grecs qui restent Grecs. C'est évident, car on critique les américains dans notre Eglise d'être américains et de ne pas comprendre la France ! Il y a toujours des hommes et des femmes dans l'Eglise comme il a y toujours des Juifs et des Grecs. Ce que l'apôtre dit c'est que la haine est abolie dans la réconciliation en Christ, non que les rôles sexuels ou autres soient démantelés (dans Galates 3 il a été question de l'accusation de la loi). Il y aura un masculin et un féminin dans la nouvelle création, car nos corps seront ressuscités, tout comme Christ sera un homme dans la nouvelle création. Citer Matthieu 22:30 pour parler de rôles sexuels c'est oublier la distinction présente dans le passage entre sexualité et conjugalité.

9 Il n'y a pas deux herméneutiques (façons de lire la Bible) égales, "contre" et "pour". Le "contre" est fondé sur des affirmations explicites de l'Ecriture, sur des commandements, alors que le "pour" est une application tendencieuse d'un principe général à un domaine (le sacerdoce) où le NT même ne fait pas une telle application.

10 Le même procédure pourrait justifier, et a été utilisé déjà pour justifier des comportements anti-bibliques autrement plus graves que le MPF. "Ni homme, ni femme" pourrait jutifier ainsi l'union libre si l'on s'aime, l'homosexualité, l'abolition du mariage, etc. On aboutit logiquement à une éthique relativiste.

11 La question de la conscience est évoquée : "le MPF est, pour moi, dit-on, une question de conscience." Il faut bien préciser ; ceux qui sont "contre" le sont parce que leur conscience est liée par des affirmations spécifiques de l'Ecriture et ils s'y soumettent. Ceux qui sont "pour" abusent de la notion biblique de conscience. Dans leur cas, la conscience n'est pas liée par ce que dit l'Ecriture sur le ministère, mais par un raisonnement simplement humain. C'est Dieu qui lie nos consciences et non nos pensées humaines.

12 Quand on dit que Paul ne pouvait parler autrement à cause de la culture patriachale de son époque, on oublie que, dans le monde antique, une femme noble était supérieure à un homme esclave et que les femme-prêtresses étaient connues dans presque toutes les religions non-bibliques. C'est réduire la diversité énorme de cette culture. Par contre, nous pensons qu'aujourd'hui, ceux qui sont "pour" le sont pour des raisons plus sociales et affectives qu'autre chose.

13 Quand on dit "nous avons déjà des femmes-anciens", le pasteur est un ancien, donc nous pouvons avoir des femmes-pasteurs, on n'a pas répondu à la question biblique "qu'est-ce que c'est qu'un ancien" et à la question pratique "nos anciens ont-ils le portrait-robot des anciens bibliques ?

14 "Les "contre" sont divisés entre eux", affirme-t-on! Certains pensent que la femme peut prêcher, d'autres pas. Cet argument qui concerne l'application d'un principe n'enlève rien au principe, tout comme quand on dit que l'homme est chef de la femme on n'a pas dit, si oui ou non il peut faire la vaisselle. "Je ne comprends pas la position des "contre"" ajoute-t-on! Ceci ne me gêne pas non plus. Je comprends sans comprendre pourquoi Dieu agit ainsi. Il en est ainsi pour presque toutes les choses que l'on trouve dans la Bible.

15 Autre commentaire qui courent réunions et synodes : "votons, car ce n'est pas très important comme question". Bien sûr, ce sont les "pour" qui encouragent ainsi, car pour eux, ce n'est pas très important ! Evidemment l'enjeu est moins grand que pour une doctrine centrale au salut. Pourtant, le fait qu'il y a des doctrines centrales dans la Bible ne peut être utilisé pour rendre superflues les doctrines "secondaires". Ultimement la question est importante, dans ses implications, pour trois raisons :

- le statut de l'Ecriture est capital. On dit que ceux qui sont "pour" et "contre" respectent l'autorité de l'Ecriture. Verbalement c'est le cas mais pratiquement c'est inexact. Est-ce respecter l'autorité de la Bible que de refuser ce qu'elle dit explicitement et de proposer d'adopter ce qu'elle ne dit pas ? Ou de dire que les deux positions se justifient bibliquement. C'est rendre l'Ecriture pluraliste.

- nos ministères vont-ils être conformes au modèles bibliques ? Si ce n'est pas le cas, ils n'ont plus d'autorité que sociale ou personnelle.

- notre Eglise va-t-elle se soumettre à l'Ecriture seule ou sera-t-elle modelée par des conventions humaines ? Si ces dernières sont, en une certaine mesure, inévitables, car l'Eglise visible est un corps social, il faut les refuser quand elles ne sont pas légitimées par l'Ecriture.

Voici quelques raisons, mais pas toutes, pour lesquelles je suis contre le MPF. Je préférerai être "pour", mais je n'ai pu trouver aucune raison biblique. Je préférerai même être convaincu s'il était possible. Je constate, avec tristesse, l'angoisse des femmes à ce sujet, et reconnais qu'elle est motivée par la mauvaise façon dont elles ont été dévalorisées dans la société et dans l'Eglise par le passé.

Mais je regrette la façon dont ce débat se déroule car :

- il est orienté dans le sens du cléricalisme. On va faire des femmes-clercs, comme on a eu des hommes-clercs. La vraie question n'est pas le sacerdoce mais le ministère de toutes les femmes et les hommes dans l'Eglise, qui ne sont pas appelés à être pasteurs. Combien de femmes vont être personnellement valorisées si on institue le MPF ?

- voter facilement le MPF a des conséquences graves. Cela veut dire qu'une personne "contre" ne pourrait plus être, pour raison de conscience, membre de la Commission des Ministères ou officier/assister au service de consécration de certains pasteurs de l'Eglise. Déjà l'unité de l'Eglise est détruit au niveau de ses ministres (voir la Confession de la Rochelle, art.30).

- j'ai l'impression d'être forcé à suivre un mouvement qui nous est imposé parce qu'on a décidé qu'il faut qu'il en soit ainsi. La motivation est politique et non biblique. Voici une vraie démarche schismatique! D'ailleurs qui a jamais dit qu'il faut que les synodes se prononcent quand il n'y a pas de raisons bibliques ?

Si nos églises vont dans ce sens, sans justifier cette décision par une réflexion biblique et théologique, notre herméneutique est déjà devenue, en pratique, celle du pluralisme relativiste de l'ERF. Il faudra tirer les conclusions qui s'imposent - de cesser de prétendre être une église réformée confessante et de retrouver l'unité avec ceux qui, finalement, pensent comme nous....

 

A la Parole et au témoignage ! Ceux dans l'Eglise qui sont "pour", doivent nous montrer bibliquement et théologiquement que nous, les "contre" nous sommes obligés de les rejoindre dans leur intention de vote.

Paul Wells