LE JOUR DU SEIGNEUR

 

Le Jour du Seigneur (jds) est l’époque à laquelle le Seigneur juge, purifie un reste pour lui-même, justifie son peuple, renouvelle sa création, apporte une pleine délivrance et établit sa loi sur la terre.

La définition du jds a commencé avec Amos (- 760, dans le royaume du Nord : Israël) qui a transformé une idée populaire mais erronée. Pour ses contemporains, le jds devait être une ère glorieuse. Ils croyaient que Dieu allait les bénir parce qu’ils constituaient le peuple choisi par lui. Ils avaient une interprétation sélective de la révélation et n’appliquaient pas cette révélation à leur style de vie païen. Amos critique leur bigoterie et déclare que Dieu va se tourner vers les enfants de l’Alliance : il va changer la lumière de la révélation en ténèbres ! Pour eux le jds signifiera seulement abandon divin, événement redoutable, jugement et aliénation (Am 5:18-20).

Chez Osée (- 750, Israël, royaume du Nord), le jds indique une période où les humains devront répondre devant Dieu, une période de punition divine (Os 9:7) qui aura pour résultat la dévastation du pays et l’exil d’Israël (Os 1:4, 5:9, 10:10). Les structures et les institutions humaines ne peuvent rien faire pour empêcher les hommes d’entrer en jugement (Os 9:5-9).

C’est Michée (- 725, Israël et Juda, c'est-à-dire royaumes du Nord et du Sud) qui relie jds et le langage de la théophanie (= manifestation, apparition de Dieu) qui est une manifestation écrasante, irrésistible de la splendeur et de la sainteté de Dieu. Puis vient Sophonie (vers - 620). Avec lui le jds est associé à la venue de Dieu comme juge, jugement qui a pour résultat la mort, le massacre et le sang répandu. Chez Sophonie, le jds a clairement une dimension universelle et eschatologique (= relatif aux derniers temps).

Le terme “ jour ” renvoie à une période de l’histoire du salut ou à un événement (ex. : la défaite de Madian en Es 9:4, cf. Jg 7:8 ; la chute de Jérusalem en Ez 13:5). Le fait d’être responsable devant Dieu et de devoir rendre des comptes n’est pas aboli avec la venue de Jésus-Christ. Paul maintient l’enseignement des prophètes, à savoir que Dieu est patient et juste dans son règne sur les nations et que chacune subira les conséquences de ses actes (Ga 6:7-8).

Le Seigneur peut juger les personnes à n’importe quel moment. Quand il opère un jugement dans l’histoire, c’est une intrusion du jugement final, eschatologique. Ceci explique la pertinence pour tous les temps des discours prophétiques concernant le fait de rendre des comptes à Dieu et la haine de celui-ci de l’arrogance des humains (ex. : Es 2:12-18). Rien ne peut délivrer du jugement : la terre elle-même sera instable et le ciel s’obscurcira quand la créature rendra compte à son Créateur (Es 13:6 ; voir Es 22:5, 26:21, 30:30, 63:1, 66:15).

Ce jour aura un effet apaisant sur les saints (= ceux qui sont mis à part par Dieu, les membres de son peuple) mais apportera un désastre soudain sur ceux qui ne sont pas prêts à rencontrer leur Dieu (Es 13:9). Ce jour-là le Seigneur révèle sa gloire, sa justice et sa puissance à sa création. Or, quand il vient dans l’ordre créé, rien ne reste en l’état : les montagnes sont ébranlées, les collines deviennent des plaines et les vallées s’ouvrent. Ces images expriment la qu’a Israël de la souveraineté de Dieu sur la création (Ps 18:9, 96:11-13, 114:5, Es 26:21, 31:4, 64:1-3, Mi 1:2-4, Na 1:3-6) comme cela se passa lorsque Dieu guida son peuple hors d’Egypte (Ps 77:16-19) ; le psalmiste exprime l’humble abaissement de la nature en présence du grand roi et le fait que les royaumes humains seront réduits à néant.

Une théophanie est toujours accompagnée, dans le récit biblique de phénomènes naturels. Le langage employé remonte à la manifestation de Dieu au Mont Sinaï (Ex 24:15-18, voir 19:18-19). Les prophètes emploient les images de la théophanie lors de la délivrance de l’Egypte et de la révélation au Mont Sinaï pour exprimer combien la venue de Dieu pour juger sera impressionnante. Ils renversent les conceptions populaires et les idéologies humaines en mettant au défi le peuple de discerner si Dieu viendra pour eux ou contre eux (Na 1:6, So 1:14-18 ; voir Ps 76:7, 147:17, Ap 6:17). Ils font entendre une note discordante par rapport aux croyances courantes de leur époque (et de la nôtre ?) quand ils annoncent que Dieu est un feu dévorant (voir Hé 12:29 et Dt 4:24, Mi 1:3-5 par exemple). Israël et Juda rejetteront cet enseignement “ révolutionnaire ” car ils ne pouvaient pas concevoir que le Dieu de l’Alliance puisse se retourner contre son peuple.

Dans ce tribunal Dieu est le procureur, le témoin et le juge (le silence en Ha 2:20, So 1:7 / Jl 3:2, Os 4:1-3, Jr 29:23, 42:5, Mi 1:2). Les chefs d’accusation et les motifs de la condamnation sont l’arrogance humaine, le rejet de son royaume et un style de vie égoïste et plein de convoitise (Mal 3:5 ; voir Mt 25:31-46). Dans le registre de la guerre, Dieu est le divin guerrier qui vient pour rétablir l’ordre à partir de l’anarchie, du chaos et de l’autonomie (= être une loi pour soi-même par opposition à la théonomie qui est de se placer, de reconnaître et de suivre la loi – nomos en grec – de Dieu – theos en grec) des royaumes de l’humanité. On retrouve alors le thème de la colère et de la vengeance (Es 13:13, Jr 46:10 par exemple). Ces deux images (guerrier et tribunal) sont là pour exprimer le gouvernement divin : Dieu dirige, gouverne dans ses jugements et dans ses batailles.

Le verbe “ délivrer ” et les mots de la même famille signifient l’engagement du Seigneur à s’identifier à son peuple, à le défendre, à le soulager et à l’encourager par ses jugements dans l’histoire ; il en justifie les membres en présence de leurs ennemis et finalement introduit une ère de paix, de bénédiction et de gloire dans laquelle le Seigneur sera présent avec son peuple (Ha 2:4,14, 3:2-19, So 3:14-20).

Le but du jds est la transformation totale de toute la création. Celle-ci a deux aspects : la désolation comme expression du jugement (Es 13:6-9,13, Am 1:2, So 1:2-3, 2 Pi 3:10) et le renouvellement comme expression de sa grâce (Os 2:21-23, Jl 2:19-26, 3:18, Am 9:13-15, 2 Pi 3:11-13). Son esprit renouvellera aussi les humains dans leurs forces physiques et spirituelles, les consacrera, les remplira de grâce pour qu’ils puissent pour qu’ils puissent vivre en harmonie avec le royaume de Dieu (Jr 24:7, 29:112-13, 31:31-34, 32:39 ; Ez 11:19-21, 36:22-32, 37:14, 21-28). Au fil des siècles le Seigneur s’est réservé un reste qui répond à l’annonce du jds par la prière, la confession des péchés et l’abandon absolu entre les mains de Dieu. Les prophètes ne cesseront de faire des appels (So 2:2-3). Les saints répondent dans la foi se préparant pour le jour de la délivrance.

Une présentation de ce concept assez complexe que constitue le jds fournit une structure pour interpréter les événements de l’histoire de la rédemption.

L’expulsion d’Eden, la confusion des langues et les nations à Babel, la destruction de Sodome et Gomorrhe, les plaies et la victoire sur l’Egypte, la conquête, les jugements de Dieu dans l’histoire d’Israël et de Juda, la chute de Samarie (- 722), le siège de Jérusalem par Sennacherib, roi d’Assyrie (- 701), la chute de Ninive (- 612), la défaite de l’Egypte et l’ascendance de Babylone (- 605), la chute de Jérusalem (- 586) et la fin de Babylone (- 538) : tous ont une place dans le cadre eschatologique plus large du jds. Chaque jugement confirme le gouvernement souverain de notre Dieu. Il est Seigneur et roi sur sa création. Chaque jugement est une intrusion et une anticipation du jds. Chaque jugement doit être interprétée comme une théophanie et chaque théophanie pointe vers le dernier jds. Alors toute opposition cessera et le Seigneur habitera parmi ses loyaux sujets.

Paul développe la doctrine du jds en 1 Th 5:1-15. Il y a là continuité et discontinuité (ou nouveauté) avec l’enseignement prophétique sur trois points :

L’enseignement du jds dans le Nouveau testament, comme chez les prophètes de l’Ancien, se situe dans le contexte de l’éthique. Le but de l’enseignement apostolique (= des apôtres) comme celui des prophètes est d’exhorter les chrétiens à vivre saintement (1 Th 5:5-15). Vivant dans l’anticipation du jds ceux qui vivent saintement n’ont pas de raison de craindre la venue soudaine de leur Seigneur.