Symbole des Apôtres IV : " le Père (tout-puissant) "

 Pasteur Vincent BRU

 

Textes :

Ps 103.13 " Comme un père a compassion de ses enfants… "
Mt 6.5-15 " Notre Père qui es aux cieux !"
Lc 15.11ss " La parabole du père qui attend "
Jn 1.12 " A tous ceux qui l’ont reçue … enfants de Dieu "
Rm 8.14-17 " Abba ! Père ! "
Ga 3.26 " Vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ "
Ep 3.14-19 " Je fléchis les genoux devant le Père "
 

Chers frères et sœurs en Christ, je vous propose donc ce matin de poursuivre notre série de prédications sur le Symbole des Apôtres.

" Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre ".

Le premier attribut, le premier titre que le Credo attribue à Dieu, et qui revient d’ailleurs à deux reprises, c’est celui de " Père ".

" Je crois en Dieu, le Père tout-puissant ", et un peu plus loin à nouveau : " Il siège à la droite de Dieu, le Père tout-puissant ".

Le premier article de la foi universelle des chrétiens concerne Dieu, le Père tout-puissant.

Avant même de parler de Dieu comme créateur, le Credo nous place devant la réalité du Dieu " Père ", et comme rien ne saurait empêcher Dieu d’être " le Père ", il ajoute : " le Père tout-puissant ".

Dieu est à la fois " le Père " et le " tout-puissant " : il est " le Père tout-puissant ", celui dont la toute-puissance s’exerce dans la paternité, c’est-à-dire dans l’amour.

Ces deux attributs de Dieu, " Père " et " tout-puissant ", constituent les deux faces d’une même réalité : ils sont inséparables.

Je vous propose donc ce matin de nous pencher sur le premier titre, le premier attribut de Dieu, " le Père ", et nous verrons un autre dimanche le second titre qui lui est conjoint : " tout-puissant ", la toute-puissance de Dieu.

 

I. En guise de préliminaires :

Mais pour commencer, je ferai deux remarques, en guise de préliminaires.

1. La Trinité

Ma première remarque concerne la structure, l’agencement même du Credo.

A la question : Comment divisons-nous ce Symbole ? le Catéchisme de Heidelberg répond :

En trois parties :

  • la première : Dieu le Père et notre création ;
  • la seconde : Dieu le Fils et notre justification ;
  • la troisième : Dieu le Saint-Esprit et notre sanctification.

Le Symbole des Apôtres comprend donc trois parties distinctes, qui chacune ont trait à l’une des trois personnes de la Trinité : le Père, le Fils et le Saint-Esprit :

  • Je crois en Dieu, le Père tout-puissant ;
  • Je crois en Jésus-Christ, son Fils unique ;
  • Je crois au Saint-Esprit.

Le Symbole des Apôtres entend ainsi fonder notre foi, la foi de l’Eglise, sur la réalité du Dieu trinitaire, le mystère de la Trinité, le mystère du Dieu un, tout en étant trois personnes distinctes.

Je n’entends pas ici m’étendre sur ce mystère qui nous dépasse infiniment, et dont le Symbole de Nicée constitue sans aucun doute l’une des plus belles et des plus profondes formulations, mais je dirai néanmoins ceci : la foi chrétienne ne saurait, en aucune manière, se passer de la doctrine de la Trinité ; c’est là ce qui fait son trait caractéristique par rapport aux autres religions, comme aussi son fondement même.

Le fondement de la religion chrétienne que nous confessons, c’est la Trinité, c’est la réalité du Dieu trinitaire, Père, Fils et Saint-Esprit, qui se révèle à nous dans la Bible comme étant un seul Dieu, tout en étant trois personnes distinctes, de sorte que le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu, sans séparation ni confusion.

C’est ainsi qu’à la question : Puisqu’il n’est qu’un seul être divin, pourquoi en nommes-tu trois : le Père, le Fils et le Saint-Esprit ? le Catéchisme de Heidelberg répond sans hésitation :

25. Parce que Dieu s’est révélé de telle manière dans sa Parole que ces trois personnes distinctes sont le seul Dieu vrai et éternel. (cf. Dt 6.4 ; Mt 3.16-17 ; 28.19 ; 1 Jn 5.7 ; etc.).

Si nous croyons en la réalité du Dieu trinitaire, frères et sœurs, c’est tout simplement parce que Dieu s’est révélé tel dans sa Parole, et qu’il convient par conséquent de plier notre raison, notre entendement, à ce mystère qui ne peut être saisi que dans la foi.

Sans vouloir prétendre lever le voile du mystère de l’être de Dieu, de son essence même, il convient, en pareil domaine, de penser les pensées de Dieu après Lui, dans une humble écoute de sa Parole, sans chercher à percer les secrets qui nous sont cachés.

Comme dit l’Ecriture : De 29:29 Les choses cachées sont à l'Eternel, notre Dieu; les choses révélées sont à nous et à nos enfants, à perpétuité, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette loi.

Voilà donc pour ma première remarque.

 

2.Transcendance et immanence

Ma deuxième remarque a trait à la nature même de Dieu, qui découle de l’expression " le Père tout-puissant ".

Ce titre de " Père tout-puissant ", que le Credo attribue à Dieu, nous place devant une double réalité : celle que les théologiens ont appelé la transcendance de Dieu d’une part, le fait que Dieu nous transcende, qu’il soit tout autre que nous, qu’il soit infiniment élevé au-dessus de nous, sa création – ce qui est signifié par le titre de " tout-puissant " –, et d’autre part l’immanence de Dieu, c’est-à-dire la proximité de Dieu, le fait que Dieu soit plus proche de nous que nous ne le sommes de nous-mêmes, le fait que Dieu est là, présent, dans notre réalité, et qu’il nous appelle à vivre son Alliance, dans une relation personnelle et vivante avec Lui, notre " Père ".

Et voyez-vous, c’est précisément en vertu de cette double réalité de Dieu, sa transcendance et son immanence, que nous pouvons nous approcher de Lui avec confiance et avec amour, certes, mais aussi avec crainte et tremblement, dans un respect adorant de celui-ci.

Avec confiance et avec amour, parce qu’il est notre " Père " : il est notre ultime vis-à-vis, notre confident et notre souverain Bien.

Avec crainte et tremblement, parce qu’il est aussi le " tout-puissant ", celui qui règne dans les cieux et sur la terre, et qui tient toutes choses dans sa main, le Juge de tous les hommes, le souverain Gouverneur du monde qu’il a créé et qu’il maintient, en le préservant du chaos à chaque instant.

Mais venons-en maintenant au sens de l’expression " le Père tout-puissant " : " Je crois en Dieu, le Père tout-puissant ".

 

II. " Le Père "

Notez tout d’abord qu’avant même d’être " le tout-puissant ", le Credo nous présente Dieu comme celui qui est " le Père ".

Le Credo ne dit pas : " Je crois en Dieu, le tout-puissant Père ", mais bien " le Père tout-puissant ".

L’ordre des mots a son importance ici.

Dieu est Père, avant tout autre chose ; il est " le Père ", c’est-à-dire la cause et l’origine de toutes choses, le géniteur si vous voulez ; il est " le Père ", c’est-à-dire celui qui prend soin de, celui qui prend sous sa garde, celui qui veille sur sa création, sur ses enfants ; il est celui qui aime.

Le Père – mais la mère aussi bien sûr ! –, c’est celui qui aime, c’est celui qui donne la vie, mais par amour.

C’est là ce que nous révèle l’Apôtre Jean dans sa première Epître : " Dieu est amour " (1 Jn 4).

Dieu est amour parce qu’il est Père ; il est Père parce qu’il est amour, et ce, de toute éternité.

 

1. Père par rapport à Jésus-Christ (Trinité)

Car si Dieu est Père c’est d’abord par rapport à son Fils, la deuxième personne de la Trinité, Jésus-Christ, notre Seigneur.

Avant même la création du monde, Dieu est Père par rapport au Fils.

Il n’y a jamais eu de temps, même dans l’éternité, où Dieu ne fut pas Père.

Dieu est Père de toute éternité, de même que de toute éternité il est amour, dans sa vie même de Dieu, parce que Dieu n’est pas un Dieu solitaire.

La personne de Dieu se définit par la relation, au sein même de la Trinité bienheureuse.

Dieu est un être de relation, car de toute éternité le Père aime le Fils et le Fils aime le Père, dans la communion du Saint-Esprit, et tout cela est un mystère, mais un mystère adorable, un mystère qui s’offre à notre adoration.

Notez que rarement le titre de Père donné à Dieu se rencontre dans l’Ancien-Testament (Es. 63.16 ; Ps 103.13), jamais en tout cas dans la plénitude de sa signification chrétienne.

Jésus, par contre, n’a de cesse, dans l’Evangile, de désigner ainsi Dieu, son Père, et c’est comme tel qu’il invite aussi ses disciples à invoquer Dieu, notamment dans le " Notre Père " : " Notre Père qui est aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne… ".

C’est dire l’étonnante nouveauté de l’Evangile, qui magnifie la proximité de Dieu, sa présence bienveillante au sein de son peuple et à notre côté.

A cet égard Calvin dira : " Dieu se nomme du nom le plus doux, celui de Père, afin que, bannissant toute crainte, nous nous tournions familièrement vers lui ".

En Jésus-Christ, Dieu s’est approché des hommes, de sorte que dans la foi, et par la foi, c’est en tant que notre bon Père céleste que nous pouvons nous approcher de Lui désormais.

 

2. Père par rapport à sa création, et de tous les hommes

Dieu, donc, est " le Père ", d’abord par rapport à son Fils unique, Jésus-Christ.

Mais Dieu est " le Père " aussi par rapport à sa création, puisqu’il en est la cause, l’origine.

" Au commencement Dieu créa le ciel et la terre " nous dit le premier verset de la Bible.

Actes 17.28 : " C’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être ".

De même en Ephésiens 3, au verset 14 l’Apôtre Paul dit : " A cause de cela, je fléchis les genoux devant le Père, 15 de qui toute famille dans les cieux et sur la terre tire son nom… ".

Dieu est le Père de tous les hommes dans le sens où il leur donne à tous la vie, le mouvement et l’être, cependant qu’il est le Père des élus, de ceux qui sont devenus " enfants de Dieu " par la foi en Jésus-Christ, de façon toute spéciale.

 

3. Père des élus, de ceux qui croient

Dieu n’est pas le Père de tous les hommes dans le sens où il serait le Sauveur de tous, qu’ils aient la foi ou non, qu’ils le veuillent ou non.

Ce qui fait de nous des " enfants de Dieu " vraiment, ce qui fait de nous des fils, c’est notre relation de foi au Fils unique de Dieu, Jésus-Christ, en qui et par qui nous avons reçu l’adoption.

Jean 1.12 : Mais à tous ceux qui l'ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, 13 non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu.

Et encore, Rm 8.14-17 : Car tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu.

15 Et vous n'avez point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte; mais vous avez reçu un Esprit d'adoption, par lequel nous crions: Abba! Père!
16 L'Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.

Ainsi, le chrétien est le seul à pouvoir dire vraiment qu’il est " enfant de Dieu ".

Car enfin, être " enfant de Dieu " implique nécessairement la volonté de vivre dans une relation d’intimité et de dépendance vis-à-vis de Dieu, ce qui n’est possible que dans la foi.

Sans la foi, nous dit l’Ecriture, il est impossible d’être agréable à Dieu.

Sans la foi, il est impossible que Dieu soit notre Père, et que nous soyons ses enfants.

Voilà pourquoi il n’est pas juste de dire que Dieu aime indistinctement tous les hommes, dans le sens où il serait le Père de tous les hommes, que tous les hommes seraient, par nature, " enfants de Dieu ", qu’ils en aient conscience ou non, qu’ils le veuillent ou non.

Certes, il est vrai, en un certain sens, que Dieu aime tous les hommes, comme il est vrai aussi qu’il est le Père de tous les hommes, mais il ne l’est pas dans le même sens pour tous ; l’amour paternel de Dieu fait des distinctions entre les hommes : la différence tient à la foi, qui est un don de Dieu.

Dans la perspective biblique, on ne naît pas plus " enfant de Dieu " que " chrétien " ; on doit le devenir, par la foi en Jésus-Christ.

Autrement dit : pour devenir " enfant de Dieu ", il faut être " chrétien ", c’est-à-dire placer sa confiance en Christ.

Etre chrétien, c’est être enfant de Dieu ; ne pas être chrétien, refuser de suivre Jésus-Christ, persévérer dans l’incrédulité et dans la révolte contre Dieu, c’est, à l’instar du fils prodigue de la parabole, se couper de la relation au Père, c’est perdre tous ses privilèges d’enfant de Dieu, c’est être " un enfant de colère ", pour reprendre l’expression de l’Apôtre Paul (Ep 2.3).

Voilà pourquoi, aussi, l’annonce de l’Evangile est une invitation à la foi et à la repentance, une invitation à nous réconcilier avec Dieu, à redevenir ce pourquoi nous avons été créés, c’est-à-dire des fils, c’est-à-dire des êtres de relation, de dépendance, des hommes et des femmes reliés à Dieu, et qui retournent à Dieu, comme le fils prodigue qui, entré en lui-même, s’est écrié : " Je me lèverai, j'irai vers mon père, et je lui dirai: Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre toi, 19 je ne suis plus digne d'être appelé ton fils; traite-moi comme l'un de tes ouvriers. "

Vous connaissez la suite : Il se leva, et alla vers son père. Comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, il courut se jeter à son cou et le l'embrassa.

21 Le fils lui dit: Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils.
22 Mais le père dit à ses serviteurs: Apportez vite la plus belle robe, et revêtez-le; mettez-lui un anneau au doigt, et des souliers aux pieds.
23 Amenez le veau gras, et tuez-le. Mangeons et réjouissons-nous;
24 car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il est retrouvé.

Il y a là, chers amis, plus qu’une parabole.

Comment, en effet, mieux exprimer la paternité de Dieu, sa patience, sa compassion, et la joie naît des retrouvailles et de la réconciliation ?

" Il y a de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent ", nous dit la Parole de Dieu.

L’entendez-vous cette joie, la joie de Dieu lorsque ses fils reviennent à Lui ? Et la connaissez-vous ?

Connaissez-vous la joie des fils, la joie des enfants de Dieu, fruit de la rencontre avec Dieu, la joie retrouvée dans l’intimité de Dieu, dans la proximité de Dieu, la joie de lui appartenir à nouveau, en Christ ?

Oui ! notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il repose en Dieu, jusqu’à ce qu’il revienne au Père, la source de tout Bien.

Et voyez-vous, nous devons croire, l’Evangile nous invite à croire, que rien ne saurait être plus urgent pour notre monde que de retrouver le sens de Dieu, le sens de la paternité de Dieu, et donc aussi le sens de notre dépendance.

Que Dieu soit Père implique en effet que nous soyons des êtres de dépendance : nous ne nous suffisons pas à nous-mêmes ; notre vie ne peut s’épanouir vraiment que dans la reconnaissance de notre dépendance absolue vis-à-vis de Dieu.

Nous ne sommes pleinement hommes, vraiment, que dans une relation de dépendance vis-à-vis de Dieu, une relation filiale où je reconnais mon besoin de Dieu, la nécessité pour ma vie d’être relié à Dieu, celui dont je tire toute mon existence, celui en qui nous avons la vie, le mouvement et l’être.

Voilà, en conclusion, ce que je voudrais vous dire ce matin, au sujet de la paternité de Dieu et de ses conséquences pour notre vie.

Soyez donc, chrétiens, des fils de votre Père qui est dans les cieux.

Soyez ce que vous êtes, en Christ, et vivez jours après jours l’aujourd’hui du règne de Dieu, l’aujourd’hui de l’amour paternel que Dieu porte envers sa création, et plus particulièrement envers ces enfants, ceux qui ont la foi en Jésus.

Entrez dans la joie du Père, la joie de Dieu, la joie qui naît du pardon, de la miséricorde, de l’amour.

Confiez vos vies à Lui, remettez vos vies entre ses mains paternelles.

Il est le Père dans le sens le plus absolu et le plus parfait, le Dieu compatissant, le Dieu toute tendresse, le Dieu bon et clément, riche en bienveillance et en miséricorde, qui veut le bonheur de ses enfants, qui veut nous faire entrer dans son royaume de paix et d’amour, pour notre plus grande joie.

Voilà tout ce qui est compris sous ce titre de Père : " Je crois en Dieu, le Père tout-puissant ".

Je crois que Dieu est amour !

Amen.