Symbole des Apôtres II : " Je crois… "

Pasteur Vincent BRU

05-nov.-2004

Textes : Gn 15.6 : " Abraham crut à Dieu… "
Gn 22.1-19 : " Un exemple de foi : le sacrifice d’Isaac "
Mt 9.2 : " Jésus, voyant leur foi… "
Rm 4.1-8 ; 13-25 : " La foi d’Abraham "
Rm 5.1 : " Justifiés par la foi "
Rm 10.17 : " La foi vient de ce qu’on entend "
Ep 2.8-9 : " La foi-don de Dieu "
Hé 11.1-40 : " C’est par la foi… "

 

Chers frères et sœurs en Christ, je vous propose donc ce matin de poursuivre notre série de prédications sur le Symbole des Apôtres, après une rapide introduction dont vous trouverez plusieurs exemplaires sur le stand de la paroisse, sous la forme de petits livrets.

Le Symbole des Apôtres débute donc par ces mots : " Je crois ".

Le Symbole des Apôtres commence par la foi, par une déclaration de foi : " Je crois " !

La première affirmation du Credo concerne la foi, cette mystérieuse disposition de l’homme à ajouter foi, à considérer comme vrai ces choses qui regardent l’invisible, qui ont trait à l’invisible, au Royaume de Dieu.

Quoi de plus ordinaire, en un sens, que la foi, et quoi de plus banal.

La foi, le fait de croire en quelque chose, ou en quelqu’un, a quelque chose de vraiment universel, tant il est vrai que tout le monde croit, d’une manière ou d’une autre, tout le monde croit en quelque chose, tout le monde prétend avoir la foi, une certaine foi, ne serait-ce qu’en eux-mêmes.

Ils ont foi en eux-mêmes, ou en la science, ou en l’histoire, ou que sais-je encore, mais ils ont la foi, ils croient, quelque puisse être la qualité de cette foi, et quelque puisse être son contenu.

 

Trois vérités, selon la Bible, sont à prendre en considération ici.

Première vérité, première affirmation qui ressort de l’enseignement des Apôtres eux-mêmes : la foi est une nécessité dans notre relation avec Dieu. Comme dit l’Ecriture : " Sans la foi, il est impossible d’être agréable à Dieu " (Hé 11.6).

Deuxième vérité : la foi est cet élan de confiance envers Dieu, le fait de donner son assentiment en des choses qui dépassent ce monde visible, des choses qui regardent le Royaume de Dieu.

Troisième vérité relative à la foi : la vraie foi implique nécessairement le fait de croire en un certain nombre de vérités : c’est la foi objective, la foi qui doit être crue, et sans laquelle nous ne saurions porter le nom de chrétien.

 

Premier point donc, première vérité qui ressort de l’Ecriture au sujet de la foi : la foi est nécessaire dans notre relation avec Dieu.

L’exemple frappant ici est celui d’Abraham.

Abraham, vous le savez, a été déclaré juste par Dieu sur la base de sa foi.

L’Epître aux Romains nous le rappelle : " En effet, que dit l’Ecriture ? Abraham crut en Dieu, et cela lui fut compté comme justice " (Rm 4.3).

De même, l’Epître aux Hébreux nous dit : " C’est par la foi qu’Abraham obéit à l’appel de Dieu en partant vers un pays qu’il devait recevoir en héritage ; et il partit sans savoir où il allait. " (Hé 11.8)

Et encore : " C’est par la foi qu’Abraham, mis à l’épreuve, a offert Isaac … Il comptait que Dieu est puissant même pour faire ressusciter d’entre les morts. " (Hé 11.17 ; cf. Rm 4.17ss)

Abraham, le Père des croyants ! Il est notre exemple, notre modèle, en ce qu’il a su vraiment, mieux que quiconque, et comme une préfiguration du Christ, placer vraiment toute sa confiance en Dieu sans faiblir, dans une fidélité à toute épreuve.

La marque de la vraie foi, c’est la fidélité à travers l’épreuve, et jusqu’au milieu de la nuit.

Quand il nous semble parfois ne plus rien voir, ne plus comprendre du tout quant au dessein de Dieu, quant aux vérités de la foi, et bien souvenons-nous d’Abraham notre père, qui est allé jusqu’à offrir son propre fils en sacrifice, tout simplement parce que Dieu le lui avait demandé.

Abraham ne pouvait pas savoir que Dieu épargnerait Isaac, et qu’il substituerait à celui-ci un bouc, annonçant par là même le sacrifice unique et parfait de Jésus-Christ, à notre place.

Et pourtant, nous est-il dit, Abraham crut en Dieu, et cela lui fut compté comme justice.

Abraham crut en Dieu, au-delà de toute logique, et par-delà l’épreuve, et il n’eut jamais de cesse de marcher selon le plan de Dieu, selon ses instructions, envers et contre tout.

Et voyez-vous, cela ne doit pas nous laisser indifférents, car tout chrétien, en réalité, est appelé à vivre de cette foi-là, cette foi sans laquelle " il est impossible d’être agréable à Dieu ".

Qu’est-ce à dire ? Et bien tout simplement que la foi est une nécessité si nous voulons être agréables à Dieu, si nous voulons que Dieu nous agrée, que Dieu agrée nos vies, et qu’il les bénisse en retour.

Sans la foi, il est impossible d’être agréable à Dieu !

C’est dire l’importance de notre sujet, pour une juste compréhension de ce à quoi le Seigneur nous invite chacun.

Le Seigneur nous invite, nous chrétiens, nous Eglise de Jésus-Christ, à vivre par la foi, non pas par la vue, par la foi.

Nous sommes le peuple de Dieu, tendu vers l’Invisible, vers le Royaume de Dieu, vers le Ciel, notre véritable demeure, et c’est pourquoi rien ne saurait être plus urgent pour l’Eglise et les chrétiens que nous sommes, que de reconsidérer toujours davantage, la réalité de notre foi, la qualité de notre foi, dans un monde en proie au scepticisme permanent, à l’incrédulité et au doute, en particulier depuis le XVIIIe siècle, le siècle dit des Lumières, des lumières de la raison prétendument autonome de l’homme, en opposition à ce que l’on a prétendu être l’obscurantisme de la foi.

Vaste débat : la raison contre la foi !

Mais en réalité, il en va bien autrement, car la vraie foi ne saurait s’opposer à la raison, à notre intelligence, cependant qu’eu égard aux choses de Dieu, la foi est première.

Pour reprendre les mots de st Augustin : " Il faut croire pour comprendre " !

La foi aux réalités spirituelles vient avant leur intelligence, et voilà pourquoi seule la foi peut nous rendre agréables à Dieu, car elle seule nous donne accès aux réalités spirituelles, réalités qui sont bien au-delà de notre entendement, de notre compréhension, de notre vue.

 

Venons-en maintenant aux deux traits caractéristiques de la foi, ce qui fait que la foi est la foi, et non pas une vague superstition, une simple œuvre de la volonté humaine.

Selon la Parole de Dieu, la foi revêt un double caractère, qui sont inséparables l’un de l’autre : la foi subjective d’une part – ça c’est la foi-confiance, la foi par laquelle on croit, le fait de croire, si vous voulez, comme lorsque je dis : " Je crois " !

Et puis il y a la foi objective, la foi-croyance, la foi qui doit être crue, la foi à laquelle Dieu nous somme de croire, afin de porter dignement le nom de " chrétiens ".

Cette distinction vraiment importante nous conduit à notre second point.

 

Deuxième vérité : la foi est cet élan de confiance envers Dieu, c’est la foi personnelle, le fait de donner son assentiment en ces choses qui dépassent le monde visible, ces choses qui regardent le Royaume de Dieu.

C’est sans doute là l’une des intentions du Credo, dans cette affirmation " Je crois ", que de nous rappeler que la foi est d’abord une affaire personnelle, quelque chose qui me regarde moi, personnellement, de sorte que je peux dire : " Je cois " !

Non pas " nous croyons " ! Non pas : ce que je crois, allez le demander à l’Eglise, ou à Rome, ou encore, comme je l’entends dire parfois, ce que je crois, allez le demander à mon pasteur !

Non ! Le " Je crois " du Symbole des Apôtres nous invite chacun à une foi personnelle, à un engagement personnel vis-à-vis de Dieu, notre Père, une relation personnelle, une relation de confiance envers le Dieu de la Bible, de sorte que c’est là ma foi, la foi dont je vis, la foi par laquelle je vis et qui marque toute mon existence de son sceau.

Ce que je crois, inutile d’aller le demander à mon pasteur, ni même à l’Eglise, car je puis vous en dire moi-même quelque chose, et même je me dois de vous en dire quelque chose, car c’est là ma foi ! Non pas celle d’un autre ! Non pas la foi de mes ancêtres, fussent-ils Huguenots ! C’est là ma foi, ce que je crois, personnellement, vraiment !

Ainsi s’exprime le Catéchisme de Heidelberg, répondant à la question : " Qu’est-ce qu’une vraie foi ? "

Réponse : " Ce n’est pas seulement une connaissance certaine, par laquelle je tiens pour vrai tout ce que Dieu nous a révélé dans sa Parole. Mais c’est aussi une confiance du cœur, que l’Esprit Saint produit en moi par l’Evangile, et qui m’assure que ce n’est pas seulement aux autres mais aussi à moi que Dieu accorde la rémission des péchés, la justice et le bonheur éternels, et cela par pure grâce, et par le seul mérite de Jésus-Christ " (Qst. 21).

Que la foi soit une " connaissance certaine, par laquelle je tiens pour vrai tout ce que Dieu nous a révélé dans sa Parole ", cela, c’est ce qui fera l’objet dans un instant de notre troisième point : c’est la foi objective, la foi-croyance, la foi qui doit être crue et dont le critère, le fondement n’est autre que la Bible, la Parole de Dieu.

Mais la foi n’est pas que cela ! La foi est aussi " une confiance du cœur, que l’Esprit Saint produit en moi par l’Evangile " !

C’est la foi-confiance, la foi personnelle de celui qui a été touché par la grâce, et que le Saint Esprit a rendu capable de croire.

C’est la foi-don de Dieu dont nous parle l’Apôtre Paul : " C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi . Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu " (Ep 2.8).

Et encore, pour reprendre la pensée du philosophe français Blaise PASCAL : " Il y a trois moyens de croire : la raison, la coutume et l’inspiration. La religion chrétienne, qui seule a la raison, n’admet pas pour ses vrais enfants ceux qui croient sans inspiration ". [p. 141, #245]

Et encore : " C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi : Dieu sensible au cœur, non à la raison. " (p. 147, #278)

" Dieu sensible au cœur " : c’est cela, la foi-confiance, la foi-don de Dieu.

Cette foi-là n’est ni opposée à la raison, ni ne s’appuie que sur la raison : c’est Dieu sensible au cœur, non à la raison !

Or " le cœur a ses raisons, que la raison ne connaît point " [p. 146, #277].

Le cœur de l’homme a été fait pour Dieu, et c’est pourquoi ce n’est que par la foi, la foi-confiance, que nous pouvons espérer trouver le vrai repos, et notre vraie raison d’être.

La foi, selon un grand prédicateur du siècle dernier, c’est " la raison qui se repose en Dieu ".

Ou, en termes bibliques : " c’est l’assurance des choses qu’on espère, la démonstration de celles qu’on ne voit pas "   (Hé 11.1).

 

Troisième vérité relative à la foi : la vraie foi implique nécessairement le fait de croire en un certain nombre de vérités : c’est la foi objective, la foi qui doit être crue, et sans laquelle nous ne saurions porter le nom de chrétien.

Il me semble que ce dernier point est d’une importance vraiment primordiale à l’heure de l’individualisme et du subjectivisme sans borne dans lesquelles se trouvent nos sociétés depuis plusieurs décennies déjà.

On nous dit que l’essentiel en matière de religion, c’est de croire, d’avoir la foi, d’avoir de bonnes intentions, et ce, quel que soit le contenu de cette foi, de cette croyance.

On nous dit qu’il convient à cet égard de faire preuve d’un réel esprit d’ouverture, de sorte qu’il est mal vu aujourd’hui de prétendre croire en des vérités absolues, des vérités objectives, qui soient autres choses qu’une simple vue de l’esprit, des impressions toutes personnelles, une simple opinion.

On veut bien admettre que chacun ait sa foi, sa foi personnelle, sa foi subjective, mais dès lors qu’il est question de vérité, d’affirmations objectives qui demandent à être crues, et en dehors desquelles il ne peut se trouver qu’erreur et confusion, les choses se passent tout autrement.

En philosophie, on appelle cela le relativisme : le fait que la vérité ne peut être que " relative ", ce qui est le contraire d’ " absolue ".

Il n’y a pas de vérité absolue, nous dit-on : il y a seulement des vérités relatives, ce qui est exprimé par le proverbe connu : " Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà " !

Ce qui est une vérité pour moi ne l’est pas forcément pour toi, et encore moins pour tout le monde !

Donc, pas de Vérité avec un grand " V ", mais seulement des vérités, personnelles, subjectives, et toutes relatives.

C’est là, incontestablement, le point de vue le plus répandu de nos jours, même s’il n’en a pas toujours été ainsi.

Autrefois, on admettait plus volontiers l’existence d’une vérité absolue vers laquelle il fallait tendre : en dehors de cette vérité se trouvait nécessairement l’erreur, le contraire de la vérité.

Il semble bien qu’il n’en soit plus de même aujourd’hui, d’où le véritable fossé qui existe entre les générations, et la confusion spirituelle, intellectuelle et morale qui frappe nos sociétés aujourd’hui.

Alors, que faut-il penser de tout cela ?

Devons-nous admettre une fois pour toutes que le christianisme, la religion chrétienne n’est qu’une religion parmi d’autres ? Que l’Eglise et les chrétiens ne sont en rien les détenteurs de la Vérité, mais seulement l’une des voies possibles dans la quête spirituelle incessante de l’homme ?

Il me semble que la Bible ne nous permet pas d’adopter un tel point du vue, au risque de se couper de l’authentique fondement du christianisme historique et biblique.

Pour la Bible, en effet, il ne fait aucun doute que la Vérité est une, et qu’il ne nous appartient pas à nous, hommes, de déterminer le vrai du faux, la vérité de l’erreur, mais seulement à Dieu.

C’est d’ailleurs là le sens véritable du péché originel, et de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, dans le Jardin d’Eden : Dieu seul se réserve le droit de dire ce qu’est la Vérité, ce qu’est le Bien, de sorte que pour l’homme, la Vérité c’est ce que Dieu dit, ce qu’il affirme comme telle, et l’erreur, c’est ce qu’il dément, ce que Dieu lui-même réprouve dans sa Parole.

De même, le bien pour l’homme, c’est ce que Dieu commande, et le mal, c’est ce que Dieu défend, ce qu’il réprouve dans sa Révélation.

Dans cette perspective, le Péché avec un grand " P " ne consiste en rien d’autre que de prétendre pouvoir se passer de Dieu pour dire le vrai ou le bien.

Le péché, dans la perspective biblique, c’est le fait de se prétendre autonome, c’est-à-dire loi à soi-même ; c’est vouloir être son propre Dieu.

Voilà pourquoi, aussi, Jésus dit dans l’Evangile : " Je suis le chemin, la vérité et la vie ; nul ne vient au Père que par moi " ! (Jn 14.6)

Et encore : " Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres. " (Jn 8.31)

La Vérité, c’est Jésus-Christ ; c’est la Parole de Dieu.

La Vérité, c’est ce que Dieu lui-même nous a révélé dans sa Parole, la Bible, de sorte qu’ajouter foi dans la vérité biblique, c’est croire en la Vérité, quand bien même cette vérité échappe à notre pleine saisie, à notre pleine compréhension.

La Vérité, c’est tout le contraire de la superstition, de l’erreur, et la vraie foi, la foi biblique implique nécessairement que nous placions notre confiance dans la réalité de Dieu et de sa révélation, et non pas dans des fables ou dans la projection de nos désirs et de notre imagination.

Comme il est écrit dans la deuxième Epître de Pierre : " Ce n’est pas, en effet, en suivant des fables habilement conçues que nous vous avons fait connaître la puissance et l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ, mais parce que nous avons vu sa majesté de nos propres yeux " (2 P 1.16).

Alors, dans cette perspective, peut-on dire vraiment que la vérité est relative et sans fondement objectif ?

Certes non ! Car autrement, ce sont les fondements même de la foi chrétienne historique qui sont renversés, ce qui ne saurait être !

La vraie foi, avant même d’être ma foi personnelle et subjective, n’est autre que la foi de l’Eglise, la foi révélée aux saints une fois pour toutes, et dont le Symbole des Apôtres se propose d’être une brillante restitution.

C’est dans la communion de l’Eglise universelle que le chrétien est appelé à confesser sa foi, en disant : " Je crois en Dieu, le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre… ".

C’est là la foi de l’Eglise, notre foi, la foi objective à laquelle nous devons croire si nous voulons vivre dans la fidélité au Christ, le Seigneur, qui nous envoie dans le monde avec ce commandement : " Allez, faites de toutes les nations des disciples… Enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit " (Mt 28.19s).

Sachons donc bien, frères et sœurs, faire un bon profit de ce résumé de la foi que constitue le Credo, et n’ayons jamais de cesse de nourrir ainsi notre foi dans le solide fondement, le roc inébranlable de la Parole de Dieu.

" Ta Parole est la Vérité. Sanctifie-nous par ta Vérité ".


Amen !