ni trop, ni trop peu !
Pasteur Charles NICOLAS
On ne vit pas de la même manière dans une maison selon quon est 2 ou 6. Dans les deux cas, il y aura une forme dorganisation adaptée. Ni trop, ni trop peu. Dans toute communauté humaine il en sera ainsi. Cela est également vrai pour lEglise de Jésus-Christ.
1. Quelques exemples bibliques
- Les conseils de Jéthro
(Exode 18.21-23). Moïse reste le conducteur principal, et Dieu lui-même accomplit des prodiges (la colonne de feu, la manne...) ; mais le peuple, trop nombreux, sera partagé en groupes de 1000, 100, 50 et 10 personnes, chacun avec un responsable.- La nomination des diacres
(Actes 6.1-8). Les apôtres sont toujours présents, et Dieu confirme sa Parole avec des miracles ; mais une distinction entre les ministères savère nécessaire pour que tous les besoins soient pris en compte (cf Actes 14.23 ; 15.4-6, 22-23).- Un seul Esprit, diverses fonctions
(1 Cor. 12.12-20), limage du corps. Selon Ephésiens 4.11-16, celui-ci doit être "bien coordonné et former un solide assemblage." (cf Rom.12.3-8), par lexercice des ministères, notamment.- Même dans le Ciel
(Apoc. 4.4-5), une forme dordre ou dorganisation demeure, toute empreinte de sainteté et de perfection.
2. Pourquoi ?
Lorganisation semble nécessaire pour deux raisons au moins. Lune est liée à la Création, lautre au péché.
- La diversité : cest une raison positive, inscrite dans la Création
(1 Cor.15.39-41) et même en Dieu (2 Cor.13.13). Elle apparaît en 1 Cor. 12 et 14 dans le cadre de lEglise, où lorganisation permet à la diversité des dons et des vocations de répondre à la diversité des besoins.Le principe dorganisation, ici, est le discernement des dons et la fidélité de chacun dans la part qui lui est confiée
(Rom.12).- La faiblesse : cest une autre raison, consécutive au péché, avec les multiples désordres qui en résultent. "La chose est au dessus de tes forces, dit Jéthro à Moïse, et tu ne pourras y suffire seul"
(Ex. 18.18). On retrouve cette situation en Actes 6, dans lEglise ; et en Rom.13 dans lorganisation de la cité avec le magistrat appelé "serviteur de Dieu".... Tant que la faiblesse sera notre part, une organisation sera nécessaire, pour y pallier.Le principe dorganisation, là, cest une certaine forme de hiérarchie,
(très visible en Exode 18, encore présente dans le livre des Actes et les épîtres Actes 20.28 ; 1 Cor.12.27-28 ; Tite 1.5 ; Hébr.13.17). Cela signifie que des niveaux de responsabilité ou dautorité différents existent, attribués par délégation, tous soumis au Seigneur (Eph.5.21 ; 1 Pi 5.5), sans différence de valeur entre les personnes. La durée et limportance de ce principe sont illustrées par lenseignement biblique sur la plus petite des communautés humaines, le couple (1 Cor.11.3, 11 ; Eph.5.22-25).
3. Ni trop, ni trop peu
Ces principes sont en même temps porteurs de contraintes et de sécurité. Cela nest pas contraire à la foi
(Prov. 3.1-2).Ici comme dans beaucoup dautres domaines, ce sont les excés ou les manques qui sopposent et sont pénalisants, le trop ou le trop peu !
- Trop dorganisation résulte dun manque de confiance dans les autres ou ... dans la grâce de Dieu
(Jacq. 4.13-17). La structure, alors, alourdit et nuit au développement spirituel de chacun et de lensemble.- Le refus dorganisation peut sexpliquer de trois manières
. une forme dinsoumission, dindividualisme indiscipliné
. une forme didéalisme lamour, pense-t-on, ou la prière règleront tout
. une forme de conservatisme ou un refus de progresser on préfère rester "petit".
- Lorganisation doit donc être mesurée, adaptée minimale, mais suffisante !
- Lorganisation ne remplacera pas la vie (ou la Vie) ;
cependant, quand elle est juste, elle nest pas contre la vie !
- Lorganisation ne peut pas remplacea lamour ;
cependant quand elle est sage, elle nest pas contraire à lamour !
- Lorganisation ne doit pas remplacer la foi ;
équilibrée, elle est compatible avec la foi !
- Lorganisation ne remplacera pas la prière, le discernement ;
au contraire, elle témoigne dun esprit de soumission, dobéissance.
- Enfin, lorganisation juste nempêche pas la responsabilité individuelle. Elle permet plutôt à chacun dassumer la part qui lui revient, tout en apportant un secours en cas de limite ou défaillance.
4. Les Eglises Réformées
Deux principes dorganisation générale caractérisent les Eglises réformées
1. Les Confessions de foi
(Jude 3). Le Christ et les Ecritures sont le rocher de notre foi. Cest pour maintenir lintégrité de ce fondement - afin quil ny soit ni ajouté ni retranché - que des Confessions de foi ont été écrites dans lhistoire de lEglise. Certes, leur autorité est seconde par rapport au texte sacré. Mais dans la mesure où elles sont fidèles, elles constituent une référence disciplinaire une forme de contrainte et une forme de sécurité.Cest ainsi que, dans les Eglises Réformées, lenseignement, la prédication, la tâche pastorale et la discipline doivent se soumettre à une des Confessions de foi de la Réforme
(en France, à la Confession de foi de La Rochelle, de 1559), qui "organise" en quelque sorte les éléments fondamentaux de lenseignement biblique, de la pratique évangélique.2. Sacerdoce universel et ministères
(Phil. 1.1-2). Les Réformateurs ont restauré deux enseignements importants liés à lêtre et à la vie de lEglise :- le sacerdoce universel, selon lequel chaque croyant a, par Jésus-Christ, un accés direct auprès du Dieu, dans une position dadoption et de pleine prérogative
(Matth. 18.19-20).- les ministères donnés par Christ
(Eph. 4.11) pour "paître" son peuple, cest à dire pour le nourrir et en prendre soin, afin que tous croissent dans la foi.Les Eglises Réformées sont aussi appelées Presbytériennes, ou presbytéro-synodales. Cela signifie que chaque église locale est dirigée (dans le sens positif de ce mot !) par un collège danciens et de diacres, parmi lesquels le pasteur a une vocation particulière, attachée à la prédication et à lenseignement. Ce mode dorganisation - assez clairement exposé dans le Nouveau-Testament - permet déviter le double écueil du cléricalisme dune part, dun simple fonctionnement de type "associatif" dautre part.
Enfin, des délégués des Conseils presbytéraux constituent les Synodes qui définissent la Discipline et lorientation de lensemble des églises fédérées.
5. Organisation ou discipline ?
A vrai dire, ces deux mots sont pratiquement interchangeables lun et lautre doivent trouver un sens positif dans la vie de lEglise, en référence à sa nature, à son fondement, à sa vocation.
En sappuyant sur les bases rappelées ci-dessus, il est possible de formuler un certain nombre de principes :
1. La discipline nest pas faite pour empêcher la liberté, elle est faite pour la préserver
(Rom. 6.18 ; Gal. 5.1).2. Nous sommes tous égaux dans la foi et devons "nous soumettre les uns aux autres dans la crainte de Christ"
(Eph. 5.21). Ce principe cependant est compatible avec le respect dune autorité exercée par des ministères que Dieu a placés au sein de son peuple (Eph. 4.11-15 ; Tite 2.15).3. Ces ministères (pasteurs, anciens, diacres) ont spécialement en charge lédification de la communauté, ce qui comprend
- un enseignement fidèle
- une bienveillante vigilance à légard de chacun
- le maintien de lunité
4. La responsabilité de chacun nest pas placée en opposition à celle des autres, mais en complémentarité. Tout service, quelquil soit, est dabord accompli "pour le Seigneur"
(Col. 3.23) ; il est aussi accompli "pour lutilité commune", jamais pour un intérêt personnel (1 Cor. 12.7).5. Lesprit de service exclut lesprit de "propriété" ou dautonomie. Chacun doit être prêt à rendre compte de son activité aux responsables, anciens ou diacres, chargés de veiller au bon fonctionnement
(Luc 16.2) et à lunité.Citations tirées de lInstitution Chrétienne de Jean Calvin
Dieu seul est notre législateur et juge. Le Seigneur a résumé en sa Loi tout ce qui appartient à la règle parfaite de bien vivre, de telle sorte quil na rien laissé aux hommes à y ajouter. Puisque toute sainteté et justice est située en cela, notre vie doit se ranger à sa volonté comme à une règle unique, de telle sorte que lui seul ait maîtrise et gouvernement sur nous. (Jacq.4.11-12 ; cf Es.33.22). Nul ne peut donc usurper un tel droit, doù il sensuit quil faut tenir Dieu pour le seul Roi de nos âmes, lequel seul a la puissance de sauver et de condamner. Ainsi, S.Pierre, en avertissant les pasteurs de leur ofiice, les exhorte-t-il de paître le troupeau de telle manière quils nexercent point de domination sur ceux qui leur sont confiés (1Pi.5.2-3), le peuple que Dieu, a acquis comme sa propre possession. (IV.X,7).
De bonnes et légitimes ordonnances sont nécessaires. Cependant cest par ignorance que certains confondent et traitent de la même manière les règles de la discipline dans lEglise et les traditions humaines qui lient les consciences des fidèles. Si en toutes choses il faut quil y ait quelque ordre pour conserver une honnêteté publique, cela se doit principalement observer aux Eglises, qui seront maintenues par un bon ordre, ou détruites par les discordres (1 Cor.1440). Or, puisquil y a de si grandes oppositions desprits et de jugement entre les hommes, nulle police ou ordre ne sauraient subsister chez eux si cela nest précisé par quelques lois et forme certaines. Ainsi, non seulement nous ne réprouvons pas les lois qui tendent à cette fin, mais nous affirmons que sans elles les Eglises seraient rapidement dissipées et déformées. Néanmoins, il faut toujours soigneusement prendre garde en de telles observances, quelles ne soient estimées nécessaires au salut... (IV.X,27).
Les ordonnances ont pour fin lhonnêteté publique des cérémonies, la paix et la concorde. Nous nappellerons pas honnêteté quand il ny a quun spectacle frivole pour donner plaisir aux hommes. Mais nous tiendrons pour honnêteté ce qui sera réglé de telle sorte pour donner révérence aux saints mystères de Dieu (ce qui nous a été confié par lui), que le peuple soit exercé à une dévotion vraiment chrétienne et quen tout on regarde lédification, à savoir que les fidèles soient admonestés par ce moyen en quelle modestie, crainte et révérence ils se doivent disposer à servir Dieu. Car les cérémonies ne sont des exercices de piété que si elles conduisent le peuple comme par la main à Jésus-Christ. (X,28). Quand à la discipline externe et aux cérémonies, Dieu na pas voulu ordonner mot à mot, dautant que cela dépendait de la diversité des temps et quune même forme neût pas été propre ni utile à tous les âges. Je confesse bien quil ne faut (cependant) pas innover à chaque fois ni à tout propos pour une cause légère ; mais la charité (lAmour de Dieu en nous) nous montrera très bien ce qui pourra nuire ou édifier ; par elle, si nous acceptons dêtre gouvernés, tout ira bien (X.30).
Mais quelle liberté de conscience, dira quelquun, pourra-t-on avoir, quand on sera ainsi tenu de les observer ? Je dis que la conscience demeurera libre et franche tant quon se souviendra que ce ne sont point des ordonnances perpétuelles auxquelles on soit astreint, mais des aides externes de la faiblesse humaine, desquelles, bien que nous nayons pas tous besoin, toutefois il nous en faut tous user, dautant que nous sommes tous obligés mutuellement les uns aux autres à entretenir la charité (1 Cor.11.16). (X.31).
But et vrai usage de la discipline. Premièrement, ayons pour but de prévenir les scandales (troubles), et sil y en a, de les abolir. Il y a deux choses à considérer pour cet usage - que cette puissance spirituelle soit séparée du glaive et de la puissance terrestre
- quelle ne sexerce point au plaisir dun seul homme, mais par une bonne com- pagnie déléguée à cela, celle des Anciens. (IV.XI,5-6).
Ainsi, puisque nous voyons que lEglise sen va, déserte et désolée sil ny a nul souci et moyen dentretenir le peuple en lobéissance de notre Seigneur, la nécessité crie quon a besoin de remède. Or, le remède est celui que Jésus-Christ commande (XII,1). (2 Tim.4.1-5).