Fréquence Protestante (100.7)
Emission   « Croire aujourd’hui », le 30/06/2001
 
« Jésus savait-il qu'il était Dieu ? »
Pasteur Vincent BRU

Enregistrement sur cassette audio disponible au prix de 60 F auprès de :

Fréquence Protestante
1 rue Denis Poisson
75017 Paris
Tél. : 01 45 72 60 00
Fax : 01 45 72 17 70

Amis auditeurs bonjours !

Nous sommes heureux de nous retrouver pour cette émission « Croire aujourd’hui », avec au micro le Pasteur Vincent BRU, de l’ERE de Paris, en compagnie de Thomas Constantini.

La question à laquelle nous nous proposons de répondre est donc la suivante : « Jésus savait-il qu’il était Dieu ? »

Pour ceux qui nous ont écouté samedi dernier, nous nous sommes déjà efforcés de répondre à la question des miracles de Jésus : « Jésus a-t-il vraiment fait des miracles ? »

Les récits de miracles dans le Nouveau Testament, sont-ils, oui ou non, à prendre au pied de la lettre, ou bien s’agit-il de simples métaphores, d’une façon de parler sans lien avec la vérité des faits ?

A cette question, nous avons répondu que nous n’avions aucune raison de rejeter a priori le miracle, le miracle qui ne peut être pas moins prouvé que récusé.

Le refus du miracle, comme nous l’avons vu notamment pour l’écrivain rationaliste français Ernest Renan, dépend en réalité de présupposés philosophiques et religieux plus ou moins inconscients, qui dictent, en quelque sorte, notre lecture de l’Evangile.

Une lecture neutre de la Bible, une approche résolument scientifique et objective du Jésus de l’histoire ne nous paraissent pas possible, dans la mesure où nous avons affaire ici à du religieux, c’est-à-dire à une réalité qui a trait au sur-naturel, qui comprend une part de sur-naturel, et qui implique forcément de notre part une démarche de foi.

C’est dans la foi que la réalité des miracles de Jésus doit être reçue, et il en est de même pour chaque vérité spirituelle et religieuse dont il est question dans la Parole de Dieu.

Ainsi donc, si c’est effectivement faire fausse route que de concevoir le miracle sans la foi, ou la foi ne reposant que sur le miracle, la Parole de Dieu nous invite à recevoir dans la foi la réalité du miracle et sa signification spirituelle et profonde, le miracle qui, sans en constituer une preuve à proprement parler, n’en atteste pas moins la divinité de Jésus-Christ.

Et nous rejoignons ici la question qui nous intéresse aujourd’hui : Jésus savait-il qu’il était Dieu ?

Ou dit autrement : Jésus, dont les miracles rendent témoignage à sa divinité, avait-il, oui ou non, conscience de sa divinité, et si oui, comment ?

En fait, la question qui est ici posée soulève forcément une autre question non moins importante, celle de la divinité de Jésus-Christ elle-même.

Avant même de pouvoir répondre à la question de la conscience messianique de Jésus, à la façon dont le Christ pouvait percevoir son identité, il convient de se pencher tout d’abord sur l’enseignement de la Bible eu égard à la divinité de Jésus.

La question qui se pose est donc : Jésus était-il Dieu, et le savait-il ?

L’enseignement de la Bible est clair à ce sujet.

L’Evangile selon Jean témoigne avec force et évidence de la divinité du Christ, et ce, dès le chapitre un qui commence ainsi :

1  Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.

2  Elle était au commencement avec Dieu.

3  Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle.

4  En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.

Et au verset 14 il est dit, au sujet de cette Parole par qui tout a été créé et qui était au commencement avec Dieu, et qui était Dieu :

14  Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père.

Au verset 18 nous lisons de même :

18  Personne n'a jamais vu Dieu ; Dieu, le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l'a fait connaître.

Un autre texte significatif de l’Evangile selon Jean, c’est :

Jean 8:58  Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham fût, je suis.

Remarquez que Jésus ne dit pas : « Avant qu’Abraham fut, j’étais », mais bien « Je suis » !

Jésus reprend à son compte le nom de Dieu, le tétragramme divin révélé à Moïse au moment de l’Exode, sur la montagne du Sinaï.

Il affirme ainsi son éternité, sa préexistence, et son égalité avec le Père, avec Dieu.

Pour ne mentionner qu’un dernier exemple, mais il y en a beaucoup d’autres, il faut ici mesurer le poids, la portée de la confession de foi de l’apôtre Thomas, à qui le Ressuscité est apparu ainsi qu’aux autres disciples, et qui, après avoir douté un moment, s’est écrié en s’adressant au Christ ressuscité :

Jean 20:28  Mon Seigneur et mon Dieu !

Thomas reconnaît ici explicitement, et sans retenue aucune, la pleine divinité de son Seigneur, attestée par sa résurrection d’entre les morts.

« Mon Seigneur et mon Dieu » !

Et remarquez que Jésus ne lui fait aucun reproche.

Jésus accepte son adoration, parce qu’il est Dieu, et parce qu’il sait bien que Dieu seul peut être l’objet de notre adoration.

Ainsi donc, nous voyons que l’Evangile de Jean atteste sans aucune ambiguïté, la pleine divinité de Jésus-Christ, le Fils éternel de Dieu, qui s’est incarné dans le sein de la vierge Marie, pour nous sauver.

Le but de cet Evangile est d’ailleurs précisément de conduire ses lecteurs à la foi en la divinité de Jésus.

Jn 20.30  Jésus a fait encore, en présence de ses disciples, beaucoup d'autres miracles, qui ne sont pas écrits dans ce livre. 31  Mais ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant vous ayez la vie en son nom.

Mais nous pourrions en dire autant des Epîtres de l’apôtre Paul  (voir Ph 2.6-11 ; 1 Co 15.51 ; 2 Co 8.9 ; Ga 4.4 ; Rm 8.3, 32) qui, comme l’a reconnu l’exégète critique allemand Rudolf Bultmann lui-même, affirme la préexistence et la divinité du Christ : « La doctrine selon laquelle Jésus-Christ est le Fils de Dieu préexistant devenu homme (…) est considérée par Paul comme certaine, et l’hymne de Philippiens 2.6-11 antérieure à Paul prouve qu’il n’est pas le premier à l’avoir introduite dans la pensée chrétienne. »[1]

Nous verrons tout à l’heure comment la croyance de la communauté chrétienne primitive en la préexistence et en la divinité de Jésus trouve précisément son origine dans l’enseignement de Jésus lui-même et dans la conscience que celui-ci avait de sa divinité.

Mais avant cela, et après une pause musicale, c’est Thomas Constantini, doctorant en Histoire à la Sorbonne, et membre de l’ERE de Paris, qui va nous parler de la façon dont la divinité de Jésus a été reçue dans l’histoire de l’Eglise jusqu’à aujourd’hui.

 

II

 

(…)

Merci Thomas pour ces éclaircissements très instructifs !

Nous nous retrouvons pour la suite de cette émission après une pause musicale.

 

III

 

Alors Jésus savait-il qu’il était Dieu ?

Le témoignage du Nouveau Testament, nous l’avons vu tout à l’heure, ainsi que le témoignage de l’histoire de l’Eglise et des grandes formulations trinitaires des premiers Conciles œcuméniques attestent avec force la pleine divinité de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, de même substance que le Père et que le Saint-Esprit.

Mais alors, n’est-il pas étonnant de constater, notamment dans les Evangiles synoptiques, la discrétion de Jésus concernant son identité véritable, concernant sa divinité ?

Autant l’Evangile de Jean et les Epîtres pauliniennes sont claires à ce sujet, autant les Evangiles synoptiques sont relativement discrets, ou du moins pas aussi explicites que ces derniers concernant la divinité de Jésus.

Comment expliquer ce phénomène ?

Doit-on considérer –comme d’aucuns l’ont prétendu – que la doctrine de la divinité de Jésus telle qu’elle est clairement affirmée dans le quatrième Evangile, l’Evangile selon Jean, ou dans les Epîtres de Paul, est en réalité une création de la communauté primitive, dans laquelle Jésus lui-même ne se serait pas reconnue ?

Ou bien faut-il penser que si Jésus, durant sa vie terrestre, avait eu entre les main l’Evangile selon Jean, il aurait bel et bien affirmé : « c’est bien moi ! » ?

Et si l’on admet, comme le Nouveau Testament nous y invite, que Jésus savait bel et bien qu’il était Dieu, de part le lien privilégier qu’il avait avec le Père, avec Dieu, et parce que même dans son humanité Jésus n’a jamais cessé pour autant d’être pleinement Dieu, et donc devait nécessairement connaître son identité véritable, d’une manière ou d’une autre, comment se fait-il alors qu’il l’ait, cette identité, en quelque sorte cachée, durant son ministère terrestre, et l’a-t-il vraiment cachée ?

Telles sont les questions auxquelles ils nous faut répondre.

Concernant la connaissance que Jésus avait de lui-même, de son identité, nous voyons que déjà à 12 ans Jésus connaissait parfaitement son lien privilégier avec Dieu.

En Luc 2.49 il dit à Joseph et Marie, tandis qu’il se trouvait dans le temple de Jérusalem avec les Docteurs de la Loi :

« Ne savez-vous pas qu’il faut que je m’occupe des affaires de mon Père ? »

Nous constatons de même que, par la suite, Jésus, sans véritablement cacher son identité, laisse néanmoins planer un certain mystère autour de celle-ci, en particulier vis-à-vis de la foule qui le suivait.

Aux disciples, au groupe des Douze, l’enseignement de Jésus se fait néanmoins plus explicite, ceux-ci étant mieux à mène de recevoir un tel enseignement.

En Matthieu 16 il les interroge, sans pour autant leur apporter une réponse ferme et définitive sur son identité :

« Aux dires des gens, qui dit-on que je suis ? » (Mt 16.13)

A cela les disciples répondent :

4  Les uns disent que tu es Jean-Baptiste ; les autres, Elie ; les autres, Jérémie, ou l'un des prophètes.

Alors Jésus leur dit :

15  Et vous, qui dites-vous que je suis?

16  Simon Pierre répondit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.

Notons néanmoins, malgré cette belle confession de foi de l’apôtre Pierre, que ce n’est vraiment qu’après sa résurrection d’entre les morts que les disciples comprendront toute la portée de l’enseignement de Jésus sur sa personne, et qu’ils confesseront dès lors, sans la moindre hésitation, la pleine divinité de leur Seigneur.

Pour expliquer ce phénomène de ce que les théologiens ont appelé le « mystère messianique », concernant le dévoilement progressif de l’identité de Jésus et de sa divinité, un livre tout à fait passionnant paru il y a quelques années aux éditions du Cerf, par le dominicain François Dreyfus, intitulé justement : « Jésus savait-il qu’il était Dieu ? » apporte des éclairages très intéressants dont je voudrais vous faire part maintenant.

Je cite, c’est à la page 128 –c’est la conclusion du livre  :

« Au cours de l’enquête, une quasi-certitude s’est faite jour : la doctrine de la divinité de Jésus était certainement déjà établie dans les communautés chrétiennes vers l’an 50. Sa naissance est donc, évidemment, antérieure de quelques années. Or c’est une époque où l’évangélisation du monde païen venait juste de commencer, tout l’élément actif et dynamique venait du judaïsme. Il y avait dans le judaïsme à cette époque une horreur viscérale pour tout ce qui rappelait la divinisation des grands hommes, si fréquente dans le paganisme détesté. Cette horreur devait empêcher absolument la création de la doctrine affirmant le caractère divin de Jésus. Un tel obstacle ne pouvait être surmonté que par une certitude incontestable. Seul un enseignement explicite de Jésus, confirmé par le miracle de Pâque, remplissait cette condition. » (p. 128)

Et un peu plus loin il dit ceci :

« Si l’on admet, ne serait-ce que comme hypothèse de travail, que Jésus de Nazareth était bien celui que nous présente saint Jean : le Verbe qui est Dieu et qui s’est incarné pour sauver les hommes ; si l’on admet, toujours dans le cadre de la même hypothèse de travail, que Jésus avait pleinement conscience et de ce mystère et de sa mission de le faire connaître aux hommes, alors il paraîtra évident que ce mystère ne pouvait pas être révélé d’emblée à des hommes formés par une mentalité si peu accordée à une telle doctrine. Il a fallu une longue maturation, une pédagogie attentive à présenter à chaque étape ce qui pouvait être assimilé par un auditoire assez peu réceptif, en réservant à un cercle plus intime [en l’occurrence Pierre, Jacques et Jean] des révélations plus explicites. Et ces révélations elles-mêmes n’ont pu être diffusées au-delà de ce groupe qu’au moment où les évènements de Pâques et l’Esprit de la Pentecôte auraient rendu les disciples plus accueillants à ce qu’au début ils auraient repoussé avec horreur. » (p. 129)

Et il conclu en disant –et nous faisons tout à fait nôtres cette conclusion – :

« En bref, nous avons voulu montrer que, du point de vue d’une exégèse historique critique exigeante et loyale, on n’a aucune raison de refuser ou de mettre en doute la figure du Jésus de l’histoire que nous présentent le quatrième évangile, les Pères de l’Eglise, les Conciles œcuméniques et le témoignage unanime de près de vingt siècles de tradition chrétienne. Si Jésus, au cours de sa vie terrestre, avait eu entre les mains le quatrième évangile, il aurait dit : c’est bien moi. » (p. 129)

Ainsi donc, amis auditeurs, à la question : « Jésus savait-il qu’il était Dieu ? », vous l’aurez compris, notre réponse, dans la foi, est positive.

Oui ! Jésus savait bel et bien qu’il était Dieu, et il l’a dévoilé progressivement à ses disciples afin qu’ils n’en aient aucune doute, jusqu’à l’affirmation pleine de confiance et d’assurance de l’apôtre Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

C’est parce que Jésus était Dieu qu’il connaissait son identité, et c’est aussi parce qu’il est véritablement Dieu qu’il est, et qu’il veut être notre Sauveur et notre Seigneur, lui dont l’apôtre Paul nous dit que :

9  Dieu l'a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom,

10  afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre,

11  et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.

A vous maintenant, amis auditeurs, d’y ajouter foi, et de reconnaître dans la personne de Jésus-Christ l’unique Sauveur dont dépend, en définitive, toute notre paix et toute notre joie, et le salut de l’humanité.

La Parole de Dieu le dit bien :

Actes 4:12  Il n'y a de salut en aucun autre ; car il n'y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés.

C’est parce qu’il est Dieu que Jésus-Christ est unique, dans toute l’histoire de l’humanité.

C’est parce qu’il est Dieu qu’il est véritablement « le seul Médiateur entre Dieu et les hommes » (1 Tm 2.5) et qu’il importe, par conséquent, aux hommes de toutes les nations de se tourner vers lui pour recevoir le Salut d’en haut !

Alors, pourquoi pas vous ?



[1] R. Bultmann, Theology of the New Testament, 4e éd., 1965, tome I, p. 131 – cite dans François Dreyfus, Jésus savait-il qu’il était Dieu ?, Cerf, 1984, p. 60.