Amis
auditeurs bonjours ! Nous sommes heureux de nous retrouver pour cette émission « Croire aujourd’hui », avec au micro le Pasteur Vincent Bru, de l’ERE de Paris, en compagnie de Bernard Zoua Bopan. La question qui nous intéresse aujourd’hui est donc la suivante : « Que sait-on du procès de Jésus ? » Cette émission s’inscrit dans la série bientôt achevée consacrée au thème : « Que sait-on de Jésus de Nazareth ? » autour du livre qui porte le même titre, paru récemment aux Editions Bayard, sous la direction d’Alain Marchadour. La question traitée aujourd’hui renvoie au chapitre 6 qui s’intitule : « Le procès de Jésus est-il encore ouvert ? ». Pour cette émission, je me suis aussi largement inspiré du livre tout à fait passionnant de Jean-Marc Varaut, de l’Institut, intitulé « Le procès de Jésus », paru aux éditions Plon en 1997. Alors : « Que sait-on du procès de Jésus ? » La question est
importante, à plus d’un titre. Nous touchons
en effet ici à un sujet très sensible, et ce, pour au moins deux
raisons. La première,
c’est que les chrétiens se réfèrent volontiers à la Croix, à la
mort de Jésus-Christ sur la croix comme au centre même, au cœur même
de l’Evangile et de la Foi chrétienne. Nous touchons là,
avec la question du procès de Jésus et de sa mort au cœur même de la
foi chrétienne, puisque c’est précisément en vertu de cette mort et
de cette croix, et donc aussi de ce procès, que le pardon des péchés
nous est accordé et que nous sommes sauvés, par la foi. Comme l’écrit
l’apôtre Paul : « Christ est mort pour nos péchés, selon les Ecritures » (1 Co 15.3-4). Et encore : « Car je n'ai pas eu la pensée de savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. » (1 Co 1.2) La deuxième
raison qui fait de la question du procès de Jésus un sujet brûlant,
un sujet d’actualité, c’est que qui dit procès dit forcément
accusateurs, et la question est donc soulevée ici de la responsabilité
de ces accusateurs, de ceux qui ont condamné Jésus. Et qui étaient-ils
justement, ces accusateurs ? Et qui est, en
fait, responsable de la mort de Jésus, de la crucifixion ? Longtemps l’Eglise
a eu tendance, hélas ! à tenir le discours simpliste selon lequel
les seuls vrais responsables de la mort de Jésus étaient les juifs, le
peuple juif, prit dans son ensemble, comme un tout. Il est un fait
en effet que la tradition chrétienne a longtemps véhiculé un enseignement
du mépris à l’égard des juifs accusés d’être collectivement
responsables de la crucifixion de Jésus, et accusés de ce fait de déicide. Mais est-ce
bien exact ? Quel que soit
le sentiment que l’on puisse avoir à cet égard, il importe de bien
peser ce que les documents dont nous disposons nous livre vraiment
concernant le procès de Jésus, et de déterminer ainsi comment les
responsabilités étaient-elles partagées entre les juifs et les
romains, qui par le biais du gouverneur Ponce Pilate, ont bel et bien
aussi été impliqués et ont joué une part non négligeable dans la
mort de Jésus. Par delà ces
considérations d’ordre juridique, sur lesquelles il est important de
faire le point et d’y voir clair, nous tacherons de montrer par-dessus
tout en quoi et pour quoi la mort de Jésus, quels qu’aient été ces
accusateurs, était en réalité nécessaire, pour l’accomplissement
du dessein de Dieu pour le salut du monde. Le procès de Jésus
n’est pas un procès comme un autre. Le Christ a
choisi délibérément ce chemin qui devait le conduire à la croix,
selon les Ecritures, et sans rien enlever à la responsabilité réelle
de ceux qui l’ont injustement accusé et fait mourir, c’est en réalité
pour accomplir le dessein de salut de Dieu que ce procès a eu lieu, et
qu’il devait avoir lieu, comme nous le verrons plus loin. Alors après
cette brève entrée en matière, quelles sont donc les sources dont
nous disposons sur le procès de Jésus ? 1. Les sources Comme vous
pouvez vous en douter, les principales sources du procès de Jésus, les
principales pièces à conviction sont les Evangiles eux-mêmes. Il existe
cependant quelques textes de la littérature juive et païenne faisant
échos à cet événement, au procès de Jésus. Je pense en
particulier à ce texte du Talmud babylonien, qui est du IIème siècle,
et qui dit ceci : « La tradition rapporte : la veille du sabbat et la veille de Pâque, on a pendu Jésus de Nazareth. Un héraut marcha devant lui quarante jours : il sera lapidé parce qu’il a pratiqué la magie et la subversion et a égaré Israël. Que tous ceux qui connaissent le moyen de justifier ses actes viennent et témoignent pour lui. Mais on ne trouva personne qui témoignât pour lui et ainsi on le pendit la veille de la Pâque. » Notez que
l’expression « pendre » doit être comprise comme une périphrase
de la crucifixion de Jésus dont l’identification est certaine du fait
de l’addition « le Nazaréen ». Un autre texte
significatif est le fameux passage des Antiquités juives du grand
historien juif Flavius Joseph. Voici ce
qu’il dit : « En ce temps là vivait Jésus, homme sage, si toutefois il faut l’appeler homme. Il accomplissait en effet des choses merveilleuses, il enseignait les hommes qui reçoivent la vérité avec joie et il entraîna à sa suite beaucoup de juifs et beaucoup d’hellènes. Celui-ci était le Christ. Et quand, sur la dénonciation des principaux de notre nation, Pilate l’eut condamné à la croix, ceux qui l’avaient aimé au début lui gardèrent leur affection ; il leur apparut en effet le troisième jour, de nouveau vivant, comme les divins prophètes l’avaient annoncé, ainsi que mille autres merveilles à son sujet. Jusqu’à ce jour encore subsiste la race des chrétiens ainsi nommés à cause de lui. » Le point
important ici par rapport à la question qui nos intéresse du procès
de Jésus, c’est que Flavius Joseph attribue à Pilate la décision
formelle de condamner Jésus à mort, même si l’initiative de la procédure
provient des autorités juives, des grands prêtres. Pour ce qui est
des sources profanes, il faut mentionner un texte de Tacite dans ses
Annales, écrites vers 108, où il retrace l’incendie de Rome sous le
règne de Néron, et où il parle des chrétiens en disant : « Celui qui est à l’origine de ce nom est Christ, qui, sous le règne de Tibère, avait été condamné à mort par le procurateur Ponce Pilate. » L’historien
romain Tacite confirme ainsi l’existence de Pilate et la sentence de
mort. Il est à noter
que celui-ci ne met pas en cause comme Flavius Joseph l’intervention
des juifs, mais attribut la responsabilité de la mort de Jésus à
Ponce Pilate. Il existe enfin
un document d’un philosophe stoïcien, Mara Bar Siparion, qui est une
lettre écrite à son fils, et dont la datation est incertaine, et dans
laquelle il est question d’un roi sage que les juifs ont exécuté. Ce roi sage est
le roi des juifs, Jésus de Nazareth, et la responsabilité de son exécution
est ici attribuée exclusivement aux juifs. En conclusion,
Jean-Marc Varaut déduit de ces documents de sources non-chrétiennes : « De ces documents, les Antiquités juives de Flavius Josephe, les Annales de Tacite, la lettre de Mara Bar Siparion et le Talmud de Babylone, on peut conclure : Jésus a bien existé ; il a été crucifié après une condamnation à mort prononcée par Pilate ; les chefs juifs ont participé à cette action judiciaire. » (p. 18) Ces textes sont
donc intéressants pour fonder historiquement le procès de Jésus et
donnent un éclairage sur la façon dont les historiens de l’époque
ont perçu cet événement. Il nous faut
cependant nous tourner vers les Evangiles pour connaître dans le détail
le déroulement du procès, que nous allons retracer après une pause
musicale. II. Le déroulement du procès Nous
poursuivons donc notre enquête sur le procès de Jésus. Que sait-on du
procès de Jésus ? Que nous
apprennent les Evangiles sur le déroulement de ce procès ? Et à qui
doit-on imputer la responsabilité à la fois morale et juridique de la
mort de jésus ? Je dis bien les
Evangiles, car il faut noter que les autres livres du Nouveau Testament,
tout en développant une théologie de la Croix, en particulier l’apôtre
Paul, n’apportent guère de précision sur le déroulement du procès. Quant aux
Evangiles apocryphes, non canoniques, ils n’apportent que peu d’éléments
sur la Passion, avec une évidente tendance à aggraver la responsabilité
juive dans l’affaire. Ce sont donc
bien les Evangiles, Matthieu, Marc, Luc et jean, qui constituent la
source principale du dossier historique du procès de Jésus. Les Evangiles
qui concordent pour l’essentiel dans la narration des faits et des évènements
qui se suivent heure par heure : l’entrée de Jésus dans Jérusalem
le jour des Rameaux, le complot des grands prêtres contre Jésus, le
repas pris en commun avec les douze disciples le jeudi –ou bien le
mercredi, la veille de Pâque, si l’on suit l’Evangile selon Jean- ,
la Cène, la trahison de Judas, l’agonie à Gethsémani,
l’arrestation, la comparution devant les autorités juives, le
reniement de Pierre, l’audience devant Pilate, à l’aube du
vendredi, le détour devant Hérode, le retour devant Pilate, les
manifestations provoquées de la foule en faveur de barabbas, le
jugement de condamnation de Jésus par Pilate, les flagellations et le
chemin de Croix, la crucifixion, l’ensevelissement, le tombeau vide au
jour de Pâques. C’est ainsi
que chaque évangéliste a composé un témoignage qui lui était
propre, selon sa personnalité et son expérience, ses informations, son
style, la communauté à laquelle il appartenait
et celle à laquelle il s’adressait. Les différences
au niveau de la rédaction sont mineures et, malgré quelques difficultés
d’harmonisations persistantes – je pense en particulier à la
chronologie exacte des évènements entre les Evangiles Synoptiques et
l’Evangile selon Jean -, il est relativement facile de retracer dans
le détail le déroulement du procès en tenant compte de ces quatre témoignages
concordant. Sur la fiabilité
de ses documents, on peut faire valoir le fait que, selon les spécialistes
du NT, les récits de la Passion et de la Résurrection, d’abord
transmis oralement, ont sans doute été les plus anciennement rédigés,
ceux-ci étant directement liés à la célébration de la Pâque. Qui plus est,
chaque Evangile, sans pour autant répondre aux critères de
l’historiographie moderne, entend rendre compte avec exactitude des évènements
concernant le procès et la crucifixion de Jésus t’elle qu’ils
avaient été recueillis auprès des témoins directs ou indirects à Jérusalem,
ou dans les premières communautés de la Palestine. Il ne s’agit
pas d’affabulations, ou de gloses, d’interprétations théologiques
ultérieures cherchant à rendre compte d’un lointain événement du
passé, sans fondement historique solide. C’est ainsi
que l’Evangile selon Luc commence en disant : 1 Plusieurs ayant entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, 2 suivant ce que nous ont transmis ceux qui ont été des témoins oculaires dès le commencement et sont devenus des ministres de la parole, 3 il m'a aussi semblé bon, après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis leur origine, de te les exposer par écrit d'une manière suivie, excellent Théophile, 4 afin que tu reconnaisses la certitude des enseignements que tu as reçus. Il faut noter
de même, en ce qui concerne la datation des Evangiles, qui ont sans
doute d’ailleurs été d’abord rédigés en hébreux, qu’il
n’est pas invraisemblable, comme l’ont montré d’excellents exégètes,
que tous les livres du Nouveau Testament ont été rédigés avant 70,
avant la chute de Jérusalem et la destruction du Temple, et que les évènements
rapportés par les Evangiles sont très proches en réalité. Comme le note
Jean-Marc Varaut : « Les conclusions de M. Robinson, Tresmontant et Carmignac sont que Matthieu a écrit avant 36, Jean avant 40, Luc entre 40 et 50 et Marc entre 40 et 60, à partir de notes prises peu de temps après, même parfois pendant l’événement. » (p. 25) Alors quand
est-il maintenant du procès de Jésus ? Retraçons les
évènements tels qu’ils sont rapportés par Matthieu, Marc Luc et
Jean. Le récit du
procès et de l’exécution de Jésus débute chez les quatre évangélistes
par l’épisode de son arrestation au jardin des Oliviers, dans la nuit
du jeudi[1]
au vendredi, par les chefs religieux escortés d’hommes armés. Jésus est dénoncé
par l’un de ses disciples, Judas, comme il l’avait annoncé au début
de la nuit au cours du repas pris en commun. Nous voyons
dans les récits précédant que cette arrestation avait été en fait
préméditée de longue date par les autorités religieuses d’Israël. Les principaux
prêtres, les hérodiens, les sadducéens et les pharisiens s’étaient
relayés pour tenter de prendre Jésus en défaut afin de le perdre,
surtout après qu’il eut chassé les marchants du Temple et menacé
ainsi leur autorité. Judas, donc,
sans doute déçu de l’espérance d’un Messie qui aurait chassé
l’occupant romain et restauré le trône de David, est allé trouver
les membres du Sanhédrin pour leur offrir de leur livrer Jésus. Jésus est donc
arrêté, et les disciples s’enfuient, terrorisés. Alors question :
Mais qui a fait arrêter Jésus ? Les évangélistes
sont unanimes pour désigner les autorités politiques et religieuses
d’Israël, le Sanhédrin, avec « les grands prêtres, les
scribes et les anciens » comme étant ceux qui ont envoyé la
milice du Sanhédrin et ainsi qu’un détachement de la garde du Temple
envoyés en renfort pour arrêter Jésus afin de le juger. Il faut savoir
que le Sanhédrin était composé du grand prêtre, Kaiphe, devant
lequel Jésus comparaîtra, sans doute aussi des anciens grands prêtres,
de juristes spécialisés que sont les scribes et les docteurs de la
loi, et, de la noblesse sacerdotale, les anciens. Ils sont au
nombre de soixante et onze, et compose une commission permanente qui siège
à Jérusalem, dans le Temple, sous la présidence du grand prêtre. Le Sanhédrin
est la cour suprême pour les infractions à la loi, et s’occupe en même
temps de fixer la doctrine, la foi d’Israël. Mais le Sanhédrin,
en plus de ses fonctions juridiques et religieuses, occupe aussi une
fonction politique, et dispose à ce titre d’une police sous la
direction du commandant du Temple, et procède à des arrestations et
prononce des sentences selon la loi juive. Il faut noter
cependant que dans le cas d’une condamnation à mort, le Sanhédrin
est tenu d’obtenir la rectification de l’autorité romaine. Ainsi, ce sont
les chefs officiels qui ont décidé de l’arrestation de Jésus,
arrestation qui a lieu de nuit afin d’éviter des réactions de la
foule en sa faveur. Il n’est donc
pas inutile de dire dès à présent que, contrairement à ce qui a pu
être dit et publié depuis la fin du IIème siècle sur le peuple déicide,
ce ne sont pas les « juifs », le peuple d’Israël comme
tel, qui sont à l’origine de l’arrestation de Jésus, et qui en
serait de ce fait responsables. Comme le dit
fort justement Jean-Marc Varaut : « Le
peuple juif n’est pas plus responsable du procès romain, de la
condamnation romaine et du supplice romain, quel qu’ait été le rôle
initiateur des hiérarques juifs, que le peuple chrétien ne l’est du
supplice de Jeanne d’Arc, condamnée, elle, par les grands prêtres et
les scribes de son temps, à l’instigation de l’occupant anglais. »
(p. 12) La suite du récit
du procès de Jésus nous montre bien en effet que si le Sanhédrin a
bel et bien prit la décision d’arrêter Jésus en vu de le juger et
de le condamner, de le prendre en défaut, c’est Pilate, le préfet
romain qui a formellement, selon le droit pénal romain, et sans y être
contraint, prononcé le jugement le condamnant et qui l’a fait
crucifier selon le droit romain. Nous verrons
cela après une pause musicale. III. Et après ? Jésus est donc
arrêté par la police du
Sanhédrin et après avoir été ligoté, il est emmené chez Kaiphe, le
grand prêtre. Jean mentionne
qu’avant de comparaître chez Kaiphe, les gardes ont d’abord conduit
Jésus chez son beau-père, Hannas, son prédécesseur déposé par les
romains, mais toujours membre du Sanhédrin. Il faut noter
que tant Hanna que Kaiphe, qui demeura 19 ans en charge (de 18 à 37 ap.
JC, jusqu’à la fin de la préfecture de Pilate), étaient perçus par
Rome comme de bons et loyaux collaborateurs des occupants romains, et à
ce titre, ils furent comblés d’honneurs et de richesses. Après donc
cette brève comparution devant Hanna qui souhaitait l’interroger sur
sa doctrine, Jésus est conduit au Temple pour comparaître devant le
Sanhédrin. C’est à ce
moment là, selon l’Evangile de Jean, qu’intervient le triple
reniements de Pierre. Au cours de
cette réunion nocturne du Sanhédrin Jésus est donc jugé et condamné
à mort. Une nouvelle réunion
du Sanhédrin a lieu le matin, sans doute pour convenir des chefs
d’inculpation à faire valoir auprès du préfet romain, au terme de
laquelle Jésus est envoyé à Pilate. Luc mentionne
qu’avant cela, Jésus avait été gardé toute la nuit dans la résidence
du grand prêtre, où il a été maltraité et injurié (Lc 22.63-23.1). Avant de nous
pencher sur le procès romain, la comparution devant Pilate, il faut
dire un mot sur la condamnation de Jésus par le Sanhédrin. Tout d’abord,
il faut noter que Jésus a été condamné par le Sanhédrin unanime
comme « blasphémateur », et à ce titre, selon la loi
juive, passible de mort. Jésus est
accusé par les autorités juives de se placer au-dessus de la loi,
au-dessus de l’autorité de la Thora et du Temple, et de se faire
Dieu, alors qu’il n’est qu’un simple homme, le fils d’un
charpentier. A la question
de Kaiphe : Mc 14.61 Est-ce bien toi le Christ, le fils Béni ? Jésus répond : 62 Je le suis. Et vous verrez le Fils de l'homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel. Et c’est
alors que la condamnation tombe : 63 Alors le souverain sacrificateur déchira ses vêtements, et dit : Qu'avons-nous encore besoin de témoins ? 64 Vous avez entendu le blasphème. Que vous en semble ? Tous le condamnèrent comme méritant la mort. Notez qu’il
ne s’agit pas là, à proprement parler, et dans le sens juridique du
terme, d’une condamnation à mort, mais en quelque sorte, comme
l’exprime Jean-Marc Varaut, « d’un arrêt de mise en
accusation suivi d’une décision de prise de corps : « Et
après l’avoir ligoté, ils l’amenèrent et le livrèrent à Pilate,
le gouverneur. » » Et il poursuit
en disant : « Tout comme une chambre d’accusation estime que les faits retenus constituent un crime et prononce la mise en accusation devant la Cour d’assises, le Sanhédrin a jugé que le blasphème était caractérisé et que Jésus « méritait la mort » ou était « passible de mort », mais ont renvoyé à Pilate qui pouvait soit condamner Jésus, soit l’acquitter. » (p. 60) Sans négliger
le rôle initiateur et décisif des pouvoirs religieux juifs dans la
procédure judiciaire qui allait aboutir à la condamnation de Jésus
par le gouverneur romain et à sa crucifixion, il faut bien relever la
co-responsabilité des autorités juives et romaines dans ce procès, et
ne pas imputer aux seuls juifs la responsabilité de la mort de Jésus. Jésus donc
comparait devant Pilate, au prétoire, sans doute au palais d’Hérode,
résidence officielle du représentant de Rome, du préfet romain, et siège
du gouverneur, sur la colline occidentale, le bâtiment le plus imposant
et le point le plus important de Jérusalem. Le prétoire se
trouve à l’intérieure du palais, tandis que le tribunal lui est extérieur,
devant la façade, dressé sur une estrade. La coutume
exigeait en effet que le jugement fût prononcé en public. C‘est là,
sur cette estrade, et sur sa chaise curule, qu’après
l’interrogatoire de Jésus dans l’auditorium, Pilate prononcera la
sentence de mort en présence des accusateurs, les grands prêtres, qui,
du reste, n’ont pas voulu le suivre à l’intérieur du prétoire
lors de la phase de l’instruction. Il faut noter
qu’à la différence des 61 juges composant le Sanhédrin, le préfet
jugeait seul et endossait de ce fait l’entière responsabilité de ces
décisions. Il faut noter
de même que ce fut bien un procès romain, et non pas juif, que présida
Pilate, et que celui-ci ne s’est pas contenté d’être l’exécuteur
des vœux du Sanhédrin, mais à condamner Jésus selon le droit romain,
et non pas selon le droit juif. Sa
responsabilité est donc entière dans cette affaire, même s’il est
bien évident que le procès n’aurait sans doute jamais eu lieu sans
les accusations du Sanhédrin contre Jésus, et sans aussi les vociférations
de la foule qui a préféré faire libérer Barabbas, un zélote
probablement, plutôt que Jésus, selon la coutume de l’amnistie
pascale. Ainsi donc, la
sanction de mort par crucifixion a bel et bien été prononcé par
Pilate, et ce, non pas pour les motifs d’accusation du Sanhédrin,
mais en vertu de l’accusation mensongère portée contre Jésus de
soulever le peuple et de l’exciter à la révolte, en prétendant être
le Messie, et donc le roi des juifs. Pilate a
condamné Jésus non pas pour blasphème, pour s’être proclamé Fils
de Dieu, mais pour crime de lèse-majesté, parce qu’il revendiquait
le titre de « roi des juifs », ou du moins le pensait-il,
car Jésus a dit « ma royauté n’est pas de ce monde » ! Pilate est donc
objectivement coupable d’avoir cédé à Kaiphe et autres hauts
dignitaires qui le menaçaient en disant : « Si tu le relâches,
tu n’es pas ami de César. Qui se fait roi s’oppose à César. Il faut savoir
que la mise en croix était à l’époque la forme habituelle du châtiment
des crimes de lèse-majesté, et que les deux brigands crucifiés avec Jésus
étaient très probablement accusés du même chef d’inculpation de sédition
et de révolte contre le pouvoir romain. Ainsi, comme
l’a dit un théologien, on peut conclure que sur le plan juridique,
une étude minutieuse des textes ne laisse planer aucun doute :
« … La condamnation et l’exécution de Jésus doivent être
imputées à Pilate, que ce procès fut injuste, et Jésus était
manifestement innocent du crime allégué contre lui. » (Xavier Léon-Dufour).
Il me semble,
amis auditeurs, qu’il est important de dire cela tandis que l’Eglise,
dans l’histoire, a trop souvent eu tendance à justifier son anti-judaïsme,
souche de tous les anti-sémitismes passés et contemporains, en
rejetant en bloc la responsabilité de la crucifixion de Jésus sur le
peuple juif, et en leur fermant ainsi l’accès au salut. Or, comme Jésus
lui-même s’est écrié sur la croix : « Père
pardonne-leur, car il ne savent ce qu’ils font » ! Et l’apôtre
Paul : « Je dis donc: Dieu a-t-il rejeté son peuple ? Loin
de là ! Car moi aussi je suis Israélite, de la postérité d'Abraham,
de la tribu de Benjamin. 2 Dieu
n'a point rejeté son peuple, qu'il a connu d'avance. » (Rm
11.1-2) Le salut et le
pardon des péchés ne sont pas moins promit aux juifs qu’aux païens ! Et comme l’a
si bien dit Péguy : « Ce ne sont pas les juifs qui ont
crucifié Jésus, ce sont nos péchés » ! Tous les hommes
sont en quelque sorte responsables du procès de Jésus, car tous sont pécheurs,
et c’est pour accomplir le salut, la rédemption, tant des juifs que
des non-juifs, des païens, que Jésus-Christ a accepté de mourir sur
la Croix, à notre place. Jésus l’a
dit : Personne ne me l'ôte, ma vie, mais je la donne de moi-même
; j'ai le pouvoir de la donner, et j'ai le pouvoir de la reprendre : tel
est l'ordre que j'ai reçu de mon Père. (Jean 10.18) Par delà la
responsabilité réelle tant des juifs que des romains, le procès
devait avoir lieu, parce que tel était le dessein de Dieu. Ecoutez bien l’apôtre
Pierre dans la toute première prédication chrétienne, au chapitre 2
du Livre des Actes : Ac 2.22 Hommes Israélites, écoutez ces paroles ! Jésus de Nazareth, cet homme à qui Dieu a rendu témoignage devant vous par les miracles, les prodiges et les signes qu'il a opérés par lui au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes; 23 cet homme, livré selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu, vous l'avez crucifié, vous l'avez fait mourir par la main des impies. 24 Dieu l'a ressuscité, en le délivrant des liens de la mort, parce qu'il n'était pas possible qu'il fût retenu par elle. Et au chapitre
4 : Ac 4.27 En effet, contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate se sont ligués dans cette ville avec les nations et avec les peuples d'Israël, 28 pour faire tout ce que ta main et ton conseil avaient arrêté d'avance. La mort de Jésus
n’est en rien un accident de l’histoire. C’est par
elle que la rédemption du monde a été acquise. Il appartient
à chacun, juif ou non-juif, de reconnaître dans le crucifié du
Golgotha, le Prince de la Vie, le Ressuscité, le seul Sauveur devant
lequel un jour tout genou fléchira, toute langue confessera que Jésus-Christ
est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père. (Ph 2.10) Amen ! [1] Notons en passant que d’après les Synoptiques, la Cène, semble-t-il, a eu lieu le jeudi soir, c’est à dire le premier jour de la fête de la Pâque juive qui durait sept jour, et s’identifie avec le souper pascal, le jour où l’on immolait l’agneau pascal. Or Jean situe la mort de Jésus la veille de la pâque, le 14 Nisan, et il dissocie la Cène d’avec la pâque juive. La Cène aurait donc eu lieu le mardi soir ou le mercredi, la veille de la pâque officielle des juifs. En conclusion Jean-Marc Varaut avance la thèse que nous partageons selon laquelle : « Il apparaît donc historiquement vraisemblable de retenir que la crucifixion a eu lieu à la sixième heure, c’est-à-dire à midi, le vendredi 7 avril 30, la veille de la pâque juive, que la mort est intervenue vers 3 heures, dans un délai rapide qui a étonné Pilate, et que l’ensevelissement a pu être pratiqué après le couché du soleil, c’est-à-dire vers 18 heures. » - Jean-Marc Varaut, Le procès de Jésus, Plon, 1997, p.165.
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