LE MARIAGE EN QUESTION

Réflexion pastorale

Pasteur Charles NICOLAS

 

La banalité du concubinage

Une partie des futurs mariés que nous rencontrons sont, plus ou moins, des concubins... Que faut-il faire : "passer dessus" comme si on ne savait rien, ou comme si cela n’avait pas d’importance ?

La chose est d’autant plus délicate que nous intervenons - presque toujours - fort tard, quand les situations sont déjà engagées, les décisions prises.

On peut considérer qu’il y a donc une responsabilité partagée, à plusieurs niveaux. En conséquence on ne pas faire porter au jeune couple toute la responsabilité d’une situation non idéale.

Disons aussi que cette question ne sera pas comprise de la même manière selon que l’on a affaire à des chrétiens ou pas.

Réflexion : A quel moment en parler pour qu’il ne soit pas trop tard ? Qui doit en parler ? Faudra-t-il être catégorique ou pas ?

 

Des raisons fort différentes

On ne peut pas automatiquement assimiler concubinage et vagabondage sexuel, ou même mariage à l’essai. Les motivations des cohabitants peu-vent être très variées le rejet des institutions, des considérations financières ou économiques, la peur de s’engager... On pourra donc établir ces distinctions pour certains il y a un rejet de l’idée de fidélité, comme si cela était contraire à la liberté individuelle (idéologie de l’amour libre) ; pour d’autres il y a au contraire le désir d’une idée "plus haute" de la fidélité, un peu comme si le mariage officiel alourdissait un engagement qui doit essentiellement se prendre à deux.

Réflexion En rapport avec l’éthique chrétienne, pensez-vous que l’on puisse dire que, selon le cas, le concubinage peut être une situation légitime, ou une transgression, ou bien une simple imperfection ?

 

Pourquoi le mariage ?

Il faut aussi dire que parler du mariage, ce n’est pas simplement une sorte de conformisme, un retour au passé (ni pour ce qui est de la cérémonie, ni pour ce qui est des rôles attribués dans le couple).

Inversement, le fait de vivre heureux et fidèles comme concubins ne rend pas le concubinage légitime pour autant...

On peut il est vrai, comprendre que l’état des lieux du mariage ne donne pas forcément envie de se marier. Cependant, s’il est clair que le mariage ne résout pas, en lui-même, toutes les difficultés, il est clair aussi que supprimer le mariage ne supprime pas ces mêmes difficultés !

Réflexion Alors, est-ce le mariage qui doit être en cause ou la manière dont il est trop souvent vécu ?

Le mariage concerne-t-il, en fait, que les chrétiens seulement, ou bien y a-t-il une volonté de Dieu universelle à ce sujet ?

 

La spécificité du lien conjugal

L’amour entre conjoints n’est pas seulement un amour plus fort ou plus durable. C’est un amour particulier, qui se distingue de celui que l’on a pour ses parents, ses enfants, ses amis, son prochain...

Ce caractère particulier est constitué précisément par un acte d’engagement public sans équivoque. C’est cela qui fait du couple marié une entité nouvelle, et pas seulement une association empirique, un arrangement à deux, un contrat ou une simple association qui dure le temps qui conviendra, jusqu’à ce que les circonstances changent !

S’engager et se donner à un conjoint, c’est par là-même renoncer jusqu’à la mort à tous les autres conjoints possibles. Il n’y a pas d’amour conjugal sans ce don total. L’engagement public et social constitue une prise de position qui donne à l’amour conjugal la base objective dont il a besoin, celle d’une alliance (*).

Dieu lui-même agit ainsi envers son peuple, s’engageant solennellement, devant témoins. C’est ce qui rend possible la foi, la confiance, le don total (qui va jusqu’au sacrifice), et donc l’amour ! (Jacques 1.16-17).

C’est pourquoi il en est ainsi pour la vie chrétienne elle-même : le fait de proclamer ouvertement notre foi et notre appartenance à Jésus-Christ est constitutif de notre identité chrétienne et conditionnera toute notre marche (Matth.10.32-33 ; Rom.10.9-10).

Ainsi, même si les formes du mariage ne sont pas décrites dans la Bible (il y a bien d’autres réalités qui sont fortement attestées dans la Bible sans être décrites, à commencer par la Création du monde !), les structures qui constituent une alliance sont, au contraire, la trame même de l’Ecriture sainte (Osée 2.16-25 ; Hébr.13.20).

(Sur l’importance des témoins, voir par exemple Deut.17.6 ; Ruth 4.9-11. Sur le préjudice de l’équivoque, Gen.12.10-20 ; 26.6-11 !).

Réflexion : A la lumière de ces remarques, seriez-vous d’accord avec cette affirmation : ce n’est pas l’amour, ni la relation sexuelle (1 Cor. 6.16), ni même la fidélité qui constituent le mariage ; c’est l’engagement sans équivoque devant témoins ?

"Que le mariage soit honoré de tous,

car Dieu jugera les impudiques et les adultères."

Hébreux 13.4

- impudique : relation hors mariage (y compris avant le mariage, y compris entre fiancés. cf. R.Bariller), ou homosexuelle.

- adultère : infidélité au mariage contracté.

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(*) En légalisant le concubinage ou en établissant le Contrat d’Union Civile (CUC), ou Contrat d’Union Sociale (CUS), l’Etat semble offrir une alternative légale au mariage qui ne serait plus qu’optionnel. Il importe à ce sujet de noter la différence qui existe entre une alliance et un contrat. En l’occurrence, ces contrats dénaturent le lien conjugal : ils peuvent unir des homosexuels, ils peuvent être rompus très facilement, ils n’établissent pas de droits de filiation paternelle... On a alors évacué le sacré, c’est à dire l’intention de Dieu.

 

En annexe...

Une question de discipline

Faut-il accepter de marier des concubins ‘non repentants’ ? Cette question paraît incongrue à certains ; très légitime à d’autres.

- Il semble qu’une position exigeante n’est possible que si l’église est déjà informée des raisons d’une telle discipline. Il faut que cela se sache, et donc se dise clairement, dés l’enseignement catéchétique.

- La position souple est bien-sûr plus facile à tenir ; cependant elle risque fort d’être anti-pédagogique, les plus jeunes prenant pour un fait acquis que l’on vive ensemble avant de se marier...

Enfin, il semble qu’il soit juste d’user de deux mesures différentes selon que l’on a affaire à des chrétiens ou à des non chrétiens

- Vis à vis de chrétiens, l’exigence peut être plus grande : ils savent que Dieu bénira l’obéissance de la foi ; ils savent qu’ils ont un témoignage à porter...

- Si le couple n’est pas chrétien, une approche différente possible sera possible, qui présentera les exigences de la foi progressivement. On peut demander la bénédiction de Dieu sur des non-chrétiens, dès lors que leur demande est sincère, sans pour autant exiger d’eux sur l’heure ce qu’on exigerait de chrétiens.

Le problème sera quelques fois compliqué si un des conjoints seulement est chrétien (que faire ? Demander à Dieu de bénir ?) ou si, comme cela peut arriver quand on a entre 20 et 25 ans, on est... chrétien-mal-affermi, ou pas-encore-mais -presque-chrétien... Dans ces conditions, il me semble que la préparation au mariage ne peut pas éluder la question de l’engagement chrétien, de ses exigences, de ses implications.

 

Mariage entre croyant et incroyant

Il y a, il est vrai, des exemples de conjoints incroyants conduits à la foi après le mariage. Certains ne manqueront pas de le rappeler. Cela nous autorise-t-il à encourager de telles unions ? Je crois que non. Cela autorise- t-il à les dissuader ? Peut-être.

Dans un certain nombre de cas, il peut être légitime de proposer un mariage civil (que Dieu peut bénir également !). Il faudra alors expliquer les raisons d’une telle proposition ; mais comment maintenir une désapprobation sans donner l’impression de rejeter ?

Par ailleurs, comment continuer à apporter un enseignement clair si notre pratique ne le suit pas et s’accommode par convenance ?

Là aussi, on peut déplorer que notre action pastorale intervienne souvent fort tard, quand les décisions sont déjà prises et le restaurant retenu...

Dans ce cas là tout particulièrement, il paraît important de rencontrer les futurs mariés séparément (ce qui ne se fait pas souvent). Il sera nécessaire alors de parler au chrétien comme à un chrétien, sans voiler les conséquences d’un engagement que l’Ecriture (re-)commande de ne pas contracter.

En plus des références bibliques sur la question, deux types d’arguments peuvent être avancés :

- la relation conjugale, bien que "sacrée", est temporelle puisque la mort la rompt. Les liens fraternels, eux, sont éternels puisque fondés sur une commune espérance. Ainsi apparaît la difficulté de vivre une communion spirituelle privilégiée avec des frères et sœurs chrétiens, de la quelle notre conjoint sera exclu, pour laquelle il sera étranger...

- il faut parler aussi de l’aspect pratique et quotidien des décisions à prendre, du style de vie, des relations... C’est aller au devant de sérieuses difficultés. C’est se placer en situation de réelle solitude au sein de son foyer. (Les cas ne manquent pas dans les églises). Le conjoint chrétien est-il conscient de l’importance de la différence entre un chrétien et quelqu’un qui ne l’est pas (il ne s’agit pas seulement de "pratique religieuse") ?

Assez souvent, le chrétien se rassure en constatant que l’autre est "ouvert" à ces choses... Mais est-ce une garantie ? Dieu honorera le choix courageux. Encourager un dialogue franc à ce sujet. Est-on en paix, ou seulement déjà trop engagés ?

 

Mixité confessionnelle

Dans ce cas de figure, on peut envisager que les deux conjoints sont chrétiens mais de confessions différentes, ou qu’un seul soit chrétien, ou encore aucun des deux. Ces trois situations ne sont pas identiques.

Quoi qu’il en soit, notre Discipline est sage quand elle demande aux futurs mariés de choisir avant le mariage une appartenance confessionnelle. Qu’il y ait ou pas un prêtre et un pasteur, la cérémonie sera catholique ou protestante. Ce choix, dans certains cas difficile, constituera une épreuve, mais il sera préférable d’y faire face maintenant plutôt que de l’éviter et de le reporter à plus tard.

Ce choix n’empêche d’ailleurs pas un esprit d’ouverture à l’autre confession.

Cependant trop de cas démontrent que l’absence d’engagement clair compromet la progression dans la foi et l’éducation satisfaisante des enfants.

Ce problème peut aussi exister entre conjoints de confessions protestantes différentes. Dans un cas récent, les deux futurs mariés ont choisi de rejoindre après leur mariage, une troisième dénomination, celle-ci convenant à l’un et à l’autre mais demandant à l’un comme à l’autre un effort d’adaptation. Cette solution évite aussi que l’un des deux se sente "perdant".

 

En cas de doute ou de choix difficile.

Il sera utile de proposer des périodes de réflexion, établies d’un commun accord, avec des délais adaptés (selon le principe de 1 Cor. 7.5).

On pourra par exemple décider de ne plus se voir pendant 3 mois, pour faire alors le point ensemble, à 2 (ou à 3 avec le pasteur). C’est une manière de responsabiliser qui peut s’avérer fort utile.

Ch.Nicolas - janv.98

 

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