Le chrétien et la Loi de Dieu

Pasteur Vincent Bru

Centre culturel luthérien de Paris

Vendredi 12 octobre 2001

 

Introduction 

Le rôle de la Loi de Dieu dans la vie de l’Eglise et du chrétien, tel est donc le thème de ma conférence, qui s’inscrit dans le prolongement de l’exposé de Paul Wells sur la question herméneutique.

Alors je voudrais simplement ce soir dégager quelques pistes concernant non plus seulement le fondement de l’éthique chrétienne dans sa spécificité et dans le débat contemporain, mais encore les implications de la Loi de Dieu pour notre vie individuelle et sociale.

J’insiste sur ces deux dimensions indissociables, à la fois individuelle et sociale, de l’éthique chrétienne d’un point de vue réformée.

Ce qui est valable pour l’Eglise et les chrétiens, ce qui est vrai pour eux, individuellement, l’est forcément aussi pour la société en général, pour le monde.

Si la Loi de Dieu a bel et bien un rôle spécifique à jouer dans la vie de l’Eglise, elle n’en a pas moins pour autant des implications dans tous les domaines de la vie, tant individuelle que sociale.

 

Cela étant dit, j’aimerais pour commencer vous dire pour quelles raisons ce sujet de la Loi de Dieu me semble vraiment important et même primordial dans la situation que nous connaissons aujourd’hui.

La première raison, c’est qu’on assiste, depuis plusieurs décennies déjà, à une déliquescence de la morale et du droit, dans nos sociétés sécularisées, lié au fait que l’on ne sait plus très bien au fond sur quel fondement il est encore possible de les fonder.

Ce qui semble bien caractériser le droit aujourd’hui, c’est le relativisme, qui tend à supprimer toute distinction objective entre le bien et le mal.

Dans un article récent de la Revue Réformée sur la situation religieuse et morale des Etats-Unis, le professeur Peter Jones montre combien l’ensemble des pays occidentaux a été imprégné de l’idéologie, à bien des égards anti-chrétienne, de la révolution sociale des années 60.

Cette révolution, partie des milieux étudiants, a fortement ébranlé les valeurs alors couramment admises, avec notamment le respect dû aux autorités, la sexualité hétérosexuelle normative, et la spiritualité biblique auxquelles on a substitué les notions d’autorité personnelle et autonome, de sexualité dite « libérée » et la spiritualité orientale.

Les résultats de cette révolution sociale se sont vite fait sentir dans la société puisque les pays ayant été les plus touchés sont aujourd’hui les leaders dans le monde en matière d’avortement, de divorce, de pornographie, d’homosexualité et de féminisme radical.

Donc, il y a dans ce constat de la situation à la fois religieuse et morale de l’Occident, une première raison de s’intéresser de près à la façon dont l’Ecriture Sainte, la Bible nous parle des exigences de la Loi de Dieu, fondement de l’éthique et du droit.

 

La deuxième raison de l’importance de notre sujet, c’est que pour de nombreux chrétiens aujourd’hui, la relation, le rapport entre l’Evangile et la Loi n’est pas toujours très bien perçu, et que beaucoup de confusion règne dans les Eglises dans ce domaine.

Et c’est ainsi qu’au légalisme pharisaïque de certains fondamentalistes répond, à l’extrême opposé, notamment parmi les théologiens modernes, le laxisme et l’antinomisme le plus radical, et il n’est pas très facile dans ce contexte d’avoir un point de vue éclairé.

Je reviendrai plus longuement tout à l’heure sur ces deux dérives que l’on retrouve tout au long de l’histoire de l’Eglise, et que sont le légalisme d’une part, et l’antinomisme d’autre part.

Dans cet exposé, nous entendons présenter de façon argumentée et, nous l’espérons, suffisamment nuancée, une troisième voie, qui s’inscrit en faux avec ces deux écueils du légalisme et de l’antinomisme, et il s’agit de la théonomie, qui nous paraît-être le point de vue le plus conséquent avec l’enseignement de la Bible.

Ni légalisme, ni laxisme, mais la théonomie, c’est-à-dire la Loi de Dieu droitement comprise, et appliquée à tous les domaines de la vie, pour le plus grand bonheur des hommes.

Dans cet exposé, nous nous proposons plus particulièrement, d’aborder la question du rôle de la Loi de Dieu dans la vie de l’Eglise et du chrétien dans le contexte de l’Alliance.

N’oublions pas que la théologie Réformée est parmi les multiples expressions de la Foi, une théologie de l’Alliance.

C’est là ce qui fait sa spécificité, et, croyons-nous aussi, sa richesse et sa profondeur.

 

Alors voici le plan de mon exposé.

Tout d’abord l’enseignement de la Bible au sujet de la Loi de Dieu et de son rôle, en particulier dans la vie de l’Eglise.

Ensuite, nous montrerons comment les Réformateurs, et notamment Calvin, ont compris le rapport entre l’Evangile et la Loi, et le rôle de la Loi de Dieu, quelle est la place de la Loi dans l’économie du salut et dans le dessein de Dieu.

En troisième lieu, nous montrerons quelques exemples d’oppositions anciennes et modernes à la Loi de Dieu, et comment la tendance antinomiste s’est manifestée dans l’histoire, et jusque dans l’Eglise.

Enfin nous nous efforcerons de dégager les grandes lignes de la théologie réformée sur ce sujet de la Loi de Dieu.

 

1. La Loi de Dieu dans la Bible

Alors premier point : la Loi de Dieu dans la Bible.

Parler de la Loi de Dieu dans la Bible, c’est forcément parler de l’Alliance.

En effet, la Loi nous est présentée dans la Bible comme l’expression de la volonté de Dieu envers sa création, et ce, dans le cadre de l’Alliance.

Cette Alliance, nous constatons, en lisant le Livre de la Genèse, que Dieu l’a d’abord conclue avec toute l’humanité, à travers la personne d’Adam, la tête de l’humanité.

Cette Alliance originelle, ou adamique, comportait, comme dans toutes alliances, et tout au long de son histoire, un aspect « loi », et un aspect « évangile ».

L’Alliance avec Adam, c’est déjà, dans un certain sens, la manifestation de la seigneurie de Dieu sur toute sa création, et l’expression de sa bonté plus particulièrement envers l’homme, puisqu’il lui a fait le privilège d’être son représentant au sein de la création.

Dieu est en alliance avec Adam, avec l’homme, créé à l’image de Dieu, et avec lui seul !

Dans cette alliance, nous voyons qu’il y a déjà là à la fois des commandements et des promesses.

Le contrat d’alliance qui lie l’humanité avec Dieu, et Dieu avec l’humanité, comporte l’interdiction de manger de l’arbre de la connaissance du bien et mal, et le commandement de cultiver le jardin et de le garder, de procréer : voilà pour l’aspect « commandement », pour l’aspect « loi » ;

Mais l’alliance avec Adam comporte de même la promesse de bénédiction et de vie en suites de l’obéissance libre et joyeuse de l’homme au commandement du Seigneur : voilà pour l’aspect « promesse », l’aspect « Evangile ».

Notez que l’alliance originelle comporte de même une sanction, puisque la désobéissance devait conduire l’humanité à la mort :

Gn 2.16  L'Éternel Dieu donna ce commandement à l'homme: Tu pourras manger de tous les arbres du jardin;

17  mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras.

En conclusion, donc, on peut dire que dès le commencement de l’humanité, dès la création, Dieu a lui-même, librement et souverainement, contracté une alliance de vie avec l’humanité, avec l’homme, dont Adam était la tête représentative.

Dans cette Alliance, la Loi et l’Evangile, c’est à dire la Loi, ce que Dieu attend des hommes, ses commandements, et l’Evangile, ce que Dieu a fait, fait et fera pour nous, dans sa grâce, l’Alliance, donc, comporte à la fois l’Evangile et la Loi, qui sont de ce fait intimement et indissolublement liés.

L’Evangile et la Loi sont comme l’avers et l’envers d’une médaille : ils marchent ensemble, et on ne peut les concevoir qu’ensemble, indissolublement liés l’un à l’autre, de sorte que l’Evangile est inconcevable sans la Loi, de même que la Loi est inconcevable sans l’Evangile.

 

Alors maintenant, qu’en est-il de cette alliance originelle après l’intrusion du péché dans le monde, après la Chute ?

Question légitime : La chute d’Adam, le péché originel, la rupture de l’Alliance, parce que c’est bien de cela qu’il s’agit ici : la rupture de l’alliance originelle de Dieu  a-t-elle rendu caduque cette alliance ?

L’homme est-il toujours, oui ou non, placé sous l’ alliance de Dieu, qui le lie au créateur et à sa Loi, comme un vassal l’est à son suzerain ?

C’est là précisément toute la portée de la révélation biblique, Ancien et Nouveau Testaments, que d’établir et de manifester le caractère irrévocable des promesses de Dieu, qui, malgré la faute, malgré le péché d’Adam, n’a pas abandonné l’humanité à son sort, à la mort, mais a renouvelé son Alliance que les théologiens ont dès lors fort justement nommée l’Alliance de grâce.

Avec Adam, avant la Chute, il s’agissait d’une Alliance de Vie, dans laquelle Adam était capable de répondre parfaitement aux exigences du Créateur.

Depuis la Chute, l’homme pécheur n’est plus à même de répondre aux exigences de Dieu, à ses commandements, à sa Loi, et il est dès lors placé, comme le dira plus tard l’apôtre Paul, sous la « malédiction de la Loi ».

La Loi n’est plus pour lui une règle de vie, une bénédiction, une grâce qui le lie au créateur, à Dieu, mais elle lui rappelle sans cesse son péché, sa misère, et sa situation de rupture, sa séparation d’avec Dieu.

A la question : « Comment connais-tu ta misère ? », le Catéchisme de Heidelberg répond : « Par la Loi de Dieu » !

La Loi de Dieu nous révèle notre misère, et nous fait mesurer la distance entre l’idéal posé par Dieu pour notre vie, et notre vrai situation.

La Loi devient ainsi tel un pédagogue qui nous conduit au Christ, le Sauveur, en qui et par qui Dieu a renouvelé son Alliance avec son peuple.

« Car le salaire du péché c’est la mort, mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle, en Jésus-Christ » (Rm 6.23).

Ainsi, nous voyons que tout au long de la révélation biblique, il est question de cette nouvelle Alliance, l’alliance de grâce, l’alliance qui prend en compte désormais le péché de l’homme, et qui repose sur l’œuvre de la rédemption accomplie par Jésus-Christ par sa mort et sa résurrection.

Je dis bien tout au long de la révélation, car si l’on a coutume de parler d’un Ancien Testament, que l’on devrait d’ailleurs plutôt nommer « ancienne alliance », et d’un Nouveau Testament, ce n’est qu’improprement que nous nommons les choses ainsi.

Car il n’y a jamais eu en réalité qu’une seule et même Alliance depuis la Chute, et c’est l’Alliance de grâce !

Et cette Alliance comporte, tout comme l’Alliance originelle, avec Adam, un aspect « loi » et un aspect »évangile ».

La Loi est l’expression de la volonté de Dieu, et s’enracine dans la nature même de Dieu, la nature éthique de Dieu : elle est éternelle.

L’Ancien Testament nous révèle avec force et détails cette Loi, dont le Décalogue constitue un résumé, lui-même résumé dans le double commandements de l’amour de Dieu et du prochain.

Mais l’Evangile et incontestablement aussi présent tout au long de cette histoire du peuple d’Israël, et le Décalogue l’atteste avec évidence puisqu’il commence en ces termes : « Je suis l’Eternel ton Dieu qui t’ai libéré de l’esclavage du pays d’Egypte » !

La libération, entendez l’Evangile, la promesse de vie, ce que Dieu a fait dans sa grâce pour nous, précède le don de la Loi.

Le Nouveau Testament, qui est seulement « nouveau » dans le sens où, à la différence de l’ « ancien », celui qui devait venir, le Messie, le Sauveur, est là, il est venu, et il a tout accompli, le Nouveau Testament, donc, comporte de même, l’Evangile et la Loi, la Loi et l’Evangile, indissolublement liés, et ce n’est qu’improprement que l’on tend à opposer l’Ancien Testament au Nouveau Testament.

Les deux nous parlent en réalité de la même Alliance, du même Salut, et de la même Loi, à la différence près que le Nouveau Testament est à l’Ancien, ce que la fleur et au bourgeon, ou ce que la lumière est à l’ombre.

Le Nouveau accomplit pleinement l’Ancien auquel il est lié de façon organique.

Il s’agit de la même réalité, de la même « plante », du même organisme.

Et c’est pourquoi Jésus dit, dans le Sermon sur la Montagne :

17  Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir.

18  En vérité je vous le dis, jusqu'à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi ne passera, jusqu'à ce que tout soit arrivé.

Voilà donc, en résumé, ce qui nous semble être l’enseignement de la Bible, dans ces grandes lignes, sur le rôle de la Loi, expression de la volonté éternelle de Dieu, guide, norme et miroir à la fois, indissolublement lié à l’Evangile qui en est le plein accomplissement : Jésus-Christ est l’accomplissement de la Loi pour nous ; il est celui qui rend à nouveau possible l’Alliance, la communion avec Dieu, de sorte que « nous ne sommes plus sous la condamnation de la loi mais sous la grâce » (Romains) !

Veuillez m’excuser de cette présentation par trop sommaire, faute de temps, mais je voudrais donc maintenant passer au point suivant qui est :

 

2. Le rôle de la Loi de Dieu selon les Réformateurs

Alors les Réformateurs, et notamment Calvin, ont développé, approfondi, précisé la Doctrine de l’Eglise plus particulièrement sur cette question du rapport entre l’Evangile et la Loi.

Luther dira que le chrétien est justifié par la foi et par la foi seulement.

C’est le fameux sola fide !

La foi seule !

Le salut nous est accordé uniquement sur la base de notre foi en Christ, et nullement en rapport avec nos mérites, avec nos œuvres bonnes.

D’ailleurs, le même Luther insistera fortement sur le fait qu’il n’y a pas, aux yeux de Dieu, d’œuvres « bonnes » indépendamment de la foi, en dehors de la foi en Dieu et en Jésus-Christ.

Donc pas de salut sans la foi.

La foi est la cause instrumentale du salut.

« Sans la foi il est impossible d’être agréable à Dieu » dit l’Epître aux Hébreux.

Mais alors la Loi ? Quel est donc son rôle, puisqu’il ne s’agit nullement de trouver en elle notre salut ?

La Loi, l’obéissance à la Loi, n’a jamais et ne sauvera jamais personne, depuis la Chute d’Adam, tout simplement parce que la justice de Dieu exige une obéissance parfaite, et que, comme le dit si bien le Catéchisme de Heidelberg, « même le plus sain des chrétiens n’a jamais ici-bas qu’un commencement d’obéissance », et comme le disait Calvin dans sa prière : « Nous transgressons tous les jours, et de plusieurs manières, tes saints commandements, de sorte que nous attirons sur nous, par ton juste jugement, la condamnation et la mort » !

C’est donc, avec les Réformateurs, ce qu’il convient d’appeler le triomphe de la Grâce !

Le salut est par grâce, par le moyen de la foi, cela ne vient pas de nous, c’est le don de Dieu.

La doctrine de la Prédestination ne fait d’ailleurs qu’appuyer ce caractère immérité de la grâce de Dieu, du salut, qui ne dépend aucunement de nos œuvres, mais seulement du libre choix miséricordieux de Dieu.

Cela étant dit, les Réformateurs ne se sont pas intéressés qu’à la grâce, et ils ont développé aussi une théologie de la Loi de Dieu.

Rapidement, ils ont relevé ce que l’on a coutume de nommer les trois usages, ou fonctions de la Loi.

Il y a tout d’abord l’usage politique ou civil de la Loi : la Loi dans son expression juridique, qui concerne le droit des nations, et qui relève du Magistrat ; la Loi comme garde-fou utilisé par la grâce générale de Dieu pour procurer une certaine justice civile parmi les hommes.

Il s’agit ici de l’aspect judiciaire et politique de la Loi de Dieu, qui concerne non seulement les individus mais encore, nous l’avons vu au début de cet exposé, la société dans son ensemble, avec ses diverses institutions que son la famille, l’Etat, le travail, ou l’éducation.

Ensuite il y a l’usage dit « pédagogique », ou « élenctique » : il s’agit de la Loi de Dieu conçue sous son aspect plus proprement théologique, la Loi comme miroir révélant à l’homme son vrai visage de pécheur, de contrevenant à la Loi, et qui l’attire, de ce fait, tel un Pédagogue, vers Jésus-Christ en qui se trouve le salut.

Enfin, les Réformateurs ont relevé l’usage didactique ou normatif, c’est-à-dire la Loi comme miroir et comme norme dans la vie du chrétien fidèle.

Il s’agit ici de la loi morale de Dieu, telle qu’elle figure notamment dans le Décalogue, et qui constitue la règle de gratitude et d’amour du croyant envers Dieu.

C’est plus particulièrement ce troisième aspect, ce troisième usage de la Loi qui nous intéresse ce soir par rapport au thème de notre exposé, mais ne croyons pas qu’il soit possible de dissocier cet usage des deux autres, qui lui sont étroitement liés.

La Loi de Dieu, tout comme Dieu lui-même, est Une, et ses manifestations multiples, ses différents aspects ne sont que les différentes facettes d’un même prisme, et il nous faut les considérer ensemble pour en avoir une droite intelligence.

Pour celles et ceux qui souhaiteraient approfondir le sujet sur la Loi de Dieu chez les Réformateurs, veuillez vous reporter à la brochure Kerygma de Pierre Courthial intitulée « La foi en pratique ».

Avant d’aborder le point suivant, je voudrais dire quand même que c’est à tord que l’on a souvent opposé Luther et Calvin sur la question du troisième usage de la Loi, l’usage moral, comme règle pour le chrétien, même s’il est vrai que Calvin nous semble plus conséquent que son aîné sur ce point.

Luther semble parfois laisser entendre qu’il suffit de prêcher l’Evangile pour que les croyants fassent ensuite, comme naturellement, ce que prescrit la Loi, librement et joyeusement.

Calvin, plus pessimiste sur les capacités de l’homme même régénéré, a davantage insisté sur la nécessité de prêcher l’Evangile et la Loi, inséparablement, et ce, afin de forger des âmes fortes, des générations de chrétiens à l’éthique irréprochable.

Mais on ne peut pas dire que Luther et Calvin avaient un avis vraiment opposé.

Il s’agit essentiellement d’une question d’accentuation, et l’important est bien de tenir ensemble ces deux expressions de l’Alliance que sont l’Evangile et la Loi.

Ma deuxième remarque, c’est que le Réformateur Vaudois, Pierre Viret, nous semble avoir mieux saisi que Calvin, et plus encore que Luther, toute l’actualité et la pertinence du premier usage de la Loi, l’usage civil ou politique.

Viret a magnifié dans tous ses ouvrages la pertinence de la Loi de Dieu sous tous ses aspects pour tous les domaines de la vie des hommes, y compris le domaine social, et non pas seulement individuel.

Voici ce qu’il dit : « Car les princes et les magistrats doivent êtres sujets aux lois, et modérer leur gouvernement selon icelles. Car ils sont, non pas maîtres des lois, mais ministres d’icelles, comme ils sont ministres de Dieu, duquel toutes bonnes lois procèdent. »[1]

Cette citation est tirée de : Le monde à l’empire, publié à Genève en 1561.

Alors, de Pierre Viret il faut lire plus particulièrement son Instruction Chrétienne en la Loi et l’Evangile (Genève, 1564), qui n’a malheureusement pas été réédité en français depuis le XVIème siècle, pas plus d’ailleurs que son remarquable ouvrage sur les Dix commandements, dont je vous livre une citation. Il s’agit de l’introduction. Viret dit ceci : « Dieu a voulu donner lui-même une loi qui servit de règle à tous les hommes de la terre pour régler l’esprit, l’entendement, la volonté et les affections, tant de ceux qui doivent gouverner les autres que de ceux qui doivent être gouvernés par eux (…) Donc, soit que nous veuillons bien être instruits pour nous savoir conduire et gouverner nous-mêmes en nos personnes propres, en notre particulier selon droit, raison et justice, ou au gouvernement de nos maisons et familles, ou au gouvernement du bien public, cette loi pourra nous servir de vraies éthiques, économiques et politiques chrétiennes, si elle est bien entendue. » (p. 255).[2]

Je me permets de vous recommander de même, dans la même ligne, l’ouvrage classique du Réformateur Strasbourgeois Martin Bucer, Du Royaume de Jésus-Christ (1558) [Paris, P.U.F., 1954].

Notons au passage que cette compréhension du premier usage de la loi, l’usage civil, a été partagée en particulier par les Puritains, fondateurs de la Nouvelle Angleterre, et bien avant eux par l’Eglise des premiers siècles dont la Foi transforma de fond en comble les institutions de l’Empire Romain, et de celle du Haut Moyen Age, qui est parvenu a imprégner, dans une large mesure, le droit commun des nations de l’Occident chrétien des enseignements de la loi divine.

En France, je pense en particulier à deux théologiens et apologètes chrétiens qui ont particulièrement réfléchi à cet aspect de la Loi si méconnu aujourd’hui, selon lequel toute la Loi de Dieu constitue le fondement non seulement de la morale, mais encore du droit lui-même : Pierre Courthial, dans son dernier livre Le jour des petits recommancements (L’Age d’Homme, 1996), et dans sa brochure : La foi en pratique (Ed. Kerygma, 1986) ; et Jean-Marc Berthoud, dont je vous recommande son Apologie pour la Loi de Dieu (L’Age d’Homme, 1996).

Il me semble que dans notre situation aujourd’hui, il serait indispensable que de nombreux intellectuels chrétiens s’attachent à la traduction juridique des lois mosaïques dans le contexte de notre civilisation.

Sur ce, je ferme la parenthèse sur cet aspect de la Loi, et je vous propose donc de passer maintenant à notre troisième point : l’opposition ancienne et moderne à la Loi de Dieu.

 

3. L’opposition ancienne et moderne à la Loi de Dieu

Notre propos est donc ici de montrer comment l’antinomisme, c’est à dire l’opposition à la loi, s’est manifestée dans l’histoire, conduisant à une mécompréhension de la Loi de Dieu et du lien indissoluble qui existe entre l’Evangile et la Loi.

L’un des premiers théologiens à avoir défendu un système dans lequel la Loi de Dieu était conçue de façon essentiellement négative, c’est le célèbre hérétique du deuxième siècle, Marcion, dont on peut résumer la pensée comme suit :

« La thèse centrale de Marcion (mort en 160) était que l’Evangile chrétien est exclusivement un Evangile d’amour à l’exclusion absolue de la loi. Cette doctrine, qu’il développa particulièrement dans ses Antithèses, le conduisit à rejeter entièrement l’Ancien Testament. Le Dieu Créateur, ou Démiurge, révélé dans l’Ancien Testament, à partir de Genèse 1, était entièrement un Dieu de loi et n’avait rien de commun avec Jésus-Christ. »[3]

Ainsi, pour Marcion l’Evangile et la Loi, loin d’être intimement liés, étaient parfaitement incompatibles, et constituaient deux époques, deux temps, deux systèmes radicalement opposés.

Dans son ouvrage les Antithèses, il se propose de prouver que l’esprit de l’Ancien Testament est à tel point incompatible avec celui du Nouveau, qu’il faut non seulement les séparer totalement, mais encore les attribuer à deux dieux différents.

Alors, vous conviendrez avec moi que cette position de Marcion est vraiment très radicale, et rares ont été ceux qui l’ont suivi jusqu’au bout de son raisonnement.

Cependant, force est de constater que cette idée trompeuse d’opposition entre l’Ancien et le Nouveau Testament est quelque chose de récurant dans l’histoire de l’Eglise, et que beaucoup de chrétiens, y compris « évangéliques » s’y laissent prendre en réalité.

Alors après Marcion il nous faut parler d’un autre célèbre antinomien, Jean Agricola (1492-1566), avec lequel Luther a eu de sérieuses difficultés.

Agricola insistait à tel point sur la justification par la foi qu’il prétendait que la loi était inutile pour être sauvé, et que par conséquent la Loi ne devait plus être prêchée, et à ce titre, il eut des démêlés avec les Réformateurs parce qu’il ne comprenait pas pourquoi ils recommandaient aux pasteurs la lecture, l’explication et l’observation des dix commandements.

On peut se poser la question de savoir, aujourd’hui, combien de pasteurs ont déjà prêché sur le Décalogue.

Agricola n’est pas si loin…

Alors, mentionnons de même, en dehors de l’Eglise cette fois-ci, l’antinomisme freudien et marxiste, qui a donné jour au relativisme éthique et permissif de bon nombre de nos contemporains.

Dans le domaine profane, deux mouvements s’en sont en effet tout particulièrement pris à la Loi de Dieu : le marxisme et la psychanalyse.

Le marxisme a surtout attaqué l’application de la loi de Dieu dans le domaine public, celle-ci étant identifiée à l’idéologie capitaliste et bourgeoise.

Le Manifeste Communiste de Marx constitue, à bien des égards, un anti-décalogue, en refusant tout fondement transcendant à l’éthique.

Lénine a bien résumé cette position en disant : « Nous répudions toute moralité provenant d’une impulsion étrangère à l’humanité, étrangère aux classes sociales… C’est pourquoi nous disons : la morale considérée en dehors de la société humaine n’existe pas pour nous ; c’est un mensonge. »[4]

Freud de son côté se considérait comme l’anti-Moïse, la Loi de Dieu, les interdits moraux, étant considérés comme ce qui empêchait l’épanouissement de la personnalité, du moi.

A l’arrière plan de tous ces systèmes antinomistes se trouvent les notions de Jean-Jacques Rousseau selon lesquelles l’homme, né bon, est aliéné par les situations dans lesquelles il se trouve et par les structures éthiques et sociales imposées par la société.

 

Alors, une autre tendance antinomiste qu’il nous faut considérer maintenant c’est celle qui s’exprime dans une large mesure, dans la théologie moderne.

La théologie moderne a vu le jour, ce n’est un secret pour personne, à la suite du siècle des lumières, et notamment sous l’influence du philosophe rationaliste français René Descartes, plus tard de la philosophie idéaliste de Kant.

En contraste avec la théologie réformée classique, cette théologie a pris certaines distances par rapport à l’enseignement traditionnel de l’Eglise, de la Tradition de l’Eglise, avec un grand « T » : la Tradition dans le sens biblique de la Foi une et indivisible de l’Eglise exprimée en particulier dans les confessions de Foi.

Le propre de la théologie moderne, quelle soit « libérale », ou « néo-orthodoxe », ou encore « néo-libérale » ou « néo-néo-orthodoxe », c’est de remettre en question le caractère objectif et normatif de la Foi, et de revendiquer un pluralisme doctrinal qui tend à relativiser les affirmations théologiques et éthiques.

Je cite ici un théologien de la Faculté de Théologie de Paris, Olivier Abel, qui dans un article récent de la Revue Etudes Théologiques et Religieuses sur le thème « Biologie et éthique » dit ceci : « L’éthique n’est pas pour nous l’objet d’un magistère qui pourrait être confié à quelques sages isolés ou à quelques représentants libres de légiférer au nom des silencieux représentés (pas plus d’ailleurs qu’à une quelconque majorité morale). C’est pourquoi il n’y a pas d’avis, ni d’une commission spéciale de la FPF, ni davantage du Comité National d’Ethique, qui puisse être imposé à tous. » (p. 199)

Dans cette perspective, donc, il ne saurait être question de définir l’éthique de façon objective et normative, qui soit valable pour tous, quelles que soient les situations, et quelles que soient aussi les époques.

Ce qui est récusé ici, c’est la notion même de magistère, qui, pour les tenants de la théologie moderne, est forcément incompatible avec le principe néo-protestant du « libre examen ».

Une éthique à prétention universelle et normative apparaît comme étant inconciliable avec la liberté chrétienne d’une part, et avec la mentalité ambiante, celle de l’homme moderne, individualiste et autonome d’autre part.

L’éthique du protestantisme libéral s’inscrit ainsi dans une perspective existentialiste et évolutionniste, perspective selon laquelle ce qui était vrai hier ne l’est plus forcément aujourd’hui, et ce qui a valeur de norme aujourd’hui, demain, peut-être, sera devenu obsolète.

Alors, pour être complet, il faudrait de même parler ici de certaines tendances antinomistes au sein même de la mouvance évangélique, et je pense en particulier ici au dispensationalisme.

Le dispensationalisme, qui découpe la Bible en une série de « dispensations » qui s’opposent les unes aux autres, la dernière rendant caduques les précédentes, est particulièrement connu dans le monde francophone par la Bible Scofield, et a imprégné une partie non négligeable des Eglises évangéliques.

Cette manière de diviser la Bible en dispensations qui diffèrent entre elles et même se contredisent conduit à une relativisation de la Loi et à une dépréciation très dommageable de l’Ancien Testament, ce que les Réformateurs n’ont jamais fait.

 

4. Le rôle de la Loi de Dieu dans la théologie réformée confessante

Alors, au point où nous sommes parvenus, je voudrais maintenant dégager, de façon synthétique, les grandes lignes de la théologie réformée confessante concernant le rôle de la Loi de Dieu dans la vie de l’Eglise et du chrétien.

Et je le ferai en cinq points, qui sont étroitement liés, et qu’il nous faut avoir présents à l’esprit pour une juste compréhension du rapport entre l’Evangile et la Loi, et du rôle de la Loi dans l’Eglise.

 

a. Premier point : la souveraineté de Dieu dans tous les domaines de la vie.

C’est là l’un des principes directeurs de la Foi réformée, autour duquel s’articulent tous les autres.

Dieu est Souverain, il est au ciel, et nous sommes sur la terre, et il ne s’est pas retiré du monde après l’avoir créé, mais comme le dit Calvin, il est le Souverain Gouverneur du monde.

Abraham Kuyper a dit de même à cet égard : « Il n’est pas de domaine de la vie des hommes dont le Christ ne puisse dire c’est à moi » !

Dieu est Souverain, et il y a de ce fait une obligation de la part de tous les hommes, d’obéir à ses commandements, à sa Loi.

Il n’y a pas d’autonomie possible, ou plutôt l’autonomie (= le péché !), le fait de vivre en dehors de la volonté de Dieu, de sa Loi, conduit à la mort.

L’homme a été créé pour Dieu, et ce n’est que dans la reconnaissance de sa dépendance radicale par rapport à Dieu qu’il peut découvrir et vivre sa vraie liberté.

Non pas une liberté d’autonomie, mais de théonomie, une liberté sous la Loi de Dieu, dans la dépendance avec Dieu, en qui nous avons la vie, le mouvement et l’être.

Rappelons que le calvinisme dont nous nous réclamons, est d’abord une certaine compréhension des rapports de Dieu et du monde, dans laquelle l’homme ne peut expérimenter sa liberté en tant que créature image de Dieu que dans la soumission libre et joyeuse au Créateur, la source de tout Bien.

 

b. Le second point qu’il faut avoir à l’esprit pour bien comprendre le rôle de la Loi de Dieu dans la vie de l’Eglise et du chrétien dans la perspective réformée, c’est la question très controversée aujourd’hui de la réalité historique de la Chute.

Pour la théologie moderne, Genèse 1 à 3 relèvent du mythe et ne sauraient en aucune façon devoir être interprétés comme s’il s’agissait là, d’événements historiques.

Le professeur Henri Blocher a bien montré, dans son livre Révélation des Origines, qu’une lecture attentive du texte ne permet pas de dépouiller celui-ci de tout contenu historique.

Certes, tout n’y est pas forcément de l’histoire : il y a des images, des symboles, des façons de parler, mais tant le genre littéraire, que l’interprétation qu’en donnent les autres livres de l’Ancien Testament, Jésus et les Apôtres, démentent qu’il s’agisse là d’un mythe.

Il y a de l’histoire, et notamment, nul, s’il prétend être fidèle à l’Ecriture, ne peut remettre sérieusement en question la réalité historique d’Adam et Eve, d’une part, et plus important encore, la réalité historique de la Chute, survenue dans le temps, dans l’histoire, et dont la conséquence a été la mort et la séparation d’avec Dieu.

Il me semble essentiel de bien insister sur ce point, autrement c’est tout le message de l’Evangile et de la Loi de Dieu qui est faussé.

L’Evangile et la Loi dont l’intention n’est autre que la restauration de l’image de Dieu en l’homme, cette image que la Chute a déformée, tandis que le péché nous prive de la communion avec Dieu.

Si le péché originel consiste dans la désobéissance à la Loi de Dieu, à la revendication de l’autonomie, la déclaration d’indépendance de l’homme vis-à-vis de Dieu, la grâce consiste dans la restauration de la communion perdue avec Dieu et dans le pardon des péchés par la foi au Christ Sauveur.

Vous voyez qu’il y a un lien étroit entre la Loi de Dieu, l’Evangile et la situation de misère dans laquelle l’homme se trouve depuis la Chute.

C’est là le schéma cher à la théologie réformée « Création-Chute-Rédemption » qui fait défaut à la théologie moderne, ce qui conduit tout droit à l’antinomisme.

 

c. Le troisième point, je l’intitulerai le principe de l’antithèse.

La théologie réformée s’inscrit ici tout à fait dans la ligne de la pensée de Saint Augustin qui a remarquablement décrit dans son ouvrage La cité de Dieu, l’antithèse qui oppose dans tous les domaines, la Cité de Dieu à la Cité terrestre, la Cité de ce monde en révolte contre Dieu, l’antithèse entre Jérusalem et Babylone, entre Christ et Satan.

La Loi de Dieu a un rôle déterminant à jouer dans ce combat, cette antithèse entre le péché et la grâce, entre la soumission libre et joyeuse au Dieu de notre Salut, et la révolte prométhéenne de l’homme contre Dieu.

La Loi de Dieu permet d’établir de façon sure et certaine, de façon normative pour tous les temps, la différence entre le bien et le mal, qui ne sont pas simplement des mots, des concepts, mais qui font partie de notre réalité depuis la Chute.

Le bien et le mal, pour les chrétiens, ne sauraient être définis de façon arbitraire et en dehors de toute référence à Dieu et à une loi transcendante et absolue, comme c’est le cas des lois positives qui gouvernent nos sociétés sécularisées.

Pour le chrétien, le bien c’est ce que Dieu nous commande dans sa Parole, dans sa Loi, tandis que le mal, c’est ce qu’il nous défend.

Les conséquences de la Chute ne permettant plus aux hommes de discerner droitement dans sa conscience et dans l’observation des mœurs le bien et le mal de façon certaine, comme dans le droit naturel, il importe, pour l’Eglise et les chrétiens, de s’en tenir au dire de Dieu, à la Parole de Dieu, à sa Loi.

Nous n’avons pas à rechercher une quelconque synthèse avec le monde, un terrain commun sur la base d’une théologie naturelle, dans la définition du droit, mais nous devons faire valoir la Loi de Dieu dans tous les domaines de la vie : la famille, le mariage, l’Etat, la politique, le droit, le travail, l’avortement, l’euthanasie, la génétique.

Sur toutes ces réalités, l’Ecriture a quelque chose à dire pour le plus grand bonheur des hommes, et pour le salut des nations.

Un théologien contemporain exprime cela très bien : « La raison pour laquelle certains chrétiens choisissent de chercher un fondement (« de la morale et du droit », P.C.) en l’homme, c’est qu’ils aspirent à trouver un terrain commun à tous les hommes et à toute la réalité hors de Dieu. Ils veulent échapper à ce qu’ils appellent un « système sectaire de pensée ». Ils affirment la nécessité d’une philosophia perennis, d’une philosophie permanente qui serait commune à tous les hommes en tant qu’hommes, en dehors de toute considération théologique. Ces chrétiens pensent qu’ainsi ils peuvent établir les vérités de la religion chrétienne d’une manière rationnelle satisfaisante pour tous ; et qu’en place d’une révélation exclusive et bornée pourra être établi un terrain commun d’entente. »[5]

A l’inverse, tout chrétien fidèle est appelé à « sanctifier en son chœur le Christ Seigneur, à être toujours prêt à la défense, avec douceur et respect, de l’espérance chrétienne devant quiconque lui en demande compte. » (1 P 3.15-16)

L’éthique chrétienne ne saurait, par conséquent, se mettre à la remorque des philosophies et des éthiques non-chrétiennes, mais bien s’enraciner toujours davantage dans le Traité d’Alliance que constitue l’Ecriture Sainte, la Bible, la Parole de Dieu, qui est tout entière Evangile et Loi, Loi et Evangile, et qui constitue la norme à laquelle il nous faut revenir toujours.

 

d. Quatrième et dernier point : après le principe de l’antithèse, le principe de la théonomie.

Alors qu’entendons-nous par « théonomie » ?

Théonomie vient de deux mots grecs theos (Dieu) et nomos (loi).

La théonomie désigne donc un principe de fidélité, de reconnaissance et d’obéissance à la Loi de Dieu considérée comme normative.

Le contraire de la théonomie c’est l’autonomie : la revendication de l’indépendance de la créature par rapport au Créateur, la volonté de s’affranchir de la Loi de Dieu, et d’être à soi-même sa propre loi.

Le principe de la théonomie en opposition à l’autonomie est particulièrement illustré dans la Bible par la désobéissance d’Adam et Eve dans le Paradis : manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal était en quelque sorte, l’expression d’une revendication d’autonomie par rapport à Dieu et à sa Loi.

La connaissance du bien et du mal, le fait de déterminer la nature même du bien et d’en fixer les limites n’appartiennent qu’à Dieu seul.

La créature est appelée à vivre et à s’épanouir dans ce cadre posé par Dieu, dans la reconnaissance de la souveraineté absolue de Dieu dans l’Alliance, et de la dépendance filiale dans laquelle Dieu nous a placés.

 

Conclusion

Alors en conclusion je dirai ceci.

Face aux dérives que constituent l’antinomisme ou, à l’opposé, le légalisme, la Bible nous exhorte à trouver notre plaisir, notre bonheur dans la Loi de Dieu.

La Loi de Dieu qui constitue l’autre versant de l’Evangile, et sans laquelle le Salut serait dépouillé de toute signification.

L’Evangile et la Loi sont comme l’avers et l’envers d’une médaille : ils constituent tous deux les deux facettes de l’Alliance éternelle.

Tous deux doivent être l’objet de notre reconnaissance et de notre amour.

Le Salut de Dieu s’exprime dans son Evangile et dans sa Loi, sa Loi qui est source de vie, et dont l’obéissance ou la désobéissance conditionnent l’avenir de notre monde : bénédiction ou malediction.

" J'en prends aujourd'hui à témoin contre vous le ciel et la terre :

j'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction.

Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité,

pour aimer l'Eternel, ton Dieu, pour obéir à sa voix, et pour t'attacher à lui :

car de cela dépendent ta vie et la prolongation de tes jours... "

(Deutéronome 30.19s)

Amen !



[1] J.-M. Berthoud, p. 43, note 11.

[2] J.-M. Berthoud, p. 120.

[3] Marcion : The Oxford Dictionary of the Church, O.U.P., Oxford, 1966, p. 854, cite dans J.-M. Berthoud, p. 1007.

[4] Cité dans J.-M. Berthoud, p. 109.

[5] Rushdoony, cité par P. Courthial, p. 225.