Pourquoi je suis un inconditionnel d’Israël

Voici un article du pasteur J.-M. Thobois, du journal Keren Israël :

" Décidément, la question d’Israël interpelle les évangéliques !

Après les “chrétiens évangéliques antisionistes” (voir Keren n° 85), voici qu’apparaît une nouvelle espèce de chrétiens : “les chrétiens évangéliques non-sionistes”. Nuance !

Qu’est-ce qui différencie ces deux types de chrétiens ?

Les “non-sionistes” sont conscients qu’un certain antisionisme peut générer un renouveau de l’antisémitisme et que pour un chrétien évangélique qui, par conséquent croit à l’inspiration de la Bible, nier les droits du peuple de la Bible sur la terre promise est une position difficile à tenir.

Néanmoins, les chrétiens “non-sionistes” sont préoccupés par “la question douloureuse des palestiniens” et par le fait que le Nouveau Testament exige la justice pour tous.

Autrement dit, les chrétiens “non-sionistes” adoptent d’emblée l’idée présentée comme une évidence que la création de l’Etat d’Israël est en soi un acte d’injustice vis-à-vis des palestiniens. En d’autres termes, ils adoptent sans nuance le point de vue des palestiniens repris par l’ensemble des média mondiaux à la suite de la formidable opération de propagande orchestrée par les états arabes.

A l’inverse des chrétiens antisionistes, les “non-sionistes” reconnaissent qu’Israël a droit à un état qui est indispensable à la “préservation de l’identité juive”. Ils reconnaissent aussi que “le sionisme est à l’origine d’une nouvelle démocratie” même si, en tant que bons citoyens du grand village mondial, ils considèrent que cette démocratie est archaïque.

Les chrétiens “non-sionistes” se réfèrent à l’article 5.27 de la déclaration de Willowbank établie par des évangéliques au sujet des relations entre juifs et chrétiens et qui affirme :

« - Nous apportons notre soutien au désir des juifs de disposer d’une patrie aux frontières sûres et de jouir d’une juste paix.
- Nous démontrons que le lien établi par les Ecritures entre le peuple juif et la terre d’Israël justifie des actes qui s’opposent à l’éthique biblique et qui oppressent des individus et des communautés. »

Cette déclaration, qui eut lieu aux Bermudes en 1989, se veut en effet soucieuse de justice pour tous les hommes.

Qui n’approuverait pareille affirmation ! Pourtant, quand on lit les commentaires que suscite cet article, on comprend vite que tout en affirmant le droit d’Israël à un état, on condamne sans appel son comportement vis-à-vis des palestiniens, ainsi que “le soutien inconditionnel à l’Etat d’Israël que les chrétiens évangéliques lui ont souvent apporté”.

Les chrétiens “non-sionistes” par contre, apportent à Israël un “soutien conditionnel” ! Eux, au moins sont des gens équilibrés, modérés, objectifs !

C’est la raison pour laquelle, s’ils reconnaissent qu’Israël a droit à un état, son attitude envers les palestiniens rend impossible l’assimilation que font les chrétiens pro-sionistes entre l’état d’Israël et l’accomplissement des prophéties.

Pour les “non-sionistes”, Israël n’est donc qu’un état comme les autres : profane et donc critiquable, alors que le fait de faire le lien entre l’Etat d’Israël et la prophétie biblique interdirait à ceux qui reconnaissent ce lien, toute forme de critique puisqu’alors l’Etat d’Israël serait pratiquement parfait.

L’expression : “peuple élu” fait aussi problème, au nom de l’universel.

Certes, l’église n’a pas remplacé Israël et en cela les chrétiens «non-sionistes » récusent à juste raison la théologie de la substitution, mais “Dieu au sein d’Israël a remplacé certains israélites par des non-juifs », ce qui en fin de compte revient au même. De ce fait, Israël ne peut plus être le «peuple élu” puisque cela implique une supériorité sur les autres. D’ailleurs, un état est une idée dépassée et les prophéties sont toutes accomplies en Jésus et par l’Eglise.

Les prophéties du retour ont toutes été accomplies lors du retour de Babylone…

On le voit, il y a là retour à la vision traditionnelle de la théologie de la substitution quelque peu dépoussiérée et présentée d’une manière acceptable aux évangéliques.

En fait, les “non-sionistes” analysent la question d’Israël à partir d’une position appelée “a-millénarisme”, qui prétend que nous sommes déjà dans le millénium.

Cette position est celle de pratiquement toutes les facultés et instituts de théologie évangélique de langue française, en sorte que la plupart des jeunes pasteurs qui fréquentent ces institutions sont formés à l’a-millénarisme et à son corollaire le “non-sionisme”.

De sorte que l’on peut craindre que d’ici quelques années, la plupart des églises évangéliques deviennent a-millénaristes et non-sionistes.

Seuls les pro-sionistes qualifiés “d’inconditionnels d’Israël” brisent le consensus qui est en train de s’établir dans le monde évangélique français.

Ils sont donc invités, sous peine d’être des obstacles à l’unité, à cesser de soutenir ouvertement Israël. La véritable attitude évangélique consistant à ne pas prendre parti, on invite donc les chrétiens “inconditionnels” à ne plus militer pour cette cause, mais à rejoindre le plus petit dénominateur commun : “évangéliser” les juifs, laissant ainsi le champ libre aux ennemis d’Israël qui cherchent à le détruire et privant Israël de ses derniers soutiens.

Eh bien, non ! “Pour la cause de Sion, je ne me tairai pas !” (Esaïe 62.1), car je suis un inconditionnel d’Israël et je le revendique haut et fort.

Quand bien-même les critiques qui sont adressées à l’Etat Juif de toutes parts seraient fondées à 100%, je ne cesserais pour autant d’être un inconditionnel d’Israël.

Je suis un inconditionnel d’Israël et voilà pourquoi :

 

1 - Parce que le droit d’Israël à la Terre Promise a été accordé par Dieu à son peuple d’une manière inconditionnelle.

Dans le seul livre de la Genèse, la promesse inconditionnelle de donner ce pays aux descendants des patriarches revient dix fois ! Dieu déclara à Abraham dans une alliance irrévocable “Je te donne ce pays à toi et à ta descendance pour TOUJOURS !” De telle sorte que même les pires infidélités du peuple d’Israël ne sauraient remettre en question ces promesses. Au pire, Israël sera exilé de son pays pour un temps, mais selon les affirmations de Moïse dans le livre du Deutéronome, “Quand bien-même tu serais exilé aux extrémités de la terre, de là, l’Eternel ton Dieu te ramènera, car il se souviendra de l’alliance qu’il a conclue avec tes pères.”

 

2 - Je suis un inconditionnel d’Israël parce que je suis évangélique et que je crois à l’inspiration plénière de la Parole de Dieu et par conséquent je pense que, à moins que le contexte ne nous oblige à faire autrement, la Parole de Dieu doit être interprétée dans son sens premier. L’allégorie est toujours possible, mais elle n’annule jamais le sens clair du texte.

Or, les prophéties concernant le retour d’Israël sont, on ne peut plus claires. Elles sont loin d’avoir été accomplies dans toute leur ampleur lors du retour de l’exil de Babylone. Le nouveau Testament les reprend à son compte :

Luc 1.32-33;  21.23-24; 22.28-30; 24.21; Actes 1.3-8; Romains 11.15, 25-27; Apocalypse 20.1-6, etc…

 

3 - Je suis un inconditionnel d’Israël parce que je suis un “millénariste”. Ce faisant, je crois à l’accomplissement littéral de la parole de l’ange à Marie : “Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père, il règnera sur la maison d’Israël…”. Parce que je suis évangélique et que je lis “littéralement” l’Ecriture, je crois “qu’Israël” signifie bien le peuple juif et non pas l’église.

Quand Jésus a-t-il régné sur la maison d’Israël ? Il faudra donc bien que cette prophétie s’accomplisse un jour…

Je suis “millénariste”, non comme le prétendent les “non-sionistes”, parce que j’ai été influencé par le dispensationalisme, mais tout simplement parce que je lis la Bible…

Je constate que les premières générations des Pères de l’église étaient millénaristes : Polycarpe, Irénée de Lyon, Justin martyr et même Augustin au début de sa carrière.

Ce n’est qu’au IIème siècle qu’on a commencé à polémiquer contre les “chiliastes” (millénaristes). Tous ceux-là n’étaient évidemment pas influencés par Darby, Scoffield et le dispensationalisme…

Notre soutien à Israël n’a rien à voir avec un enthousiasme sentimental, mais repose sur une lecture froide et objective de “l’Ancien et du Nouveau Testament”. Je suis avant tout un exégète et par conséquent, quelqu’un qui ne se laisse pas conduire par des présupposés théologiques, politiques ou sentimentaux, mais qui cherche d’abord à comprendre ce que les auteurs de la Bible ont voulu dire.

 

4 - Je suis un inconditionnel d’Israël parce que, comme nous le reprochent les “non-sionistes”, je ne suis pas obnubilé par le problème palestinien. Pour moi, malgré sa complexité, ce problème n’est qu’un épiphénomène, un avatar de l’histoire, second par rapport à la geste de Dieu.

Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas des innocents qui souffrent de cette situation et pour ce qui nous concerne, nous soutenons et aidons nos frères chrétiens évangéliques palestiniens. Cela ne signifie pas non plus que nous ne sommes pas soucieux de la “justice pour tous”, ou que nous estimons qu’Israël est au-delà de toute critique.

Je suis parfaitement conscient qu’il y a en Israël, comme partout ailleurs, des choses qui vont et des choses qui ne vont pas. Israël est une démocratie et la règle de la démocratie, c’est que tout un chacun a le droit de la critiquer et les israéliens et les sionistes ne s’en privent pas, mais je prétends, obstiné, après près de 50 ans d’étude du Moyen-Orient, qu’il n’y a aucun exemple dans l’histoire d’un peuple qui se conduise aussi humainement vis-à-vis de ses ennemis que ne le fait le peuple d’Israël et que par conséquent, l’essentiel des critiques que l’on adresse unanimement à l’Etat juif dans ce domaine sont non fondées, même s’il y a comme partout, des brebis galeuses.

Je soutiens que la création de l’Etat d’Israël ne s’est pas faite au détriment des palestiniens et que le refus obstiné de ces derniers à toute forme de compromis et d’accord est la cause première des malheurs réels et supposés dont ils se plaignent.

 

5 - Je suis un inconditionnel d’Israël parce que moi aussi j’ai le souci de la justice pour tous. Les “non-sionistes” n’ont pas le monopole de la sympathie envers ceux qui souffrent ; ils ont choisi de témoigner cette sympathie aux palestiniens, c’est leur choix et c’est bien. Nous, notre sympathie va aussi aux enfants de Sdérot qui, pendant des années ont vécu un cauchemar quotidien pour avoir été bombardés jour et nuit, à ceux de Kyriat Shemona qui ont tout perdu dans la guerre de 2006, aux victimes du terrorisme qui sont handicapés à vie, aux familles des innocents qui ont été tués dans des attentats aveugles etc….

On oublie trop facilement qu’il n’y a pas que du côté palestinien que des innocents souffrent et devant le peu d’empressement que l’on met à exprimer de la sympathie à ces victimes, je pense qu’il est important qu’il y ait quelques inconditionnels comme moi qui brisent cet assourdissant silence d’indifférence et même si les “non-sionistes” nous reprochent de consoler Israël au lieu de “l’évangéliser”, je continuerai à prendre néanmoins au sérieux l’ordre du prophète : “Consolez, consolez mon peuple !”.

 

6 - Je suis un inconditionnel parce que je suis un chrétien non-juif, et en Romains 11, Paul nous met en garde en disant “Ne te glorifie pas aux dépens des branches qui ont été retranchées, mais crains…”.

Dans ces textes essentiels des chapitres 9-10 et 11, Paul nous dit en substance que, s’il est vrai que Dieu a un contentieux avec son peuple, les païens n’ont pas à interférer dans cette affaire et que Dieu ne les a pas établis comme juges dans ce procès. Israël est la prunelle des yeux de Dieu, dit le prophète et avant de juger ou de critiquer le peuple d’Israël, il faut y regarder à deux fois. Le sage Hillel ne disait-il pas “Ne juge pas ton prochain sans d’abord t’être mis à sa place.” ? Ce que nos contempteurs d’Israël seraient bien inspirés de faire.

Ces avertissements de l’apôtre prennent une acuité encore plus grande après deux mille ans d’antisémitisme chrétien, dont l’apogée fut la Shoa dans laquelle six millions de juifs périrent dans la plus parfaite indifférence de la majorité des chrétiens. Rien qu’à cause de ce passé tragique et de cette conduite en tous points contraire à l’évangile, les chrétiens devraient faire montre d’un minimum de décence et de retenue dans leurs critiques de l’Etat juif, sous peine de laisser supposer qu’ils sont encore conditionnés par les vieux démons qui ont habité leurs pères.

Dans ce sens aussi, l’ordre prophétique de consoler Israël prend toute sa valeur. C’est la raison pour laquelle je refuse de faire passer la parole prophétique au second plan par rapport à “l’humanisme droit de l’hommiste” et de me laisser culpabiliser par ces principes.

 

7 - Je suis un inconditionnel d’Israël parce que à l’heure où nous parlons, Israël est désespérément seul et à nouveau menacé de génocide, soixante ans après la Shoa. Tous ses amis l’ont lâchement abandonné et envisagent sans état d’âme, sa disparition.

Les “non-sionistes” nous invitent alors à être neutres, c’est-à-dire à laisser le champ libre aux ennemis d’Israël, ils ont oublié le texte des Proverbes “Délivre ceux qu’on traîne à la mort et si tu dis nous ne le savions pas, le Tout-Puissant ne le voit-il pas ?”

La neutralité est impossible; la symétrie perverse qui renvoie dos à dos les deux protagonistes du drame du Moyen-Orient et qui consiste à placer la victime israélienne sur le même plan que la volonté génocidaire du monde arabe est tout simplement monstrueuse.

 

8 - Enfin, je suis un inconditionnel d’Israël, parce qu’en défendant Israël, je me défends moi-même. Les ennemis d’Israël sont aussi les ennemis du christianisme. La guerre contre Israël n’est que la partie la plus visible du djihad mondial contre tous les infidèles, qu’ils soient juifs ou chrétiens, le but étant la création d’un “califat mondial” dont le siège serait à Jérusalem et d’où juifs et chrétiens seraient exclus. Ne chante-t-on pas déjà dans les rues de Gaza “Nous combattrons le samedi, puis nous combattrons le dimanche !” ?

L’islamisation de nos pays a atteint un degré alarmant; nous sommes déjà, jusqu’à un certain point, soumis à la charia : la loi islamique.

Toute critique de l’Islam est interdite, hommes et femmes sont séparés dans beaucoup de piscines, des rues de la capitale sont envahies d’hommes en prière qui empêchent la circulation à certaines heures etc…

Se taire et rester neutre, c’est déjà faire le lit de cet islamisme rampant, car si Israël tombe, c’est le monde chrétien tout entier qui sera menacé.

Les musulmans enveloppent juifs et chrétiens dans la même haine, même si pour le moment et pour des raisons tactiques, ils font mine de ménager les chrétiens.

Du temps du marxisme triomphant, Lénine évoquait les “idiots utiles”, qui, disait-il “nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons”.

Les chrétiens antisionistes et les chrétiens “non-sionistes” qui ne se différencient que par quelques nuances sont, sans s’en rendre compte, manipulés par l’islam pour devenir à leur tour les auxiliaires inconscients de leurs pires ennemis, c’est pourquoi, face à ce danger mortel, je ne me tairai pas !

Non, l’heure n’est plus à la neutralité, quand la maison brûle et que l’incendie fait rage, la seule conduite logique c’est de crier au feu. C’est pourquoi je ne me tairai pas ! Certes, je suis parfaitement conscient que c’est aller à l’encontre du consensus, mais au risque de briser “l’unité du monde évangélique”, je resterai du côté des inconditionnels d’Israël et comme disait Victor Hugo “S’il n’en reste que dix, je serai de ceux-là et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là !”

Persiste et signe ! J-Marc Thobois