Prédication sur Mt 5.13-16 ERE de Paris Dimanche 5 septembre 1999 Pasteur Vincent BRU
Introduction
Chers frères et surs en Christ, nous avons vu dimanche dernier quelles étaient, selon le modèle dActes 2, selon le modèle de lEglise primitive, les marques, les traits caractéristiques de la vraie Eglise, de lEglise fidèle, comme aussi les conditions nécessaires du renouveau et de la vitalité de celle-ci. Il y a tout dabord lattachement à lenseignement des Apôtres, lamour de la Vérité, la soif de la Parole de Dieu. Ensuite, la communion fraternelle, le fait de vivre ensemble la réalité du Royaume, unis par un même amour, une même foi. La fraction du pain : le repas du Seigneur, que nous allons vivre tout à lheure, comme aussi toute la vie sacramentelle de lEglise. La prière, expression de notre reconnaissance envers Dieu, et de notre dépendance totale par rapport à Lui. A ces quatre traits caractéristiques de lEglise fidèle, javais mentionné de même dune part, limpératif de lévangélisation, la proclamation de lEvangile, qui incombe à chaque fidèle, et dautre part la nécessité davoir une vision vraiment englobante du Royaume de Dieu, et de vivre la réalité de notre appartenance à Christ dans tous les domaines de lexistence : la seigneurie de Jésus-Christ sétend à toute la réalité, de sorte que cest toute notre existence et toute la vie du monde qui sont appelées à être gagnées à Jésus-Christ, à se convertir à Jésus-Christ, en se détournant des idoles anciennes et nouvelles. Le texte de ma prédication de ce matin a trait plus particulièrement à ces deux derniers points, à ces deux impératifs que sont le mandat missionnaire de lEglise, lévangélisation, dune part, et dautre part, la nécessité de tout rapporter à la seigneurie de Jésus-Christ, à lEvangile, dont linfluence bénéfique sétend à tous les domaines de la vie. Vous êtes le sel de la terre ! Cest vous, qui êtes la lumière du monde ! Vous êtes, vous chrétiens, la saine influence de lEvangile dans le monde, linfluence bénéfique de lEvangile sur cette terre, influence sans laquelle lhumanité tout entière sombrerait dans le néant, dans les ténèbres du dehors. Je relèverai avec vous trois points, trois grandes vérités de notre texte, que je voudrais partager avec vous ce matin. 1. Il existe une différence fondamentale entre les chrétiens et les non-chrétiens, entre lEglise et le monde. 2. Cette différence fondamentale entre chrétiens et non-chrétiens nous rend dautant plus responsables devant Dieu quant à notre engagement de foi et à notre témoignage. 3. Cette responsabilité a deux facettes : être sel de la terre et lumière du monde, ce qui veut dire, empêcher la décomposition du monde dune part, faire rayonner la lumière de lEvangile dans tous les domaines de la vie dautre part.
Premier point donc : Il existe une différence fondamentale entre les chrétiens et les non-chrétiens, entre lEglise et le monde. Notez que Jésus, dans ce Sermon sur la montagne doù est tiré notre texte, ne sadresse pas à la foule en général, mais à ses disciples. Verset 1 et 2 : " Voyant la foule, Jésus monta sur la montagne, il s'assit, et ses disciples s'approchèrent de lui. 2 Puis il ouvrit la bouche et se mit à les enseigner ". Ce que Jésus dit ici, à propos du sel et de la lumière, sadresse donc aux disciples, aux chrétiens, et à eux seuls. Jésus na jamais dit quil est donné à tout homme dêtre le sel de la terre et la lumière du monde, mais seulement aux chrétiens ! Cette vérité est importante, vraiment, car elle sinscrit en faux contre la tendance dominante aujourdhui, qui est de considérer tout homme de bonne volonté comme " chrétien ", ou du moins comme " enfant de Dieu ", et donc, en un certain sens, disciple de Jésus-Christ. Or, selon lEcriture, il va de soit que le fait davoir de bonnes intentions ne suffit pas : cela ne fait pas forcément de nous des chrétiens ! Dailleurs, ne dit-on pas que lenfer est pavé de bonnes intentions ! Bibliquement, on est chrétien par ce que lon croit, et non par ce que lon fait ! Ce nest pas la qualité, pas plus que le nombre de nos bonnes uvres qui fait que nous sommes considérés comme " justes " aux yeux de Dieu, mais bien plutôt la qualité de notre relation au Christ, le fait que nous ayons la foi en Jésus. " Cest par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Ce nest point par les uvres, afin que personne ne se glorifie devant Dieu " (Ep 2.8-9). Jinsiste : le chrétien ne se définit pas dabord par ce quil fait, par son attitude, son comportement, mais par ce quil croit. Le chrétien est celui qui a la foi en Jésus, mieux : la foi de Jésus, cest-à-dire la foi-confiance en Dieu, son Père, pour son salut ; cest la foi qui justifie limpie ; la foi par laquelle Dieu nous déclare juste et nous fait entrer dans son Royaume. Voilà pourquoi Jésus dit, en sadressant à ses disciples, à ceux qui ont foi en lui : " Vous êtes le sel de la terre ! Vous êtes la lumière du monde ! " " Vous, et vous seuls " ! Pourquoi cela ? Parce que, aux yeux de Dieu, seul celui qui a été régénéré par le Saint Esprit, seul celui qui a été touché par la grâce, celui à qui Dieu sest révélé vraiment, et qui a été éclairé par Dieu peut espérer vraiment être agréable à Dieu, et donc aussi faire des oeuvres qui lui soient agréables, qui soit vraiment selon le cur de Dieu. Jespère que vous comprenez bien cela, car cette vérité est vraiment fondamentale, et détermine toute notre vie de foi, et la vie de lEglise. " Si un homme ne né de nouveau, il ne peut ni entrer ni même voir le Royaume de Dieu " (Jn 3) Seules des uvres faites dans la foi, et procédant dun cur régénéré par le Saint Esprit, des uvres qui sont motivées vraiment par lamour de Dieu et de sa justice peuvent être agréables à Dieu, et donc aussi être " sel de la terre " et " lumière du monde ". Mais, me direz-vous, et les non-chrétiens, les incroyants ? Ne sont-ils pas, eux aussi, capables de bien ? Un non-chrétien qui fait la volonté de Dieu, qui agit en faveur des pauvres, des démunis, nest-il pas aussi, à sa façon, le sel de la terre et la lumière du monde ? Il va de soit que la réponse à cette question ne peut pas être simple et sans nuance. LEpître aux Romains nous apprend que les païens sont aussi, en un certain sens, capables de bien, dans la mesure ou " luvre de la loi de Dieu est écrite dans leurs curs " (Rm 2), de sorte que Dieu leur accorde suffisamment de lumière pour un certain discernement du bien et du mal. Donc, un non-chrétien est aussi capable de bien, et sans doute vous connaissez des incroyants qui, dans ce domaine, auraient beaucoup à nous apprendre. Mais il nempêche quaux yeux de Dieu, seules des uvres qui sont le fruit de la foi, et qui sont motivées par la gloire de Dieu, sont bonnes, vraiment, et cest pourquoi on peut dire, avec la Bible, quil nest donné, en un certain sens, quaux chrétiens dêtre sel de la terre et lumière du monde. Il existe une différence très nette, pour ne pas dire une réelle opposition entre le chrétien et le non-chrétien, entre celui qui a la foi-don de Dieu, et celui qui ne la pas, lincrédule, qui persévère dans sa révolte contre Dieu, dans son égoïsme forcené et dans sa volonté dautonomie par rapport à Dieu. LEglise nest pas le monde, et le monde nest pas lEglise ! LEglise est dans le monde, certes, mais elle nest pas du monde ! Mon royaume nest pas de ce monde, a dit Jésus ! Et bien mon royaume, ma véritable demeure, mon " chez-moi " nest pas non plus de ce monde, à moi chrétien, disciple de Jésus-Christ. Mon royaume, cest le Royaume de Dieu, et cest en tant que citoyen du Royaume que je puis être, et que je suis véritablement " sel de la terre et lumière du monde " !
Et cela nous conduit à notre second point : cette différence fondamentale entre chrétiens et non-chrétiens nous rend dautant plus responsables devant Dieu quant à notre engagement de foi et à notre témoignage. Etre sel de la terre et lumière du monde, cest un privilège, certes, mais cest aussi, mais cest dabord une responsabilité. A ce titre, il est intéressant de noter que le texte grec contient un pronom emphatique : " Vous, vous êtes le sel de la terre " ! Il y a un impératif : " Cest vous qui êtes la lumière du monde " ! Cest comme sil disait : " Soyez vraiment ce que vous êtes, soyez le sel qui donne de la saveur aux choses, soyez la lumière qui éclaire ceux qui se trouvent dans les ténèbres du dehors. " " Soyez ce que vous êtes " ! Il sagit là dun fait : vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde ! Non pas : " Devenez le sel de la terre " ! Non pas : " Efforcez-vous dêtre la lumière du monde " ! Mais : " Vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde " ! Cest là un fait, que nous le voulions ou non, que cela nous plaise ou non. Vous êtes, vous chrétiens, membres de lERE de Paris, le sel de la terre et la lumière du monde. Le savez-vous ? Le vivez-vous ? Concevez-vous la responsabilité qui incombe de cela, de cette vérité, de cet état de fait ? Ne cherchez pas à vous réfugier derrière votre soi-disant insuffisance ou faiblesse, ou timidité naturelle ; ne cherchez pas un prétexte pour vous dérober à lappel de Dieu, à la vocation de témoin à laquelle le Christ vous appelle. Vous dites : nous verrons cela plus tard ! Nous ne sommes pas si pressés pour accomplir luvre de Dieu ! Demain sera un meilleur temps pour moi ! Et mille autres excuses ! Mais le Seigneur ne pense pas de même ! " Soyez ce que vous êtes, soyez le sel de la terre, de cette humanité souffrante, qui a besoin de vous, de votre témoignage, de la proclamation de lEvangile " ! " Soyez la lumière du monde, car autrement, les ténèbres lemporteront sur la lumière, le mal sur le bien, la haine et la violence qui tues sur lamour et le pardon, la réconciliation, le doute sur la foi " ! Lavenir de lhumanité et du monde repose sur toi, chrétien, sur la qualité de ton témoignage, sur ton exemple de vie, sur ton témoignage chrétien, et ce, quand bien même nous affirmons que Dieu est souverain et conduit toutes choses. Mais Dieu agit à travers nous, chrétien, à travers toi ! Nous sommes co-ouvriers avec Dieu, de sorte que luvre de Dieu ne se fera pas sans nous, sans toi. Notre responsabilité est engagée, car le monde a besoin de nous, le monde sera sauvé par nous, ou plutôt par Dieu, mais à travers nous, chrétiens, qui sommes comme le bras de Dieu, la main de Dieu dans lhistoire et dans le monde. Nous avons, nous chrétiens, un devoir de rayonnement dans le monde. Seulement voilà, le Christ nous met en garde : " Si le sel perd sa saveur, comment redeviendra-t-il du sel ? Il ne vaut plus rien ; on le jette dehors et il est foulé aux pieds par les hommes " ! Et encore : " Une ville située sur une hauteur ne peut pas être cachée. Quand on allume une lampe, ce nest pas pour la mettre sous le boisseau, mais sur un support et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. " Ainsi donc : " Que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour quen voyant vos bonnes actions ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux. " Ainsi, nous avons, nous chrétiens, un devoir de rayonnement dans le monde. Mais si le sel devient fade ! Mais si lEglise oublie sa vocation ! Mais si lEglise met sous le boisseau de ses traditions, de ses institutions la lumière de lEvangile ! Si lEglise accepte de se compromettre avec le monde, dadopter ses modes de penser, ses murs, sans chercher à les remettre en question ! Nous lavons vu il ny a pas si longtemps avec le PACS, et sur bien dautres questions où lEglise est souvent, hélas ! à la traîne de lidéologie laxiste et permissive ambiante. A lEglise de Laodicée, qui sétait laissée emporter par le courant du compromis, Jésus prononce cette condamnation terrifiante : " Je connais tes uvres : tu nes ni froid ni bouillant. Si seulement tu étais froid ou bouillant ! Ainsi, parce que tu es tiède et que tu nes ni froid ni bouillant, je vais te vomir de ma bouche. " (Ap 3.15s) Ce que le Seigneur attend de nous, frères et surs, cest tout autre chose que de la tiédeur ! Mais cest du feu de lEvangile quil nous appelle à être rempli, et du zèle pour le témoignage, de lamour pour lEglise et pour le salut des âmes, cest que lEglise soit vraiment lEglise, conformément à sa vocation. Comme la dit un théologien récent : " les chrétiens nexerceront pas leur influence dans la société en sidentifiant au monde, mais en sen distinguant ", et encore : " Lorsque lEglise est absolument différente du monde, cest alors quinvariablement elle attire du monde et cest ainsi que lEvangile est glorifié. Cest alors que le monde est rendu attentif à son message, bien quau départ il puisse le haïr. " Fin de citation. Lorsque les chrétiens ne se distinguent plus des non-chrétiens, alors ils sont inutiles, comme le sel qui a perdu sa saveur, comme la lampe que lon a mise sous le boisseau. En revanche, cest lorsque lEglise est vraiment lEglise, le peuple de Dieu, dans la fidélité à la Parole de Dieu, que son influence dans le monde est la plus forte, et quelle est alors véritablement sel et lumière.
Et cela nous conduit à notre troisième et dernier point : cette responsabilité de témoignage que Dieu nous confie a deux facettes, être sel de la terre et lumière du monde, ce qui veut dire : empêcher la décomposition du monde dune part, faire rayonner la lumière de lEvangile dans tous les domaines de la vie dautre part. Songez que le sel, dans lAntiquité, et à lépoque de Jésus, " était fort prisé. Le sel et la lumière étaient considérés, à lépoque du NT, comme deux réalités dont personne ne pouvait se passer. " Rien nest plus utile que le sel et la lumière du soleil " écrivait le naturaliste romain Pline. Ainsi lon peut dire, en un sens, que rien nest plus utile au monde que lEglise et les chrétiens ! Les chrétiens constituent une véritable bénédiction pour le monde et pour lhistoire, car sans eux, la vie serait bien fade, sans saveur et sans goût. Il est permis de croire que sans lEglise et les chrétiens, notre société elle-même ne manquerait pas de sombrer rapidement dans le chaos, dans le désespoir le plus sombre, dans le découragement et limmoralité. Vous êtes le sel de la terre ! Le sel, comme vous le savez, a la propriété non seulement de donner de la saveur aux choses, aux aliments, mais aussi de les conserver. Le sel empêche les aliments de se décomposer. Ainsi en est-il de lEglise : les chrétiens font office, dans la société, de " conservateur ", de " désinfectant ", empêchant celle-ci de se décomposer. Comment cela ? En proclamant tout homme le salut de Dieu en Jésus-Christ, qui a tout accompli pour nous, et qui nous ouvre la porte du ciel. En luttant contre les injustices sociales qui, hélas, paralyse bien souvent nos pays occidentaux. En sassurant que les institutions de la famille, de lEglise et de lEtat soient respectées et conformes au dessein de Dieu pour le monde. En sengageant activement dans laide humanitaire, dans la lutte contre tout ce qui porte atteinte à lhonneur de Dieu et à la dignité de lhomme. Par son exemple de vie et par son témoignage, le chrétien manifeste ainsi que Dieu a à cur le bien-être de notre monde, et quil ne veut pas la mort du pécheur, mais bien plutôt quil se repente et quil vive. Mais lEglise et les chrétiens ne sont pas seulement sel, ils sont aussi lumière : vous êtes la lumière du monde ! La lumière, dans la Bible, cest le symbole de la vérité. Voilà pourquoi Jésus dit : " Je suis la lumière du monde " ! Etre la lumière du monde, cest être témoins de la vérité, et donc témoins de Jésus, le Christ, la véritable lumière qui en venant dans le monde éclaire tout homme (Jn 1). La proclamation de lEvangile fait aussi partie des bonnes uvres auxquels lEglise et les chrétiens sont invités à vivre et à mettre en pratique. Engagement social dans la société et proclamation de lEvangile en vue du salut vont de pair et constituent les deux facettes de la responsabilité et de la vocation du chrétien dans ce monde. Ces deux responsabilités, que lon pourrait nommer service diaconal et évangélisation, incombent pareillement à lEglise. Que serait lEglise si elle nétait que sel, ou que lumière ? Que servirait-il de dénoncer le mal ça cest le sel de la Parole de Dieu, de la justice de Dieu, de lEvangile si nous navions rien à proposer à la place ? A quoi bon dénoncer lerreur, à quoi bon dénoncer le péché, si le message de la grâce et du salut gratuit en Christ ne suit pas ? Que servirait-il aux chrétiens de faire dans le social, dans lhumanitaire, si cela nétait pas suivi ou accompagné par la proclamation du règne de Dieu en Christ, par un appel pressent à la conversion, à la repentance et à la foi ? Et pareillement, que servirait-il dannoncer Jésus-Christ, sans remettre en question les structures injustes de notre monde, sans apporter de réponses aux maux dont souffre notre société, sans un engagement actif auprès des plus faibles, des plus démunis, des plus petits ? Mais lEglise et les chrétiens sont à la fois sel et lumière !
Alors que votre lumière brille ainsi devant les hommes, soyez le sel de ce monde, vivez votre vocation de témoin du Christ vainqueur, soyez rayonnant de joie en Christ, et vivez de sa vie, afin que lEvangile apporte la guérison partout où règne la haine, la violence qui tue, lindifférence, linjustice et lerreur. Soyons, chers amis, dans ce monde torturé, et dans cette ville de Paris, la lumière bienfaisante de lEvangile, le sel de la Parole de Dieu, de la Vérité de Dieu, par toute notre vie. Cest en tant quEglise, en tant que communauté vivante et fraternelle que le Seigneur nous confie cette formidable mission, à laube du troisième millénaire. Peu importe le nombre, pourvu que chacun réponde présent à lappel de Dieu. Soyons donc de ceux-là, frères et surs, tout au long des années qui viennent, en attendant le jour ou tout genoux fléchira, toute langue confessera, que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père. Amen ! |