Prédication deuxième dimanche de l’Avent

ERE Paris, dimanche 10 décembre 2000

Pasteur Vincent BRU

 

Lectures : Luc 3.1-6 ; Es 60.1-3 ; Ph 1.3-11

 

Chers frères et sœurs en Christ, c’est aujourd’hui le deuxième dimanche de l’Avent, et nous nous apprêtons à célébrer Noël.

Le texte qui nous est proposé pour aujourd’hui nous rappelle l’importance de vivre ce temps de préparation, ce temps de l’Avent avec tout le sérieux de la foi, le sérieux du message de l’Evangile, le sérieux que contient la joie de Noël, comme aussi le jugement qui vient avec la grâce.

Jean-Baptiste se présente, au seuil de l’Evangile, comme une sentinelle, qui se tient sur le pas de la porte, tout inondé de la joie du Royaume dont la manifestation est désormais imminente.

Il récapitule dans sa personne, tout l’Ancien Testament, le temps de la promesse et de l’attente, comme le souligne la citation du prophète Esaïe :

4  C'est la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, Rendez droits ses sentiers.

5  Toute vallée sera comblée, Toute montagne et toute colline seront abaissées, Les passages tortueux deviendront droits, Et les chemins raboteux seront nivelés,

6  Et toute chair verra le salut de Dieu.

Au moment où nous nous préparons à vivre la joie de Noël, ce message de Jean-Baptiste nous interpelle, en nous rappelant la juste attitude qu’il convient d’avoir dans cette préparation et dans cette attente, et en nous recentrant sur l’essentiel.

Tant de choses encombrent notre existence, tant d’obligations, de contraintes, de projets aussi, qui souvent nous emprisonnent.

Nous vivons trop souvent comme si toute notre vie se réduisait à l’instant présent, au monde présent, au jour d’aujourd’hui, et nous nous satisfaisons si facilement de cela.

Nous nous installons dans le quotidien, dans nos habitudes, notre vie familiale et professionnelle, nos loisirs comme dans un nid douillé, et nous ne prenons plus vraiment le temps de la réflexion, le temps de l’écoute, le temps de la remise en question.

Et ce faisant, nous passons à côté de ce qui fait notre vraie raison d’être, notre vocation en ce monde.

Nous négligeons l’essentiel, qui devrait être l’objet de notre préoccupation première, et nous nous consacrons tout entier à l’éphémère, l’illusoire, la vanité !

Nous recherchons la gloire qui vient des hommes, la richesse, la célébrité, et nous oublions que l’essentiel de la vie, ce qui fait sa valeur et son sens même, est ailleurs, dans le don de soi et dans la rencontre avec Dieu, comme aussi dans celle de son prochain.

Le message de Jean-Baptiste nous bouscule dans nos habitudes, il ébranle les colonnes de nos fausses sécurités, il nous empêche de nous reposer sur le matelas trompeur de nos illusions.

« Préparez le chemin du Seigneur, Rendez droits ses sentiers » !

Le message de Jean-Baptiste, pour mieux nous préparer à la joie de Noël, entend éveiller notre conscience sur le nécessaire changement de vie qu’appelle la venue de Dieu au sein de notre humanité.

L’annonce de l’Evangile et de l’amour de Dieu pour nous ne va pas sans celle des exigences de sa justice et de sa Loi.

L’annonce de la grâce et du salut ne se fait pas sans celle du jugement !

La grâce de Dieu passe aussi à travers son jugement.

C’est précisément dans cette prise de conscience de cette double réalité de la grâce et du jugement de Dieu, de l’Evangile et de la Loi, de ce que Dieu dans sa grâce à fait pour nous comme aussi de ce qu’il attend de nous dans sa justice que la prédication de Jean-Baptiste nous interpelle.

La grâce de Dieu manifestée à Noël n’est pas une grâce au rabais, une grâce à bon marché, qui n’attendrait absolument rien de nous, et qui ne lui coûterait rien.

La grâce de Dieu a coûté à Dieu le prix inestimable de son Fils, mort et ressuscité pour nous ; en réponse à cet amour, c’est à l’obéissance de la foi et au don de nous-mêmes que cette grâce nous invite, comme aussi à l’acceptation du jugement que Dieu porte sur le monde et sur nous-mêmes.

La joie de Noël, qui de la crèche renvoie à la croix, se conjugue au jugement de Dieu sur tout ce qui, en nous, et à l’extérieur de nous, nous emprisonne, et nous sépare de Lui, et sur le nécessaire changement de vie et de comportement qui en résulte.

L’entrée dans la joie de Noël passe par la conversion et par un bouleversement total de notre pensée et de notre conduite.

L’accès à la grâce passe par la salutaire reconnaissance de notre aliénation, de nos enfermements, de notre culpabilité et de notre misère.

Voilà bien ce qui est signifié dans cette parole prophétique :

« Préparez le chemin du Seigneur » !

Préparez le chemin du Seigneur, c’est peut-être d’abord accepter de s’arrêter un moment dans le tumulte de notre vie, pour prendre le temps du questionnement.

Accepter de se laisser remettre en question, par cette Parole qui vient de Dieu, cette Parole de Dieu, qui vient à notre rencontre, pour nous révéler véritablement à nous-mêmes, pour nous permettre de nous mieux connaître, et de mettre de l’ordre dans notre vie.

Refuser de nous engluer dans nos habitudes, dans ces chemins balisés qu’ouvre notre société devant nous, et qui ne sont bien souvent en réalité que des cercles vicieux dans lesquels on s’enferme sans même s’en rendre compte !

Refuser l’aliénation, l’asservissement de notre pensée, de notre vie, de notre spiritualité même aux modes de pensée de ce monde, marqué par le péché, l’incrédulité.

Rm 12.2  Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l'intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu: ce qui est bon, agréable et parfait.

Préparer le chemin du Seigneur, se préparer à vivre le temps de Noël, la venue de Dieu au sein même de notre humanité souffrante, c’est peut-être d’abord se préparer soi-même à la rencontre du Seigneur, en renonçant à nous-mêmes pour mieux nous attacher à Lui !

C’est accepter d’entrer dans son chemin à Lui, plutôt que de suivre sa propre voie !

C’est renoncer aussi à l’illusion de l’autonomie fugueuse, celle du fils prodigue !

C’est accepter de s’en remettre entièrement à Dieu et à sa grâce, sans plus compter sur ses propres moyens, ses propres forces, sa propre justice.

C’est refuser la tentation du compromis et de la parole mensongère, de la demi-mesure, de la fausse religiosité, de l’hypocrisie religieuse et de la tiédeur spirituelle.

Préparer le chemin du Seigneur, c’est tout simplement préparer son cœur à la réception de la grâce qui vient d’en haut, et qui fait de nous de nouvelles créatures.

C’est venir à Dieu les mains vides, pour recevoir simplement la grâce du pardon, et entrer dans sa joie.

Noël, c’est le cadeau de Dieu aux hommes, le plus beau cadeau que l’on puisse imaginer : c’est cela, la grâce !

Comment donc pourrions-nous mieux nous préparer à recevoir ce merveilleux cadeau, sinon en reconnaissant notre misère, et le besoin que nous avons de cette grâce, en suivant l’appel solennel du prophète à la conversion et à une vraie et sincère repentance ?

5  Toute vallée sera comblée, Toute montagne et toute colline seront abaissées, Les passages tortueux deviendront droits, Et les chemins raboteux seront nivelés.

6  Et toute chair verra le salut de Dieu.

Ce à quoi la prédication de Jean-Baptiste nous invite, c’est bien à l’abaissement volontaire de notre moi, de notre l’orgueil.

Devant l’enfant de la Crèche, toutes les bassesses et autres chemins tortueux de la vie, le refus de Dieu et de sa Loi, toute fausse confiance et sécurité mensongère, tout désir de s’élever orgueilleusement soi-même doivent être anéantis.

L’ouverture à la grâce passe par ce nécessaire abaissement volontaire, libre et joyeux de soi-même.

Il est là, aussi, le sens de Noël.

Le Cantique de Marie l’exprime fort bien :

Lc 1.51  Il a déployé la force de son bras ; Il a dispersé ceux qui avaient dans le cœur des pensées orgueilleuses,

52  Il a fait descendre les puissants de leurs trônes, Élevé les humbles,

53  Rassasié de biens les affamés, Renvoyé à vide les riches.

Noël, c’est le renversement des valeurs opéré par Dieu, c’est l’inattendu de l’Evangile qui vient bousculer nos petites habitudes, nos conceptions erronées de la vie, notre fausse échelle de valeurs.

« Il a fait descendre les puissants de leurs trônes, Élevé les humbles » !

A Noël, Dieu vient redresser ce qui est tordu dans sa création, il vient remettre les choses à l’endroit, conformément à ce qui n’aurait jamais dû cesser d’être, si seulement les hommes l’avaient écouté !

A Noël, Dieu pointe du doigt les puissants de ce monde et il les fait descendre de leur trône, tous ceux qui s’élèvent contre Lui et qui n’ont d’autre ambition ici-bas que d’asseoir leur pouvoir, leur célébrité, leur gloire, et ce, au-dépend des plus petits, des plus nécessiteux de ce monde.

Il abat l’orgueil des méchants, de ceux qui se croient riches et bien portants, tandis qu’ils ne savent pas qu’ils sont, en réalité, misérables, aveugles et nus, tous ceux qui s’élèvent orgueilleusement contre Dieu et qui pensent pouvoir jouir en toute impunité de leurs pouvoirs et de leurs privilèges sur ceux qu’ils tyrannisent !

Avec la grâce qu’il proclame aux humbles, Noël, ne l’oublions pas, est aussi une parole terrifiante de jugement contre toutes les forces du mal, les puissances obscures de ce monde.

Ainsi donc, le message de Jean-Baptiste nous appelle à nous ouvrir à l’autre, au prochain !

Noël est ouverture à l’autre, à la générosité, au don désintéressé de soi-même, à l’amour.

C’est là le chemin d’une authentique libération, qui à l’instar du Christ, l’enfant de la crèche, passe par l’abaissement volontaire, l’humilité.

C’est le chemin de la Croix, qui précède la résurrection, la gloire qui vient d’en haut !

Tel est le chemin qui s’ouvre devant nous à Noël, et qui n’est certes pas le plus large !

C’est un chemin étroit, qui  ne s’offre pas au premier regard, mais qui nécessite toute notre attention, et qui ne se donne à connaître que dans la foi.

Mais c’est le chemin de la Vie, la vraie vie, la vie qui vient de Dieu, et qui nous sauve vraiment.

La vie authentique, qui consiste davantage à donner qu’à recevoir, à aimer qu’à être aimé, et à saisir par la foi les promesses de grâce et de salut que Dieu fait à quiconque croit.

C’est là porter des fruits dignes de la repentance, comme nous y invite aussi l’apôtre Paul dans son Epître aux Philippiens que nous avons lue :

Ph 1.10  qu'ainsi vous sachiez apprécier ce qui est important, afin d'être sincères et irréprochables pour le jour de Christ,

11  remplis du fruit de justice (qui vient) par Jésus-Christ, à la gloire et à la louange de Dieu.

Voilà bien ce à quoi l’Evangile de Noël nous invite d’abord !

L’Evangile de Noël nous invite à faire du Seigneur notre grande préoccupation, notre préoccupation première, en faisant passer au second plan tout le reste, et en portant du fruit à sa gloire.

Je voudrais ce matin que vous vous interrogiez vraiment, au moment où nous nous apprêtons chacun à célébrer Noël, sur votre propre situation en face de ce vibrant appel de Jean-Baptiste.

Dans quelle mesure votre vie reflète-t-elle vraiment l’idéal de justice, d’amour et de sagesse qui nous est présenté ici ?

Que ce temps de l’Avent soit pour vous l’occasion de faire le point, et de vous préparer à la rencontre de Dieu, qui à Noël, est venu jusqu’à nous afin de nous racheter et de nous ramener à la vie.

A lui la gloire, dans tous les siècles.

Amen !