Prédication
sur Ephésiens N° 6 Chap.
I, versets 11-12 ERE de Paris Dimanche 7 novembre 1999 Pasteur Vincent BRU Ex
19.1-8 ; 1 P 2.9-10 12
En lui, nous avons aussi été mis à part, prédestinés selon
le plan de celui qui opère tout selon la décision de sa volonté, 13
afin que nous servions à célébrer sa gloire, nous qui
d’avance avons espéré en Christ. ______________________ 11
En lui, nous avons aussi été mis à part (eklerôthemen, litt.
« tirés au sort »), prédestinés selon le plan de celui
qui opère tout selon la décision de sa volonté… L’Apôtre poursuit ici sa méditation sur le mystère de la volonté de Dieu, sur son dessein bienveillant qui est de « réunir sous un seul chef, le Christ, tout ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre. » (v. 10) Et ce faisant, il introduit un thème nouveau, qui est celui de l’héritage (klêros) : en Christ, nous avons été « mis à part », ou comme le traduit la TOB : « nous avons reçu notre part (ou notre héritage) », ou encore la Bible Darby : « en lui, nous avons aussi été faits héritiers ». Le
verbe grec rendu par ces différentes traductions, signifie littéralement
« tiré au sort », « désigné par le sort » en
vue de l’obtention d’un lot, d’un héritage. Le verset peut donc être compris de deux façons différentes : soit le lot, l’héritage est celui de Dieu, soit il est celui du chrétien, de l’Eglise. Autrement
dit le propos de l’Apôtre est soit de nous dire que nous avons été
« désignés » ou « mis à part » par Dieu pour
être son héritage, son bien propre (c’est là la traduction de la
Bible à la Colombe et de la Bible de Jérusalem), ou bien, son propos
est de nous dire qu’en Christ, nous avons, nous chrétiens, reçu
notre lot, notre héritage, c’est-à-dire le salut, le pardon des péchés,
l’adoption, la rédemption (TOB, Bible en Français Courant). Si
cette dernière interprétation, qui est notamment celle de la TOB et de
la Bible en Français Courant, ne manque pas d’intérêt ni de
justification dans d’autres passages de la Bible, où il est aussi
question de notre héritage en Christ (Col 1.12 ; 1.18 ; Ac
26.18 ; Nb 18.20 ; etc.), il apparaît que la première façon
de comprendre ce verset 11 est la plus vraisemblable, dans le contexte
des versets 3 à 14. L’Apôtre
Paul, en effet, nous fait part dans notre texte de l’initiative de
Dieu dans notre salut : il nous a élus avant la fondation du
monde, il nous a prédestiné en Christ à être ses enfants
d’adoption, selon le bon plaisir de sa volonté. Au
verset 14 il est de-même fait mention de la rédemption de ceux que
Dieu s'est acquis (peripoiêseôs) pour célébrer sa gloire. Le
mot grec rendu par l’expression « ceux que Dieu s’est acquis »
signifie littéralement « possession » ou « acquisition ». L’Eglise
est l’acquisition de Dieu, sa possession, son bien propre. Ce
même mot se retrouve fréquemment dans la version grecque de l’AT, la
Septante, pour désigner Israël. Ex
19.5 Maintenant, si vous écoutez
ma voix et si vous gardez mon alliance, vous m'appartiendrez en propre
entre tous les peuples, car toute la terre est à moi. Dt
7.6 Car tu es un peuple
saint pour l'Éternel ton Dieu; l'Éternel, ton Dieu, t'a choisi pour
que tu sois un peuple qui lui appartienne en propre parmi tous les
peuples qui sont à la surface de la terre. (Cf. Dt 14.2 ; 26.18 ;
Es 43.21 ; etc.) C’est
ainsi que, dans l’AT, le peuple d’Israël est dépeint comme la part
que Dieu s’est acquise, pour devenir son bien propre, son lot (klêros),
son héritage. Dt
32.9 Car le partage de l'Éternel,
c'est son peuple, Jacob est sa part d'héritage. Ex
34.9 Tu pardonneras notre
faute et notre péché, et tu nous prendras pour héritage. Ps
33.12 Heureuse la nation
dont l'Éternel est le Dieu! (Heureux) le peuple qu'il a choisi pour son
héritage ! (Voir de-même Dt 4.20 ; 9.29 ; 1 R 8.51 ; Ps
106.40 ; Jr 10.16 ; Za 2.12 ; etc.) Dans
le NT, l’Eglise est considérée de-même comme la possession de Dieu,
le peuple que Dieu s’est acquis. Ac
20:28 Prenez donc garde à
vous-mêmes et à tout le troupeau au sein duquel le Saint-Esprit vous a
établis évêques, pour faire paître l'Église de Dieu qu'il s'est
acquise par son propre sang. Ou
encore, un autre texte fondamental : 1
P 2.9 Vous, par contre,
vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un
peuple racheté, afin d'annoncer les vertus de celui qui vous a appelés
des ténèbres à son admirable lumière… L’Eglise,
donc, est le lot de Dieu, son héritage. L’Eglise
est le « peuple racheté » de Dieu, de sorte que nous lui
appartenons vraiment, nous sommes « le peuple dont il est le
Berger, le troupeau que sa main conduit ». Dans
ce contexte, il convient donc d’interpréter notre verset 11 comme
suit : « En lui (le Christ, qui a versé son sang pour nous
racheter) nous avons été choisis comme son lot, son héritage, nous
avons été mis à part par Dieu pour lui appartenir en propre, pour être
sa possession, son bien propre ». Il
y a là, frère et sœurs, une profonde vérité, une vérité propre à
nourrir notre foi et notre espérance. Considérez
un instant ce Dieu auquel vous appartenez en propre, et dont notre texte
nous dit qu’il nous a mis à part pour lui, qu’il nous a désigné
pour être son héritage, sa possession. Il
y a là, incontestablement, un immense privilège pour nous, privilège
pour lequel nous ne serons jamais assez reconnaissant envers Dieu. L’Eglise
est la propriété de Dieu ! C’est
là le message fondamental de l’Apôtre Paul dans notre Epître. L’Eglise
est la nouvelle humanité, la nouvelle société qui se définie par sa relation
d’alliance avec le Père, avec Dieu, en Christ. Il existe entre l’Eglise et le Dieu créateur et sauveur une relation d’alliance, c’est-à-dire une relation d’appartenance réciproque qui est exprimée dans la Bible par cette formule mainte fois répétées : « Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple » ! (Ex 6.7 ; Jér 11.4 ; Ez 36.28 ; Ap 21.7 ; etc.) « Je
serai votre Dieu et vous serez mon peuple » ! En
Jésus-Christ, le Dieu créateur et sauveur, le seul vrai Dieu est
devenu véritablement « notre Dieu », mieux, il est « notre
Père », notre « Papa » dans le ciel (Rm 8). Et
nous sommes à lui ! L’image
qui convient ici, pour rendre compte de cette belle réalité, est celle
de l’amour filial : l’amour qui existe entre un père et son
enfant, ou encore de l’amour conjugal, entre un homme et une femme,
comme il est écrit : « Maris aimez vos femmes, comme Christ
a aimé l’Eglise, et s’est donné lui-même pour elle » !
(Ep 5.25) Cela
étant dit, il convient de se poser deux questions. D’abord,
comment sommes-nous devenus le peuple de Dieu ? Ensuite,
pourquoi Dieu a-t-il fait de nous son peuple ? A
la première question Paul répond : par sa volonté ; et à
la seconde : pour sa gloire. Premier
point, donc : le peuple de Dieu existe par la volonté de Dieu. 11
En lui, nous avons aussi été mis à part, prédestinés selon
le plan de celui qui opère tout selon la décision de sa volonté… Déjà
au verset 5 il est dit que Dieu nous « a prédestinés par Jésus-Christ
à être adoptés, selon le dessein bienveillant de sa volonté »,
et au verset 9 : « Il nous a fait connaître le mystère de
sa volonté, le dessein bienveillant qu'il s'était proposé en lui ». A
trois reprises, donc, il est question dans notre texte du « bon
plaisir » de Dieu, de son « dessein bienveillant », de
sa volonté, et ce, en rapport avec notre élection au salut. Il
s’ensuit par conséquent que l’intention de Paul est de nous montrer
que nous ne devons notre incorporation au peuple de Dieu qu’à
l’initiative de Dieu. Notre
incorporation au peuple de Dieu ne doit rien au hasard ni à un libre
choix que nous aurions pu faire, mais parce que Dieu l’a voulu et
l’a jugé bon. Nous
ne devons notre conversion et notre salut, notre appartenance à l’Eglise
qu’à la volonté souveraine de Dieu, de sorte qu’il s’agit là véritablement
d’une grâce, d’un don, d’un cadeau. Le
peuple de Dieu ne doit son existence qu’à la volonté de Dieu, comme
il est dit dans le Livre des Actes : Ac
2. 47 Et le Seigneur
ajoutait chaque jour à l'Église ceux qui étaient sauvés. C’est
le Seigneur qui, par le moyen de la prédication de l’Evangile,
constitue son peuple, et qui ajoute chaque jour à l’Eglise ceux
qu’il appelle efficacement à la foi et à la repentance. Considérez
frères et sœurs ce que cela signifie concrètement pour nous
aujourd’hui. Il
nous semble parfois que nous sommes bien peu nombreux à vivre, en cette
fin de 20ème siècle, la réalité de l’Evangile. Nous
avons le sentiment d’être le « reste » fidèle, et comme
Elie au mont Carmel nous sommes tentés de nous décourager et de dire :
« Je suis resté moi seul prophète de l'Éternel, et il y a
quatre cent cinquante prophètes de Baal » (1 R 18.22). Ce
sentiment est légitime, d’autant qu’il correspond, hélas, à la
triste réalité de notre société qui semble bien avoir définitivement
tourné le dos à l’Eglise et à l’Evangile. Seulement
voilà, l’Apôtre Paul nous invite à ne pas nous arrêter aux
apparences trompeuses de ce monde, mais à regarder plus haut, et avec
le recul de la foi, à discerner la main de Dieu dans l’Histoire,
cette main qui conduit toutes choses selon sa volonté. En
face de l’incrédulité de notre monde, et de la prétention
orgueilleuse de l’homme qui prétend être la mesure de toutes choses,
nous voulons affirmer : Dieu est souverain ! Lui
seul tient les reines de ce monde. Il
est véritablement le Seigneur du ciel et de la terre. Peu
importe, donc, le petit nombre. Dieu ne suit pas forcément la même
arithmétique que nous. Et
si Dieu avait choisi de sauver le monde par quelques-uns ? De
petites semences sortent de grands arbres parfois. Rappelez-vous
la parabole. Mt
13.31 Le royaume des cieux
est semblable à un grain de moutarde qu'un homme a pris et semé dans
son champ. 32
C'est la plus petite de toutes les semences; mais, quand elle a
poussé, elle est plus grande que les plantes potagères et devient un
arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent habiter dans ses
branches. Nous
sommes en droit, donc, de croire et d’espérer à un retournement
possible de situation, à un changement de cap de l’histoire, à un
retour ferme et résolu de notre pays et de l’occident en général à
l’Evangile, à Jésus-Christ. Nous
sommes en droit d’espérer que Dieu a encore un peuple nombreux sur
cette terre, et dans cette ville de Paris, et que demain peut-être
accourra vers nous cette foule nombreuse qui se perd dans la nuit, cette
foule qui a perdu tout
espoir de trouver un sens à la vie. Nous
devons croire que Dieu n’a pas dit son dernier mot, et que bien des
choses peuvent se passer d’ici le retour de Jésus-Christ. Dieu
n’a pas fini d’ajouter chaque jour à l’Eglise ceux qui sont sauvés ;
c’est lui qui construit son peuple, et en un certain sens nous
n’avons rien d’autre à faire que de semer la parole de l’Evangile,
en rendant témoignage à Jésus-Christ. Pour
le reste, c’est Dieu qui fait croître, et il sait ce qu’il fait. Nous
pouvons donc reposer en paix, en nous attendant vraiment à Dieu, dont
la volonté de salut ne saurait, en aucune manière, être mise en échec. Nous
pouvons nous attendre à Dieu parce que le peuple de Dieu, l’Eglise
existe par la volonté de Dieu. Après
avoir répondu au comment nous sommes devenus le peuple de Dieu,
examinons maintenant le pourquoi : dans quel but le Seigneur
a-t-il fait de nous son peuple ? A
cela l’Apôtre Paul répond, v. 12 : afin que nous
servions à célébrer sa gloire. Déjà, au verset 5 et 6 il est dit que Dieu nous a prédestinés à être adoptés afin que nous servions à célébrer la gloire de sa grâce. Au
verset 14, l’Apôtre dit de-même qu’un jour Dieu rachètera
finalement le peuple qui lui appartient pour célébrer sa gloire. A
trois reprises, donc, cette même expression apparaît, et cela n’est
pas anodin. Vous
n’êtes pas sans savoir, en effet, que pour la Bible, l’homme est
appelé à vivre toute sa vie pour la gloire de Dieu. L’homme
a été créé pour Dieu, de sorte que glorifier Dieu par une vie qui
soit vraiment selon son cœur et selon sa volonté, ne constitue rien
moins que la raison d’être de l’homme. C’est
ainsi que le Catéchisme de Westminster répond à la question :
quel est le but principal de la vie de l’homme ? Réponse :
c’est de glorifier Dieu et de trouver en lui son bonheur éternel. Vous
comprendrez aisément qu’une telle conception s’oppose violemment à
l’égocentrisme de l’homme moderne, de l’homme pécheur. Le
péché consiste précisément à rechercher sa propre gloire, et ce, au
dépend de celle de Dieu. La
nouvelle société, la nouvelle humanité de Dieu a de toutes autres
valeurs, car elle est le peuple de Dieu, la propriété de Dieu qui vit
par la volonté de Dieu et pour sa gloire. Tandis
que le monde, dans sa révolte contre Dieu, recherche sa propre gloire,
le chrétien, lui, n’a d’autre préoccupation ici-bas que de faire
la volonté du Seigneur, en recherchant son honneur avant tout. C’est
là la devise de la Réforme : « Soli Deo Gloria » !
A Dieu seul la Gloire ! Dieu
d’abord ! Dieu avant tout ! Dieu au-dessus de tout ! Comme
le dit Calvin : « Que nous soyons tous résolus que son
honneur mérite d’être préféré à toutes choses, voire à notre
vie même » ! Alors
posons-nous la question ce matin dans quelle mesure notre vie est véritablement
« à la louange de sa gloire » ? Dans
quelle mesure vivons-nous vraiment avec comme préoccupation première
le fait d’honorer Dieu dans chacun de nos actes, chacune de nos
paroles, chacune de nos pensées. Voilà
bien, en tous cas, ce à quoi notre texte nous invite. Sachons
donc nous montrer digne de la vocation que le Seigneur nous a adressée,
nous son peuple, jusqu’à ce qu’il vienne. Amen !
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