Prédication sur Ephésiens N° 3

 Ep 1.5

ERE de Paris

Dimanche 9 octobre 1999

Pasteur Vincent BRU

 Mt 5.43-48 ; Rm 8.14-17

 

 

4  … Dans son amour, 5  il nous a prédestinés par Jésus-Christ à être adoptés, selon le dessein bienveillant de sa volonté…

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« Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ. En lui, Dieu nous a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints et sans défaut devant lui. »

« En lui, Dieu nous a élus » !

Comment mieux exprimer autrement la réalité de la bénédiction de Dieu en Christ qu’il a déployé abondamment sur nous ?

Par ces mots, l’Apôtre Paul entend résumer tout le contenu de notre salut.

La bénédiction de Dieu sur nous trouve son expression la plus complète et la plus achevée dans le mystère de l’élection, qui fait de l’Eglise, dont nous sommes membres chacun, le peuple bien-aimé de Dieu, son précieux héritage, sa possession.

L’Eglise est le peuple élu de Dieu ! Nous sommes le peuple que Dieu s’est choisi, et qu’il a élu de toute éternité, avant même la création du monde, alors qu’aucun de nous présentement n’existait.

Il nous a élus !

Il y a là, vraiment, une bonne nouvelle pour nous qui croyons, et qui avons placé toute notre confiance et toute notre espérance en Christ.

Rien ne saurait nous ravir davantage que cette vérité de notre élection en Christ.

Rien ne devrait nous remplir davantage de joie que le simple fait d’appartenir à Jésus-Christ, d’être unis à lui, dans la vie comme dans la mort.

Comme le dit le Catéchisme de Heidelberg, dans sa première question : « Quelle est ton unique assurance dans la vie comme dans la mort ? Mon unique assurance, c’est que dans la vie comme dans la mort j’appartiens, corps et âme, non pas à moi-même, mais à Jésus-Christ, mon fidèle sauveur. »

Est-ce bien là, frères et sœurs, votre sujet principal de joie ?

Concevez-vous la grandeur et l’étonnante beauté de l’œuvre de Dieu en Christ, manifestation suprême de son amour de Père pour les hommes et pour sa création ?

Concevez-vous que si vous êtes ici ce matin, dans cette église, c’est que c’est Dieu lui-même qui a mis tout en œuvre pour vous emmener au salut et à la foi en Jésus-Christ ?

Il vous a élus !

Vous avez été, que vous le sachiez ou non, que vous en ayez conscience ou non, l’objet d’un choix miséricordieux de la part de Dieu, en Christ, dès avant la fondation du monde, et ce choix n’a, en définitive, été motivé que par son amour de Père.

Non pas en vertu de vos bonnes œuvres, non pas en vertu de quelque mérite que Dieu aurait trouvés en vous, non pas même que vous ayez vous-mêmes un jour pris la décision de suivre Jésus-Christ, comme par un mouvement naturel de votre cœur, mais c’est que Dieu vous a précédé ! Dieu a pris l’initiative de votre salut, avant même que vous puissiez en avoir conscience. Il vous a élus !

Comment cela, me direz-vous peut-être ?

Je lis au verset 5 : « Dans son amour, 5  il nous a prédestinés par Jésus-Christ à être adoptés, selon le dessein bienveillant de sa volonté, 6  pour célébrer la gloire de sa grâce qu'il nous a accordée en son bien-aimé. »

« Il nous a prédestinés par Jésus-Christ » !

Le mot utilisé ici renforce l’énoncé du verset 4 où – nous l’avons vu dimanche dernier – il est question de notre élection en Christ.

Il nous a prédestinés !

Qu’est-ce que cela signifie exactement ?

Il est un fait que, dans la Bible, il est plus souvent question d’ « élection » que de «  prédestination ».

Le terme « prédestination » (proorisas) se retrouve néanmoins dans des textes-clé de la Bible. Je cite :

Actes 4.27s : « En effet, contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate se sont ligués dans cette ville avec les nations et avec les peuples d'Israël, 28  pour faire tout ce que ta main et ton conseil avaient arrêté d'avance (ou prédestinée). »

Notez qu’ici, dans ce verset, la prédestination renvoie au conseil éternel de Dieu, à sa main qui avait tout déterminé, ou arrêté d’avance, de sorte qu’il est dit que tous ceux qui se sont liguer contre Jésus n’ont fait, en réalité, que de réaliser le dessein de Dieu, le plan de Dieu, sans rien ôter pour autant de leur responsabilité et à leur réelle culpabilité.

C’est ainsi que Dieu accomplit ses desseins bienveillants envers nous, en se servant, parfois, des actions coupables des hommes, comme nous l’apprend aussi le Livre de Job.

Rien n’échappe à la souveraineté de Dieu, pas même le diable et les démons.

La prédestination, ou encore la providence de Dieu, comme on peut aussi la nommer, concerne chaque évènement de nos vies, et de la vie du monde : c’est elle, et elle seule, qui donne une orientation à l’Histoire, en accomplissant « tout ce que ta main et ton conseil avaient déterminé d’avance » !

Comme le dit le Catéchisme de Heidelberg, à la question : Qu'entends-tu par la providence de Dieu ?

La force toute-puissante et partout présente de Dieu par laquelle il maintient et conduit, comme par la main, le ciel et la terre avec toutes les créatures, de sorte que les herbes et les plantes, la pluie et la sécheresse, les années de fertilité et celles de stérilité, le manger et le boire, la santé et la maladie, la richesse et la pauvreté, bref toutes choses ne nous viennent pas du hasard mais de sa main paternelle.

Je citerai encore trois autres textes où Paul utilise le terme de « prédestination ».

1 Co 2.7 : « Cependant, c'est une sagesse que nous prêchons parmi les parfaits, sagesse qui n'est pas de ce siècle, ni des princes de ce siècle, qui vont être réduits à l'impuissance; 7  nous prêchons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, que Dieu avait prédestinée avant les siècles, pour notre gloire ».

La sagesse dont il est ici question, vous l’aurez compris, n’est autre que l’Evangile, que Dieu avait prédestiné d’avance, et dont le contenu n’est autre que Jésus-Christ.

Rm 8.29s : « Car ceux qu'il a connus d'avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l'image de son Fils, afin que son Fils fût le premier-né entre plusieurs frères. 30  Et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés; et ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés. »

Notez que la prédestination s’accompagne dans ce texte de la pré-connaissance de Dieu, ou prescience : « il nous a connu d’avance », et s’accompli dans ce que la théologie traditionnelle désigne comme l’ordre du salut, et qui est signifié ici par la triple expressions : il nous a « appelés », « justifiés » et « glorifiés » !

Et enfin au verset 11 du premier chapitre aux Ephésiens nous lisons : « En lui, nous avons aussi été mis à part, prédestinés selon le plan de celui qui opère tout selon la décision de sa volonté ».

Ces quelques textes suffisent pour nous éclairer sur cette mystérieuse réalité dont l’Apôtre nous fait part, et pour laquelle il bénit Dieu.

Au-delà de toutes les spéculations qui ont pu voir le jour dans l’histoire de l’Eglise autour de la doctrine de la prédestination, qu’il nous suffise pour l’heure de tenir pour ferme la vérité biblique selon laquelle notre salut est entièrement l’œuvre de Dieu, de sorte que nous ne pouvons pas faire valoir quoi que ce soit à ses yeux pour nous justifier devant Lui, sinon le simple fait d’avoir été l’objet de son élection gratuite et inconditionnelle.

La prédestination indique en effet d’abord l’initiative absolue de Dieu qui écarte toute idée d’auto-justification.

Comme le dit Calvin dans son Commentaire : « En ce mot prédestiné, il nous faut à nouveau noter l’ordre : nous n’étions point encore alors ; il n’y avait donc aucun mérite qui fût nôtre. C’est pourquoi, conclue-t-il, la cause de notre salut est procédée de Dieu seul, et non point de nous ».

Et il poursuit en disant : « Dieu n’a point cherché la cause (de notre salut) hors de soi, mais nous a prédestinés parce qu’il l’a voulu ainsi » !

Je voudrai ce matin que vous soyez tous convaincus de ce point que vous ne devez à rien d’autre qu’à la volonté et au bon plaisir de Dieu même, la réalité de votre salut.

Comme l’affirme l’Apôtre Paul : « Dans son amour, 5  il nous a prédestinés par Jésus-Christ à être adoptés, selon le dessein bienveillant de sa volonté ».

La Bible de Jérusalem traduit plus justement cette dernière expression : « Tel fut le bon plaisir de sa volonté ».

Notre prédestination au salut en Christ n’a d’autre motif que l’amour de Dieu qui s’exprime dans sa « bienveillance », ou dans son « bon plaisir » (eudokia en grec).

Car, enfin, le bon plaisir de Dieu, c’est sa volonté toute juste et toute bonne, c’est sa bienveillance qui s’exprime dans chacun de ses actes, dans chacun de ses décrets, de ses desseins.

C’est par amour que Dieu nous a sauvés.

Il n’y a pas d’autre justification au choix de Dieu, à l’élection de Dieu.

Encore une fois : « la cause de notre salut est procédé de Dieu seul, et non de nous » !

Vu que c’est selon son « bon plaisir » que Dieu a fait de nous ses enfants, qu’il nous a adopté par Jésus-Christ.

Je cite encore Calvin : « C’est pourquoi quand le Seigneur nous adopte, il ne regarde point quels nous sommes, et ne se réconcilie point avec nous en raison d’aucune dignité de notre personne ; mais il n’a aucune autre cause de le faire que son bon plaisir éternel par lequel il nous a prédestinés. »

Il y a là, frères et sœurs, largement de quoi nourrir notre prière et notre adoration.

 

Un autre concept-clé de l’Epître, sur lequel l’Apôtre Paul veut attirer notre attention, et qui a trait à notre salut, c’est celui d’adoption.

« Dans son amour, 5  il nous a prédestinés par Jésus-Christ à être adoptés, selon le dessein bienveillant de sa volonté ».

Ou comme le rend la TOB : « Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs par Jésus Christ ».

Ce que vise notre élection, ou prédestination, n’est autre que notre adoption.

L’élection a en vue l’adoption, c’est-à-dire le fait de devenir « enfants de Dieu » vraiment, dans une communion retrouvée avec le Père.

Le NT est riche en enseignement sur cette réalité.

C’est ainsi qu’en Jean 1.12 nous lisons : « Mais à tous ceux qui l'ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu,13 lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu. »

De même, en 1 Jn 3.1 nous lisons : « Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu ! Et nous le sommes. »

Deux autres textes du NT méritent plus particulièrement notre attention, tous deux étant de la plume de l’Apôtre Paul.

Ga. 4.4-7 : « Mais lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils, né d'une femme, né sous la loi, 5  afin de racheter ceux qui étaient sous la loi, pour que nous recevions l'adoption. 6  Et parce que vous êtes des fils, Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son Fils, qui crie: Abba! Père! 7  Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils; et si tu es fils, tu es aussi héritier, grâce à Dieu. »

Rm 8.15ss : « Et vous n'avez pas reçu un esprit de servitude, pour être encore dans la crainte, mais vous avez reçu un Esprit d'adoption, par lequel nous crions: Abba! Père! 16  L'Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. 17 Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers: héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d'être aussi glorifiés avec lui. »

Trois vérités sont exprimées ici.

La première, c’est que nous ne pouvons nous approcher de Dieu comme Père que par Jésus-Christ, et qu’en vertu de son œuvre de rédemption.

En dehors de Jésus-Christ, Dieu est toujours en colère contre nous, de sorte que nous ne pouvons nous approcher de Lui par nos propres moyens.

Voilà pourquoi l’Apôtre dit que Dieu nous a adoptés « par Jésus-Christ ».

Il s’ensuit donc, et c’est là la deuxième vérité qui découle de la première, que l’adoption n’est pas le privilège de tous les hommes, mais seulement des croyants, de ceux que Dieu a élus, et qui, de ce fait, ont placé leur confiance en Christ.

Bibliquement, Dieu n’est le Père que de ceux dont le Fils, c’est-à-dire Jésus-Christ est le Sauveur, ou plutôt que de ceux qui ont reconnu dans le Fils le Sauveur du monde.

Pour que Dieu soit notre Père, il importe que le Fils soit notre « frère », et il ne le devient que par la foi.

J’insiste. S’il est vrai que Dieu est le Créateur et le Juge de tous les hommes, il demeure que, pour la Bible, Il n’est le Père que des croyants, de ceux qui sont unis à Christ par la foi.

La troisième vérité, enfin, c’est que ce privilège d’être enfants de Dieu, le privilège de l’adoption qui nous a été accordée en Christ, engage notre responsabilité et nous invite à marcher d’une manière digne de Dieu, pour lui plaire en tout point.

Mt 5.44 : « Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent. 45  Alors vous serez fils de votre Père qui est dans les cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes ».

Si Dieu est véritablement notre Père, alors il importe d’être « les fils de notre Père qui est dans les cieux », en vivant dans une étroite communion avec Lui.

Posez-vous la question de savoir dans quelle mesure votre vie reflète-t-elle véritablement votre statut de fils, d’enfant de Dieu.

Avez-vous seulement conscience de l’immense privilège qui est le vôtre d’avoir été ainsi adopté par Dieu comme des fils, avec tout ce que cela implique.

Considérez le monde dans lequel nous sommes.

La plupart de nos concitoyens vivent « sans espérance et sans Dieu dans le monde ».

Ils sont comme des enfants orphelins, qui n’ont ni père, ni mère, et qui n’ont aucun refuge véritable au milieu de la tempête du monde.

Telle est la situation de l’homme depuis la Chute : l’homme est en rupture d’alliance avec Dieu, la communion avec le Père a été coupée, à cause du péché.

Ce péché qui consiste précisément à vouloir se passer de Dieu, à vivre sans Dieu.

Comme le fils prodigue de la Parabole, l’incroyant revendique ses droits, il veut son autonomie, il veut pouvoir se passer du Père, il veut vivre sa vie sans Dieu, en dehors de toute contrainte morale, et ce faisant, il court à sa perte.

Il ne sait peut-être pas qu’il court à sa perte, et que son attitude de rébellion contre Dieu le conduit à une impasse, mais c’est bien ainsi qu’il en est.

Car Dieu a créé l’homme pour Lui !

Le cœur de l’homme a été fait pour Dieu, de sorte que celui-ci est sans repos jusqu’à ce qu’il repose en Dieu, jusqu’à ce que la communion filiale avec Dieu soit retrouvée et vécue dans l’amour.

 

Voilà ce que nous voulons rappeler au monde qui nous entoure, et dans cette ville de Paris, où le vide et la sécheresse spirituels ont envahi les cœurs, en proie à la solitude, à la tristesse et à l’ennui.

Je voudrais, ce matin, que nous réalisions, comme tout à nouveau, ô combien notre monde a un urgent besoin de l’Evangile, et combien celui-ci constitue l’unique voie de salut pour les hommes.

Je voudrais que nous ne sortions point d’ici avant d’avoir confessé à Dieu notre tiédeur spirituelle, notre manque de reconnaissance pour son si grand salut, comme aussi la pauvreté de notre témoignage auprès de ceux du dehors.

Je voudrais que nous soyons tous convaincus de la grandeur de notre vocation d’enfants de Dieu, de peuple élu de Dieu, et de l’impératif qui s’offre à nous de faire de toute les nations des disciples, de gagner notre pays et notre ville à Jésus-Christ, comme jadis l’Evangile a gagné le cœur des Ephésiens et a fait jaillir la lumière du Christ dans tout l’empire romain de l’époque.

Je voudrais que nous renouvelions, chacune et chacun, nos engagements vis-à-vis de Dieu, notre Père, en marchant d’une manière digne de Lui, et en mettant vraiment tout en œuvre pour que le Christ gagne.

Oui ! Il faut que le Christ gagne ! Car il y va du salut du monde et de notre pays.

Il faut que le Christ gagne, et il gagnera, quoi que cela nous coûte.

Car Il est le Seigneur, celui en qui et pour qui sont toutes choses, et par qui le monde sera sauvé.

A lui la gloire, dans tous les siècles.

Amen !