Prédication sur Ephésiens N° 4

 Chap. I, versets 6 à 10

ERE de Paris

Dimanche 24 octobre 1999

 Pasteur Vincent BRU

 Ps 103.8-14 ; Rm 8.38-39

 

5  il nous a prédestinés par Jésus-Christ à être adoptés, selon le dessein bienveillant de sa volonté,

6  pour célébrer la gloire de sa grâce qu'il nous a accordée en son bien-aimé.

7  En lui, nous avons la rédemption par son sang, le pardon des péchés selon la richesse de sa grâce

8  que Dieu a répandue abondamment sur nous en toute sagesse et intelligence.

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Chers frères et sœurs en Christ, cela fait quelques temps déjà que nous nous penchons avec attention sur l’Epître de Paul aux Ephésiens, et sans doute certains parmi nous se sont sentis particulièrement interpellés par le message celle-ci.

En discutant avec des frères et des sœurs de l’Eglise, j’ai pu constater ô combien la doctrine de l’élection et de la prédestination, qui fait pourtant l’objet dans notre texte de la louange de l’Apôtre, constitue une chose difficile à croire, et combien sont nombreuses les résistances de notre intelligence et de notre raison en face de ce grand mystère.

Alors si tel est aussi votre cas ce matin, sachez qu’en un certain sens, il est normal et tout à fait prévisible qu’il en soit ainsi.

Je veux dire qu’il est normal, étant donné la mentalité ambiante, la manière de penser de la société dans laquelle nous vivons – c’est là ce que l’Apôtre Paul, dans son Epître aux Romains,  appelle « l’esprit du temps présent » –, il est normal et prévisible, donc, que nous nous heurtions ainsi de plein fouet avec cette vérité de la souveraineté absolue de Dieu jusque dans notre conversion, signifiée par la doctrine de la prédestination.

En effet, ce qui est en jeu ici, d’abord, et qui s’inscrit en faux avec notre temps, c’est bien le droit de Dieu d’intervenir jusque dans notre volonté, jusque dans notre cœur, pour nous mettre debout, et pour nous rendre capable de croire et de nous convertir à Jésus-Christ.

Ce qui est en jeu, croyez le bien, c’est la seigneurie de Dieu et de Jésus-Christ, le fait que nous dépendions entièrement de Dieu pour le salut, et que nous ne pouvons contribuer en rien à notre salut, que le salut est entièrement l’œuvre de Dieu, et que c’est Dieu qui est, en tout, le premier.

C’est Dieu qui est à l’initiative, à l’origine de notre salut.

C’est du décret éternel de Dieu, de son Alliance éternelle que dépend la destinée de chacun, et de l’humanité en général, quand bien même nous affirmons, avec l’Ecriture, le fait que l’homme est pleinement responsable de ses choix.

Contrairement à la conception moderne de la liberté, la souveraineté de Dieu n’entre pas en concurrence avec notre réelle responsabilité, notre liberté, mais au contraire, elle la rend possible.

La souveraineté de Dieu et la responsabilité de l’homme sont deux amies : elles ne s’opposent pas, elles ne s’annulent pas l’une l’autre, mais elles marchent ensemble, de sorte que l’une est inconcevable sans l’autre.

Il y a là, certes, un grand mystère : l’homme est d’autant plus responsable que Dieu est souverain !

C’est non pas en dépit de, mais bien  parce que Dieu est souverain, que l’homme est vraiment responsable et libre, et non pas une marionnette, un pantin dont chaque mouvement, chaque geste serait, comme avec des ficelles, commandé de l’extérieur, sans qu’il soit possible de s’y opposer.

Ce n’est pas ainsi que la Bible nous parle de l’homme, créé en image de Dieu, est donc partageant avec celui-ci la possibilité d’exercer sa responsabilité, en faisant usage de sa volonté, afin de se déterminer dans ses choix, sans aucune contrainte qui lui soit extérieure.

Comprenez, chers amis, que la doctrine de la prédestination ne remet aucunement en cause cette vérité qui nous constitue véritablement en tant qu’homme, et qui fait aussi toute notre dignité.

La prédestination n’est pas la fatalité, le destin implacable auquel nul ne peut échapper, qu’il le veuille ou non, qu’il le sache ou l’ignore.

La prédestination n’est pas une doctrine terrifiante, qui entend mettre à bas notre aspiration naturelle à exercer et à vivre notre responsabilité ou liberté.

Non ! Rien de tout cela !

Pas de quoi, donc, s’effrayer d’une telle doctrine.

Notez bien, d’ailleurs, que c’est précisément à cause de cette vérité de notre élection en Christ, et non pas en dépit de celle-ci que l’Apôtre Paul, dans notre Epître, est conduit à bénir Dieu et à le louer pour tous ses bienfaits.

La prédestination n’est pas une doctrine terrifiante !

La prédestination est une doctrine de joie, qui doit porter notre espérance et nous donner le repos de l’âme.

Connaissez-vous cette consolation d’en haut, qui seule peut vous apporter le secours et le repos au milieu même de la plus terrible tempête, de l’épreuve la plus sombre, et même lorsque le doute vous assaille et tache de vous ravir votre espérance ?

Cette consolation, ce fondement solide et inébranlable de notre foi, c’est précisément l’affirmation et la reconnaissance de la souveraineté absolue de Dieu, de sa seigneurie sur toute choses, de sorte qu’aucune créature, aucune réalité en ce monde, pas même le diable et les démons, ne peuvent nous ravir de sa main.

Rm 8.38s : « Car je suis persuadé que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l'avenir,  39  ni les puissances, ni les êtres d'en-haut, ni ceux d'en-bas, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu en Christ-Jésus notre Seigneur. »

Nous sommes entre les mains du Dieu Tout-Puissant, celui dont la volonté ne saurait être mise en échec, celui dont le dessein éternel s’accomplit inexorablement dans le temps, celui qui tient toutes choses dans sa main et dont il est dit qu’il connaît jusqu’au nombre des cheveux de notre tête, de sorte qu’il n’en tombe pas un à terre « sans la volonté de notre Père qui est dans les cieux » (Mt 10.29).

Je voudrais ce matin que vous cessiez de vous inquiéter ou de vous tourmenter eu égard à la prédestination, qui est, dans la Bible, une réalité non pas négative mais positive, vraiment.

Il s’agit simplement de reconnaître que nous ne devons notre salut à aucune autre réalité que le « bon plaisir » de Dieu, qu’à sa volonté toute juste et toute bonne, et non pas à nous-mêmes.

L’offre du salut, qui concerne tout homme, sans discrimination ni distinction de personne, n’est pas simplement une possibilité, un chèque en blanc dont la responsabilité nous incomberait d’apposer notre signature pour rendre ce salut effectif.

La vérité, selon la Bible, c’est que l’initiative même du salut incombe à Dieu, qui nous sauve effectivement, en nous ressuscitant de notre mort spirituelle, et en nous faisant ainsi naître à la vie nouvelle, en Christ.

Mais alors, me direz-vous peut-être, pourquoi donc tous les hommes ne croient-ils pas ?

Doit-on comprendre que Dieu est responsable de l’incrédulité des réprouvés de la même façon qu’il l’est du salut des élus ?

La réponse n’est pas simple, mais ce que l’on peut dire néanmoins, sans risque de se tromper, c’est que Dieu n’est aucunement responsable de l’incrédulité des réprouvés, pas plus qu’il ne l’est du mal en général.

Dieu n’est pas responsable du mal, car il est toute bonté, toute justice et toute vérité.

Le mal est une réalité étrangère à l’être de Dieu, une réalité mystérieuse dont il se sert néanmoins pour accomplir ses desseins bienveillants.

Ainsi, la réprobation a sa source dans le péché de l’homme, et non pas en Dieu.

Voilà pourquoi il est juste de dire que nul ne sera damné, s’il ne l'a voulu !

Dieu ne veut pas la mort du pécheur ! Cela est mainte fois répétées dans la Bible.

Dieu est la source de tout bien et de toute justice.

Tout ce qu’Il fait est bien et parfait.

Dieu agit toujours selon sa nature, par amour.

Croyez-vous que Dieu serait davantage amour s’il ne destinait aucune de ses créatures à la damnation ?

Croyez-vous que Dieu serait davantage miséricordieux s’il acceptait de passer outre l’incrédulité des réprouvés tout en les contraignant à entrer dans son Royaume, dans sa communion, dans son Alliance ?

Comme l’a dit quelqu’un : « Ce n’est certainement pas à nous de donner à Dieu des leçons de miséricorde » !

Nous devons croire que Dieu sait ce qu’il fait, et qu’il fait tout à merveille.

Nous devons croire que lorsque nous comparaîtrons devant Dieu quand le Christ reviendra, alors nos yeux s’ouvriront et nous louerons Dieu pour sa sagesse infinie et pour sa justice.

D’ailleurs, n’est-il pas dit qu’alors « tout genou fléchira, toute langue confessera que Jésus-Christ est Seigneur » ?

Les réprouvés eux-mêmes, chers amis, reconnaîtrons la justice de leur sort, et il glorifieront Dieu pour cela.

Ils accompliront alors, ainsi, leur raison d’être, qui est de glorifier Dieu, sans connaître néanmoins son intimité et la chaleur de sa présence.

Ils se seront eux-mêmes exclus du Royaume durant leur vie, et jusqu’au seuil de leur mort : ils ne devront leur sort qu’à eux-mêmes, et non pas à Dieu, cependant que les élus, eux, ne devront leur félicité qu’à l’œuvre souveraine de la grâce de Dieu, à son élection.

Encore une fois, personne, a priori, n’est exclu de la miséricorde de Dieu, sauf ceux qui s’en exclus eux-mêmes, d’un choix délibéré.

Tel était aussi notre cas, jusqu’à ce que Dieu, dans sa grâce, ait été à notre rencontre, et ait pris l’initiative de notre salut, alors que nous ne le méritions pas plus que les autres.

Ou bien croyez-vous que Dieu ait été déterminé dans votre élection au salut par les mérites qu’il a vus en vous ?

Croyez-vous que si Dieu vous a élus, c’est tout simplement parce que vous le méritiez davantage que les autres ? Que vous étiez meilleurs que les autres ?

Mais alors, dites-moi, en quoi le salut serait-il encore une grâce ?

La vérité, encore une fois, c’est que le salut est entièrement l’œuvre de Dieu, de sorte que nous ne pouvons, en aucune façon, ajouter quoi que ce soit à cette œuvre, qu’il convient seulement de recevoir dans la foi.

Je lis au verset 5 :

5  il nous a prédestinés par Jésus-Christ à être adoptés, selon le dessein bienveillant de sa volonté,  6  pour célébrer la gloire de sa grâce qu'il nous a accordée en son bien-aimé.

Nous l’avons vu dimanche dernier, je ne m’y étendrai pas, donc, mais simplement, permettez-moi d’insister encore une fois sur la réalité de notre adoption en Christ, qui constitue la finalité de notre élection.

Ce qui est visé dans la prédestination, c’est notre adoption, c’est-à-dire le fait de devenir enfant de Dieu, de sorte que tout chrétien est membre de la famille de Dieu, et bénéficie de tous les privilèges de l’Alliance.

Il y a là, véritablement, une très belle image de notre salut et de ce que celui-ci représente : en Christ, nous pouvons à nouveau nous approcher de Dieu ; sa colère envers nous pécheurs, a été apaisée ; la porte du ciel est largement ouverte et la communion avec le Père retrouvée.

Comme enfants de Dieu, nous sommes chez nous dans la Maison du Père, et « tout est à nous » (1 Co 3.21) !

Qui plus est, si Dieu nous a adopté, il s’ensuit donc que nous n’appartenons plus à la vieille famille de ce monde, la famille d’Adam, marquée du sceau de la révolte contre Dieu, mais nous appartenons à la famille de Dieu, à la Cité céleste, celle qui a de solides fondements et qui ne connaîtra jamais de fin.

 

Notez qu’au-delà de notre adoption, ce qui est visée par l’élection n’est autre que la manifestation de la gloire de Dieu, qui s’exprime dans la plénitude de sa grâce qu'il nous a accordée en son bien-aimé (v. 6).

Au-delà même notre salut personnel, l’Apôtre nous invite à porter nos regards vers le Christ, en glorifiant Dieu pour son don ineffable, pour son amour et pour sa grâce envers les pécheurs.

Et l’Apôtre continu :

 

7  En lui, nous avons la rédemption par son sang, le pardon des péchés selon la richesse de sa grâce  8  que Dieu a répandue abondamment sur nous en toute sagesse et intelligence.

Le mot rédemption (apolutrôsis[i]) signifie littéralement une libération ou une délivrance par le paiement d’une somme d’argent, d’une rançon.

Il était fréquemment employé, à l’époque du NT, pour le rachat des esclaves.

La portée de l’image est donc évidente ici : par sa mort sur la croix et par son sang précieux, le Christ a payé le prix, à notre place, pour nos péchés et pour notre dette envers Dieu.

Depuis la révolte adamique, la rupture originelle de l’Alliance, nous sommes tous, du fait de notre nature pécheresse, endettés vis-à-vis de Dieu.

Nous sommes endettés vis-à-vis de Dieu, parce que nous ne l’avons pas glorifié comme Dieu (Rm 1.18ss), nous ne lui avons pas rendu gloire, nous ne lui avons pas donné son dû, et comme le dit si bien la prière de confession des péchés de Calvin : « nous avons transgressé tous les jours et de plusieurs manières tes saints commandements, attirant ainsi sur nous, par ton juste jugement, la condamnation et la mort. »

Et voilà que Dieu lui-même, dans sa grâce, a pourvu à notre misère.

Comme le dit le Catéchisme de Heidelberg : « Par son sang précieux, il (le Christ) a totalement payé pour tous mes péchés, et m’a délivré de toute puissance du diable » ! (Question 1)

Notez bien l’expression : « par son sang ».

C’est par son sang que le Christ a versé la rançon pour que nous puissions, nous pécheurs, acquérir la délivrance de l’esclavage et de la tyrannie du péché.

D’autres textes du NT nous font part de ce rachat par le sang du Christ[ii].

Rm 3.25 : C'est lui que Dieu a destiné à servir d'expiation par son sang, par le moyen de la foi, pour montrer ce qu'était la justice, du fait qu'il avait laissé impunis les péchés d'autrefois, 26  au temps de sa patience. (TOB)

Rm 5.9 : Et puisque maintenant nous sommes justifiés par son sang, à plus forte raison serons-nous sauvés par lui de la colère. (TOB)

Et encore 1 Pi 1.18 : Vous savez en effet que ce n'est point par des choses périssables - argent ou or - que vous avez été rachetés de la vaine manière de vivre, héritée de vos pères, 19  mais par le sang précieux de Christ, comme d'un agneau sans défaut et sans tache…[iii]

Ce dernier verset nous renvoie aux sacrifices d’animaux de l’AT, qui préfiguraient déjà, longtemps à l’avance, le sacrifice unique et parfait de notre Seigneur Jésus-Christ (Lv 16.2-19 ; 17.11).

Comment ne pas songer, de même, ici, aux évènements de l’Exode, où il est aussi clairement fait mention de la rédemption d’Israël par Dieu, et de sa délivrance de l’esclavage du pays d’Egypte (Ex 3.7ss) ?

Ainsi en est-il du chrétien : le chrétien est délivré de l’esclavage du péché et de la tyrannie du diable.

La rédemption accomplie par le Christ consiste dans le pardon des péchés selon la richesse de sa grâce  8  que Dieu a répandue abondamment sur nous en toute sagesse et intelligence.

Comme le dit Calvin : « Nous sommes rachetés en tant que nos péchés ne nous sont point imputés. Car de là vient la justice gratuite par laquelle nous sommes agréables à Dieu, et délivrés des liens et de la tyrannie du diable et de la mort. »

Nos péchés ne nous sont plus imputés !

Nos péchés nous sont pardonnés !

Comme nous l’avons lu dans le Psaume 103 : « Autant l'orient est éloigné de l'occident, Autant il éloigne de nous nos offenses. »

De même, dans le Livre du Prophète Esaïe, Dieu dit à Israël : « C'est moi, moi qui efface tes crimes pour l'amour de moi, Et je ne me souviendrai plus de tes péchés » (Es 43.25).

C’est ainsi ! Dieu ne se souvient même plus de nos péchés !

Comme le dit le Catéchisme de Heidelberg, dans sa question 56 : « Parce que Jésus-Christ a totalement payé pour eux, Dieu ne veut jamais plus se souvenir de mes péchés, ni de ma nature corrompue contre laquelle j'ai à combattre pendant toute ma vie; et il me donne par grâce la justice de Jésus-Christ afin que je ne vienne jamais en jugement devant lui. »

 

Alors en conclusion je dirai ceci.

Dans notre monde en proie à la désillusion et à l’incertitude quant à l’avenir, sans cesse remis en question par le déchaînement de l’histoire, il est bon et bienfaisant de porter, comme l’Apôtre Paul nous y invite, nos regards plus haut, jusque dans le dessein éternel de Dieu, dont dépend, en définitive, toute l’assurance de notre salut et toute notre paix.

Au-delà des contingences de ce monde, sachons discerner la main de Dieu qui conduit tout selon sa volonté bonne, et qui nous a sauvés en vérité, en faisant de nous ses enfants, rachetés et pardonnés.

Dans son amour, Dieu a fait de nous des hommes nouveaux, la nouvelle société créée selon Dieu, à l’image de celui par qui et pour qui sont toutes choses, le Christ, le Seigneur.

Forts de l’assurance de notre salut, soyons donc ses serviteurs fidèles, jusqu’à ce qu’il vienne.

Amen !

 

 



[i] Le terme dérive de lutron, la rançon.

[ii] Le mot « rédemption » se retrouve 10 fois dans le NT : Rm 3.24 ; 8.23 ; 1 Co 1.30 ; Col 1.14 ; Ep 1.7, 14 ; 4.30 ; Lc 21.28 ; Hé 9.15 ; 11.35.

[iii] Voir de même : Tt 2.14 ; Hé 9.12 ; etc.