Prédication
sur Ephésiens 1.3-4 ERE de
Paris Dimanche
9 octobre 1999 Pasteur Vincent
BRU Dt 7.6-11 ; 1 P 2.9-10
"Deux amours ont fait deux cités : l'amour de
Dieu poussé jusqu'au mépris de soi a fait la cité céleste ; l'amour
de soi poussé jusqu'au mépris de Dieu a fait la cité terrestre"
! Cette parole du grand st Augustin pourrait très bien figurer en exergue d'un commentaire biblique sur l'Epître de Paul aux Ephésiens. Cette Epître, en effet, nous fait part de la
nouvelle humanité que Dieu est venu inaugurer en Christ, et qui
constitue son héritage, sa possession. L'Eglise est la nouvelle création de Dieu, la
nouvelle société qui laisse percevoir, au-delà de son imperfection et
de ses faiblesses, la lumineuse réalité du Royaume, lorsque celui-ci
sera parvenu à son plein accomplissement, à sa pleine réalisation. Deux amours, deux cités, deux humanités opposées :
celle d'Adam, marquée par le péché, par l'incrédulité et l'orgueil,
et la nouvelle humanité en Christ, l'Eglise, la communauté de tous
ceux que Dieu a élus, avant la fondation du monde, afin de célébrer
sa gloire. Les versets 3 et suivants du 1er chapitre d'Ephésiens
nous font part de ce grand et beau mystère de l'élection, mystère sur
lequel repose toute notre espérance et toute notre joie. "Bénis soit le Dieu et Père de notre Seigneur
Jésus-Christ, qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans
les lieux célestes en Christ. 4 En
lui, Dieu nous a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons
saints et sans défaut devant lui...." Les versets 3 à 14 ne constituent, dans le texte
original, qu'une seule et même phrase, dans laquelle l'Apôtre récapitule,
en quelque sorte, tout le dessein de Dieu, le plan de Dieu pour sa création,
en vue de la manifestation de sa gloire. A ce titre, il s'agit là sans aucun doute d'un des
textes les plus denses et les plus majestueux de la Bible, de sorte
qu'une seule prédication ne suffirait pas à rendre compte de toute la
plénitude qui est contenue là. Chaque détail a son importance ici, et jusqu'au
moindre mot. Tout est significatif, et aucun autre texte de la
Bible ne nous dévoile avec autant de profondeur la nature et la portée
de notre Salut en Christ. Il est significatif que l'Apôtre introduise son épître
par une bénédiction. "Bénis soit le Dieu et Père de notre Seigneur
Jésus-Christ...". D'emblée Paul magnifie le grand oeuvre de salut de
Dieu en Christ, par lequelle, dit-il, "il nous a bénis de toute bénédiction
spirituelle". Deux remarques s'imposent ici. La première, c'est que c'est en tant que Père
que l'Apôtre magnifie l’œuvre de Dieu en Christ : "Bénis soit
le Dieu et Père", dit-il. Tandis que la bénédiction juive s'adressait à Dieu dans sa qualité de créateur du ciel et de la terre, Paul souligne l'étonnante nouveauté de l’Evangile, en désignant Dieu sous les traits d'un Père. Dieu est "le Père de notre Seigneur Jésus-Christ",
et conséquemment à cela, il est aussi notre Père en Jésus-Christ,
par lequel nous avons obtenu l'adoption (v. 5). Paul, donc, magnifie l’œuvre de Dieu le Père, et
ce faisant, – et c’est là la deuxième remarque que je ferai –,
il nous introduit dans le merveilleux mystère de la Trinité, le
mystère adorable du Dieu Père, Fils et St-Esprit. De nombreux commentateurs ont, en effet, souligné la structure trinitaire des versets 3 à 14, qui constituent une unité. Tout d'abord, Paul attribue à Dieu le Père la
source, l'origine de toute bénédiction. Au verset 3 nous lisons que c'est le Père qui nous a
béni ; au verset 4 : ils nous a élus ; au verset 5 : il nous a prédestinés
être adoptés ; au verset 6 : il nous a accordé sa grâce, cette grâce
qu'il a répandue abondamment sur nous (v. 8). Au verset 9 il est dit que Dieu le Père nous a fait
connaître le mystère de sa volonté, qui est de réunir toutes choses
en Christ. Enfin, au verset 11, c'est encore le Père qui, nous
dit l'apôtre, opère tout selon la décision, le conseil de sa volonté. Si le Père est véritablement au centre de la bénédiction
de Paul, le rôle du Fils dans l'économie du salut n'en est pas pour
autant sous-estimée, pas plus d'ailleurs que celui du St-Esprit. En effet, c'est bien "en Christ" que
Dieu, le Père, nous a bénis de toute bénédiction spirituelle ! C'est "en lui" qu'il nous a élus dès
avant la fondation du monde ! Cette expression clé de l'Epître, "en
Christ", revient pas moins de onze fois dans notre texte. Déjà au verset 2, l'Apôtre défini ses
destinataires comme les saints et fidèles "en Jésus-Christ". En un sens on peut dire que l'Epître dans son
ensemble ne fait que développer cette vérité fondamentale de l'union
du croyant avec le Christ. Le chrétien est celui qui, à l’opposé du non-chrétien,
du non-croyant, est en Christ : il est uni a Jésus-Christ d’un
lien inextricable, d’un lien invisible, certes, mais non moins réel. Savez-vous que vous êtes, par la foi, unis à Jésus-Christ ! Vous êtes le corps du Christ, tous ensemble :
l’Eglise est le corps dont Christ est la tête ! C’est ainsi ! Donc, l’Apôtre Paul magnifie l’œuvre de salut
de Dieu « en Christ ». Il y a là, dans notre texte, étroitement liée,
l’œuvre de Dieu le Père et celle de Dieu le Fils, ou plutôt, l’œuvre
du Père par le Fils. Jésus-Christ a accompli pour nous la volonté du Père. Il a donné sa vie pour nous. Et c’est par Lui, le Fils, que nous avons un libre
accès auprès du Père. Voilà pourquoi, aussi, l’Apôtre bénis Dieu, le Père, qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les cieux en Christ. Remarquez qu’il s’agit là de bénédiction
« spirituelle » ! Autant dire qu’il s’agit là de bénédiction qui
a trait au Saint Esprit, qui a quelque chose à voire avec le
Saint Esprit, la troisième personne de la Trinité. Et c’est ainsi que le Père, le Fils et le Saint
Esprit sont tous trois partie prenante dans notre salut, les trois
personnes de la Trinité coopèrent ensemble dans cette bénédiction
dont parle l’Apôtre et dont nous sommes les heureux bénéficiaires. Les versets 13 et 14 nous dévoilent avec plus d’évidence
encore l’œuvre de Saint Esprit, dont il est dit qu’il constitue
« les arrhes de notre héritage » (v. 14), lui dont nous
avons été scellés (v. 13). Voilà donc pour les deux remarques qu’il convenait de faire au préalable avant d’aller plus loin dans notre texte. Venons-en maintenant au verset 4 : 4 En
lui, Dieu nous a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons
saints et sans défaut devant lui. Dans son amour, 5 il
nous a prédestinés par Jésus-Christ à être adoptés, selon le
dessein bienveillant de sa volonté, 6 pour célébrer
la gloire de sa grâce qu'il nous a accordée en son bien-aimé. Après avoir bénis Dieu pour les richesses infinies
de sa bénédiction dont il nous a comblé en Christ, Paul en vient
maintenant à préciser le motif de cette bénédiction : il nous a
élus ! Arrêtons-nous un instant sur cette affirmation de
l’Apôtre, et efforçons-nous d’en tirer les conclusions qui
s’imposent. « En lui, Dieu nous a élus avant la fondation
du monde » ! Réfléchissez un instant à la portée de cette
parole, de cette vérité : avant même la création du monde,
avant le commencement de l’Histoire, Dieu nous a élus ! Il y a là incontestablement une vérité qui dépasse
notre entendement, notre compréhension, mais une vérité qui s’offre
à notre adoration, à notre louange. L’article 12 de la Confession de foi de La Rochelle dépeint, de façon admirable, cette grande vérité de notre élection en Christ. De cette corruption et de cette condamnation générales où tous les hommes sont plongés, nous croyons que Dieu retire ceux que, dans sa volonté éternelle et immuable, il a élus par sa seule bonté et miséricorde en notre Seigneur Jésus-Christ, et cela sans considération de leurs oeuvres. Nous croyons qu'il laisse les autres dans cette même corruption et condamnation, pour démontrer en eux sa justice, tout comme il fait briller, dans les premiers, les richesses de sa miséricorde. Car ceux-ci ne sont pas meilleurs que les autres jusqu'à ce que Dieu les distingue selon le dessein immuable qu'il a arrêté en Jésus-Christ avant la création du monde. Il n'est d'ailleurs personne qui puisse s'approprier un tel bien par ses propres moyens, puisque, de nature, nous ne pouvons avoir un seul bon mouvement, aucune bonne disposition de notre volonté, ni aucune bonne pensée, jusqu'à ce que Dieu nous ait devancés et nous y ait disposés.[1] Fin de citation. Trois vérités méritent notre attention ici, à
propos du mystère de l’élection, dont notre texte nous parle. La première vérité, c’est que la doctrine de
l’élection n’est en rien le fruit d’une spéculation humaine,
mais bien une révélation de la Parole de Dieu même. L’élection est incontestablement une vérité
biblique, de sorte qu’aucun chrétien ne peut l’ignorer. Celle-ci se trouve, en effet, tout au long de
l’histoire du salut, de la Genèse à l’Apocalypse, et il n’est
pas exagéré de dire qu’il constitue l’un des principaux thèmes de
la Bible. C’est ainsi que, dans l’AT, Dieu choisit Israël
du milieu des nations pour en faire un peuple qui lui appartienne en
propre. Ex 19.4ss : « Vous m’appartiendrez en
propre entre tous les peuples » Dt 7.6ss : Deutéronome 7:6
Car tu es un peuple saint pour l'Éternel ton Dieu; l'Éternel,
ton Dieu, t'a choisi pour que tu sois un peuple qui lui appartienne en
propre parmi tous les peuples qui sont à la surface de la terre. Deutéronome 7:7
Ce n'est point parce que vous surpassez en nombre tous les
peuples, que l'Éternel s'est attaché à vous et qu'il vous a choisis,
car vous êtes le moindre de tous les peuples. (Cf. Es 42.1 ; 43.1 ; etc.) De même, le NT nous révèle que l’Eglise, le
nouveau peuple de Dieu, qui embrasse à la fois les juifs et les païens,
unis par la même foi en Jésus-Christ, l’Eglise est l’objet de la
sollicitude divine et de son élection. C’est là l’affirmation de notre texte :
« Il nous a élu avant la fondation du monde », comme aussi
celle de nombreux autres passages de la Bible. Pour ne prendre qu’un seul exemple significatif, je
citerai la 1ère Epître de Pierre, au chapitre 2, le verset
9: « Vous, par contre, vous êtes une race élue,
un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple racheté, afin
d'annoncer les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son
admirable lumière ». Vous êtes, vous chrétiens, membres de l’ERE de
Paris, « une race élue », « un peuple racheté »,
et ce, non en vertu de vos propres mérites, mais en vertu de la seule
grâce de Dieu dont le décret, la décision est souverainement libre. Deuxième vérité, qui découle, du reste, de la
première : comme l’affirme l’un de nos textes symboliques, les
Canons de Dordrecht, l’élection de Dieu, qui est clairement
attestée dans la Bible, n’est en rien motivé ou conditionnée par
quelque mérite que Dieu verrait en nous, elle est inconditionnelle. La preuve en est que c’est avant même la création
du monde que Dieu nous a élu ! Avant même que nous ayons eu la
possibilité de faire valoir le moindre mérite en nous, susceptible de
conditionner le choix de Dieu, Il nous a élu. Il s’ensuit donc que la raison de l’élection
divine se trouve en Dieu même, dans son amour, et non en nous. C’est là d’ailleurs l’idée dominante de notre
texte : la grâce de Dieu, l’amour de Dieu, le dessein de Dieu,
la volonté de Dieu ! Il y a là, incontestablement, un grand mystère,
mais c’est un mystère qui s’offre à notre foi. Plus encore :
un mystère sur lequel repose toute l’assurance de notre foi et de
notre salut. Comme l’a si bien dit Calvin : « Bien
que nous ne puissions comprendre par la discussion ou le raisonnement
comment Dieu nous a élus avant la création du monde, nous savons
cependant qu’il en est ainsi, car sa parole nous le déclare et, si
nous sommes illuminés dans la foi, l’expérience le confirme
suffisamment. » La troisième vérité qu’il convient de rappeler
à propos de l’élection, c’est que celle-ci, loin de nous conduire
à la passivité et à l’indulgence à l’égard du péché,
constitue un stimulant à vivre d’une manière sainte, d’une manière
digne de Dieu.. En effet l’Apôtre dit dans notre texte :
« En lui, Dieu nous a élus avant la fondation du monde,
pour que nous soyons saints et sans défaut devant lui. » La finalité de notre élection en Christ n’est
autre que notre sanctification ! Si Dieu nous a élu, si vous-mêmes qui êtes ici ce
matin, avez été l’objet de l’élection libre et inconditionnelle
de Dieu, dès avant la fondation du monde, c’est afin de vous faire
paraître devant lui « sans tache, ni ride, ni rien de semblable »,
comme on peut le lire un peu plus loin : Ephésiens 5:27
(le Christ s’est livré lui-même pour elle ) afin de faire
paraître devant lui cette Eglise glorieuse, sans tache, ni ride, ni
rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible. Il est significatif que dans l’AT l’expression
« sans défaut » (amômos en grec) s’appliquait aux
animaux offert en sacrifice pour le péché. En Col 1.22, cette expression désigne l’état final du croyant, après la résurrection, dans la présence de Dieu. Ainsi, il apparaît que le but de l’élection
n’est autre que la sainteté. La sainteté est la marque du chrétien, comme elle
est la marque de l’Eglise dans son ensemble. Le chrétien manifeste son élection par une vie
sainte, de sorte que l’on est en droit de douter de son élection, si
celle-ci ne nous conduit pas à une vie nouvelle, à une marche avec le
Seigneur, dans la conformité à sa vie, Lui, le chef de la foi. Déjà, dans l’AT, le peuple d’Israël était
appelé par Dieu à être une « nation sainte », manifestant
ainsi la présence particulière de Dieu au sein de son peuple, objet de
son élection. Ainsi en est-il de nous aujourd’hui, chers amis. Nous sommes, vous êtes le peuple élu de Dieu. Il y a là un privilège, comme aussi une
responsabilité. Car si Dieu nous a élu, c’est afin que nous
allions, et que nous portions du fruit à sa gloire, c’est afin que
nous soyons, pour tous les hommes, des signes visibles du Royaume qui
vient, et qui est déjà là. Il ne s’agit aucunement dans la Bible de vivre son
élection de façon égoïste et suffisante, comme si le simple fait
d’être élu était un but en soit. Le but principal de toute vie et de la création tout
entière, c’est de glorifier Dieu, c’est de vivre en recherchant
l’honneur de Dieu avant tout. Une vie qui glorifie Dieu c’est une vie sainte, une
vie qui reflète la nature même de Dieu, dans une écoute attentive à
sa Loi d’amour. Voilà bien ce dont notre monde a le plus besoin,
qu’il le sache ou l’ignore. Soyons donc, frères et sœurs, tout simplement, des
instruments d’amour entre les mains du Père, le Dieu Créateur et
Sauveur, dont la bonté ne connaît pas de limite et dont le bras
n’est jamais trop court pour sauver. Sachons nous en remettre entièrement entre ses
mains, dans la confiance de la foi, Lui dont la science et la sagesse
nous dépassent infiniment. 33 O
profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu! Que
ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles! Car 34
Qui a connu la pensée du Seigneur, Ou qui a été son
conseiller? 35 Qui lui a
donné le premier, pour qu'il ait à recevoir en retour? 36 C'est de lui, par lui, et pour lui que sont toutes choses. A
lui la gloire dans tous les siècles! Amen! [1] Ex 33:19; Rm 8:29; 9:15.1 S 12:22; Jn 15:16; Rm 2:11, 23; 11:5-6; Ep 1:4-6.Ps 5:5-7; Ez 9:10; 18:4; Rm 1:18; Ga 6:7-8.Ex 9:16; Rm 9:18, 22-23.Cf. art. 9; Jr 10:23; Ep 1:4-5. |