Prédication
sur Ephésiens 4.1-16 Pasteur Vincent BRU ERE Paris, le dimanche 14 mai 2000 Titre : L'unité de la foi 1 Je vous exhorte donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à marcher d'une manière digne de la vocation qui vous a été adressée... Tout au long des trois chapitres précédents, Paul a
dévoilé pour ses lecteurs le dessein éternel de Dieu qui se réalise
dans l’histoire. En Jésus-Christ, mort et ressuscité pour nous, Dieu
crée une réalité radicalement nouvelle : la nouvelle humanité
de Dieu, la société nouvelle dans laquelle juifs et païens sont sur
un pied d'égalité, par la foi en Christ. Après avoir parlé de ce que Dieu a fait pour nous,
Paul en vient maintenant à parler des nouvelles normes de cette
nouvelle société qu’il a décrite. Il passe de l’exposé à l’exhortation, de ce que
Dieu a fait à ce que nous devons être et faire, de la doctrine à la
pratique, de la théologie à ses applications dans la vie de tous les
jours. 1 Je vous exhorte donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à marcher d'une manière digne de la vocation qui vous a été adressée... Paul, donc, exhorte les chrétiens d’Ephèse à
marcher d’une manière digne de leur vocation. Quelle est cette vocation ? Dans les versets 1 à 16 du chapitre 4, Paul traite
de l’unité de l’Eglise. En 4.17 à 5.21 il parle de la pureté de l’Eglise. Unité et pureté sont les deux traits caractéristiques
de l’Eglise. La vocation chrétienne consiste à rechercher et à
vivre l’unité de la Foi et à être un peuple saint, distinct du
monde profane, mis à part pour appartenir en propre à Dieu. Paul souligne quatre vérités à propos de l’unité
que Dieu a voulue pour les siens. On peut les résumer par les quatre propositions
suivantes : 1.
L’unité dépend de l’amour qu’exprime notre caractère et
notre conduite (v. 2) 2.
Elle découle de l’unité de Dieu (vv. 3-6) 3.
Elle s’enrichit de la diversité de nos dons (vv. 7-12) 4.
Elle réclame notre maturité (vv. 13-16) Les mots amour,
unité, diversité et maturité résument
les idées clés de ce passage. Premier point donc : 1.
L’unité
chrétienne dépend d’une conduite charitable (v. 2) « …marcher d'une manière digne de la vocation qui vous a été adressée, 2 en toute humilité et douceur, avec patience. Supportez-vous les uns les autres avec amour... » D’emblée, Paul déclare qu’une vie digne de
notre vocation se caractérise par cinq vertus : l’humilité, la
douceur, la patience, le support mutuel et l’amour. Au verset 17 du chapitre 3, Paul a demandé à Dieu
que nous soyons enracinés et fondés dans l’amour ; il
s’adresse maintenant à nous pour nous exhorter à vivre dans
l’amour. Voilà par où nous devons commencer, si nous voulons
vivre vraiment d’une manière digne de notre vocation ! L’unité véritable de l’Eglise, du peuple de
Dieu repose d’abord, non pas sur des structures, mais sur les qualités
morales de chrétiens. Dans la recherche de l’unité entre chrétiens, il
convient de donner la priorité aux qualités morales sur les
structures. Quelles sont donc ces qualités morales dont parle
l’apôtre ? L’humilité tout d’abord. Celle-ci était méprisée dans l’antiquité. Les grecs l’identifiaient volontiers à une
attitude abjecte, servile, à la résignation de l’esclave à genoux
devant son maître. Il faudra attendre la venue de Christ pour que
l’humilité authentique soit reconnue, lui qui s’est humilié lui-même
pour devenir serviteur (Ph 2.3-8). L’humilité est indispensable à l’unité ;
elle s’oppose à l’orgueil qui est derrière toute discorde. La douceur. L’humilité et la douceur vont nécessairement de
pair, car comme l’a écrit un commentateur : « l’homme
doux pense aussi peu à ses prérogatives personnelles que l’homme
humble à ses mérites personnels » ! Jésus lui-même a dit à son sujet : « Je
suis doux et humble de cœur » (Mt 11.29). La douceur est la vertu des hommes sages et modérés,
qui fuient les excès en recherchant le juste milieu. La douceur, pas plus que l’humilité, n’est en
rien synonyme de faiblesse : c’est la gentillesse du fort capable
de contrôler sa force ! Les troisième et quatrième vertus, la patience (macrothymia)
et le support ou la tolérance mutuelle, vont de même ensemble. L’amour est la vertu finale qui embrasse toutes les
autres, qui est la couronne et la somme de toutes les qualités morales. Humilité, douceur, patience, support mutuel, amour :
tels sont donc les cinq piliers de l’unité chrétienne. Là où elles font défaut, aucune structure pour
promouvoir l’unité ne peut tenir. Aucune unité ne saurait plaire à Dieu si elle ne
repose pas sur l’amour. Deuxième point : 2.
L’unité chrétienne découle de l’unité de Dieu (vv. 3-6) 3
en vous efforçant de conserver l'unité de l'Esprit par le lien
de la paix. 4
Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été
appelés à une seule espérance, celle de votre vocation ; 5 il y a un
seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de
tous, qui est au-dessus de tous, parmi tous et en tous. On est frappé, à la lecture de ces versets, par la
répétition des mots "un seul" ou "une seule", qui
reviennent sept fois. A trois reprises, ils s'appliquent aux personnes de
la Trinité : un seul Esprit (v. 4), un seul Seigneur, c'est-à-dire le
Seigneur Jésus (v. 5), un seul Dieu et Père de tous (v. 6). Les quatre autres références ont trait à la vie
chrétienne en relation avec les trois personnes de la Trinité. Ont peut résumer le propos de l'apôtre par trois
propositions. Première proposition, v. 4 : Il y a un
seul corps parce qu'il y a un
seul Esprit. Ce corps unique, c'est l'Eglise, le corps de Christ
(1.23) qui se compose de juifs et de païens. Il doit son unité au Saint-Esprit qui l'habite et
l'anime. Comme le dit ailleurs l’apôtre Paul : "Nous
avons tous été baptisés dans un seul Esprit pour former un seul
corps, soit juifs, soit grecs, soit esclaves, soit libres, et nous avons
tous été abreuvés d'un seul Esprit" (1 Co 12.13). Deuxième proposition : Il y a une seule espérance
liée à notre vocation chrétienne (v. 4), une seule foi et un seul
baptême (v. 5) parce qu'il y a un
seul Seigneur. Le Seigneur Jésus est l'unique objet de la foi, de l'espérance et du baptême de tous les chrétiens. C’est en Jésus-Christ que nous avons cru, en lui que nous avons été baptisés (1 Co 1.13 ; Ga 3.27), et c’est l’espérance de son retour qui nous soutient. Troisième proposition : Il y a une seule famille chrétienne,
englobant tous (v. 6) parce qu'il y a un seul Dieu et Père... qui est au-dessus de tous, parmi tous et en
tous. Notez que le "tous" dont il est ici
question ne saurait englober tous les hommes indistinctement, mais désigne
plutôt tous ceux qui appartiennent au peuple de Dieu, tous les chrétiens,
la famille de Dieu, ses enfants (cf. 1.2, 17 ; 2.18-19 ; 3.14-15). Ainsi, nous pouvons affirmer qu'il ne peut y avoir
qu'une seule famille chrétienne, qu'une seule foi, une seule espérance,
un seul baptême et un seul corps chrétien parce qu'il n'y a qu'un seul
Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. L'unité de l'Eglise, l'unité de la foi vient de
l'unité de Dieu, l'unité de la divinité, de sorte qu'on ne peut pas
davantage diviser l'Eglise que la divinité. L'unité de l'Eglise est aussi indestructible que
celle de Dieu. Comme il y a un seul Dieu, Père, Fils et
Saint-Esprit, il ne peut y avoir qu'une seule Eglise chrétienne. Il va de soit que cette unité de l'Eglise dont parle
Paul concerne d'abord et avant tout l'Eglise
"invisible", que Dieu seule connaît, et qui comprend tous
ceux qui appartiennent vraiment à Jésus-Christ, tous ceux que Dieu a
élus de toute éternité. Il convient en effet de distinguer l'unité de l'Eglise
en tant que réalité invisible présente dans l'Esprit de Dieu, et la réalité
toute humaine de l'Eglise visible, qui est, hélas, il faut bien le
reconnaître, souvent loin de réaliser l'idéal d'une Eglise vraiment
unie, selon l'intention de Dieu. La désunion de l'Eglise en tant que phénomène
visible, avec ses nombreuses dénominations, ses divisions, ses
schismes, ses rivalités, ses divergences doctrinales contredit la réalité
invisible de l'Eglise dont parle Paul. Voilà pourquoi, aussi, Paul invite les Ephésiens à
conserver l'unité de l'Esprit par le lien de la paix (v. 3). Maintenir l'unité de l'Eglise, c'est préserver,
autant que faire se peut, cette unité que Dieu a créée et que nul ne
peut détruire. Une unité qui ne soit certes pas au détriment de la
vérité, mais qui repose précisément sur le solide fondement de la
vraie foi, la seule foi, la seule espérance, le seul baptême dont
parle Paul. Tel est l'idéal d'Eglise auquel la Parole de Dieu
nous convie. Troisième point : 3. L’unité chrétienne est enrichie de la diversité de nos dons (vv. 7-12) Dans les versets précédents, Paul exhorte les chrétiens
d'Ephèse à tout mettre en oeuvre pour préserver, maintenir l'unité
de l'Eglise, qui est indestructible aux yeux de Dieu, mais qui est sans
cesse menacée dans sa réalité concrète, comme l'histoire nous le
montre. L'unité de l'Eglise est une réalité vers laquelle
la famille chrétienne doit tendre. Mais unité ne signifie pas uniformité, et il y a
place, dans l'Eglise, pour une grande diversité. Il y a place pour des différences d'opinion quant
aux formes par lesquelles Dieu veut que s'exprime notre unité chrétienne. Il y a place, de même, pour une grande diversité de
ministères au sein de chaque Eglise. C'est là le propos de l'apôtre dans les versets 7
et suivants. 7 Mais à chacun de nous la grâce a été donnée selon la mesure du don de Christ. Et au verset 11 : C'est lui qui a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes,
les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et
docteurs... Au verset 7, le mot "grâce" traduit le mot charis, en grec, qui signifie à peu près la même chose que "don" (charismata en grec : Rm 12.6 ; 1 Co 12.4). Il s'agit d'une grâce pour le service, d'un don
accordé par Dieu à chaque chrétien, en vue de l'édification de l'Eglise. La diversité de l'Eglise repose sur les charismata,
les dons que Dieu accorde aux membres de l'Eglise. Dans l'Eglise, corps du Christ, chaque membre a reçu
un don à exercer ou une fonction à remplir, de sorte que toute Eglise
est, en un sens, "charismatique". L'Eglise est "charismatique" ou elle n'est
pas, mais encore faut-il s'entendre sur le sens et la portée de ces
dons, de ces charismes dont parle Paul. Notez tout d'abord que ces dons sont données par le
Christ exalté. Chaque don est un don du Christ. Christ a fait des dons aux hommes (v. 8). Les charismata ne sont pas, comme on pourrait le
penser, exclusivement des "dons de l'Esprit". Ils sont aussi, selon le propos de l'apôtre, des
dons de Christ, qui agit dans l'Eglise et chez les croyants, par son
Esprit. En 1 Co 12.4, Paul déclare qu'il y a "diversité
de dons". Trop de chrétiens aujourd'hui ont tendance à avoir
une vue restreinte des charismata, des dons accordés par Dieu à l'Eglise. Certains limitent à neuf le nombre des dons de
l'Esprit (cf. Ga 5.22-23), d'autres semblent uniquement se préoccuper
par les trois dons les plus spectaculaires, et qui étaient fort répandus
dans l'Eglise primitive : ceux des langues, de prophétie et de guérison. Il faut noter cependant que dans les cinq listes
consacrées aux dons dans le NT, on dénombre pas moins de vingt dons
différents, et il existe sans doute beaucoup d'autres dont qui ne sont
pas mentionnés dans ces listes ! Dans les versets que nous avons lus, Paul ne
mentionne que cinq dons. Christ a donné les uns comme apôtres, les autres
comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme
pasteurs et docteurs. Les apôtres et les prophètes constituent le
fondement de l'Eglise. Selon les propos de l'apôtre, l'Eglise a été édifiée
"sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ
lui-même étant la pierre angulaire..." (2.20 ; 3.26). Les apôtres ont eu le privilège unique d'être des
témoins oculaires du Christ. Il s'agit des Douze choisit par le Christ, dont
Matthias qui a remplacé Judas, et auxquels à été ajouté l'apôtre
Paul. A ce titre, il n'y a plus d'apôtre aujourd'hui, pas
plus d'ailleurs que de prophète, le canon de l'Ecriture étant clôt
avec le dernier livre du NT, l'Apocalypse. Les apôtres et les prophètes constituent ensemble
le fondement de l'Eglise et les agents de la révélation de Dieu, et à
ce titre, ils n'ont pas de successeurs, car le fondement a déjà été
posé, et il n'y a plus de révélation aujourd'hui à côté de la
Bible. La Bible constitue l'unique Parole de Dieu, le seul
fondement sur lequel l'Eglise est appelée à s'édifier. Après les apôtres et les prophètes, Paul mentionne
les évangélistes, qui désigne des chrétiens ayant le don de prêcher
l'Evangile d'une manière particulièrement claire et appropriée aux
incroyants, et les pasteurs et docteurs. Le ministère pastoral, tout comme le ministère de
docteur, c'est-à-dire d'enseignant, sont de même des dons du Christ à
l'Eglise. Notez que c'est pour le service que les dons
spirituels sont donnés. Au verset 12 Paul indique que si le Christ a fait ces
dons à l'Eglise, c'est pour le perfectionnement des saints, cela en vue
de l’œuvre du service et de l'édification du corps de Christ. Les ministères institués dans l'Eglise ont en vue
l'édification et la croissance spirituelle de chacun. Les Réformateurs ont fortement insistés sur ce point : chaque chrétien est appelé à exercer ses dons dans l'Eglise. Le ministère n'est pas le privilège, la prérogative
d'une élite cléricale, mais bien plutôt la vocation de tout le peuple
de Dieu. Le modèle de l'Eglise dans la Bible n'est pas celui
de la pyramide, au sommet de laquelle trône le pasteur, au-dessus des
laïcs, pas plus que celui de l'autobus, dans lequel le pasteur fait
office de chauffeur et dirige tout pendant que les membres somnolent
paisiblement à l'arrière... Le modèle biblique est celui du corps dont chaque
membre a une fonction particulière, et contribue à l'édification de
l'ensemble. En résumé, c'est le Christ exalté qui distribue
ses dons à son Eglise. Ces dons sont de natures diverses, ceux d'enseigner
sont primordiaux ; leur but est d'équiper tous les chrétiens pour
l'exercice de leurs ministères particuliers, en vue de l'édification
du corps du Christ. Quatrième
et dernier point : 4. L’unité chrétienne réclame notre maturité (vv. 13-16) Dans les versets 13 à 16, l’apôtre développe ce
qu’il entend par édification du corps du Christ. Il s’agit d’un processus qui aboutit à l’unité
de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme
fait, à la mesure de la stature parfaite du Christ. Tel est l’objectif auquel l’Eglise parviendra un
jour et vers lequel elle doit tendre. Cette croissance vers la maturité concerne l'Eglise
dans son ensemble, et dépend des progrès de chacun de ses membres. Au lieu de vivre dans l'instabilité doctrinale, qui
est un signe d'immaturité, Paul nous exhorte à dire la vérité avec
amour afin de connaître la maturité chrétienne. Versets 14 et suivants. 14 Ainsi nous ne serons plus des enfants, flottants et entraînés à tout vent de doctrine, joués par les hommes avec leur fourberie et leurs manœuvres séductrices, 15 mais en disant la vérité avec amour, nous croîtrons à tous égards en celui qui est le chef, Christ. 16 De lui, le corps tout entier bien ordonné et cohérent, grâce à toutes les jointures qui le soutiennent fortement, tire son accroissement dans la mesure qui convient à chaque partie, et s'édifie lui-même dans l'amour. La Parole de Dieu nous invite à dépasser l’état
d’enfance spirituelle, notre immaturité en matière de foi, de
religion, afin de parvenir à une vraie maturité, à l’état adulte. La vie chrétienne consiste en un progrès perpétuel
dans l’amour et dans la sainteté. Paul invite les Ephésiens à dire la vérité dans
l’amour. Littéralement à vivre dans la vérité, à
conformer leur vie à la vérité de l’Evangile, afin d’œuvrer à
l’édification de l’Eglise. La vérité et l’amour sont les deux piliers de la
vie chrétienne. Telle est donc, en conclusion, la vision que Paul a
de l’Eglise. La nouvelle société fondée par Dieu doit
manifester l’amour, l’unité, la diversité et la maturité
croissante. Ce sont là les caractéristiques d’une vie digne
de la vocation que Dieu nous a adressée. Faisons nôtre cet idéal biblique de l’Eglise. Alors nous mènerons une vie qui en sera digne. Amen !
|