Prédication de Pentecôte

 Pasteur Vincent BRU

ERE Paris, dimanche 3 juin 2001

Textes : Ac 2.1-11 ; Gn 11.1-9 ; Jn 14.15-26

 

Chers frères et sœurs en Christ, la Fête de Pentecôte que nous célébrons aujourd’hui nous invite à nous souvenir de notre vocation en tant qu’Eglise et en tant que chrétiens.

Je dis bien de notre vocation, c’est-à-dire de notre raison d’être en ce monde.

Notre raison d’être et aussi notre responsabilité comme témoins du Christ ressuscité.

La fête de Pentecôte nous rappelle en effet que l’Eglise n’est pas une œuvre simplement humaine, mais que l’Eglise est une création d’en haut.

L’Eglise est une création de Dieu, de l’Esprit de Dieu qui est à l’œuvre dans l’Eglise et dans le monde.

La toute première Eglise chrétienne, le nouveau peuple de Dieu qu’est l’Eglise, voit le jour suite à l’effusion de l’Esprit Saint, comme l’avait annoncé le Christ ressuscité à ses Apôtres, juste avant son Ascension : « Mais vous recevrez une puissance, celle du Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusqu’au extrémités de la terre. » (Ac 1.8)

L’Evangile selon Jean que nous avons lu, fait aussi échos à cette promesse de Jésus concernant la venue du Saint Esprit après son départ : « Et moi, dit-il, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur qui soit éternellement avec vous, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu’il ne le veut pas et ne le connaît pas. » (Jn 14.16s).

Ainsi, la fête de Pentecôte, célébrée cinquante jours après Pâque, cette fête qui commémorait l’Alliance du Sinaï entre Dieu et Israël, et le don de la Loi, et qui réunissait à Jérusalem des foules juives venues de nombreux pays, la fête de Pentecôte va être le théâtre du don initial de l’Esprit par Jésus, comme il l’avait promis.

Alors, chers amis, je voudrais ce matin attirer votre attention sur ce qui constitue l’actualité permanente de cette fête de Pentecôte, et plus particulièrement  pour nous aujourd’hui, nous qui souhaitons relever le défi de la mission que le Seigneur a confiée à l’Eglise, le défi du témoignage et de la  présence de l’Eglise au sein d’un monde qui en a tant besoin.

Je vous invite, à ce titre, à considérer la façon dont l’Esprit Saint est à l’œuvre dans notre vie et dans la vie de l’Eglise, et quels sont les signes de sa présence.

Si l’on s’en tient au récit du livre des Actes des Apôtres que nous avons lu, trois mots semblent bien caractériser l’action du Saint Esprit dans nos vies, depuis la première Pentecôte chrétienne : le vent, le feu et la parole ou le témoignage.

 

I. Le vent

Le vent tout d’abord.

V. 2 : « Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d’un souffle violent qui remplit toute la maison où ils étaient assis ».

Le premier signe de la présence de l’Esprit le jour de la Pentecôte, et dans la vie du peuple de Dieu, c’est le vent, ou plus exactement un « souffle violent qui remplit toute la maison ».

L’Esprit de Dieu, lorsqu’il est à l’œuvre dans le monde, n’est pas semblable à une brise légère ou à un doux vent d’été.

L’Esprit Saint est bien plutôt tel un vent violent, un ouragan, ou telle une tornade.

Le vent de l’Esprit, quand souffle, est puissant et terrifiant, et lorsqu’il se manifeste, les choses ne peuvent plus rester comme avant.

La présence de l’Esprit Saint apporte un changement radical dans le cours ordinaire des choses, et constitue une puissance de guérison et de délivrance extraordinaire contre toutes les forces du mal, car c’est elle qui accomplit le dessein de Dieu dans ce monde.

Rappelez-vous Moïse au Mont Sinaï, lorsque Dieu apparu au peuple tout entier dans une théophanie terrifiante : « Le troisième jour au matin, il y eut du tonnerre, des éclairs et une épaisse nuée sur la montagne ; le son du cor retentit fortement ; et tout le peuple qui était dans le camp se mit à trembler … Ainsi l’Eternel descendit sur le mont Sinaï, sur le sommet de la montagne » (Ex. 19.16, 20a).

Le don de l’Esprit le jour de la Pentecôte réactualise la manifestation de Dieu lors de l’alliance du Sinaï.

Le souffle violent qui remplit toute la maison fait écho au tonnerre et aux éclairs sur la montagne.

Le vent de l’Esprit n’a rien d’un souffle doux et léger.

Dans l’A.T. le mot traduit par « vent » a plusieurs significations.

Tantôt il désigne le « vent », tantôt le « souffle », et d’autres fois l’ « esprit ». Le même mot hébreu est utilisé à chaque fois.

Ainsi, en Gn 1.2 il est dit qu’au moment de la Création « l’Esprit ou le souffle ou le vent de Dieu planait au-dessus des eaux ».

Et c’est ainsi que le monde, l’Univers tout entier avec toutes ses galaxies et toutes ses créatures, est le résultat de l’action créatrice de l’Esprit de Dieu, du souffle de Dieu, du vent de Dieu.

De même, en Gn 2.7 nous lisons que « l’Eternel Dieu forma l’homme de la poussière du sol ; il insuffla dans ses narines un souffle vital, et l’homme devint un être vivant. »

Le souffle puissant de Dieu, le vent vigoureux de Dieu, la force vivifiante de l’Esprit de Dieu apporte la Vie.

Souvenez-vous de la vision d’Ezéchiel, la vallée des ossements desséchés (Ez 37.1ss).

Une armée entière d’hommes avait péri dans cette vallée, et il ne restait plus que leurs cadavres décomposés, des ossements dispersés à même le sol, inertes et sans le moindre souffle de vie.

Dans sa vision, Dieu demande à Ezéchiel de prophétiser sur ses ossements desséchés, et tandis qu’il prophétise quelque chose d’extraordinaire arrive.

Les ossements se mettent à bouger et à se joindre les uns aux autres, formant des squelettes humains.

Miraculeusement, les muscles et la chair se forment sur chaque squelette, mais ceux-ci, nous dit le texte, étaient encore sans vie.

Alors le Seigneur dit à Ezéchiel : « Prophétise et parle à l’Esprit … Tu diras à l’Esprit : Ainsi parle le Seigneur, l’Eternel : Esprit, viens des quatre vents, souffle sur ces morts, et qu’ils revivent ! » (v. 9).

Alors le prophète invoqua l’« Esprit de Dieu » afin qu’il souffle sur ces corps inertes et leur redonne vie. Et pendant qu’il parlait, la chose arriva : « L’Esprit vint en eux, ils reprirent vie et se tinrent sur leurs pieds. » (v. 10)

Et c’est ainsi que la puissance de l’Esprit de Dieu, le souffle ou le vent vivifiant de Dieu redonna vie à une vallée d’ossements desséchés !

Et c’est ainsi aussi que l’Esprit de Dieu nous a redonné vie, à nous qui étions spirituellement morts.

Car c’est ainsi aussi que le souffle de Dieu, l’Esprit de Dieu nous fait ressusciter avec le Christ et devenir de nouvelles créatures, comme on peut le lire sous la plume de l’Apôtre Paul dans son Epître aux Ephésiens : « Pour vous, vous étiez morts par vos fautes et par vos péchés … Mais Dieu est riche en miséricorde, et à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts par nos fautes, il nous a rendus à la vie avec le Christ » (Ep 2.1, 4).

Le vent de Dieu, lorsqu’il souffle, nous fait mettre debout et change notre comportement, nos habitudes, pour nous faire naître à la vie nouvelle, en communion avec le Christ ressuscité.

L’Esprit de Dieu lorsqu’il est à l’œuvre dans notre vie, dans la vie de l’Eglise, ne nous laisse pas intact : il renouvelle notre zèle pour le témoignage, et gonfle les voiles de notre amour pour le Christ et pour son Royaume.

 

II. Le feu

Le second signe par lequel l’Esprit de Dieu manifeste sa présence dans nos vies, c’est le feu.

Verset 3 : « Des langues qui semblaient de feu et qui se séparaient les unes des autres leur apparurent ; elles se posèrent sur chacun d’eux. »

Notez que le feu dont il est question ici n’a que peu de chose à voir avec une flamme légère et inoffensive d’une bougie.

Le feu de l’Esprit, lorsqu’il embrase le cœur d’un homme, ne le laisse pas intact, mais il le purifie de l’intérieur comme l’or ou l’argent sont purifiés dans la fournaise ardente d’un haut fourneau.

Ainsi s’exprime le Prophète Malachie : « Ml 3.2  Qui pourra soutenir le jour de sa venue ? Qui restera debout quand il paraîtra ? Car il sera comme le feu du fondeur, Comme la potasse des foulons. Ml 3.3  Il s'assiéra, fondra et purifiera l'argent ; Il purifiera les fils de Lévi, Il les épurera comme on épure l'or et l'argent, Et ils présenteront à l'Éternel des offrandes avec justice. »

Rappelez-vous la vision d’Esaïe.

Le Prophète voit le Seigneur assis sur un trône très élevé, et les pans de sa robe remplissaient le temple. Au-dessus de lui se trouvent les Séraphins qui crient l’un à l’autre : « Saint, saint, saint est l’Eternel des armées, toute la terre est pleine de sa gloire ! »

Alors Esaïe s’écrit : « Malheur à moi ! Je suis perdu, car je suis un homme dont les lèvres sont impures, et mes yeux ont vu le Roi, l’Eternel des armées. » (Es. 6 : 5)

Verset 6 : « L’un des Séraphins vola vers moi, tenant à la main une braise qu’il avait prise sur l’autel avec des pincettes. Il toucha ma bouche et dit : Ceci a touché tes lèvres ; ta faute est enlevée, et ton péché est expié. » (vv. 6s)

Et c’est ainsi que le feu brûlant de Dieu, le feu consumant et dévorant de l’Esprit de Dieu a purifié Esaïe, afin de le rendre apte à sa mission.

Rappelez-vous Moïse et l’épisode du Buisson ardent.

Moïse voit un buisson en feu dans le désert, mais le buisson ne se consume pas.

A cette vision Moïse est rempli d’effroi, et enlève ses sandales de ses pieds, car le lieu sur lequel il se tient est une terre sainte, parce que Dieu lui-même est dans le buisson.

Plus tard, Dieu apparaîtra de nouveau à Moïse et à tout le peuple, sur le Mont Sinaï, et là encore, c’est sous la forme d’un feu dévorant qu’il se manifestera.

Ex. 19.18 : « Le mont Sinaï était tout en fumée, parce que l’Eternel y était descendu au milieu du feu ; cette fumée s’élevait comme la fumée d’une fournaise, et toute la montagne tremblait avec violence. »

Et en Ex 24.17  nous lisons : « L'aspect de la gloire de l'Éternel était comme un feu dévorant sur le sommet de la montagne, aux yeux des enfants d'Israël. »

Je lis de même De 4.24 : « Car l'Éternel, ton Dieu, est un feu dévorant, un Dieu jaloux. »

Et au Ps 50:3  « Il vient, notre Dieu, il ne reste pas en silence ; Devant lui est un feu dévorant, Autour de lui une violente tempête. »

Le feu qui a purifié Esaïe et qui a rempli Moïse d’effroi, le feu dévorant de Dieu qui accompagnait la plupart des théophanies dans l’AT, c’est ce feu là qui est descendu le jour de la Pentecôte, et qui a revêtu de puissance et a purifié les disciples timorés de Jésus, dans l’attente de la manifestation de ses promesses.

C’est ainsi que la flamme purifiante du Saint Esprit fait et veut faire de nous des êtres nouveaux, appelés à la sainteté.

 

III. La parole

La troisième manifestation, le troisième signe de la présence de l’Esprit de Dieu est la parole ou le témoignage.

V. 4 : « Ils furent tous remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer. »

Le point important ici, c’est que le don de l’Esprit a été immédiatement suivi par le témoignage des Apôtres et la proclamation publique de l’Evangile.

Eux qui, durant les cinquante jours qui séparent Pâques de Pentecôte, s’étaient retranchés dans le secret d’une chambre haute, à l’abri des moqueries et des persécutions, voilà que tout à coup ils se mettent à parler à haute voix dans toutes sortes de langues, de sorte que la multitude qui était là présente les entendait parler dans leurs langues des merveilles de Dieu !

Quel spectaculaire retournement, n’est-ce pas !

C’est que la présence du Saint Esprit a pour résultat premier l’annonce de la Bonne Nouvelle, la proclamation de l’Evangile à tous les habitants de la terre, préfiguré par ces quelques trois milles âmes qui se sont converties suite à la prédication de l’Apôtre Pierre.

Depuis le jour de la Pentecôte, l'Eglise est investie d'une mission : "Allez, faites de toutes les nations des disciples. Baptisez-les au nom de Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez leur à faire tout ce que je vous ai prescrit " (Mt 28).

La vocation de l'Eglise, sa fonction spécifique est de proclamer la royauté de son Seigneur et de hâter le jour de son avènement par son activité missionnaire, et ce, par la puissance de l'Esprit Saint : « Vous recevrez une puissance, celle du Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre ». (Act.1.8 ; cf. Mt 24.14).

La Pentecôte est le point de départ de l'évangélisation du monde, de la conquête du monde par le Christ, au-delà des frontières d'Israël.

L'Eglise, chers amis, ne vit que du témoignage d'hommes et de femmes qui ont saisi la puissance et la richesse inégalée de l'Evangile de la résurrection de Jésus-Christ.

Lorsque l'Eglise, sous prétexte de vouloir gagner du terrain, s’emploie à utiliser d'autres moyens que la proclamation de l'Evangile, que le témoignage modeste, mais plein d'espérance, rendu à la seigneurie de Jésus-Christ, lorsque l'Eglise ne se préoccupe plus d'abord du message central qu'elle est appelée à rendre devant tous les peuples, il est alors fort à craindre qu'elle ne perde toute sa raison d'être, comme aussi ce qui fait sa force.

Ce qui fait notre force, chers amis, ce qui fait la force inébranlable du peuple de Dieu, c’est son enracinement en Christ, c’est sa soumission à la Parole du Christ, à la Bible, aux témoignages des Prophètes et des Apôtres., ainsi que sa dépendance absolue vis-à-vis de Dieu et de l’Esprit Saint.

 

Alors en conclusion je dirai ceci.

Qu’est-ce qui nous permet de dire que l’Esprit de Dieu est à l’œuvre dans nos vies et dans la vie de l’Eglise ?

Lorsque l’Eglise rend témoignage à Jésus-Christ, lorsqu’elle témoigne de son amour et de sa résurrection, nous voyons la présence de l’Esprit de Dieu.

Dans l’Eglise des premiers siècles comme dans celle de tous les temps, l’Esprit Saint manifeste sa présence par le vent de sa puissance, le feu qui purifie, et la parole par laquelle le Christ prend possession de son Royaume.

Connaissez-vous cette présence dans votre vie ?

Sachons donc, frères et sœurs, nous mettre à l’écoute du Saint Esprit.

Soyons, comme nous y invite cette fête de Pentecôte, remplis de l’Esprit.

Comment cela ? Et bien tout d’abord en laissant celui-ci agir en nous, en invoquant sa présence, afin qu’il nous communique, aujourd’hui encore, son vent puissant, son feu purifiant, et son zèle pour le témoignage, afin que la seigneurie du Christ soit reconnue par tous, jusqu’à ce qu’il vienne.

 

Prions le Seigneur.

Seigneur, tu nous as donné ton Esprit, tu nous as communiqué ton souffle puissant, ton feu dévorant et tu as mis sur nos lèvres ta parole de vie.

Pardonne-nous notre manque de zèle, notre manque d’enthousiasme pour ton Royaume et pour les choses de la Foi.

En ce jour de Pentecôte, tu nous appelles à aller de l’avant, à lever les voiles vers le grand large, à ne pas rester immobiles sur nos chaises, mais à sortir dans les rues pour témoigner de ton amour et de ta résurrection.

Renouvelle en nous ton Esprit Saint, afin que nous sachions nous montrer digne de la vocation que tu nous adresse à chacun.

Convertis nos cœurs à toi, de sorte que nous sachions te servir et te louer. Dans le nom de Jésus, notre Seigneur. AMEN !