MARIAGE ET PACS : le couple à deux vitesses

Professeur Michel Johner

 Professeur d'éthique à la Faculté Libre de Théologie Réformée d'Aix en Provence

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Cuc, Cucs, Cus, Pic et Pacs ! On a rarement vu, de mémoire de parlementaire, projet législatif soumis à tant de métamorphoses successives. Mais le contenu de ces propositions législatives reste à peu de choses prés identique : la reconnaissance juridique d'une « union civile », donnant aux contractants un statut et des droits équivalents à ceux que confère le mariage (hormis la filiation), sans leur en donner, en contrepartie, l'ensemble des devoirs. Avec le Pacs, serait reconnu, à côté du mariage traditionnel, un «sous-mariage", qui premièrement serait susceptible d'être rompu de façon libre et unilatérale, et deuxièmement échapperait à la condition de la différence des sexes.

Au travers du Pacs, il s'agit aussi, pour le couple homosexuel, d'obtenir une forme de respectabilité devant la Loi. On a ici affaire, de toute évidence, à une demande de reconnaissance publique de la conjugalité homosexuelle.

Sous l'éclairage biblique et évangélique, ce projet législatif pourrait faire l'objet de nombreuses critiques. Nous nous limiterons, dans ces quelques lignes, à souligner ses faiblesses les plus saillantes.

La dissolution unilatérale de l'union Il est manifeste que le pacte proposé ne représente pas, pour les partenaires, un coengagement comparable à celui qui lie les époux par le mariage. Il faut ici souligner la facilité avec laquelle le pacte de solidarité pourrait être rompu, et de façon unilatérale ! La dissolution administrative de l'union est laissée à l'initiative discrétionnaire d'un des deux partenaires. Le rôle du magistrat ou de l'officier d'état civil se limite à signifier la rupture au cocontractant. Ce qui a fait dire aux adversaires du Pacs que cette loi aurait pour effet de réintroduire dans le code civil une pratique ancestrale et archaïque (avec laquelle toute société civilisée a depuis longtemps rompu) qui s'appelle la répudiation !

A la différence du marié, le « pacsé » reste maître de la durée du lien qui l'unit à son partenaire. L'amour don de soi Sous l'éclairage biblique, les objections qui doivent être faites à cette idée du couple sont identiques à celles qui peuvent être adressées de façon générale, à l'idéologie de l'amour libre.

Au coeur de l'union conjugale, à laquelle hommes et femmes sont appelés par l'Evangile, se trouve le don de soi : « Maris, aimez chacun votre femme comme le Christ a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour elle ! » (Ep 5.25). Or, ce don ne peut être authentique que s'il est total et sans réserve ! Là où le don est partiel ou limité, il n'est plus, ou menacé de devenir un calcul, une relation « économique » dans laquelle les partenaires ne se donnent plus, à proprement parler, mais se « prêtent » l'un à l'autre, de façon momentanée. On passe rapidement de la perspective   évangélique du don à la perspective économique du prêt !

Comme l'a dit le pasteur Maillot, « au regard de l'Evangile, il n'y a pas d'alliance vraie, ou d'amour vrai, si on les met au pluriel, et si on ne sait pas offrir à celui ou à celle qu'on aime, non seulement son passé, son présent, mais surtout son avenir, c'est-à-dire son devenir et sa liberté ! »

 

La nature hétérosexuelle du couple

Dans sa version homosexuelle, le Pacs appelle une critique plus fondamentale, sur laquelle nombre de sociologues, psychologues, philosophes et théologiens s'accordent : c'est que dans une humanité faite d'hommes et de femmes, le lien social fondateur implique un degré minimal d'exogamie, qu'une relation homosexuelle n'atteint pas.

Pour une société, reconnaître la conjugalité homosexuelle ce serait, disent-ils, entériner l'éclatement du tissu social en une constellation de communautés distinctes et autonomes, entériner l'enfermement d'une partie de l'humanité dans sa particularité, à l'exclusion de l'autre. Comme le dit le psychanalyste Tony Anatrella, « instituer l'homosexualité, ce serait légitimer la négation de la différence fondamentale à partir de laquelle toutes les autres deviennent possibles »!

La théologie protestante contemporaine reste elle aussi très attachée à cette idée d'altérité. Comme le dit J.-F. Collange, « confondre conditions homosexuelle et hétérosexuelle, c'est tomber dans le piège du mélange et de la confusion, c'est ne plus voir que ce qui constitue fondamentalement la société des humains et leur humanité, c'est là (les) différences qui la (les) traverse(nt), et dont la différence sexuelle est - avec celle qui sépare les humains de Dieu lui-même - la plus marquante ».

Sur le plan biblique, les paroles de l'apôtre Paul sur l'homosexualité, au premier chapitre de l'Epître aux Romains, sont, à cet égard, particulièrement significatives, puisqu'elles établissent, sur le plan symbolique, un rapprochement entre homosexualité et idolâtrie (Rm 1.18-32)... comme si une relation homosexuelle était la représentation symbolique de ce qu'est l'idolâtrie sur le plan spirituel : à savoir refus de l'altérité, amour du semblable.

De même, dans le Genèse, la création de l'homme à l'image de Dieu, implique une semblable communion dans l'altérité : c'est « masculin et féminin » que l'homme est crée à l'image de Dieu ! (Gn 1.27). La communion de l'homme et de la femme (dans leur altérité sexuelle) est posée comme un des lieux privilégiés ou se visibilise la ressemblance de Dieu.

Dans cette perspective, seule la relation d'un homme et d'une femme peut être qualifiée de couple, au sens fort du terme, car elle seule intériorise la différence sexuelle et s'épanouit dans l'expérience de l'altérité.

 

La reconnaissance publique

Pour cette raison, la société ne saurait reconnaître comme équivalentes les conjugalités hétéro ou homosexuelles. La vocation du droit civil, dans une perspective chrétienne, ne se réduit pas à la simple gestion des désirs privés. Comme le dit le sociologue I. Théry, le droit a aussi, et peut-être d'abord, une fonction instituante : il contribue à mettre en place, dans le langage de la loi commune, un certain nombre de distinctions anthropologiques majeures, qui dessinent un ordre symbolique indispensable à la construction des sociétés comme des individus qui la composent.

Pour la société, une chose est de permettre à des personnes qui ne peuvent se marier de vivre ensemble, et d'aplanir les difficultés qu'elles peuvent rencontrer..., une autre chose est de jouer de la force symbolique de la Loi pour institutionnaliser une égalité entre couple hétéro et homosexuels, qui impliquerait la négation des distinctions nécessaires à la construction et à l'épanouissement du lien social.

Derrière l'argumentation égalitaire, qui défend le Pacs au nom des droits de l'homme et de la non-discrimination, se dissimule une profonde erreur de perspective : la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles est confondue avec celle de l'homosexualité, en tant que modèle de relations sociales.

Pour la Cour européenne des droits de l'homme, les homosexuels et les hétérosexuels doivent certes être égaux en droit en tant que personnes !

Mais un véritable saut qualitatif sépare la protection de l'individu homosexuel (contre les discriminations qui pourraient être liées à ses moeurs) et la reconnaissance légale du couple homosexuel, en tant que tel : qui est nullement impliquée par le « droit au mariage » dont il est question dans l'article 16 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Ainsi que le déclare la conférence des évêques de France, « si les homosexuels doivent être accueillis et écoutés (en tant que personnes), leur mode de vie n'a pas à devenir, à travers la Loi, une référence sociale ».

 

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